Échos des L congrès Quoi de neuf à Clermont-Ferrand lors du 28e congrès de la Société française d’endocrinologie ? Sophie Christin-Maitre* © bernard ✓✓ Wiebke Arlt, professeur d’endocrinologie à * Service d’endocrinologie, hôpital Saint-Antoine, Paris. 10 Birmingham (Angleterre), est une spécialiste des pathologies surrénaliennes. Elle a testé nos connaissances sur les androgènes, en particulier sur les différentes étapes de leur synthèse. Êtes-vous prêts à relever le challenge ? Elle a tout d’abord présenté le cas clinique d’une enfant de 8 ans qui avait, depuis l’âge de 6 ans, une pilosité pubienne et axillaire, soit un tableau de pubarche précoce. L’hyperandrogénie clinique a été confirmée par une élévation de la testostérone à 2 fois la limite supérieure de la normale, une élévation de la DHEA, mais la présence d’un taux très bas de sulfate de DHEA (SDHEA). L’enzyme qui permet la transformation de la DHEA en un androgène inactif, le SDHEA, est appelée sulfotransférase de la DHEA ou SULT2A1. Cette enzyme, pour être active, nécessite l’action de la 3’-phospho­ adénosine-5’-phosphosulfatase (PAPS). L’analyse moléculaire de l’ADN de cette enfant a mis en évi­ dence non pas une mutation de SULT2A1, mais la pre­ mière mutation de la synthétase de la PAPS, appelée PAPSS2. Cette pathologie est probablement une cause exceptionnelle d’hyperandrogénie mais représente un diagnostic différentiel des hyperandrogénies et, en particulier, du syndrome des ovaires polykystiques. Cette observation peut réhabiliter le dosage de SDHEA dans le bilan d’une pubarche précoce. Ce dosage n’est pas recommandé en première intention dans le bilan d’une hyperandrogénie à l’âge adulte. Faut-il y penser ? Après avoir évoqué cette cause exceptionnelle d’hyper­ androgénie, W. Arlt a présenté 3 frères ayant un déficit en 17,20 lyase. L’enzyme CYP450 17A1 (CYP17A1) est une enzyme clé dans la synthèse du cortisol du fait de son activité 17α-hydroxylase. Elle joue un rôle central dans la synthèse des androgènes par son activité 17,20 lyase qui convertit la 17-hydroxyprégnénolone en DHEA. Elle est exprimée dans les surrénales et les gonades. Pour être active, elle nécessite un transfert d’électron par l’intermédiaire de l’enzyme oxydoréductase P450 ou POR et une interaction avec la protéine cytochrome b5 (CYP5A). Les 3 frères sont originaires du Pakistan, leurs parents sont cousins germains. Le sujet index a présenté un désordre du développement sexuel à la naissance. Son phénotype était plutôt fémi- nin, mais des gonades étaient palpables au niveau des grandes lèvres. Le phallus ressemblait à un clitoris de 7 mm de longueur. Le caryotype était XY et l’évaluation hormonale à J3 a montré un taux très élevé de 17OH proge­stérone (120 nmol/l, normale < 5), ainsi qu’un taux normal de testostérone et de delta 4 androstènedione. Un test à l’hCG à 6 semaines et 3 mois de vie a montré un taux bas de base et une absence d’élévation de la testostérone après stimulation. Sa “sœur”, âgée de 13 ans, n’avait pas débuté de puberté. Son caryotype était XY. Le troisième enfant est né avec une ambiguïté, un très petit pénis et un hypospade périnéal. Devant l’augmentation de l’excrétion urinaire de dérivés comme le pregnanetriol, un déficit en 17,20 lyase a été évoqué. L’analyse moléculaire a éliminé un déficit en CYP17 ou en POR et a mis en évidence une mutation du gène CYPB5A, deuxième famille décrite dans la littérature. Pour compléter nos connaissances dans la synthèse des androgènes, W. Arlt a ensuite insisté sur le rôle potentiel d’une voie alterne de la synthèse de la dihydrotesto­ stérone (DHT). Cette voie a été identifiée initialement dans le testicule du wallaby, sorte de petit kangourou, puis chez le rat immature. Elle pourrait exister dans l’espèce humaine. La DHT est classiquement synthétisée à partir de la testostérone, suite à l’action de la 5α-réductase. Cependant, cette voie alterne viendrait de la 17α-hydroxyprogestérone, comme indiqué sur la figure 1. Cette voie de synthèse de la DHT ne passe pas par la delta 4 androstènedione ni par la testostérone. Elle pourrait ainsi représenter une explication phy­ siopathologique dans la récidive de certains cancers de la prostate qui surviennent malgré l’utilisation de traitements induisant une castration chimique, avec un taux plasmatique effondré de testo­stérone. W. Arlt vient de publier dans le Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism une étude utilisant, chez des hommes ayant un cancer de la prostate, l’abiratérone, une molécule qui inhibe la CYP17A1, enzyme clé dans la synthèse des androgènes. L’utilisation de cette molécule augmente la production de minéralocorticoïdes ainsi que des précurseurs de la voie alterne, en particulier de la DHT. Des études sont nécessaires pour évaluer et mieux maîtriser la production des différents androgènes chez les hommes. Levem et inco cartouc thérap d’adm peut ég avec le la dose adminis Levemi voie SC Une ro lipodys ne doit être év substan ou un a diabétiq insuline Les pat >>> Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - nos 1-2 - janvier-février 2012 LEV-13 Échos des congrès >>> Prégnénolone 3β-HSD Progestérone Synthèse testiculaire du wallaby dans la poche de sa mère CYP17 17α-hydroxy- 5α-réductase 5α-prégnaneprogestérone 17α-ol-3,20-dione 5α-prégnane-3α, 17α-diol-20-one CYP17 CYP17 Androstènedione 17β-HSD3 Testostérone 5α-réductase 5α-réductase Tissus cibles DHT Androstérone 17β-HSD3 Androstanediol Figure 1. Schéma de la voie de synthèse alterne de la dihydrotestostérone (DHT) dans le testicule de wallaby (d’après 1). Aire préoptique Stress Signaux nutritionnels Luminosité GnRH KNDY MB Taux élevé d’E2 Inhibition E2-Prog Figure 2. Les neurones KNDY (d’après 2). Références 1. Lehman MN, Coolen LM, Goodman RL. Kisspeptin/ Neurokinin B/D ynorphin (KNDy) Cells of the Arcuate Nucleus: A Central Node in the Control of GonadotropinReleasing Hormone Secretion. Endocrinology 2010;(151):3479-89. 2. Auchus RJ. The backdoor pathway to dihydrotestosterone. Trends Endocrinol Metab 2004;(15)9:432-8. 12 ✓✓ Robert Millar, de l’université d’Edinburgh, a présenté des données nouvelles sur la régulation de la sécrétion de la GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone). La première mutation du récepteur GPR54, appelé aussi récepteur Kiss1 (Kiss1R), a été décrite par Nicolas de Roux en 2003, dans une famille comprenant plusieurs cas d’hypogonadisme hypogonadotrophique. Depuis, d’autres cas cliniques et plusieurs modèles animaux ont prouvé que ce récepteur et son ligand Kiss1 jouent un rôle clé en reproduction. En effet, ils permettent le déclenchement de la puberté et le maintien de l’axe gonadotrope. Les neurones Kiss sont situés au niveau hypothalamique, en amont des neurones à GnRH, et le récepteur Kiss1 est présent sur la membrane des neurones à GnRH. Ces neurones intègrent principalement les signaux nutritionnels, en particulier lipidiques, mais aussi les signaux du rétrocontrôle hypothalamique joué par les stéroïdes, comme l’estradiol, la progestérone ou la testostérone. Des agonistes et des antagonistes de Kiss ont été développés ces dernières années et ont permis de mieux comprendre la physiologie du peptide Kiss. Ce peptide provient d’un précurseur de 145 acides aminés qui donne, après clivage du propeptide, un peptide de 54 acides aminés. Un agoniste de Kiss est le peptide Kiss-10, qui est formé de la séquence minimale responsable d’une importante activité biologique. L’administration de ce peptide permet une augmentation de la sécrétion de la GnRH et donc de la pulsatilité de la LH, chez l’animal – comme le mouton – mais aussi dans l’espèce humaine. En effet, l’administration de bolus de Kiss-10 par voie intraveineuse chez des hommes normaux a permis d’augmenter leur pulsatilité de LH. L’administration continue augmente la fréquence des pulses de LH, la taille des pulses de LH et la sécrétion de testostérone. Au contraire, l’utilisation d’un antagoniste de Kiss inhibe la puberté. Les neurones Kiss sont aussi appelés neurones KNDY, car ils sécrètent non seulement du Kiss mais aussi de la neurokinine et de la dynorphine (figure 2). Les dernières études ont évalué le lien potentiel entre neurokinine et Kiss. Il existerait un effet paracrine de la neurokinine sur les neurones Kiss. En effet, R. Millar a évoqué des expériences menées chez certains patients ayant un hypogonadisme hypogonadotrophique lié à une mutation du gène TAC3. Des mutations de ce gène ou de son récepteur (TACR3) ont été décrites initialement par A.K. Topaloglu et al. Depuis, de nombreuses mutations ont été mises en évidence dans des cas d’hypogonadisme hypogonadotrophique. TAC3 code pour la neurokinine B. Lorsque ces patients sont traités par le peptide Kiss, une restauration des pulses de LH est observée. Ainsi, ces expériences suggèrent que la neurokinine jouerait un rôle d’amplification de l’effet de Kiss. ■ Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - nos 1-2 - janvier-février 2012