L`épicardite chronique, une constriction à péricarde souple

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Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 64 (2015) 46–47
Fait clinique
L’épicardite chronique, une constriction à péricarde souple : à propos d’un
cas
Chronic epicarditis, a soft pericardial constriction: About one case
M. Madani a,∗ , H. Madani b , M. Bazine c , A. Derkaoui c , A. Shimi c , M. Khatouf c
a
Faculté de médecine et pharmacie de Tanger, avenue Palestine M’haneche II, BP 2117, Tétouan, Maroc
b Service d’anesthésie réanimation, CHU Mohammed VI, Oujda, Maroc
c Service d’anesthésie réanimation A1, CHU Hassan II, Fès, Maroc
Reçu le 3 juillet 2013 ; accepté le 8 avril 2014
Disponible sur Internet le 28 avril 2014
Résumé
L’épicardite chronique constrictive est une forme particulière de la péricardite chronique. Elle se caractérise par un épaississement du péricarde
viscéral qui devient adhérent aux structures cardiovasculaires, gênant ainsi le remplissage diastolique des ventricules. Le péricarde pariétal reste,
par contre, souple et sans symphyse avec le péricarde viscéral. Nous illustrons l’approche diagnostique et thérapeutique de cette pathologie par
une observation clinique.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Péricarde ; Épicardite ; Péricardite chronique constrictive ; Épicardectomie ; Sternotomie ; Cœur battant
Abstract
Chronic constrictive epicarditis is a special form of chronic pericarditis. It is characterized by a thickening of the visceral pericardium that
becomes adherent to cardiovascular structures, thus impeding the diastolic filling of the ventricles. The parietal pericardium remains soft, without
symphysis with the visceral pericardium. We illustrate the diagnostic and therapeutic approaches to this pathology by a clinical case.
© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Pericardium; Epicarditis; Chronic constrictive pericarditis; Epicardectomy; Sternotomy; Beating heart
Le péricarde est constitué de deux feuillets, viscéral et
pariétal. Le feuillet viscéral adhère au myocarde. Il est appelé
épicarde. La péricardite chronique constrictive est due anatomiquement à un épaississement anormal du péricarde avec
symphyse de ses deux feuillets. Ce péricarde pathologique
constitue une gangue fibreuse ou calcifiée qui enserre les
cavités cardiaques et empêche un remplissage diastolique
∗
Auteur correspondant.
Adresses e-mail : [email protected],
[email protected] (M. Madani).
http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2014.04.004
0003-3928/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
correct de celles-ci [1]. L’épicardite constrictive est une forme
rare de la péricardite chronique constrictive, caractérisée par
l’épaississement de l’épicarde qui devient fibreux et adhérent
aux structures cardiaques. Le péricarde pariétal reste, par
contre, souple, sans symphyse.
La physiopathologie et l’expression clinique de l’épicardite
chronique sont celles d’une péricardite constrictive. La dyspnée
et les signes d’insuffisance cardiaque droite sont les maîtres
symptômes. L’électrocardiogramme peut être normal ou montrer des troubles de la repolarisation et/ou du rythme cardiaque.
La radiographie thoracique doit chercher la présence de calcifi-
M. Madani et al. / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 64 (2015) 46–47
cations péricardiques, se projetant sur l’aire cardiaque. Celles-ci
peuvent être absentes. L’échocardiographie montre un péricarde
épaissi avec des signes hémodynamiques de constriction. Le
Doppler montre des anomalies du flux des veines sus-hépatiques
et de la veine cave inférieure sous la forme d’un aspect dit en
« W » avec une inversion anormale du flux en télédiastole et en
télésystole. Une augmentation de plus de 25 % de la vélocité
de l’onde E mitrale en expiration est un signe très sensible en
faveur d’une constriction [1].
Le scanner thoracique confirme l’épaississement du péricarde et montre des calcifications qui peuvent être absentes sur la
radiographie standard. L’IRM cardiaque, par rapport au scanner,
a moins d’intérêt dans le diagnostic positif des péricardites chroniques [2]. Le cathétérisme cardiaque droit n’est plus obligatoire
au diagnostic. S’il est réalisé, il confirme alors l’adiastolie. Les
courbes de pressions ventriculaires droites et gauches montrent
un dip-plateau associant un creux protodiastolique et un plateau
télédiastolique, avec élévation de la pression télédiastolique,
supérieure au tiers de la pression systolique. Il existe, d’autre
part, une égalisation des pressions diastoliques des différentes
cavités cardiaques et une absence de variation respiratoire de la
pression auriculaire droite [2].
La pathogénie de l’épicardite constrictive n’est pas claire.
Plusieurs agents peuvent aboutir à une inflammation du péricarde ou de l’épicarde. Ces agents peuvent être infectieux,
néoplasiques, immunitaires ou chimiques [1]. Byrne et al. ont
rapporté une série de huit patients ayant développés une épicardite chronique constrictive, au postopératoire d’une chirurgie
thoracique. Tous ces patients ont été réopérés par thoracotomie
gauche pour épicardectomie [3].
Nous illustrons cette pathologie rare par l’observation
d’une patiente âgée de 54 ans, sans antécédent pathologique
notable, accusant une dyspnée invalidante, évoluant depuis
6 ans, mise sur le compte d’une péricardite chronique constrictive. Son électrocardiogramme montrait une fibrillation atriale.
Sa radiographie thoracique était sans particularité. Son échocardiographie avait montré des signes hémodynamiques en faveur
d’une constriction péricardique. Le scanner thoracique avait
confirmé l’épaississement du péricarde par endroit, avec des calcifications, en l’occurrence en regard de l’oreillette droite et du
ventricule gauche.
Au bloc opératoire, sous anesthésie générale, en décubitus dorsal, une sternotomie médiane verticale a permis la
découverte d’un péricarde pariétal souple, non adhérent aux
structures cardiaques. Il existait par ailleurs, un épaississement
de l’épicarde sous forme d’un film ou d’une gaine blanchâtre,
recouvrant tout le cœur, en en effaçant les contours et les
reliefs (Fig. 1). Les calcifications objectivées sur le scanner
ont été retrouvées et enlevées. La patiente a bénéficié d’une
épicardectomie subtotale à cœur battant (Fig. 2), allant du
phrénique droit au phrénique gauche, avec dissection et libération des veines caves supérieure et inférieure. Le péricarde
pariétal, souple et macroscopiquement normal, a été réséqué
de principe. Le remplissage ventriculaire s’est amélioré, de
même que la contractilité myocardique. Le résultat immédiat et à moyen terme de la chirurgie est très satisfaisant,
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Fig. 1. Vue opératoire montrant une épicardite chronique constrictive :
l’épicarde est épais comme du cuir recouvrant tout le cœur ; le péricarde pariétal
est normal.
Fig. 2. Vue opératoire montrant une épicardectomie par sternotomie.
cliniquement et radiologiquement. L’étude anatomopathologique de l’épicarde a montré des signes inflammatoires
non spécifiques.
En conclusion, l’épicardite constrictive est une forme rare de
la péricardite chronique constrictive, avec un péricarde pariétal souple. Son diagnostic peut être une surprise opératoire.
L’épicardectomie subtotale par sternotomie donne un bon résultat clinique et écho-cardiographique.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
Références
[1] Millaire A. Péricardites aiguës et chroniques. EMC-Médecine
2005;2:253–63.
[2] Peebles CR, Shambrook JS, Harden SP. Pericardial disease – anatomy and
function. Br J Radiol 2011;84:S324–37.
[3] Byrne JG, Karavas AN, Colson YL, Bueno R, Richards WG, Sugarbaker DJ,
et al. Cardiac decortication (epicardiectomy) for occult constrictive cardiac
physiology after left extrapleural pneumonectomy. Chest 2002;122:2256–9.
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