Place de l`imagerie dans la prise en charge des cancers des voies

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DOSSIER THÉMATIQUE
Cancérologie et ORL
Place de l’imagerie
dans la prise en charge
des cancers des voies aérodigestives supérieures
The role of imaging in the management of ear,
nose and throat cancer
J. Blustajn*, L. Mabille**
L’
imagerie joue un rôle essentiel, complémentaire à celui de l’examen clinique et de
l’endoscopie, dans la détermination précise
de l’extension locorégionale et à distance des cancers
des voies aéro-digestives supérieures (VADS), ce qui
permet d’établir le stade et de planifier la prise en
charge thérapeutique. L’évaluation de la réponse
au traitement et la surveillance postthérapeutique
sont, grâce à l’imagerie, possibles.
Il existe plusieurs modalités d’imagerie (imagerie par
résonance magnétique [IRM], tomodensitométrie
[TDM], tomographie par émission de positrons-TDM
[TEP-TDM]) ; chacune a ses avantages et ses limites.
L’objectif de cet article est de préciser les indications
des différentes modalités dans la prise en charge des
cancers des VADS.
Diagnostic
et bilan locorégional
* Service d’imagerie médicale, Fondation ophtalmologique Adolphede-Rothschild, Paris.
** TEP Paris-Nord, Sarcelles ; service
de médecine nucléaire, hôpital américain, Neuilly-sur-Seine.
L’imagerie en coupe des cancers des VADS apporte
des précisions sur leur extension aux structures
profondes, inaccessibles à l’examen clinique. Elle
permet l’examen des régions difficilement explorées
cliniquement ou par endoscopie en raison de la configuration anatomique de certains patients.
La TDM, grâce à sa haute résolution spatiale et à son
accessibilité, est généralement la première technique
d’imagerie employée devant des signes ORL non
spécifiques.
108 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011
Du fait de la densité similaire des tumeurs et des
tissus mous, l’emploi d’un produit de contraste iodé
est nécessaire pour mieux délimiter ces lésions. Cette
technique est idéale pour détecter une extension aux
structures de densité très différente de celle de la
tumeur, telles que l’os compact et les tissus adipeux
qui entourent les structures vasculo-nerveuses et qui
séparent les plans tissulaires profonds.
La TDM présente une très bonne résolution temporelle, rendant possible la pratique de manœuvres
dynamiques pour mieux exposer des sites anatomiques difficiles à explorer (fossettes de Rosenmüller,
sinus piriformes ou ventricules laryngés).
L’IRM possède une meilleure résolution en contraste
que la TDM, sauf pour l’os compact ; elle permet
de distinguer le cancer des tissus mous. On peut
augmenter cette résolution en utilisant des produits
de contraste à base de chélate de gadolinium et
des techniques d’IRM qui effacent exclusivement
le signal des tissus adipeux.
En cas de suspicion d’un cancer des VADS, l’examen
locorégional doit être complet ; il doit explorer les
régions allant de la base du crâne au défilé cervicothoracique, à la recherche de lésions synchrones et
de localisations ganglionnaires cervicales. En IRM,
l’exploration d’un tel volume nécessite l’utilisation
d’une antenne dédiée “tête et cou”.
Pour le diagnostic de la tumeur primitive, l’intérêt
de la TEP-TDM au 18 fluoro-désoxy-glucose (18FDG)
reste limité, puisque sa sensibilité est similaire à celle
des autres techniques d’imagerie (1). Les Standards,
Points forts
» Souligne les avantages et inconvénients des différentes modalités d’imagerie en coupe.
» Définit la place de l’imagerie dans les différentes étapes de la prise en charge des cancers des VADS.
» Préciser les indications du TEP scan dans la prise en charge de ces pathologies.
options : recommandations lui accordent une place
importante, en cas de tumeur suspecte et de biopsie
négative, afin de guider de nouveaux gestes de
prélèvement ; mais, en pratique quotidienne, cette
situation reste exceptionnelle.
Certains travaux ont tenté de corréler l’intensité de
la captation du traceur par la tumeur au pronostic
de la maladie (2, 3). Cette corrélation reste non
complètement démontrée.
L’indication de la TDM ou de l’IRM dans le bilan
d’extension locorégionale des cancers des VADS
est, en grande partie, fonction de la localisation
tumorale.
Exploration des cancers naso-sinusiens
Devant des symptômes non spécifiques d’un
dysfonctionnement naso-sinusien, la TDM peut
montrer des lésions osseuses et/ou une infiltration
tissulaire des structures de voisinage (fosse ptérygopalatine, fosse infra-temporale, orbite, base du
crâne) évoquant une lésion agressive. Cependant,
sa résolution en densité ne permet pas, à la TDM,
de distinguer le cancer de lésions non cancéreuses,
souvent associées, telles que l’inflammation,
la rétention ou les polypes. L’IRM, en revanche,
grâce à son excellente résolution en contraste, est
capable de les distinguer. Elle permet aussi de mieux
définir les limites entre la tumeur et les structures
extra-naso-sinusiennes, notamment une extension
périnerveuse ou intracrânienne. Chez les patients
porteurs de matériel métallique dentaire, l’exploration de cette région par l’IRM peut être limitée
en raison des perturbations du champ magnétique.
L’imagerie TDM est également dégradée par les
artéfacts dus au matériel dentaire, mais souvent
à un moindre degré.
Exploration des cancers du rhinopharynx
La TDM est souvent pratiquée en première intention
pour explorer des symptômes naso-sinusiens ou
otologiques non spécifiques provoqués par un
cancer du rhinopharynx. La détection au scanner
d’une petite lésion, au fond de la fossette de
Imagerie
Cancer
ORL
VADS
TEP scan
Rosenmüller, est parfois difficile. Grâce à la bonne
résolution temporelle de la TDM (acquisition
centrée sur le rhinopharynx en 10 secondes), la
manœuvre de Valsalva (qui consiste à souffler à
travers le nez pincé) ouvre le fond des fossettes
de Rosenmüller, permettant d’exposer une petite
tumeur qui, sinon, passerait inaperçue (4). La TDM
permet également de détecter une érosion osseuse
de la base du crâne.
L’IRM est la modalité d’imagerie de choix pour
établir le stade, notamment pour les extensions périnerveuse, musculo-rachidienne et
endocrânienne.
La manœuvre de Valsalva n’est pas possible en IRM
en raison de la durée de l’examen, mais l’excellente
résolution en contraste de l’IRM permet la détection
des lésions au fond d’une fossette de Rosenmüller
sans avoir recours à des manœuvres particulières
(figure 1).
Pour les formes très avancées cliniquement, la
TDM peut suffire pour évaluer la tumeur primitive
et l’extension ganglionnaire.
A
Mots-clés
Highlights
» Underlines the advantages
and inconveniences of the
different imaging modalities.
» Defines the role of imaging
at the various stages of
managing ENT cancers.
» Precise indications of
PET scan of managing ENT
cancers.
Keywords
Imagery
Cancer
ENT
PET scan
B
Figure 1. Bilan diagnostique d’une lésion du rhinopharynx découverte devant une otite
séreuse unilatérale.
A. IRM, coupe axiale pondération T1 avec injection de gadolinium et saturation du signal
de la graisse. Petite prise de contraste au fond de la fossette de Rosenmüller gauche avec
une adénopathie rétropharyngienne latérale gauche nécrosée et une deuxième adénopathie rétropharyngienne latérale droite, homogène.
B. TDM, coupe axiale avec injection de produit de contraste iodé. Aspect fermé de la fossette
de Rosenmüller gauche et effacement du liseré graisseux rétropharyngien latéral gauche.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 |
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DOSSIER THÉMATIQUE
Place de l’imagerie dans la prise en charge des cancers
des voies aéro-digestives supérieures
Cancérologie et ORL
Exploration des cancers de l’oropharynx
et de la cavité buccale
L’IRM est l’examen d’imagerie de première
intention en cas de suspicion d’un cancer de l’oropharynx ou de la cavité buccale, en raison de sa
résolution supérieure en contraste, permettant
de visualiser avec précision les structures anatomiques envahies en profondeur et les extensions
à la médullaire osseuse de la mandibule ou les
extensions périnerveuses (figure 2). La TDM est
indiquée en complément, lorsque la lésion arrive
à proximité de structures osseuses, afin d’explorer
l’os cortical et/ou lorsqu’une plastie mandibulaire
est envisagée (5, 6).
Chez les patients porteurs de matériel métallique
dentaire, l’exploration de cette région par l’IRM
peut être limitée par la perturbation du champ
magnétique. Les séquences en écho de gradient
Figure 2. Bilan locorégional d’une lésion
de l’oropharynx découverte devant une
dysphagie et une otalgie gauches chroniques.
L’IRM avec injection de gadolinium et saturation du signal de la graisse montre une
prise de contraste et un épaississement du
voile gauche et de la paroi postéro-latérale
gauche de l’oropharynx, s’étendant au plan
musculaire prérachidien, avec adénopathies
rétropharyngiennes latérales, bilatérales.
A
B
Figure 3. Bilan locorégional d’une lésion glotto-sous-glottique découverte devant une
dysphonie avec fixation de la corde vocale gauche. TDM du larynx dans le plan axial, en
respiration spontanée, avec injection d’un produit de contraste iodé.
A. Condensation de la partie gauche du chaton cricoïdien, associée à une corde vocale
fixée en adduction.
B. Épaississement du revêtement muqueux de la sous-glotte gauche en rapport avec
une extension tumorale.
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et la technique de saturation spectrale du signal
adipeux sont particulièrement sensibles aux inhomogénéités du champ magnétique, entraînant une perte
de signal. Ce phénomène est atténué en utilisant les
séquences à écho de spin (spin echo). Il existe, sur
certaines IRM de nouvelle génération, une technique
permettant d’obtenir des images sélectives tissulaires (eau, graisse) grâce à l’asymétrie des échos,
tant en T1 qu’en T2. Ces images peuvent ensuite
être soustraites, supprimant alors le signal de la
graisse sans produire d’artéfact (7). L’imagerie TDM
est également dégradée par les artéfacts liés aux
amalgames dentaires, souvent très importants au
niveau de la cavité buccale et de l’oropharynx, qu’il
est parfois possible de déplacer en ouvrant la bouche
du patient pendant l’acquisition (4).
Exploration des cancers du carrefour
pharyngo-laryngé
Devant des signes d’une atteinte du carrefour
pharyngo-laryngé (dysphagie, dysphonie, otalgie,
etc.), la TDM est l’examen d’imagerie de première
intention.
L’exploration d’une dysphonie nécessite une étude
du larynx au cours d’une manœuvre dynamique de
phonation, permettant l’évaluation de la mobilité
des cordes vocales et l’ouverture des ventricules
laryngés (4). Grâce à sa bonne résolution temporelle, la TDM permet, en 10 secondes, d’obtenir
une acquisition centrée sur le larynx, au cours de
cette manœuvre. La reconstruction de cette acquisition dans le plan coronal permet de déterminer
avec précision les niveaux concernés par le cancer
(glottique, supra-glottique ou sous-glottique).
L’évaluation des cartilages laryngés est essentielle dans le bilan d’extension des cancers, car
l’envahissement des structures aryténoïdiennes
et/ou cricoïdiennes est une contre-indication aux
traitements conservateurs partiels du larynx. La
meilleure indication de l’envahissement d’une
articulation crico-aryténoïdienne est l’immobilité
d’une corde vocale. Cependant, lorsque sa mobilité
est réduite, on ne peut plus juger de son état, et
l’imagerie devient indispensable. La TDM présente
une excellente valeur prédictive positive lorsque
la tumeur se situe de part et d’autre d’un cartilage,
lorsqu’il y a une sclérose asymétrique du cartilage
cricoïdien (figure 3) [8]. La sclérose d’un cartilage
aryténoïdien isolé ou du cartilage thyroïdien est peu
spécifique, pouvant correspondre à une réaction
inflammatoire (9).
DOSSIER THÉMATIQUE
La TDM présente également une excellente valeur
prédictive négative lorsque l’articulation crico-aryténoïdienne est mobile.
L’IRM est plus sensible que la TDM dans la détection
de l’envahissement des cartilages laryngés, mais elle
est moins spécifique (10).
Par ailleurs, l’IRM de cette région est soumise à de
multiples artéfacts (mouvements de déglutition,
respiration, pulsations vasculaires et hétérogénéité
du champ magnétique local en raison de l’interface
entre tissu et air) qui rendent la qualité de cet
examen très aléatoire.
L’exploration d’une dysphagie haute nécessite une
étude de l’hypopharynx au cours d’une manœuvre
dynamique de Valsalva modifiée (soufflant dans les
joues comme dans un ballon), qui permet l’ouverture
des sinus piriformes et, parfois, la séparation de la
paroi postérieure du pharynx de la région rétro-cricoaryténoïdienne (4). Grâce à sa bonne résolution
temporelle, seule la TDM permet d’explorer l’hypopharynx en pratiquant la manœuvre de Valsalva
modifiée (figure 4).
Bilan d’extension des chaînes
ganglionnaires cervicales
Après le contrôle local des cancers primitifs des
VADS, l’extension ganglionnaire est le facteur
pronostique le plus important (11). En effet, en cas
d’adénopathie cervicale métastatique, la survie à
5 ans est diminuée de 50 % ; lorsqu’il existe une
deuxième adénopathie controlatérale, la survie à
5 ans est de 25 % (12-15).
Seule l’analyse histologique permet de détecter
la présence de métastases ganglionnaires microscopiques. L’imagerie en coupe ne peut exclure
la présence de métastases ganglionnaires. Des
études montrent que 15 % des patients atteints
d’un cancer primitif des VADS sans adénopathie
cervicale détectée cliniquement ou par l’imagerie
en coupe présentent des métastases ganglionnaires
microscopiques (11).
En revanche, lorsque les métastases ganglionnaires
sont suffisamment volumineuses pour être décelées
par l’imagerie, il existe des critères permettant
de les identifier : taille, forme, nécrose centrale,
regroupement ganglionnaire dans le territoire
de drainage du cancer primitif et rupture capsulaire (16-23).
Lorsque l’ensemble des critères TDM est utilisé, la
détection des métastases ganglionnaires augmente
de 7 à 19 % par rapport à la palpation (16-23).
A
B
Figure 4. Bilan locorégional d’une lésion de l’hypopharynx droit découverte devant une
dysphagie. TDM dans le plan axial avec injection d’un produit de contraste iodé.
A. L’acquisition en respiration spontanée montre une tuméfaction mal définie du sinus
piriforme droit, rehaussée par le contraste.
B. L’acquisition en Valsalva montre une masse bourgeonnante de la paroi postérieure
droite de l’hypopharynx, débordant sur la paroi latérale gauche du sinus piriforme, sans
extension à l’angle antérieur ou au mur pharyngo-laryngé.
La rupture capsulaire est un critère de mauvais
pronostic qui diminue de 50 % la survie à 5 ans.
La TDM représente le gold standard pour la détection
d’une rupture capsulaire, avec une sensibilité de
100 % (16-23). Le diagnostic repose sur le rehaussement capsulaire du ganglion, qui présente des
limites floues, à distance de toute intervention
chirurgicale, de radiothérapie ou d’infection active
dans la région.
Le critère de taille de l’adénopathie correspond à
la limite du plus petit diamètre (supérieur à 11 mm
pour le groupe II [jugulo-digastrique], supérieur
à 10 mm pour les autres groupes, sauf pour le groupe
des cancers rétropharyngiens, pour lequel il s’agit
d’une taille supérieure à 6 mm) [24].
Le regroupement de 3 ganglions ou plus (8-10 mm)
dans le territoire de drainage du cancer primitif est
très évocateur d’une atteinte métastatique (17, 18).
Le critère d’imagerie par TDM le plus prédictif de
la présence de métastases ganglionnaires est la
nécrose centrale, qui se traduit par une diminution
de l’atténuation au centre du ganglion, et l’aspect
est accentué par le rehaussement de la périphérie du
ganglion après l’injection d’un produit de contraste
iodé (16-23).
L’IRM utilise les mêmes critères de taille et de
morphologie que la TDM pour la distinction des
adénopathies cervicales métastatiques, et semble
aussi performante (25).
En revanche, les multiples artéfacts de la région
cervicale (déglutition, respiration, pulsation vasculaire,
susceptibilité magnétique) rendent la qualité de cet
examen plus aléatoire que celle de la TDM.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 |
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DOSSIER THÉMATIQUE
Cancérologie et ORL
Place de l’imagerie dans la prise en charge des cancers
des voies aéro-digestives supérieures
L’évaluation de l’extension des adénopathies
cervicales métastatiques aux structures vasculonerveuses de voisinage est un critère important dans
la décision d’opérer. La rupture extracapsulaire peut
envahir la paroi d’un vaisseau au contact, et rendre
le patient inopérable. Bien que certains auteurs aient
décrit une corrélation entre le degré de contact
circonférentiel d’une tumeur autour d’une artère
et le risque d’envahissement (26), de nombreux
cas cliniques individuels montrent l’absence de
fiabilité des techniques d’imagerie (TDM ou IRM)
pour détecter l’envahissement vasculaire (27).
La TEP-TDM possède une sensibilité et une spécificité identiques ou supérieures à celles des autres
techniques d’imagerie pour la détermination de
l’atteinte ganglionnaire (1). Sa supériorité concernerait surtout l’étude des chaînes rétropharyngiennes, des chaînes ganglionnaires controlatérales
à la tumeur et des adénopathies envahies en dehors
des sites de drainage classiques (28, 29).
En revanche, une TEP négative ne permet pas d’éliminer une micrométastase, et ne doit donc en aucun
cas modifier l’attitude d’analyse systématique du
ganglion sentinelle par prélèvement spécifique après
marquage au cours du curage fonctionnel.
L’adénopathie en apparence primitive, en rapport
avec une métastase épidermoïde dont la localisation primitive n’est pas retrouvée au terme du
bilan clinique, constitue un cas particulier.
Le bilan par TDM est systématique, explorant
les régions cervicale et thoracique. Il permet de
rechercher des signes évocateurs de localisation
métastatique ainsi que la lésion primitive et d’évaluer
le niveau d’extension de celle-ci (30).
L’intérêt de la TEP-TDM est ici bien démontré. En
effet, elle permet de mettre en évidence la tumeur
primitive dans 25 % des cas, alors que le bilan d’imagerie (TDM ou IRM) et la panendoscopie restent
négatifs (31).
Figure 5. Bilan préthérapeutique d’une tumeur de la base de la langue à gauche avec
adénopathies homolatérales. Découverte d’une seconde tumeur du quart supérieur de
l’œsophage.
112 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011
Recherche de métastases
ou d’un second cancer
La détection de métastases lors du bilan initial
modifie le pronostic et la prise en charge d’un cancer
des VADS. En raison du faible taux de métastases
au moment du diagnostic, il est recommandé de
les rechercher uniquement chez des patients à
haut risque : adénopathies cervicales de diamètre
supérieur ou égal à 3 cm, bilatérales ou jugulaires
basses (groupe IV des chaînes ganglionnaires cervicales), de diamètre supérieur ou égal à 6 cm, tumeur
synchrone. Les études montrent que la TDM thoracique est la modalité de référence pour le dépistage
initial des localisations à distance des cancers des
VADS à haut risque métastatique (32). La TDM
thoracique permet aussi la détection des cancers
bronchiques, des métastases hépatiques et des
cancers de localisation osseuse thoracique.
La TEP-TDM a un intérêt majeur dans cette
indication. En effet, étant un examen “corps entier”,
elle devrait être réalisée pour chaque tumeur N2
ou N3 devant la fréquence des métastases et chez
tous les patients atteints d’une tumeur ayant un
haut potentiel de prolifération à distance (tumeurs
du cavum) [33, 34].
La fréquence d’un second cancer associé, lié en
particulier au tabac, varie selon les séries de 7
à 20 % (figure 5). Dans le cas particulier du cancer
bronchique, la TEP-TDM est indiquée pour la caractérisation de nodule(s) pulmonaire(s), la recherche d’un
envahissement médiastinal ainsi que le diagnostic
de métastases à distance.
Sa réalisation doit être systématique avant toute
chirurgie ORL lourde (1).
Évaluation de la réponse
au traitement
La stratégie thérapeutique de préservation d’organe
est le traitement de choix pour les patients porteurs
d’une tumeur primitive localement avancée. Ce
type de traitement fait appel à la chimiothérapie
néo-adjuvante et/ou adjuvante. L’évaluation de
l’efficacité d’une telle chimiothérapie est à la fois
clinique (endoscopie pour les lésions superficielles)
et radiologique (principalement la TDM pour les
lésions infiltrantes).
L’évaluation des variations de la charge lésionnelle
nécessite de pratiquer les TDM de contrôle dans
des conditions strictement identiques à celles de
l’examen de référence préthérapeutique.
DOSSIER THÉMATIQUE
Selon les nouvelles recommandations RECIST (35),
définissant les critères d’évaluation de la réponse
des tumeurs solides aux traitements, la ou les
lésions primitives doivent être mesurées selon leur
plus grand diamètre dans le plan axial. Seules les
lésions dont le diamètre maximal est supérieur ou
égal à 10 mm peuvent être mesurées de façon fiable
et reproductible sur des coupes TDM inférieur ou
égal à 5 mm. Bien que les ganglions soient considérés comme pathologiques lorsque leur diamètre
minimum est supérieur ou égal à 10 mm, seules les
adénopathies dont le diamètre minimal est supérieur
ou égal à 15 mm sont comptabilisées dans le calcul
de la charge lésionnelle.
La charge lésionnelle calculée par la somme de ces
mesures est comparée avant et après traitement
pour établir les 4 catégories de réponse : réponse
complète (absence de lésion résiduelle identifiable),
réponse partielle (≥ 30 % de réduction), stabilité
(< 30 % de réduction et < 20 % d’augmentation)
et progression (≥ 20 % d’augmentation et ≥ 5 mm
en mesure absolue).
La place de la TEP-TDM est encore mal définie.
La diminution de l’activité métabolique précédant
largement la diminution de la taille des tumeurs, la
TEP-TDM est l’examen de référence pour évaluer la
réponse thérapeutique, que cela soit précocement
après 1 ou 2 cures de chimiothérapie ou, de manière
plus classique, en fin de traitement (3 à 4 mois après
la fin de la radiothérapie).
L’intérêt de l’examen repose sur son excellente valeur
prédictive négative tant en ce qui concerne le site
tumoral que les sites métastatiques ganglionnaires
cervicaux ou à distance (36, 37).
Surveillance
Le risque de développer un deuxième cancer pour
les patients atteints d’un cancer des VADS, estimé
comme allant de 3 à 7 % par an, impose une
surveillance à vie (38).
Les études rapportent que le bénéfice de la surveillance
systématique des cancers des VADS par l’imagerie en
coupe est faible (39). La surveillance post-thérapeutique des cancers des VADS est avant tout clinique,
évaluant la réponse thérapeutique et la cicatrisation
lors de l’examen précoce, et cherchant à dépister
une récidive locorégionale, une lésion métachrone
des VADS, bronchique ou œsophagienne, ou une
extension métastatique lors des examens ultérieurs.
Il est généralement admis qu’un examen d’imagerie
en coupe (TDM et/ou IRM), servant de référence, est
souhaitable 3 à 6 mois après la fin du traitement,
surtout chez des patients difficiles à examiner
cliniquement et en cas de traitement non chirurgical (40).
Par la suite, l’imagerie en coupe n’est indiquée
qu’en cas d’apparition de signe d’appel clinique,
de surveillance clinique difficile ou de possibilité
thérapeutique à visée curative. En cas de suspicion
clinique de récidive locale ou de lésion métachrone
des VADS, l’imagerie en coupe (TDM et/ou IRM) doit
être pratiquée avant l’endoscopie afin de guider les
biopsies et pour éviter de créer de fausses images
lésionnelles en réalisant ces dernières. Certains
auteurs ont montré l’intérêt de l’IRM de diffusion
pour la détection de lésions résiduelles ou de la
récidive de cancers des VADS (41).
La surveillance clinique est complétée par une radiographie pulmonaire systématique en raison du risque
de métastases aux poumons, ceux-ci représentant
80 % des localisations métastatiques, devant l’os et
le foie. La majorité des métastases (85 %) se déclare
pendant les 2 premières années après le diagnostic
du cancer initial. Il est recommandé de pratiquer
2 radiographies pulmonaires la première année, puis
1 par an (40).
La TDM thoracique est indiquée devant la détection
d’une anomalie lors de la radiographie pulmonaire
de surveillance (40).
Si la TDM se révèle normale, la surveillance par
simple radiographie pulmonaire annuelle se
poursuit. Si la TDM montre un nodule de diamètre
supérieur à 1 cm, une concertation pluridisciplinaire
s’impose.
Si la TDM montre un nodule de diamètre inférieur
à 1 cm, un contrôle à 3 mois par TDM est indiqué.
Si ce contrôle est stable, la surveillance par simple
radiographie pulmonaire annuelle se poursuit. Si ce
contrôle montre une évolution, une concertation
pluridisciplinaire s’impose.
La recherche de métastases osseuses ou hépatiques
doit être guidée uniquement par la clinique.
La découverte d’une métastase tardive (passé 3 ans)
sans récidive locale doit inciter à chercher un autre
cancer primitif.
La TEP-TDM, du fait de sa très forte valeur prédictive
négative, est l’examen de surveillance par excellence (42), qu’il s’agisse de la recherche d’une
récidive ou du dépistage d’un second cancer. Ce
seul examen permet de rechercher une éventuelle
récidive et d’en faire le bilan.
Il existe en revanche des faux positifs, et la découverte d’un foyer hypermétabolique incite à la
poursuite des investigations (endoscopie avec
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La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 |
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DOSSIER THÉMATIQUE
Cancérologie et ORL
Place de l’imagerie dans la prise en charge des cancers
des voies aéro-digestives supérieures
Une autre attitude recommande la réalisation de
l’examen en cas d’apparition d’anomalies sur le bilan
de suivi radiologique “classique”.
Des études prospectives randomisées devraient être
publiées dans les mois à venir (figure 6).
Conclusion
Figure 6. Découverte d’une atteinte osseuse pétreuse chez un patient présentant une
récidive clinique monofocale d’un carcinome laryngé.
biopsies guidées, ponction de nodules pulmonaires,
médiastinoscopies).
Sa prescription dépend de sa disponibilité, mais
devrait se faire au moins 2 fois par an dans
les 2 premières années (4 mois après la fin du
traitement, puis tous les 6 mois) [43].
La TDM et l’IRM sont des compléments importants à l’examen clinique et endoscopique pour le
bilan locorégional des cancers des VADS, aidant
à définir leur stade et à planifier leur prise en
charge. La TDM joue un rôle dans l’évaluation de
la réponse au traitement et, à un moindre degré,
dans la surveillance post-thérapeutique. Chaque
technique a ses avantages et ses inconvénients selon
les régions explorées.
L’examen TEP-TDM au 18FDG est très utile dans le bilan
d’extension, l’évaluation de la réponse thérapeutique
et la surveillance des tumeurs des VADS. D’autres
traceurs sont en cours d’évaluation, en particulier
des traceurs de l’hypoxie, qui indiquent, au sein de la
tumeur, les régions hypoxémiques. Cette cartographie
plus fine permettra d’optimiser les traitements, et
notamment la radiothérapie (44).
■
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Agenda
Congrès
■ 4th European Symposium on Ovarian Cancer
23-24 juin 2011 – Palais des congrès de Reims, France
114 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011
Information, inscription et soumissions :
www.esocreims2011.com
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