136 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 4 - juillet-août 2011
ONCO-PNEUMOLOGIE Dépistage du cancer bronchopulmonaire : les résultats del’essai NLST
étaient dus au cancer bronchique. Les autres
causes de décès sont les maladies cardiaques,
les accidents vasculaires cérébraux et les compli-
cations de broncho-pneumopathie chronique
obstructive (BPCO), toutes étant en rapport
avec le tabagisme. La mortalité toutes causes
confondues ne s’est pas aggravée, ce qui montre
que le protocole en lui-même n’est pas délétère à
court terme. En revanche, il est vraisemblable que
les interventions thérapeutiques consécutives au
dépistage par tomodensitométrie aient rendu les
patients plus vulnérables et augmenté la mortalité
par cancer bronchique.
Perspectives et commentaires
Ces résultats ont soulevé de multiples commen-
taires. Une réunion États-Unis/Europe a été orga-
nisée à Paris le 25 mars 2011 pour en tirer des
perspectives, que nous allons résumer.
◆En premier lieu, l’étude NLST est-elle
suffisante pour recommander le dépistage
du cancer bronchique par scanner faible dose ?
La réponse par l’affirmative n’est pas encore
formelle. Selon une interview de D. Aberlé, coordi-
natrice du NLST, réalisée à Chicago pour
La Lettre
du Cancérologue
, “le groupe de patients à dépister
en priorité serait celui des patients à haut risque,
et ce risque se définit par un tabagisme important
en années et la présence d’une BPCO. Cepen-
dant, l’éventuelle recommandation d’un dépistage
systématique des patients à risque va dépendre du
centre dans lequel les patients seront dépistés. Il
est essentiel d’avoir des méthodes standardisées
et précises pour réaliser l’examen tomodensito-
métrique, interpréter ses résultats, déterminer
le suivi le mieux approprié et communiquer les
résultats au patient et au médecin, avant qu’un
dépistage systématique puisse être généralisé”.
◆Un nouvel essai est-il justifié ?
Lors de la réunion de Paris, en présence des respon-
sables des autres essais en cours (H. de Koning
pour l’étude NELSON, H. Pastorino pour les essais
italiens ItaLung et DANTE), la question s’est posée
de savoir si un nouvel essai est justifié. La réponse
a été non, du fait de la puissance des résultats du
NLST, des résultats attendus de l’étude NELSON
dans 2 à 3 ans et enfin de l’impossibilité de
monter un nouvel essai randomisé qui prendrait
une bonne dizaine d’années. En revanche, il a été
recommandé d’organiser des études complé-
mentaires pour mieux définir la population cible
susceptible de bénéficier du dépistage et pour
évaluer les répercussions médicales et financières
d’une généralisation du dépistage.
En effet, de nombreuses questions demeurent.
◆Quelle est la population cible pour optimiser
l’efficacité du dépistage et alléger
les explorations inutiles ?
C.M. Tammemagi et al., dans un article récent
du Journal of the National Cancer Institute, décrit
un modèle prédictif de risque de cancer bron-
chique (2). Ce modèle du NCI est issu de la cohorte
PLCO (Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian cancer
screening trial
). La population est composée de
70 962 sujets, fumeurs ou non, suivis pendant
9 ans. Chez les fumeurs, le risque de développer
un cancer augmente avec l’âge ; en revanche,
il diminue avec le niveau éducatif et l’indice
de masse corporelle (IMC), augmente avec les
antécédents familiaux de cancer bronchique ou
de BPCO, n’augmente pratiquement pas avec la
quantité fumée (OR = 1,01) ou la durée du taba-
gisme (OR = 1,01), et augmente plus avec le statut
de fumeur actuel qu’avec celui d’ancien fumeur
(OR = 1,33). Le risque diminue très lentement avec
les années d’arrêt (OR = 0,94 par année d’arrêt).
Ces données remettent complètement en cause la
notion de fumeurs et d’anciens fumeurs à risque.
◆Anomalies suspectes dans l’étude NLST
Les résultats de nombreux scanners ont été consi-
dérés comme positifs, car ils présentaient des
anomalies suspectes. Dans l’étude NLST, celles-
ci sont : nodules non calcifiés d’un diamètre
d’au moins 4 mm, consolidation pulmonaire ou
atélectasie obstructive, nodule qui a grossi, nodule
dont le contraste s’est modifié. Les anomalies non
suspectes de cancer, mais qui justifient un suivi
ou des explorations, sont à ajouter.
◆Quels sont le coût et les effets indésirables
de ces explorations et de ce suivi ? Quel est
le risque lié à l’irradiation cumulée de 5, 10,
voire de 20 scanners annuels ?
L’étude NLST portait sur la méthode par scanner
annuel pendant 3 années de suite. Quels sont
les anomalies détectées et le résultat attendu
après répétition du scanner sur une période plus
longue ?
Il n’en reste pas moins que les résultats de l’étude
NLST constituent un pas décisif vers un dépistage
organisé du cancer bronchique. ■
Références
bibliographiques
1. The National Lung Screening
Trial Research Team. Reduced
lung-cancer mortality with low-
dose computed tomography
screening. N Engl J Med 2011;
365(5):395-409.
2. Tammemagi CM, Pinsky PF,
Caporaso NE et al. Lung cancer
risk prediction: Prostate, Lung,
Colorectal and Ovarian cancer
screening trial models and vali-
dation. J Natl Cancer Inst 2011;
103(13):1058-68.