SI AUCUNE ÉTUDE RANDOMISÉE N’A ÉTÉ PUBLIÉE, EXISTE-T-IL
DES ÉTUDES PILOTES QUI ONT MONTRÉ L’INTÉRÊT DU
SCANNER POUR LA DÉTECTION DU CANCER BRONCHIQUE ?
Plusieurs études de cohortes, sans groupe contrôle, ont permis
d’évaluer le scanner à faible dose.
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●Les Japonais ont, les premiers, montré la grande sensibilité du
scanner, capable de détecter des cancers à des stades précoces, dont
le diamètre moyen est inférieur à 20 mm. Trois grandes séries japo-
naises (9-11) ont inclus des hommes et des femmes de plus de
40 ans, fumeurs et non fumeurs. Sur un total de 15 050 scanners
initiaux, 6,6 % montraient des anomalies, parmi lesquelles 71 can-
cers furent identifiés. Dans ces trois études, la prévalence du cancer
bronchique allait de 0,4 % à 0,8 % et son incidence de 0,1 % à
0,6 %. Le taux de stades I était de 77 à 100 %.
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●L’étude Early Lung Cancer Action Program (ELCAP) a inclus
1000 sujets volontaires, âgés d’au moins 60 ans, fumeurs ou anciens
fumeurs consommant au moins 10 paquets-année. Ils ont bénéficié
d’une radiographie pulmonaire et d’un scanner hélicoïdal à faible
dose. Lors du scanner initial, 1 à 6 nodules pulmonaires non calcifiés
ont été détectés chez 233 sujets. Seuls 33 nodules avaient été détec-
tés par la radiographie. Le diagnostic de cancer a été retenu chez
27 sujets, dont 23 cancers de stade I et 26 cancers résécables, soit
une prévalence du cancer bronchique de 2,7 % par scanner, contre
0,7 % par la radiographie (12). Après un an de suivi, des nodules
pulmonaires non calcifiés ont été détectés chez 4 % des sujets inclus,
dont 1,1 % de nodules malins et 1 % de cancers de stade Ia (13).
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●Le New Mayo Lung Project a été mis en place en 1999 pour
évaluer le dépistage du cancer par le scanner à faible dose et par
la cytologie de l’expectoration (14). Il s’agissait de femmes et
d’hommes ayant un passé tabagique d’au moins 20 paquets-année
(61 % de fumeurs et 39 % d’anciens fumeurs). Un an après, au moins
un nodule pulmonaire non calcifié de plus de 3 mm de diamètre était
détecté chez 51 % des 1 520 sujets inclus dans l’étude (785 hommes
et 735 femmes, âgés de plus de 50 ans). Le nombre plus important
de nodules détectés s’explique par le caractère plus récent de cette
étude, utilisant des scanners à multidétecteur. Il s’agissait d’un can-
cer chez 1,8 % des personnes incluses. Nous disposons des résul-
tats à 5 ans (15). Les scanners répétés ont été pratiqués chez 98 % des
sujets à un an, chez 96 % à 2 ans, chez 95 % à 3 ans et chez 819 sujets
à 4 ans. Au total, 3 356 nodules ont été découverts : 61 % étaient de
moins de 4 mm, 34 % de 4 à 7 mm et 5 % de 8 à 20 mm. Soixante-
trois cancers bronchiques ont été découverts chez 63 sujets :
30 cancers prévalents, 30 cancers incidents et 3 cancers apparus
dans l’intervalle. Le scanner a découvert 60 cancers et l’examen
cytologique de l’expectoration, 3 cancers. Soixante-huit pour cent
des cancers prévalents et 71 % des cancers incidents étaient des
carcinomes non à petites cellules de stade I. Cinquante-trois résec-
tions ont été pratiquées. Douze patients ont été opérés pour des
tumeurs bénignes.
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●En Allemagne, les résultats de Diederich et al. sont similaires
à ceux du Mayo Lung Project (16). Sur les 817 sujets inclus, fumeurs
de plus de 20 paquets-année, 43 % avaient des nodules sur le
scanner initial. Parmi ceux-ci, 29 sujets ont eu une biopsie d’un
nodule : 10 cancers ont été diagnostiqués, auxquels il faut ajou-
ter un cancer diagnostiqué dans l’intervalle.
Au total, ces études pilotes montrent que le scanner thoracique est
capable de détecter des tumeurs bronchiques de façon précoce.
Elles ne permettent pas de démontrer que le scanner thoracique est
susceptible de diminuer la mortalité spécifique par cancer bron-
chique. Seules des études randomisées permettront de le faire.
Une autre conclusion importante de ces études concerne la relation
entre la taille des nodules et l’incidence des cancers : parmi les
nodules de moins de 5 mm, il n’existe pratiquement pas de cancer.
Ils ne justifient pas de suivi.
En France, le programme DEPISCAN, né d’une collaboration entre
l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm),
la Société française de radiologie (SFR) et la Société de pneumo-
logie de langue française (SPLF), est une phase pilote construite
sur un modèle similaire à celui du NLST. Son objectif principal
était de tester la faisabilité d’une possible étude randomisée (scan-
ner versus radiographie thoracique) auprès de 1 000 fumeurs ou
ex-fumeurs de plus de 50 ans suivis pendant deux ans. Le recru-
tement des sujets a été assuré par 130 médecins généralistes auprès
de 14 centres hospitaliers universitaires et généraux, ainsi que dans
des centres privés, répartis sur le territoire français. L’évaluation
concernait les aspects relatifs à la sécurité des patients, à l’impact
du dépistage sur leur qualité de vie et sur leur consommation de
tabac, ainsi que les aspects médico-économiques. En mars 2005,
784 sujets étaient randomisés, et 526 formulaires de radiologie
avaient été saisis. Il s’agissait d’une population de gros fumeurs,
consommant en moyenne plus de 30 paquets-année. Dans le bras
scanner, 49,8 % des sujets avaient des nodules. Le taux de cancers
dépistés n’est pas encore connu.
A-T-ON ÉVALUÉ LE RAPPORT BÉNÉFICE/RISQUE
DU DÉPISTAGE DU CANCER BRONCHIQUE PAR LE SCANNER ?
Le rapport bénéfice/risque du dépistage du cancer bronchique par
le scanner n’a jamais été évalué, sauf sous la forme de modèles
mathématiques (17-19). Les anomalies détectées sont fréquentes
et engendrent des examens complémentaires invasifs (endoscopie
bronchique, ponction transthoracique, résection chirurgicale des
nodules) afin de préciser le diagnostic. Ces examens peuvent être
à l’origine de complications. En outre, ils peuvent provoquer de
l’angoisse chez le patient. Il faut donc être prudent avant de pres-
crire un scanner, dont l’intérêt n’est pas démontré en matière de
diminution de mortalité spécifique par cancer bronchique.
“J’AI COMPRIS QUE LE SCANNER N’ÉTAIT PAS UN EXAMEN
QUI PERMETTAIT DE MODIFIER INDISCUTABLEMENT
MON PRONOSTIC SI L’ON DÉCOUVRAIT UN CANCER.
MAIS, SI JE SUBIS UN SCANNER, PEUT-ÊTRE VAIS-JE
DIMINUER MA CONSOMMATION DE TABAC ?”
Pour répondre, il faudrait connaître l’impact d’un programme de
dépistage par scanner thoracique sur le tabagisme. Nous n’avons
pas de réponse claire à cette question, d’autant que cet impact
devrait varier d’un pays à l’autre en fonction du contexte culturel.
Les seules données dont nous disposons sont celles du Mayo Lung
Project (20) : le programme de dépistage associé à une aide au
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La Lettre du Pneumologue - Volume IX - no1 - janvier-février 2006