Cancers de l endomètre : quelle imagerie ?

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Cancers de l’endomètre : quelle imagerie ?
Endometrial carcinoma:
● S. Taïeb*, S. Moisan*, F. Narducci**, A. Chevalier**, L. Ceugnart*, E. Leblanc**
L
‘
incidence du cancer de l’endomètre était, en 1995,
d ’ e nviron 4 600 cas. Ce qui le place chez la femme au
troisième rang après le cancer du sein et les cancers
colorectaux. Le taux d’incidence standardisé à la population européenne est de 13,6 pour 100 000 femmes (1). En 1988, la
Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique (FIGO)
a recommandé la réalisation d’une stadification chirurgicale dans
le cancer de l’endomètre (tableau I) (2). Le passage d’une stadification clinique à une stadification chirurgicale était motivé par
l’imprécision de l’évaluation clinique (sous-estimation dans 13 à
22% des cas), et par l’absence d’évaluation ganglionnaire (3).
La circonstance de découverte la plus fréquente est la survenue de
métrorragies, avec un pic de fréquence entre 55 et 65 ans. Sur le
plan épidémiologique, on considère qu’il existe deux types de
cancers de l’endomètre. Un type estrogénodépendant de grade
1,2) qui survient en pré- et périménopause, et un type estrogénoindépendant, plus agressif (carcinome endométrioïde de grade 3,
carcinome séreux ou à cellules claires) survenant en postménopause (1, 4). Par ailleurs, le tamoxifène, largement utilisé pour son
traitement protecteur vis-à-vis du cancer du sein, a un effet estrogène-like sur l’endomètre. Son utilisation entraîne une augmentation du risque de développer un cancer de l’endomètre (5, 6).
Le pronostic des cancers de l’endomètre est lié au stade, à la profondeur d’invasion du myomètre, au grade histologique et à la
présence de ganglions métastatiques (7-9). De plus, le risque de
métastases ganglionnaires est corrélé au grade histologique et à la
profondeur d’infiltration au myomètre (8). Le traitement est chirurgical en cas d’opérabilité (87% des cas) : hystérectomie totale
avec annexectomie bilatérale, cytologie péritonéale, exploration
abdominopelvienne et stadification ganglionnaire pelvienne et/ou
aortique dans certains cas ( 4 ). La radiothérapie (externe et/ou
curiethérapie) sera proposée en fonction du stade et des données
histologiques ( 1 0 ).
L’objectif de ce travail est, au travers des données récentes de la
littérature, de préciser l’apport des différentes techniques d’imagerie : échographie, hystérosonographie (HSN), tomodensitométrie
(TDM) et imagerie par résonance magnétique (IRM) dans le cancer de l’endomètre au diagnostic, lors du bilan d’extension, enfin,
lors du suivi post-thérapeutique.
* Département d’imagerie, centre Oscar-Lambret, Lille.
** Service d’oncologie gynécologique, centre Oscar-Lambret, 3, rue FrédéricCombemale 59000 Lille.
La Lettre du Gynécologue - n° 293 - juin 2004
DIAGNOSTIC DU CANCER DE L’ENDOMÈTRE
Il est admis qu’il n’y a pas lieu de réaliser un dépistage systématique des cancers de l’endomètre, même en cas de prise de
tamoxifène (11-13).
Devant un saignement anormal, le premier examen à réaliser
est une échographie pelvienne (14) qui comprendra un temps
d’exploration suspubien, endocavitaire si possible et doppler
des artères utérines et du contenu utérin. La sensibilité et la
spécificité de l’échographie concernant l’atrophie endométriale
et sa capacité à détecter un épaississement endométrial sont
excellentes (15). Lors de métrorragies postménopausiques, une
épaisseur de l’endomètre inférieure à 5 mm est corrélée à
moins de 1 % de cancers. À l’inverse, une épaisseur supérieure
à 5 mm est corrélée à une pathologie organique de l’endomètre
(sans préjuger de sa nature) avec une sensibilité de 89 à 97 %
et une spécificité de 83 à 94 %. On considère que les valeurs
normales de l’épaisseur de l’endomètre sont : inférieures à
5 mm en postménopause non traitée et en première partie de
cycle artificiel en cas de traitement hormonal de substitution,
et inférieures à 10 mm avant J8 en préménopause. Dans ces
trois situations, l’endomètre normal est hypoéchogène et présente des contours réguliers. Le doppler des artères utérines
objective des flux de moyenne résistance variant avec la date
du cycle, témoignant de l’imprégnation hormonale en préménopause et sous THS, et une augmentation des résistances en
postménopause non traitée. On ne visualise pas de signal vasculaire dans un endomètre normal. On retiendra donc en
faveur d’une lésion néoplasique les éléments suivants :
– une épaisseur de l’endomètre supérieure à 15 mm ;
– un endomètre hétérogène surtout si la ligne cavitaire et/ou
l’interface myomètre/endomètre est irrégulière ;
– enfin, la présence d’une vascularisation anarchique intracavitaire. Il n’existe cependant pas de valeurs seuils en doppler.
Dans les situations intermédiaires, la réalisation d’une hystérosonographie : instillation de sérum physiologique par un cathéter positionné dans l’orifice cervical peut permettre de différencier un polype d’une hyperplasie endométriale ou d’une
lésion néoplasique (figure 1). Néanmoins, elle peut être de
réalisation difficile en postménopause (sténose du col utérin),
elle n’évite pas le recours à l’hystéroscopie – curetage à la
recherche d’atypies cellulaires – elle peut être source
13
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d ’ i n f e c t ion et enfin, en cas de lésion
néoplasique, elle peut être responsable
(tout comme l’hysteroscopie) d’une dissémination péritonéale de cellules
malignes potentiellement viables. Pour
ce dernier point, il semble s’agir plus
d’un risque théorique que réellement
néfaste.
Dans tous les cas, ces deux examens ont
une simple valeur d’orientation diagnostique et ne peuvent en aucune façon permettre de se dispenser d’une preuve hisb
a
tologique obtenue, soit par biopsie de
l’endomètre, soit par curetage. L’hysté- Figure 1. Patiente de 67 ans. Pas de THS. Métrorragies postménopausiques.
rosalpingographie n’a plus d’indication 1a. Épaississement de l’endomètre : 9,6 mm.
dans la pathologie endométriale. La 1b. Hystérosonographie : muqueuse irrégulière. Carcinome endométrial à l’histologie.
TDM ou l’IRM ne sont pas indiquées
dans le bilan initial de métrorragies.
BILAN D’EXTENSION D’UN
CANCER HISTOLOGIQUEMENT
PROUVÉ
Une méta-analyse récente (16) c o m p arant l’échographie, la tomodensitométrie
et l’IRM, comprenant une étude en pondération T2 et une étude dynamique lors
de l’injection de contraste, a montré la
supériorité de cette dernière pour l’évab
a
luation préthérapeutique des cancers de
Figure
2.
Patiente
de
55
ans.
Bilan
d’extension
d’un
cancer
de
l’endomètre.
l’endomètre. L’IRM permet une bonne
évaluation de la profondeur de l’infiltra- 2a. Coupe sagittale, pondération T2 : élargissement de l’endomètre. Mauvaise délimitation
tion au myomètre (figures 2 et 3) : sensi- endomètre-myomètre.
bilité variant de 85 à 100% et spécificité 2b. Coupe sagittale, après injection de contraste : présence d’une infiltration au myomètre,
de 60 à 100 % pour la détection d’une ne dépassant pas 50 % de celui-ci : stade IB, confirmé lors de l’intervention.
infiltration, sensibilité variant de 63 à
90 % et spécificité de 88 à 100 % pour
CONCLUSION
l’évaluation de la profondeur de l’infiltration (17). L’évaluation de
l’extension cervicale et aux paramètres est également fiable : valeur
Si l’IRM permet de dépister les stades localement avancés non
prédictive négative : 93 à 98% ; précision : 92% (16). L’aspect des
soupçonnés par l’examen clinique et de réaliser le bilan d’extenlésions en IRM est maintenant bien codifiée (tableau I).
sion chez les rares patientes non opérables, on peut légitimement
Concernant l’extension ganglionnaire, les performances de l’IRM
s’interroger sur l’utilité du bilan d’imagerie préthérapeutique
sont identiques à celles du scanner : la limite de ces deux examens
lorsque l’indication thérapeutique est chirurgicale. L’évaluation
étant lié au critère de positivité fondé sur la taille des ganglions. Or
préopératoire des facteurs dont dépendent les indications thérapeul’augmentation de volume des ganglions peut être d’origine inflamtiques : choix de la voie d’abord chirurgicale (haute ou basse selon
matoire ou hyperplasique ; de même des ganglions morphologil’atteinte du myomètre), radiothérapie première en cas d’extension
quement normaux peuvent contenir des micrométastases.
paramétriale rend cette évaluation indispensable. L’IRM compreUn bilan d’extension thoracique et hépatique réalisé au mieux par
nant des séquences en pondération T2 et une étude dynamique
tomodensitométrie est indiqué en cas de suspicion de stade IVB.
après injection de contraste en est la meilleure modalité.
SUIVI POST-THÉRAPEUTIQUE
R ÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
On ne réalise pas d’imagerie systématique chez les patientes
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14
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b
a
Figure 3. Patiente de 68 ans. Bilan d’extension d’un cancer de l’endomètre.
3a. Coupe sagittale, pondération T2 : volumineuse lésion comblant la totalité de l’endocol avec
rétention endocavitaire (hyper-signal).
3b. Coupe sagittale après injection de contraste. Infiltration du stroma cervical jusqu'à la séreuse.
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Tableau I. Stade FIGO et correspondances IRM.
Stade FIGO
LÉSIONS
ASPECT IRM
Stade 0
Stade I
IA
IB
I B1
I B2
Carcinome in situ
Tumeur intracervicale
Micro invasive
Invasif clinique >5 mm
Diamètre 4 cm
Diamètre > 4 cm
Pas de tumeur visible
Stade II
II A
II B
.
Extension vagin ou paramètres limitée
Extension vaginale limitée au deux tiers supérieurs
Extension paramétriale non fixée
Stade III
III A
III B
Extension vag. ou paramètres étendue
Extension au tiers inférieur du vagin
Extension à la paroi pelvienne et
aux uretères (hydronéphrose, rein muet)
Stade IV
IV A
IV B
Extension intra- et extrapelvienne
Atteinte vessie et rectum (muqueuses)
Métastases
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Pas de tumeur visible
Tumeur visible et mesurable précisément
Pas de rupture de l’hyposignal T2
péritumoral ou rupture très limitée
Stroma cervical péritumoral intact
Signal anormal des parois vaginales au deux tiers
supérieurs. Rupture complète de l’hyposignal
(T2) du stroma cervical avec extension
tumorale intra-paramétriale
Signal anormal des parois vaginales
étendu au tiers inférieur
Infiltration des muscles pyramidaux,
obturateurs internes, uretère dilaté
Anomalie du signal des parois vésicales
ou rectales
Lésions à distance
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