Que faire chez les patients atteints de cirrhose virale C et les

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m ini-revue
Que faire chez les patients
atteints de cirrhose virale C
et les patients transplantés?
doi: 10.1684/hpg.2010.0470
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Management of patients with HCV
cirrhosis and liver transplant recipients
Didier Samuel, Bruno Roche
Centre Hépatobiliaire,
Unité INSERM U 785,
Université Paris-Sud,
Hôpital Paul Brousse,
14 avenue Paul Vaillant-Couturier,
94800 Villejuif, France
e-mail : <[email protected]>
Résumé
La cirrhose virale C est une des principales indications de transplantation
hépatique. Cependant, le risque de réinfection virale après la greffe, quasi
constant, est responsable d’une diminution de survie des patients et des
greffons. Le traitement antiviral C peut être envisagé avant la greffe, afin
de diminuer le risque de récidive virale. Cependant, en cas de cirrhose
décompensée, le traitement est difficile en raison du risque d’effets
secondaires. Le traitement doit être réservé aux patients ayant une bonne
fonction hépatique et des facteurs prédictifs de bonne réponse (génotype,
charge virale). Les mécanismes pathogéniques expliquant les différences
d’évolution observées lors de la récidive virale postgreffe sont mal compris.
L’intervention de facteurs multiples liés au donneur, à l’hôte et au virus
est probable. Les traitements de la récidive C post-transplantation
par interféron pégylé et ribavirine permettent d’obtenir une réponse
virologique prolongée dans environ 30 % des cas et une amélioration de
la survie des patients et des greffons. Les facteurs prédictifs de réponse
sont assez proches : le génotype viral, les cinétiques virales précoces,
l’absence de traitement antérieur, l’adhésion au traitement et la charge
virale prétraitement. Cette population est celle qui devrait bénéficier le
plus des nouveaux traitements antiviraux.
n
Mots clés : hépatite C, cirrhose, greffe de foie, interféron, ribavirine
Abstract
HEPATO GASTRO
et Oncologie digestive
n
Tirés à part : D. Samuel
Liver disease caused by the hepatitis C virus is the main indication for liver
transplantation. However, HCV re-infection after transplantation is constant and it significantly impairs patient and graft survival. Pretransplant
antiviral therapy may reduce or eliminate the risk of recurrent infection.
However, this approach is limited because of side effects and a risk of
complications in decompensated patients. The best candidates for therapy
are Child-Pugh class A patients and patients with good predictive factors of
response (non-1 genotype and low viral load). Multiple host, donor and
viral factors are associated with fibrosis progression after transplantation.
Treatment of established graft lesions with pegylated interferon and
ribavirin combination therapy gave promising results, with sustained
virological response in around 30% of patients. Sustained virologic responders had a long-term benefic effect on fibrosis progression and graft and
patient survival. Variables associated with SVR are non-1 genotype,
absence of prior antiviral therapy, early virologic response, adherence to
therapy and low pre-treatment viral load. HCV-infected pre-and post-
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 17 supplément 5, novembre 2010
43
transplant patients are the population which will benefit the most of new
classes of direct antiviral agents.
n
Key words: hepatitis C, cirrhosis, liver transplantation, interferon, ribavirin
a cirrhose virale C, associée ou non à un carcinome
hépatocellulaire, est une des principales indications
de transplantation hépatique (TH). Elle représente environ
25 % des indications de greffe en Europe. Cependant, le
risque de réinfection virale après la greffe, quasi constant,
est responsable d’hépatites aiguës ou chroniques pouvant
évoluer vers une cirrhose ou une insuffisance hépatique et
nécessiter une retransplantation [1]. L’infection virale C
diminue la survie des patients et des greffons par rapport
à celle des transplantés non infectés [2]. Les traitements
antiviraux actuels de la cirrhose virale C décompensée
sont difficiles, en raison de leur mauvaise tolérance et de
leur efficacité plus faible. Les traitements de la récidive C
post-transplantation permettent une réponse virologique
prolongée (RVP) dans environ 30 % des cas [3]. Nous allons
décrire dans cette mini-revue les possibilités de traitement
avant et après TH, ainsi que l’histoire naturelle de la
récidive virale C.
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L
Traitement antiviral
en cas de cirrhose décompensée
L’intérêt du traitement antiviral en cas de cirrhose virale C
(tableau 1 ; figure 1) décompensée est de diminuer ou de
stopper la réplication virale, afin, d’une part, d’améliorer la
fonction hépatique et, d’autre part, de réduire ou d’éviter le
risque de récidive postgreffe. Le traitement est d’autant
mieux toléré que la fonction hépatique est meilleure.
Le traitement avec la bithérapie actuelle est difficile chez
le patient cirrhotique en raison de la thrombopénie, de la
leucopénie ; il est globalement moins efficace et peut
exposer à des complications plus sévères. Les résultats du
traitement de la cirrhose Child A, sans hypertension portale, sont peu différents de ceux du traitement des patients
au stade 3 de fibrose. En revanche, en cas d’hypersplénisme
ou de cirrhose décompensée, les choses sont différentes.
Everson et al. [4] ont traité 124 patients ayant une cirrhose C
en attente de TH, avec un score de Child-Pugh moyen de
7,1, par une association d’interféron (IFN) standard et ribavirine (RBV) à doses croissantes. Une réponse virologique en
fin de traitement a été obtenue pour 46 % des patients et
une RVP pour 22 %. Les facteurs associés à une RVP étaient
un génotype non 1 (50 % versus 13 % pour les génotypes
1), un score de Child A et un traitement à dose et durée
optimales. Une diminution de la dose ou de la durée du
traitement a été nécessaire pour 71 % des patients et un
arrêt du traitement pour 13 %. Vingt-deux complications
sévères sont survenues, conduisant au décès dans 4 cas.
Parmi les 15 patients ARN-VHC-négatif transplantés,
44
12 sont restés négatifs plus de six mois après la TH. Forns
et al. ont évalué l’efficacité et la tolérance d’un traitement
par IFN et RBV débuté dans les quatre mois précédents la
greffe chez 30 cirrhotiques [5]. Une réponse virologique est
survenue chez 9 patients (30 %). Trois de ces 9 patients,
transplantés avec un ARN-VHC négatif, ont récidivé après
la TH. Plus récemment, l’équipe de Forns a comparé les
résultats du traitement par interféron pégylé (IFN-Peg) et
RBV chez des patients ayant une cirrhose décompenséee
par rapport à un groupe apparié de cirrhotiques non traités.
Dans le groupe traité, le taux de négativation de l’ARN-VHC
sous traitement est de 30 %, cependant le taux de complications septiques est significativement plus élevé chez les
patients traités [6]. Ce taux de complications septiques est
diminué en cas de prophylaxie par norfloxacine en cours de
traitement. Il apparaît que, si un patient cirrhotique est
transplanté alors qu’il est en RVP, le risque de récidive virale
post-transplantation est nul. Si le patient est transplanté
avec un ARN-VHC négatif dans le sérum, sous traitement,
le risque de récidive est diminué à 30 % après la TH au lieu
de 90 % si l’ARN-VHC est positif. Il y a donc un intérêt à
amener les patients ARN-VHC-négatif au moment de la
transplantation. En résumé, ces différentes études [3-8]
montrent des taux de RVP de 30 %, mais dépendant du
génotype (50 % si génotype 3 ; 10-15 % si génotype 1).
Le traitement est indiqué en cas de cirrhose Child A et s’il
existe des facteurs de bonne réponse virologique (génotype
non 1, faible charge virale…). Le traitement est contreindiqué lorsque le score de Child est supérieur à 11 ou le
score de MELD (Mayo End Stage Liver Disease) supérieur
à 18. En cas de cirrhose décompensée, le traitement doit
être discuté au cas par cas. L’utilisation de facteurs de
croissance pourrait améliorer la tolérance du traitement et
une prophylaxie antibiotique pourrait être nécessaire.
Le traitement doit être pris en charge en collaboration
avec une équipe de transplantation hépatique pour deux
raisons : a) le risque de décompensation sous traitement ;
b) l’importance de la réalisation de la TH au moment de la
négativation de l’ARN-VHC.
“
Le traitement antiviral prégreffe
est difficile en cas de cirrhose
décompensée. Il doit être réservé aux patients
ayant les meilleurs facteurs prédictifs
de réponse (score de Child A ; génotype non 1 ;
charge virale faible)
”
Pour bien évaluer l’importance du traitement après TH, il faut
connaître l’histoire naturelle de la récidive virale C post-TH.
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 17 supplément 5, novembre 2010
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Réponse virologique
Durée
du traitement
(mois)
Fin
de traitement
n (%)
RVP
après TH
n (%)
Auteur,
année
Patients
Génotype
Child-Pugh,
moyen
Crippin,
2002
[7]
15
G1 : 73 %
11,9
+/–1,2
IFN 1 MU/jour
ou 3 MU trois fois
par semaine,
IFN 1 MU/jour + RBV
400 mg/jour
jusqu’à TH
2
5 (33)
/
2
(ARN VHC
positif)
0
20 effets secondaires,
2 sepsis (1 décès)
Étude stoppée
Thomas,
2003
[8]
20
G1 : 67 %
10
IFN 5 MU/jour
14
12 (60)
/
20
4 (20)
GCSF chez les patients
Arrêt 15 %
Everson,
2005
[4]
124
G1 : 70 %
7,4
+/–2,3
Augmentation
progressive de dose
IFN + RBV
6-12
57 (46)
30 (24)
G1 : 13 %
G non 1 : 50 %
47
(15 ARN VHC
négatifs)
12 (26)
Réduction dose 71 %,
Arrêt 13 %
5 sepsis
11 décompensations
hépatiques, 2 décès
Forns,
2003
[5]
30
G1: 70 %
A : 50 %
B : 43 %
C: 7%
IFN 3 MU/jour + RBV
800 mg/jour
Jusqu’à TH
3
9 (30)
/
30
6 (20)
Réduction dose 60 %,
Arrêt 20 %
2 sepsis
4 décompensations
hépatiques
Carrion,
2009
[6]
51
G1 : 80 %
A : 45 %
B : 43 %
C : 12 %
Peg IFN 180 μg/
semaine + RBV :
0,8-1,2 g/jour
jusqu’à TH
3
15 (29)
/
51
10 (20)
51
G1: 82 %
A : 43 %
B : 43 %
C : 14 %
Groupe contrôle
/
0
0
51
0
Réduction dose 49 %,
Arrêt 43 %
Décompensation
et décès idem
(15 i 9 et 4 vs 1)
Sepsis plus fréquent
dans groupe traité vs
contrôles (19 vs 3)
Traitement
RVP : réponse virologique prolongée ; TH : transplantation hépatique ; IFN : interféron ; RBV : ribavirine.
RVP
n (%)
Transplantés
Tolérance
Que faire chez les patients atteints de cirrhose virale C et les patients transplantés
Tableau 1. Traitement de l’infection VHC chez les patients avec cirrhose décompensée.
45
A
Traitement antiviral selon les modalités habituelles
TH
Suivi
Suivi
Traitement antiviral
24-48 Sem
ARN VHC négatif à la TH : pas de récidive
B
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Traitement antiviral prégreffe immédiat
12–16 Sem TH
Traitement
Suivi
Réponse virologique
sous traitement
ARN VHC négatif à la TH : 30 % de récidive
Figure 1. Modalités du traitement antiviral C avant transplantation hépatique.
TH : transplantation hépatique ; RVP : réponse virologique prolongée ; Sem : semaines.
Histoire naturelle de la récidive virale C
La réinfection virale C est quasiment constante (90 %)
pour les patients ayant une réplication virale avant la TH.
L’ARN-VHC peut-être détecté dans le sérum dès les
premières heures post-TH, la charge virale C augmentant
significativement au cours des premiers mois. Une hépatite
aiguë survient entre le premier et le quatrième mois postgreffe, et évolue vers une hépatite chronique chez 70 à
90 % des patients [9]. Des cas d’hépatite cholestatique,
survenant en général dans les deux premières années
post-TH, sont rapportés avec une fréquence de 2 à 8 %.
Le rôle d’une forte réplication virale C et d’une cytotoxicité
du virus a été suspecté dans ces formes de pronostic sévère.
L’évolution de l’infection virale C sur le greffon est accélérée par rapport aux patients immunocompétents, avec,
notamment, une vitesse accrue de progression de la
fibrose. Il existe une mauvaise corrélation entre les perturbations biologiques et les lésions histologiques, ce qui
souligne l’importance d’un suivi histologique systématique.
La fréquence de survenue de cirrhose varie selon les séries
de 10 à 28 % à 5 ans. En cas de cirrhose sur le greffon, le
risque de décompensation est de 40 % par an, avec un
risque de décès de 60 % dans l’année suivant le premier
épisode de décompensation. Cette évolution conduit
à l’indication d’une retransplantation pour environ
10 % des patients.
Les mécanismes pathogéniques expliquant les différences
d’évolution observées selon les patients sont mal compris.
L’intervention de facteurs multiples liés au donneur, à
l’hôte et au virus est probable.
46
Facteurs déterminant l’évolution
de la récidive virale C
Les facteurs associés à la sévérité de la récidive C sont : une
charge virale prétransplantation élevée (> 106 UI/mL) ;
une charge virale à 4 mois post-TH élevée (> 107 UI/mL) ;
une récidive sévère déterminée par la biopsie hépatique
à 4 mois ou un an ; un gradient de pression hépatique ou
des marqueurs non invasifs de fibrose élevés à 1 an postTH ; des épisodes de rejet aigus traités ; une coïnfection par
le VIH ; un arrêt précoce des corticoïdes ; l’utilisation
d’immunosuppresseurs puissants ; et un âge élevé du
donneur (plus de 40 ans). Les études évaluant le rôle
du génotype du VHC et de la TH à donneur familial sont
contradictoires. Le traitement immunosuppresseur doit
être suffisamment puissant pour prévenir le rejet, mais
non excessif. Il n’a pas été possible de déterminer un impact
éventuel de la cyclosporine ou du tacrolimus sur la récidive
virale C. Les bolus de corticoïdes ainsi que l’arrêt brutal des
corticoïdes dans les premiers mois post-TH sont délétères.
Cependant, les régimes d’immunosuppression sans
corticoïdes n’ont pas montré de bénéfice sur l’évolution
de la fibrose [1].
Traitements antiviraux
de la récidive virale C
En raison du risque évolutif de la récidive virale C, un traitement
doit être discuté. Le traitement est le plus souvent proposé au
stade d’hépatite chronique sur le greffon. D’autres stratégies
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 17 supplément 5, novembre 2010
Que faire chez les patients atteints de cirrhose virale C et les patients transplantés
peuvent être envisagées : traitement prophylactique,
traitement post-TH précoce (préemptif). D’une manière
générale, le traitement antiviral a une efficacité et une tolérance plus limitées dans le cadre de la greffe.
Traitement prophylactique
La prophylaxie de la récidive virale C par immunoglobulines
anti-VHC n’a pas donné de résultats positifs.
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Traitement antiviral postgreffe précoce
L’intérêt du traitement préemptif (tableau 2), débuté dans
les huit semaines suivant la TH, est d’être débuté lors d’une
phase où la charge virale C est plus faible et la fibrose
absente. Cependant, à cette période, le traitement est
limité par une mauvaise tolérance, un risque accru de rejet
et une forte immunosuppression augmentant le risque
infectieux. Les traitements par IFN standard ou pégylé
avec ou sans RBV ont une efficacité limitée, avec des taux
de RVP autour de 10-20 %. Le traitement préemptif est
limité par une tolérance hématologique médiocre, notamment pour la RBV, et les taux de RVP ne sont pas supérieurs
à ceux qui sont obtenus par un traitement effectué à une
période plus tardive après la TH [10-13].
Traitement antiviral
au stade d’hépatite chronique
Le traitement antiviral est le plus souvent débuté au stade
d’hépatite chronique sur le greffon à un moment ou l’état
général est amélioré (tableau 3). Les traitements par IFN ou
RBV en monothérapie sont peu efficaces avec des taux de
RVP inférieurs à 10 %. Samuel et al. ont rapporté une étude
randomisée comparant 28 patients transplantés traités par
IFN – trois millions d’unités trois fois par semaine – et RBV –
1-1,2 grammes par jour pendant 48 semaines –, et
24 patients contrôles. Une RVP a été obtenue pour 21 %
des patients traités. Un arrêt de l’étude a été nécessaire
pour 43 % des patients traités et 17 % des contrôles. Un
rejet chronique est survenu chez un patient traité [14].
Les traitements associant IFN-Peg et RBV sont supérieurs à
ceux utilisant l’IFN non pégylé. Le traitement associant la
bithérapie IFN-Peg et RBV est donc le standard du traitement chez les transplantés hépatiques. Une précaution
importante est d’adapter la dose de RBV à la clairance de
la créatinine des patients. Il est donc rare de pouvoir dépasser la dose de 1 000 mg/jour, les doses de RBV oscillant
souvent entre 600 et 1 000 mg/jour. En revanche, les doses
d’IFN-Peg sont les mêmes que chez le patient non transplanté. Les revues systématiques du traitement IFN-Peg
plus RBV montrent des RVP autour de 30-35 % : 30 %
pour les patients génotypes 1 ; 50-70 % pour les patients
génotype 3. Les facteurs expliquant une réponse virologique plus faible chez les patients transplantés sont : la
non-réponse précédente à un traitement IFN-RBV avant la
TH ; la forte prévalence du génotype 1 ; l’immunosuppression ; la mauvaise tolérance du traitement et ses effets
secondaires. Les variables associées à la RVP sont : le génotype non 1 ; l’absence de traitement antiviral antérieur ; la
réponse virologique précoce et la réponse virologique
rapide ; l’adhésion au traitement ; une charge virale prétraitement faible. L’influence de l’immunosuppression sur la
réponse au traitement n’est pas établie, même si certaines
études suggèrent que la RVP est plus élevée sous traitement
par cyclosporine [3, 15, 16]. Un point important souligné
Tableau 2. Traitement antiviral précoce (préemptif) après transplantation hépatique.
Nombre
de patients
Début de traitement
Traitement
RVP (%)
Arrêt
traitement (%)
Mazzafero
[10]
36
3 semaines après TH
IFN 3 MU x 3/semaine plus
RBV 10 mg/kg/jour, 12 mois
33 %
(G1/4 : 20 % ;
G3/3 : 100 %)
0 (effets
secondaires :
47 %)
0
Chasalani
[11]
26
28
3 semaines après TH
PegIFN alfa-2a 180 μg/semaine,
12 mois
versus contrôles
8%
(G1/4 : 5 % ;
G2/3 : 14 %)
0
31 %
32 %
12 %
21 %
Shergill
[12]
44
2-6 semaines après TH
IFN 3 MU x 3/semaine, ou pegIFN 9 %
+/– RBV 600-1 200 mg/jour,
12 mois
37 %
40,9 %
Sugawara
[13]
21
4 semaines après TH
IFN 3-6 MU x 3/semaine + RBV
400-600 mg/jour, 12 mois
ou plus
29 %
30%
Auteur
39 %
(G1/4 : 33 % ;
G2/3 : 100 %)
Rejet (%)
RVP : Réponse virologique prolongée ; TH : transplantation hépatique ; IFN : interféron ; RBV : ribavirine ; G : génotype ; TH : transplantation
hépatique.
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 17 supplément 5, novembre 2010
47
Tableau 3. Revues systématiques des traitements antiviraux après TH.
Auteurs
Études
Patients
Rejet
Aigu
Facteurs associés
à la RVP
Réduction de doses :
44 % (38-50 %)
Arrêt :
24 % (21-27 %)
2%
(1-3 %)
Absence
de traitement
antiviral post-TH
(OR : 1,9 ; IC 95 % :
1,0-3,4 ; p = 0,04)
Années
ETVR
RVP
Compliance
689
19802005
34 %
(30-37 %)
24%
(20-27 %)
Interféron et ribavirine
Wang
[15]
27 études
(2 contrôlées)
12-54 patients
par étude
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Péginterféron et ribavirine
Wang
[15]
21 études
(1 contrôlée)
11-86 patients
par étude
Peg IFN alfa-2b:
18 études
587
19802005
42 %
(38-46 %)
27 %
(23-31 %)
Réduction de doses :
66 % (61-70 %)
Arrêt :
26 % (20-32 %)
5%
(3-7 %)
Absence
de traitement
antiviral post-TH
(analyse univariée,
p = 0,02)
Génotype non 1
(analyse univariée,
p = 0,05)
Berenguer
[3]
19 études
(2 contrôlées)
12-61 patients
par étude
Peg IFN alfa-2b:
16 études
611
20042007
42,2 %
(17-68 %)
30,2 %
(0-50 %)
G1 : 28,7 %
G2 : 71-100 %
G3 : 66-100 %
Réduction de doses :
68 % (Peg-IFN : 39 %
RBV : 54 %)
Arrêt :
27,6 %
6,4 %
(0-25 %)
Réponse virologique
précoce
Génotype 2
Adhésion au
traitement
Virémie en début
de traitement
Xirouchakis [16]
6 études
contrôlées
13-59 patients
par étude
Peg IFN alfa-2b :
5 études
264
20052007
ND
41 %
(29,6-77,7 %)
ND
5%
ND
ETVR : réponse virologique de fin de traitement ; RVP : réponse virologique prolongée ; TH : transplantation hépatique ; G : génotype ;
ND : non disponible.
par certaines équipes est le stade fibrose au moment du
traitement. Le traitement antiviral à un stade de fibrose
F3-F4 est associé à une moins bonne réponse [17] et à
une morbimortalité plus élevée [18]. Cela suggère que les
patients doivent recevoir le traitement antiviral à des stades
de fibrose égaux ou inférieurs à 2.
La tolérance reste un point essentiel. Dans les revues systématiques, la diminution des doses de RBV est nécessaire
dans 70 % des cas, l’effet secondaire principal étant l’anémie hémolytique ; le recours à l’érythropoïétine (EPO) est
supérieur à 35 % des patients. La toxicité du traitement
antiviral pour les globules blancs et les plaquettes est
moins fréquente.
Le risque de rejet aigu ou chronique induit par le traitement
antiviral est mal quantifié. Dans les études non contrôlées,
les risques de rejet aigu ou chronique varient de 0 à 35 %,
et de 0 à 4 % respectivement. Cependant, les études
contrôlées ne montrent pas de différence significative.
Ces études sont limitées par de faibles effectifs, l’absence
de biopsie hépatique systématique en fin de traitement, et
48
la difficulté à distinguer les lésions de rejet et celles d’hépatite. Il est donc recommandé de maintenir l’immunosuppression à un niveau élevé et stable pendant le traitement
antiviral. Des cas d’hépatite alloïmmune ont été décrits : il
pourrait s’agir de rejets aigus atypiques, nécessitant un traitement par corticoïdes. Ces hépatites alloïmmunes peuvent
être mal supportées en cas de fibrose avancée (F ≥ 3) sous
jacente ; elles semblent survenir de façon plus fréquente en
cas de RVP.
L’obtention d’une RVP est associée à une survie significativement plus élevée qu’en l’absence de réponse
virologique [19, 20].
Certaines questions restent en suspens : quel est l’intérêt
de débuter le traitement au stade d’hépatite aiguë ? Quelle
est la durée optimale de traitement : plus ou moins de
48 semaines ? Quel est l’intérêt de poursuivre une monothérapie par RBV après la bithérapie IFN et RBV? Quel est
l’intérêt d’un traitement antiviral d’entretien pour ralentir
l’évolution de la fibrose ? Le type d’immunosuppression
peut-il modifier l’efficacité du traitement antiviral ?
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Que faire chez les patients atteints de cirrhose virale C et les patients transplantés
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Retransplantation
La retransplantation est le seul traitement pour les patients
présentant une cirrhose décompensée sur le greffon.
Les résultats de la retransplantation pour les patients VHCpositif semblent proches de ceux des patients VHC-négatif.
Les facteurs liés à une diminution de survie sont : une
mauvaise fonction hépatique, une insuffisance rénale, une
hospitalisation en unité de soins intensifs et l’âge, incitant à
proposer la retransplantation précocement. Cependant,
l’indication de retransplantation est difficile à établir, du fait
d’un nombre de candidats en augmentation, d’une vitesse
de décompensation de la cirrhose accélérée sur le greffon et
de la pénurie d’organes. Enfin, il faut noter que l’évolution
de la récidive C sur le second greffon n’est pas toujours
identique à celle qui est observée sur le premier greffon.
“
Les traitements de la récidive
C post-transplantation par interféron
pégylé et ribavirine permettent d’obtenir une
réponse virologique prolongée dans environ
30 % des cas
n
T ake home messages
n
n La
réinfection virale C est constante lorsque l’ARN-VHC
est positif avant la greffe et elle diminue la survie des
patients et des greffons.
n Le virus C réinfecte le greffon dans les heures suivant la
greffe avec une charge virale plus élevée et une évolution
de la fibrose plus rapide.
n Des facteurs multiples liés au donneur, au receveur et au
virus sont responsables de l’évolution de la fibrose sur le
greffon parmi lesquels : la charge virale pré- et postgreffe
précoce, une récidive précoce sévère, une forte immunosuppression, le traitement d’épisodes de rejet, une infection
à cytomégalovirus ou HIV, l’âge du donneur.
n Une évaluation annuelle de la fibrose par biopsie ou par
méthode non invasive est recommandée.
n Le traitement antiviral prégreffe peut diminuer le risque
de récidive virale C, mais est limité par une mauvaise tolérance en cas de cirrhose décompensée.
”
n Le traitement antiviral préemptif ou postgreffe précoce
est peu efficace.
Conclusions et perspectives
La cirrhose C est une indication croissante de transplantation et de retransplantation. La connaissance de l’histoire
naturelle de la récidive virale C sur le greffon et des traitements antiviraux pré- et postgreffe reste un défi. Les traitements antiviraux prégreffe et préemptif sont limités par une
mauvaise tolérance et une faible efficacité. L’identification
précoce des patients à risque d’évolution sévère doit être
améliorée, afin de sélectionner les patients nécessitant un
traitement après la greffe. L’association d’IFN et de RBV a
une efficacité antivirale chez 20 à 45 % des patients. Il est
nécessaire de déterminer par de nouvelles études : a) quels
patients traiter ; b) quand débuter le traitement ; c) quels
sont les facteurs prédictifs de réponse au traitement ;
d) quelle est la durée optimale de traitement...
Malgré le risque de récidive, la transplantation reste indiquée chez les patients ayant une cirrhose virale C menaçant
le pronostic vital, car elle permet un gain net de survie.
Cependant, nous devons informer les patients du risque
de développement d’une cirrhose sur le greffon à moyen
ou long terme.
Le développement de nouveaux antiviraux dans la prévention et le traitement de la récidive C sur le greffon est
absolument nécessaire.
Conflit d’intérêt : aucun.
n
n
n Le traitement antiviral postgreffe au stade d’hépatite
chronique permet d’obtenir une réponse virologique prolongée pour environ 30 % des patients, avec un effet bénéfique sur la fibrose et sur la survie des patients et des
greffons. Les facteurs prédictifs de réponse au traitement
sont : un génotype non 1, l’absence de traitement antiviral
antérieur, une réponse virologique précoce, l’adhérence au
traitement et une faible charge virale. Le traitement est
limité par une tolérance souvent mauvaise.
n Cette population de patients devrait bénéficier en priorité
des nouveaux traitements antiviraux.
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