Dernier multiplicateur et légalité en mécanique quantique

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Dernier multiplicateur et légalité en mécanique
quantique
René Dugas
To cite this version:
René Dugas. Dernier multiplicateur et légalité en mécanique quantique. J. Phys. Radium,
1938, 9 (7), pp.287-290. <10.1051/jphysrad:0193800907028700>. <jpa-00233591>
HAL Id: jpa-00233591
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Submitted on 1 Jan 1938
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DERNIER MULTIPLICATEUR ET
LÉGALITÉ EN MÉCANIQUE QUANTIQUE
Par RENÉ DUGAS.
Ingénieur
au
Corps
des Mines.
Sommaire. 2014 Le présent mémoire part de l’interprétation du dernier multiplicateur comme densité de
probabilité et en donne l’expression en mécanique ondulatoire et en mécanique de Dirac en précisant les
systèmes différentiels correspondants. Ces systèmes jouent un rôle direct dans le raccordement statistique
des nouvelles mécaniques à l’ancienne. Le rappel de certains travaux de Poincaré montre que si l’on
admet la loi de Planck tout en conservant la définition copernicienne de l’état d’un système (point de vue
de l’ancienne théorie des quanta) on aboutit nécessairement à un dernier multiplicateur essentiellement
discontinu. La nouvelle définition quantique de l’état permet au contraire de « régulariser » le dernier
multiplicateur.
1.
Considérons, avec Poincaré (1),
premier ordre :
-
un
système
différentiel du
l’identité
Soit J4"d la probabilité de présence du point représentatif de l’état du système dans un volume élémentaire d t de l’espace (x.).
Dans un volume V du même espace, la probabilité de
présence de ce point sera :
entre les dérivées de l’hamiltonien
ment
H, livre immédiate-
-
L’unité est donc un dernier multiplicateur, au sens
dide Jacobi, des équations d’Hamilton. Ce résultat
rectement lié suivant J.-H. Jeans, au théorème de Liouville
traduit une homogénéité complète des possibilités
de localisation, du point figuratif de l’état du système
dans l’espace d’extension en phase (qk’ Pk).
On peut encore observer qu’à partir d’un ensemble
d’états initiaux possibles, il existe en dynamique ordinaire des suites d’états également probables. Si cet
ensemble d’états initiaux détermine une multiplicité
dans l’espace d’extension en phase, l’ensemble des
états atteints au bout du temps t définira une multiplicité homologue du même espace. L’existence d’invariants intégraux des divers ordres précise la nature de
-
-
Poincaré subordonne cette définition à la restriction
suivante : « Par une pareille probabilité j’entends le
il,
T étant
très
durée
depuis
l’époque e jusqu’à l’époque 8 -~-- T et t le temps pendant
lequel, entre ces deux mêmes époques, le point repré-
rapport
une
longue
sentatif est trouvé dans le volume V considéré. Cette
probabilité
n’a
aucun sens
si
t
ne
peut
être considéré
indépendant de 6 et de T pourvu que t soit très
grand. Si cette condition est remplie et si W peut être
définie, elle devra satisfaire à l’équation aux dérivées
partielles :
comme
ces
correspondances.
Si l’on veut encore, le résultat (4) résume à la fois la
légalité, la continuité et l’homogénéité des solutions qui
caractérisent la dynamique classique, ces attributs se
définissant, je dois y insirter, dans l’extension en
phase (qà, }) k).
I~’
tions
sera
(1)
donc
un
dernier
multiplicateur
Pour les
équations canoniques
mécanique classique :
2.
(1)
19~12,
-
des
équa-
o .
H. POINCARÉ. Journal de
p. 1.
Physique,
5e
d’Hamilton
série,
t.
En
3.
mouvement
-
mécanique quantique (’),
sous
la forme
les
équations
du
d’Heisenberg-Dirac
en
II, janvier
(1) René
DUGAS.
Coinptes rendus
de l’Académie des
204, p. 149.
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:0193800907028700
Sciences,1937,
288
s’identifient
aux
équations ordinaires
d’Hamilton
(3) à
valeur moyennei
l’aide des définitions.
...
Devant
absurde a
cette identité de
forme, il
ne
serait pas
priori de se demander si les équations quantiques (5) (6) admettent encore l’unité comme dernier
multiplicateur au sens de Jacobi.
La réponse à cette question est négative : ceci constituerait, s’il
en
était
besoin,
une
Une nouvelle dérivation, compte tenu de l’équation
des ondes, donnerait le théorème d’Ehrenfest exprimant le raccordement statistique aux équations classiques du mouvement sous leur forme ordinaire :
preuve nouvelle de la
fragilité de l’identité formelle que je viens de rappeler.
On pourrait établir cette réponse par voie analytique ; mais un tel calcul est ici inutile. Il devient en
effet évident, avec l’interprétation que nous en avons
donnée au § 2, que le résultat W = 1 ne peut s’étendre
à la mécanique quantique.
où U est la fonction des forces.
L’analyse qui précède s’applique à la mécanique
ondulatoire simple. Elle s’étend à la mécanique de
Dirac de la façon suivante (1) :
La densité de probabilité s’écrit, en mécanique de
Dirac, 4rk * T, (avec sommation de 1 à 4 pour l’indice
muet k).
Les «ï introduits ci-dessous sont les opérateurs
En vertu même de la définition d’un état quantique
par une fonction ~’, solution de l’équation des ondes,
c’est seulement dans un élément d6 de l’espace de configuration (qk) que se laisse définir la probabilité de présence du point représentatif de l’état d’un système.
Cette probabilité s’écrit 1VBItff de conformément au
« principe des interférences » de Born.
L’intégrale :
connus.
L’intégrale :
’
,
étendue à tout l’espace de configuration est, en vertu
de l’équation des ondes et des conditions imposées aux
fonctions ~’, invariante par rapport au temps. L’équation :
traduit cette invariance montre que Tut" est un
dernier multiplicateur au sens de Jacobi du système
qui
étendue à tout l’espace de configuration (qi, q2,
invariante par rapport au temps. L’équation :
q3)
est
qui traduit cette invariance montre que TA*WK est un
dernier multiplicateur au sens de Jacobi du système :
"
’
’
Ce
J’ai écrite pour simplifier, ce système à l’aide de coordonnées cartésiennes, pour un système composé de A
particules de masse m, (1 = i,2... IV).
Ce qui précède permet de comparer les interprétations probabilistes des mécaniques classique et quan-
tique.
Remarquons,
en premier lieu, que le système (8) est
vrai dans le détail : les éléments qk qui y figurent concernent la localisation du système à l’instant t dans
l’espace de configuration.
En outre, le système (8) joue en mécanique quantique,
devant la théorie du dcrnier multiplicateur, le rôle des
équations d’Hamilton en mécanique ordinaire. Il
entraîne
système
entraîne le suivant :-.
donne encore le mouvement du centre de gravité G
de la probabilité. Mais, contrairement à ce qui se
passe en mécanique ondulatoire simple, le théorème
d’Ehrenfest tombe ici en défaut. En particulier, en
l’absence de champ, on ne retombe plus statistiquement
sur le principe de l’inertie : au lieu d’être animé d’un
mouvement rectiligne et uniforme, G oscille autour
d’un tel mouvement en vertu du « trernblenlent de
Schrôdinger » conséquence directe de l’équation (13).
Notons encore que la densité de probabilité ~’k*~’k
qui
(1) René DUGAS. mécanique de Dirac et dernier multiplicateur
de Jacobi. Comptes rendus de l’Académie des Sciencos, i93 i,
204, p. 1104.
au sens
289
de la mécanique de Dirac peut se réduire à la forme
W*V dans l’espace à quatre dimensions (~i, q,, q3,~) où
~ est la variable discontinue de spin susceptible des
valeurs 1, 2, 3, 4.
4.
Revenons
-
au
mémoire de Poincaré
déjà
cité
au§1.
Poincaré y fait la théorie des chocs entre électrons
libres et résonateurs de Planck. Il définit encore l’état
d’un système à la manière classique, dans l’espace
d’extension en phase (qk, ~k), mais il cherche la probabilité de présence W d1" du point représentatif de l’état
du système dans un élément de cet espace - ou, plus
exactement, par un changement de variables, dans un
élément de l’espace des énergies-phases (Y1k, ’Pk)
qui
conduise à la loi de Planck et non à la loi d’équipartition ou loi de Rayleigh-Jeans.
W contient des facteurs tels que 1£ (rk) nuls si l’énergie YJk diffère d’un multiple du quantum E. De façon
précise une intégrale telle que
-
égale au nombre de multiples de e compris entre les
limites r,i et "ti2.
W est un dernier multiplicateur au sens de Jacobi
d’un système que Poincaré n’a pas cherché à former
explicitement : « Après avoir formé le dernier multiplicateur, il conviendrait de chercher des équations différentielles qui admettent ce dernier multiplicateur, ou
de voir quelles sont les équations à sauts brusques qui
pourraient jouer le rôle de ces équations différentielles
quand le dernier multiplicateur n’est pas continu. C’est
là un problème qui ne serait sans doute pas sans difficulté. Je ne m’en occuperai pas... ».
Cette recherche est rendue aujourd’hui inutile, la
mécanique quantique ayant ouvert une voie nouvelle
dans une direction nettement différente. Ce qui reste
de l’analyse de Poincaré, c’est la démonstration qu’il a
donnée du fait que, quelle que soit la loi du rayonnement du corps noir, si l’on suppose que le rayonnement
et en bon sens il ne peut en être autretotal est fini
ment - on est obligatoirement conduit à une fonction
présentant des discontinuités analogues à celle des
est
-
’
a
dq
~~dp
invariant
considéré à
instant
quelconque est un
temps, si q et p varient conforpar rapport
mément aux équations de Hamilton. D’autre part,
q et p peuvent, à un instant donné, prendre toutes les
valeurs possibles indépendamment l’un de l’autre. D’où
il suit que le domaine de probabilité est infiniment
petit de la grandeur dp dq... La nouvelle hypothèse
un
au
doit avoir pour but de restreindre la variabilité de p
et q, de telle façon que ces variables ne varient plus
que par sauts ou qu’elles soient regardés comme liées
en partie l’une à l’autre (2). On arrive ainsi à réduire
le nombre des domaines élémentaires de probabilité,
de sorte que l’étendue de chacun d’eux se trouve augmentée. L’hypothèse des quanta d’action consiste à
supposer que ces domaines, tous égaux entre eux, ne
sont plus infiniment petits, mais finis et que l’on a
pour chacun d’eux :
h étant une constante » (3).
Je rappelle seulement, sans y insister, que la première théorie des quanta (Bohr-Sommerfeld) adoptait
intégralement ce point de vue, en pratiquant dans
l’infinité des trajectoires classiquement possibles une
sélection fondée sur l’atomicité de l’action.
5.
L’interprétation que j’ai donnée ici de la densité de probabilité WW* de la mécanique quantique
révèle une singularité (mise en défaut de l’équation
classique W = 1) et une régularité (existence d’un dernier multiplicateur uniforme) conformes aux vues de
Poincaré, mais sous les distinctions essentielles sui-
quanta.
Il y
pas de la même forme et que les équations qui les
régissent admettent un dernier multiplicateur autre
que l’unité. Il faut bien qu’elles aient un dernier multiplicateur unciforme, sans quoi le second principe de la
thermodynamique ne serait pas vrai, mais il ne faut
pas que ce multiplicateur soit l’unité 1’). »
Sous une autre forme, Poincaré soulignait encore, en
interprétant la pensée de Planck :
« La probabilité d’une variable continue s’obtient en
envisageant des domaines élémentaires indépendants,
d’égale probabilité. Dans la dynamique classique, on
se sert, pour trouver ces domaines élémentaires, de ce
théorème que deux états physiques dont l’un est l’effet
nécessaire de l’autre sont également probables. Dans
un système physique, si on représente par q une des
coordonnées généralisées, par p le moment correspondant, d’après le théorème de Liouville, le domaine
donc antinomie entre la continuité et l’homo-
généité des états de la dynamique classique, traduite
1 et l’existence d’un rayonnement
par l’équation W
=
total fini. C’est ce que Poincaré traduit ainsi :
« Vous savez pourquoi les théories anciennes nous
conduisent forcément à la loi de l’équipartition entraînant un rayonnement total infini et absolument
contredite par l’expérience; c’est parce qu’elles supposent que toutes les équations de la mécanique sont
de la forme de Hamilton et que par conséquent elles
admettent l’unité comme un dernier multiplicateur au
sens de Jacobi. On doit alors supposer que les lois du
choc entre un électron libre et un résonateur ne sont
vantes :
a) Les équations canoniques d’Hamilton se conservent (il y aidentité de forme avec les équations quan-
tiques)
mais
on ne
saurait y introduire de conditions
(1) Dernières Pensées, Flammarion, éd., Paris, p. 213.
(2) Noter ici ce qu’on pourrait appeler une sorte de prédiction
de la loi d’incertitude d’Heisenberg.
(3) Ibid., p. 183.
20.
290
pk
en raison de l’incertitude
précises
k k
heisenbergienne :l’axiome copernicien des conditions
initiales
z
initiales est détruit.
b) Le dernier multiplicateur W 1l"*, le système différentiel correspondant (8) et l’état d’un système ne se
situent plus dans l’espace d’extension en phase, mais
dans l’espace de configuration.
Dans la quantification, au sens de Schrôdinger, d’un
système placé dans un champ statique, l’amplitude a
de l’onde est supposée continue, uniforme, finie et
nulle aux limites du domaine considéré de l’espace de
configuration (’). En vertu de a* a = W*W ces régularités s’étendent à la densité de probabilité qu’exprime
le dernier multiplicateur. Des discontinuités quantiques corrélatives s’introduisent alors dans le spectre
des valeurs propres de l’énergie. C’est la définition
quantique de l’état d’un système qui permet de régulariser ainsi le dernier multiplicateur, alors que la définition classique de l’état d’un système dans l’extension
en phase obligeait Poincaré, pour sauver la loi de
Planck, à adopter une densité de probabilité et partant un dernier multiplicateur essentiellement discontinu.
Le raccordement statistique avec l’ancienne mécanique s’obtient immédiatement à l’aide du système
différentiel dont ~’~~° est un dernier multiplicateur.
Nous avons noté au passage dans quelle mesure ce
raccordement statistique subsiste, au tremblement de
Schrôdinger près, en mécanique de Dirac.
,
-
(’) Certaines généralisations supposent, il est vrai, seulement
que les fonctions d’ondes sont uniformes et de carré sommable.
Conclusion. - En conclusion, notre analyse offre
parallèle entre les interprétations probabilistes-ou
des différentes dynaentre la légalité respective
un
-
miques :
Dernier
multiplicateur
d’ex= i1
...j (dansl’espace
tension en phase).
classique..
Légalité1e classique
ega
W
Légalité de l’ancienne dynamique
fonction W
dePoincaré
dd8
quanta.
Légalité
de la méu e ondula-
c an i q
toire simple.
,
,
Légalité de la mecanlque de DIrac. ,
-
J
_
-
(
(dans l’espace
de
h -* k
(dans l’espace
de
T.
configuration).
T ns
ou
T,J7 - *" }
rJ’
- W
TJ
-
configuration et
variable de spin).
Il est permis de souligner que les fonctions W des
nouvelles mécaniques sont beaucoup plus faciles à
exprimer que celle de l’ancienne dynamique des quanta,
car je n’ai donné ici qu’une analyse fort incomplète de
la difficulté du mémoire de Poincaré.
La présente analyse part d’un point de vue global où
les conditions initiales sont supposées quelconques.
J’ai tenté auparavant (1) en suivant M. J.-L. Destouches,
de préciser les caractères de la légalité de la mécanique
quantique lorsqu’on part au contraire d’un état initial
spécifié W 0 :ces deux points de vue se complètent.
(1)
René
Bulletin de
Royale de Belgique, i936,
22, p. 1318.
Manuscrit reçu le 20 février 1938.
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