humaine: Androgénisation rôle d`une enzyme clé - iPubli

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SYNTHÈSE
midtcine/scienus 1<}86; 2 : 267-71
Androgénisation h umaine:
rôle d 'une enzyme clé
L'androgénisation comporte l'intervention d'une enzyme
importante, la 5 ex-réductase, qui transforme la testostérone
en dihydrotestostérone plus active. Cette enzyme existe sous
trois formes dont la physiologie et les implications cliniques
font l'objet de ce travail.
A
Pierre Mauvais-Jarvis,
Frédérique Kuttenn,
Irène Mowszowicz,
Françoise Wright
Service d'endocrinologie de
reproduction, hôpital Necker
la
ADRESSE ------P. Mauvais-Jarvis, F. Kuttenn, 1. Mowszowicz,
F. Wright : Service d'endocrinologie de la repro­
duction. Hôpital Necker, 149, rue de Sèvres,
75730 Paris Cedex 15.
m/s n° s. vol. 2, mai 86
u début des années 6o s'ou­
vrait une ère nouvelle de
l'endocrinologie : celle de
la réceptivité aux hormo­
nes. Or, la mise en évi­
dence des protéines réceptrices dans
les cellules cibles - thème majeur
de l'endocrinologie moléculaire
contemporaine - a parfois occulté
le rôle amplificateur joué par cer­
taines enzymes propres aux sté­
roïdes hormonaux. On imagine sou­
vent que le devenir de ces hormones
réside pour l'essentiel en un proces­
sus hépatique d'inactivation. Pour­
tant, on connaît actuellement deux
exemples de métabolisme qui parti­
cipent à l'amplification du message
hormonal. Ainsi la vitamine 03
devient-elle hormone active en
terme de transmission de message
dès lors que des hydroxylations
hépatique et rénale la transforment
en 1 ,25 hydroxycalciférol, la forme
active de la vitamine D. C'est aussi
le cas de la testostérone, une sorte
de préhormone de la différenciation
sexuelle humaine. Certes, la testos­
térone demeure en soi un androgène
actif, mais en physiologie elle se
révèle être une hormone à double
potentialité [1]. Dans l'ovaire, la
présence d'une enzyme activée par
la FSH (follicle-stimulating hor-
mone) : l'aromatase permet, dans
les cellules de la granulosa, la
transformation en estradiot de la tes­
tostérone sécrétée par les cellules de
la thèque interne sous l'effet de la
LH (luteinizing hormone) . Alors
que chez la fille, les événements
marquants de . la différenciation
sexuelle s'opèrent à la puberté, il en
va différemment chez le garçon qui
possède un testicule fœtal actif dès
les premières semaines de la vie
embryonnaire. Ce testicule sécrète
deux hormones : l'une peptidique,
antimullérienne
l'hormone
ou
AMH qui permet la régression des
canaux de Müller [2], l'autre sté­
roïde, la testostérone. Cet andro­
gène est responsable de la virilisa­
tion des conduits wollfiens grâce à
sa forte concentration · locale. Ainsi
se masculinisent les conduits géni­
taux internes. Toutefois, l'existence
d'une activité enzymatique, la
5 ex-réductase NADPH* dépen­
dante, présente avant la sécrétion
testiculaire de testostérone, permet
·
• Nicotinamide adénine dinucléotide phosphate,
dans sa forme hydrogénée. Il s'agit d'un coenzyme
d'une déshydrogénase.
267
RÉFÉRENCES
------
1. Mauvais-Jarvis P, Mowszowicz I, Kuttenn F.
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deficiency
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male hermaphroditism and
hypothyroidism. Clin Endocrinol 1 98 1 ; 14: 45969·
12. Kuttenn F, Mowszowicz I, Wirght F, et al.
Male pseudohermaphroditism. A comparative
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and three patients with the complete form of testi­
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13. Wright F, Mowszowicz I, Mauvais-Jarvis P.
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14. Gompel A, Wright F, Kuttenn F, Mauvais­
Jarvis P. Contribution of plasma androstenedione
to 5 cx-androstanediol glucuronide in women with
idiopathie hirsutism. J Clin Endocrinol Metab
1986; 62: 441-4.
268
la transformation de · cet androgène cette act1v1te existe au cours de la
en son dérivé 5 tX-réduit, la dihydro­ vie fœtale avant l'apparition d'une
testostérone ou DHT qui a une bien sécrétion testiculaire de testostérone
plus grande affinité pour le récep­ chez le garçon. Elle est élevée à la
teur des androgènes que la naissance, aussi bien au niveau du
testostérone [3]. Cette activité enzy­ prépuce chez le garçon, que dans le
matique amplifie le message andro­ clitoris ou les grandes lèvres chez la
génique et concourt de façon cer­ fille [6] (figure 1).
taine à la virilisation de l'appareil En revanche, la 5 tX-réductase située
génital externe dérivé du sinus uro­ dans les zones de différenciation
génital. Ainsi, en cas de production
fœtale de testostérone hors du testi­
cule (administration d'androgène à
f mol/
la mère ou hyperplasie surrénale
mg peau
congénitale) observe-t-on chez la
•
•
fille une virilisation plus ou moins
1 50•
•
•
marquée de l'appareil génital en
•
...J
•
externe (clitoromégalie, fusion des
• •
•
•
1 00 • •• •• •
bourrelets labio-scrotaux) sans mas­ 2
•
c
•
•
+
• •
culinisation de l'appareil génital 1-•
•
J:
.
interne (déférents, épididyme etc.). c
•
•
•
. ,.
Inversement, il existe une affection c:Cl> 5().
.. ..
•
génétique encore dénommée pseu­ "'� Jpeau pubienne! .•.!.• ..
•
.
·=·
dohermaphrodisme par déficit en Cl>
:
c:
5 tX-réductase [4]. Cette affection
e f mol/
frappe des sujets XY; elle est '* mg peau •
•
transmise sur le mode autosomique g
•
•
•
•
•
récessif. On note dans ces cas une ! aoo
•
• •
ambiguïté importante au niveau des ..!!!
• •
•
•
organes génitaux externes, marquée � 600•
•
c:
• •
•
à la naissance par un hypospadias 0
.
• •
•
sévère avec un abouchement urétral ïi.!Q) 400
•
•
.
•
••
périnéoscrotal distinct de l'orifice >c:
•
.
•
.
vaginal. En revanche, les dérivés 8200
wollfiens sont normalement "irili­
Lpeau �rn�!�
*
*
sés. Ce syndrome met en exergue
PSH
PSH
TF
hommes
femmes
l'action différentielle de la testosté­
type 1 type Il
rone qui agit soit directement sur le
système wollfien, soit par son dérivé
5 tX-réduit, la DHT, qui seule
permet une virilisation adéquate de Figure 1 . Capacité de 5 a.-réduction de
la testostérone-3H dans la peau
l'appareil génital externe.
En administrant à des rates gestan­ humaine, au niveau du pubis (zone de
tes un puissant inhibiteur de la caractère sexuel secondaire) et au
niveau périnéal (zone de caractère
5 tX-réductase, Imperato McGinley
et coll. [s'] ont pu noter chez les sexuel primaire) chez les sujets
normaux des 2 sexes et dans différents
nouveau-nés mâles des anomalies troubles de la réceptivité périphérique
phénotypiques du sinus urogénital aux androgènes. Syndrome de fémini­
comparables à celles qui sont obser­ sation testiculaire : TF; pseudo­
vées dans le syndrome de déficit en hermaphrodisme de type 1 : PSH type 1
(ou déficit partiel en récepteur);
5 tX-réductase.
1
Le modèle
.
des trois enzymes
pseudohermaphrodisme de type Il :
PSH type Il (ou déficit en 5a.-réduc­
tase).
Ontogénèse et organogénèse des
erizymes « s tX-réductase » au
cours . de la différenciation
sexuelle. Nous avons vu que la
5 tX-réductase présente dans le sinus
est
urogénital
embryonnaire
androgéno-indépendante puisque
m/s n• s. vol. 2, mai 86
sexuelle secondaire semble andro­
géno-dépehdante. C'est le cas par
exemple de la peau pubienne. Ici, en
effet, se développe à la puberté la
pilosité. Or, dans ce territoire l'acti­
vité 5 ex-réductase NADPH dépen­
dante, basse à la naissance, semble
induite par les androgènes à la
puberté [7}. Différentes données
obtenues in vitro sur des homogé­
nats de peau accréditent cette possi­
bilité. C'est donc afin de mieux cer­
ner l'androgéno-dépendance de la
5 ex-réductase publienne que l'expé­
rience suivante a été conduite [8] :
des fibrobl!lstes provenant de peau
pubienne de sujets normaux ont été
mis en culture. La croissance cellu­
laire a été contrôlée par des mesures
d'ADN. Toutes les expériences ont
été faites à la cinquième ou à la
sixième subculture, parce qu'il a été
démontré antérieurement que l'acti­
vité 5 ex-ré4uctase augmentait spon­
tanément dans
les fibroblastes de
·
peau au fur et à mesure des subcul­
tures successives. Afin d'étudier
l'effet dei androgènes sur la
5 ex-réductas,e, des doses croissantes
de DHT ont été ajoutées au milieu
de culture. L'activité 5 ex-réductase
a été mesurée au quatrième jour par
incubation des cellules avec de la
testostérone radioactive et dosage de
la DHT formée. Les résultats ont
fait apparaître que sous DHT, la
division cellulaire n'est pas affectée,
comme le montre le contenu total en
ADN. En r�vanche, la transforma­
tion de test-ostérone radioactive en
DHT, c'est�à-dire l'activité 5 ex-ré­
ductase, augmente de deux à quatre
fois (figure 2). Si l'on ajoute au
milieu de c�lture un anti-androgène
actif au niveau des récepteurs des
androgènes, en l'occurence de l'acé­
tate de cyprotérone (CPA), aucune
stimulation de la 5 ex-réductase n'est
observée. Eri. outre, dans les fibro­
blastes de peau pubienne provenant
de sujets ayant un syndrome d'in­
sensibilité aux androgènes par
absence de récepteur (féminisation
testiculaire), la DHT n'augmente
pas l'activité 5 ex-réductase. On a
d'autre part confirmé, avec ce
système de culture, que dans les
fibroblastes de peau génitale (pré­
puce, etc.), la DHT ne stimulait pas
l'activité 5 ex-réductase, ce qui
confirme l'androgéno-indépendance
de l'enzyme localisée dans les terrimfs n" s. vol. 2, mai 86
toires de différenciation sexuelle
primaire. Quant à l'activité enzyma­
tique de la peau pubienne, elle est
stimulée électivement par la DHT,
à un moindre degré par la testosté­
rone, mais ni par le cortisol ni par la
progestérone ou l'estradiol. Enfin,
l'effet de stimulation enzymatique
exercé par la DHT disparaît en pré­
sence d'inhibiteurs de la synthèse
protéique (cycloheximide et actino­
mycine D).
Ces différents résultats suggèrent
que l'enzyme 5 ex-réductase de la
peau pubienne humaine est stimula­
ble par la DHT et que cette stimula­
tion implique la présence d'un
récepteur androgénique intact.
Cette activité enzymatique peut
donc être considérée comme un
marqueur spécifique du récepteur
des androgènes puisqu'elle n'est
8
:2
......
z
c
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Cl
::1.
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5
•
témoins
e
DHT 1 0- 7
..t.
DHT 1 0- 7
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M
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CPA 2 . 1 0-e M
o D HT 1 0-7 M
(TF)
Q)
"'
"'
0 4
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ltl
�
:�u
3
2
"'
Figure 2. Effet de la DHT (1 o- 7 M)
(11-e ). ou de la DHT + cyprotérone
acétate (10-7 M+ 10-6 M) (• - - - JJ.),
ou de la DHT chez des sujets normaux
et porteurs de testicules féminisants
(TF) ( 0 - - - O) sur différentes lignées
de fibroblastes en culture. La mesure
de la 5 a.-réductase est effectuée au
4• jour de subculture.
plus observée en cas de récepteur
absent (testicule féminisant) ou ino­
pérant (anti-androgènes) ou d'inhi­
biteurs de la synthèse protéique.
Il existe enfin une troisième forme
de 5 ex-réductase. Cette act1v1te
enzymatique localisée dans le foie
est très importante car elle assure en
partie l'inactivation des stéroïdes
�4-cétoniques en composés 5 ex-ré­
duits, qui sont ensuite réduits en c3
puis conjugués et éliminés.
Chez le rat, cette activité enzymati­
que est inhibée par les androgènes à
la puberté. Dans l'espèce humaine,
la production hépatique de dérivés
5 ex-réduits, notamment à partir des
androgènes circulants, est élevée
avant la puberté, du moins poten­
tiellement; elle diminue ensuite aux
dépens d'une production augmentée
de dérivés réduits en position 5 p.
Cette baisse relative de l'activité
5 ex-réductase hépatique n'est pro­
bablement qu'artificielle car elle
peut aussi s'expliquer par l'induc­
tion à la puberté d'une importante
activité 5 ex-réductase dans le com­
partiment extra-splanchnique, no­
tamment le territoire cutané
sexuel [1]. Ainsi dans le syndrome
d'insensibilité aux androgènes (syn­
drome de féminisation testiculaire)
la production du principal métabo­
lite 5 ex-réduit des androgènes, l'an­
drostérone, est - contrairement à
ce qui est observé chez l'homme
normal - plus importante que la
production du dérivé 5 P-réduit
correspondant,
l'étiocholanolone
[9]. Mais d'autres facteurs peuvent
affecter l'activité de la 5 ex-réductase
hépatique, notamment les -hormones
thyroïdiennes qui la stimulent soit
directement, soit indirectement en
modifiant la concentration en
co-facteur NADPH. On sait en effet
que les hypothyroïdiens n'excrètent
pratiquement pas d'androstérone
dans leurs urines. Il existe en outre
des affections génétiques qui com­
portent un déficit en une ou plu­
sieurs 5 ex-réductases [10]. Ainsi,
dans la porphyrie intermittente,
l'activité 5 ex-réductase hépatique
est déficiente. Il en résulte une
accumulation hépatique des dérivés
5 P-réduits de différents stéroïdes
�4 - 3 cétoniques. Certains attri­
buent à l'excès de concentration
hépatique de ces métabolites un rôle
dans l'initiation des poussées carac269
1 00
N
TF
5 1X R
hypothyroïdie
Figure 3. Activités 5 a.-réductase hépatique D et cutanée � chez des
humains normaux N, des sujets atteints de féminisation testiculaire TF, de
pseudohermaphrodisme par déficit en 5 a.-réductase 5 a. R et d'hypothyroïdie. Ce
calcul a été fait après administration de testostérone-3H soit par voie orale D
soit par voie percutanée D et évaluation des métabolites 5 a. et p réduits de la
testostérone.
Figure 4. Mécanisme d'action des hormones stéroïdes dans la peau. A
gauche : possibilités théoriques. A droite : en rouge les principaux événements
observés au cours de l'hirsutisme idiopathique par excès d'activité 5 a.-réductase.
T = Testostérone; �4 =Androstenedione; R, R' = Récepteurs: DHA = Déhy­
droépiandrestérone;
DHT = Dihydrotestostérone;
5 a. R = 5 a.-Réductase;
Adiols =Androstanediols; Tu = T libre; Tb = T liée à la TeBG.
!l
Tb
270
mfs n° s. vol. 2, mai 86
téristiques de cette affection. Dans
le pseudohermaphrodisme masculin
par déficit en 5 ex-réductase, on note
aussi un déficit en l'activité de cette
enzyme qui vient compléter le
déficit en 5 ex-réductases << sexuel­
les >> [10). L'élévation des dérivés
5 13-réduits de divers précurseurs
stéroïdiens aux dépens des 5 ex-ré­
duits constitue d'ailleurs un excel­
lent marqueur de cette affection,
permettant souvent de contribuer à
l'établissement du diagnostic. Nous
avons pu apporter la preuve défini­
tive de cette assertion en utilisant
certains artifices métaboliques [ 1 1].
En effet selon qu'un traceur radio­
actif est administré par voie orale ou
appliqué sur la peau (administration
percutanée) il aborde en premier
lieu soit la 5 cx.-réductase hépatique,
soit la 5 ex-réductase cutanée (fi­
gure 3). Or, il est frappant de cons­
tater chez les hypothyroïdiens que
l'absence d'activité 5 ex-réductase
reflétée par le rapport 5 ex/ 5 � des
métabolites issus du traceur admi­
nistré, n'est observée qu'en cas
d'administration digestive, l'activité
5 ex-réductase explorée par voie per­
cutanée paraissant normale. Dans
les pseudohermaphrodismes par dé­
ficit en 5 ex-rédudase, les 5 ex-réduc­
tases tant cutanées qu'hépatiques
paraissent absentes, suggérant un
déficit génétique frappant soit la
structure des enzymes soit leur
fonctionnement et ceci quels que
soient la distribution anatomique de
cette protéine et son substrat. Dans
le syndrome de féminisation testicu­
laire provoqué par une absence gé­
nétique de récepteur androgénique,
on note un tableau inverse de celui
observé dans l'hypothyroïdie : à sa­
voir une activité 5 cx.-réductase hé­
patique normale contrastant avec
une activité enzymatique cutanée
absente. Cette observation conforte
les résultats rapportés plus haut et
concernant l'androgéno-dépendance
de la 5 ex-réductase cutanée, donc
son absence en cas d'inactivité du
récepteur androgénique [ 1 2].
Le modèle des trois enzymes a donc
une justification physiologique et
comporte des conséquences clini­
ques. En revanche, on ignore encore
à l'heure actuelle si génétiquement
il s'agit de trois enzymes distinctes,
ou d'une même enzyme soumise à
des régulations différentes.
m/s n° s. vol.
2,
mai 86
1 /mp/ications
cliniquf!S
Le caractère androgéno-dépendant
de l'activité · 5 ex-rédùctase cutanée
sexuelle et le fait que cette enzy�e
apparaisse comme. un marqueur
fidèle du caractère fonctionnel du
récepteur androgénique, ont des
applications évidentès e'n médecine.
Pour les apprécier, deux méthodes
peuvent être . utilisées. L'une
in vitro [7) · consiste à évaluer l'acti­
vité 5 a-réductase dans des homogé­
nats ou des fibroblastes en culture
obtenus à partir de spécimens de
peau pubienne. L'autre méthode
plus routinière et plus aisée consiste
à évaluer, soit dans le plasma, soit
dans l'urine le glucuronide de
5 ex-androstanediol [ 1 3), métabolite
privilégié de la DHT issue de la
5 cx.-réduction de la testostérone.
Dans les organes cibles androgéni­
ques,· en effet, la DHT non liée au
récepteur est immédiatement ré­
duite sur son carbone 3 en 5 ex-an­
drostane 3 ex, 1 7 �-diol qui circule
dans le plasma avant d'être éliminé
dans l'urine sous forme glucuro­
conjuguée (figure 4) . Cinquante
pour cent du, glucuronide d'andros­
tanediol que l'on trouve normale­
ment dans les urines proviennent du
foie et 50 % des tissus cibles, essen­
tiellement de la peau. Toute éléva­
tion franche du glucuronide d'an­
drostanediol chez une femme
hirsute témoigne donc d'une acti­
vité 5 cx.-réductase augmentée au
niveau des territoires pilo-sébacés
de la peau, et cela même s'il n'y a
pas d'hyperproduction de substrat.
En effet, dans l'hirsutisme dit
idiopathique, le récepteur cutané est
capable d'utiliser soit la testostérone
libre circulante soit, plus souvent, la
testostérone formée in situ dans les
organes cibles androgéniques à par­
tir de précurseurs androgènes inac­
tifs, essentiellement le A4 androste­
nedione [14) . A l'inverse, le taux
d'androstanediol urinaire, ainsi que
la 5 cx.-réductase cutanée sont abais­
sés dans les anomalies de la différen­
ciation sexuelle liées soit à une
absence primaire de 5 cx.-réductase
(pseudohermaphrodisme par déficit
en enzyme) soit secondaire, comme
dans le syndrome de féminisation
testiculaire (figure 1) 1!1
Summary
Based on different hormonal
regulation, there appears to exist
at least three
types
of
5 ex-reductase: 1 ) hepatic: inhibi­
ted by androgens, 2) peripheral:
in territories where secondary
sexual differentiation is expres­
sed, such as pubic skin. ln this
area, it is stimulated by andro­
gens whereas in the external
genitalia it is independent of
androgen secretion.
Furthermore, although androge­
nization may occur in the
absence of 5 cx.-reductase, this
enzyme represents an essential
step in the regulation of this
androgen activity. lts role may
vary according to its localization.
During fetal life, 5 ex-reductase
may protect the target tissues
against the anti-androgenic
effect of progesterone by trans­
forming the secreted androgen
into a more active molecule
whilc progesterone is transfor­
med into a less active antiandro­
gen. lt thus allows the normal
masculinization of the externat
genitalia. ln contrast, in areas of
secondary sexual differentiation,
where it is androgen dependent,
it acts as an amplifier of andro­
gen action. Whether there is one
enzyme with different expres­
sions or different enzymes re­
mains to be demonstrated.
TIRÉS A PART
------
P. Mauvais-Jarvis : Service d'endocrinologie de la
reproduction. Hôpital Necker, 149, rue de Sèvres,
75730 Paris Cedex 1 5 .
271
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