Ces maladies des pays pauvres qui nous font soudain peur : le cas

Ces maladies des pays pauvres
qui nous font soudain peur : le cas d’Ebola
Où en est-on un an après le début de l’épidémie ?
Synthèse rédigée par Dominique Morello, chercheur CNRS missionnée au Muséum de
Toulouse
mis en ligne dans la Rubrique PARLONS SCIENCES du Muséum de Toulouse
http://www.museum.toulouse.fr/explorer , le 13 janvier 2015
« On laisse mourir les pauvres, on soigne les riches », le Directeur de la Banque mondiale,
cité par le président guinéen, Alpha Condé, dans un entretien avec Le Monde avant l’arrivée
de François Hollande à Conakry (28 Novembre 2014).
En mars 2014, Médecins sans Frontières (MSF) lance l’alerte : Ebola se propage à
vive allure et si les mesures appropriées ne sont pas déployées, l’épidémie deviendra très
rapidement incontrôlable. Depuis décembre 2013, plus de 20 000 personnes ont été
contaminées et près de 8000 en sont mortes, principalement en Afrique de l’Ouest. Du
silence à la terreur, de l’inaction à la réaction internationale, faisons le point juste un an
après le début de l’épidémie sur cette maladie virale redoutable et pourtant moins virulente
que la grippe.
Plusieurs épidémies depuis 1976
La maladie à virus Ebola ou FHV (pour fièvre hémorragique virale) est l’une des plus
graves maladies infectieuses connues chez l’homme. Elle est apparue pour la première fois en
1976 simultanément au Soudan et au Zaïre (maintenant République Démocratique du Congo
ou RDC), où elle fit respectivement 151 et 280 morts (sur 284 et 318 personnes contaminées).
C’est cette année-là que l’épidémie du Zaïre fut caractérisée comme FHV par le médecin belge
Peter Piot. Elle acquit son nom de la rivière Ebola qui coulait à proximité de Yambuku la
maladie faisait rage. Par la suite, 24 épidémies se sont succédées, cantonnées principalement
à l’Afrique centrale (Gabon, RDC et Ouganda). Le site
http://www.cdc.gov/vhf/ebola/outbreaks/history/chronology.html retrace les différentes
épidémies d’Ebola dans différents pays africains depuis 1976. La dernière épidémie dans
cette zone est survenue en RDC entre août et novembre 2014 et a causé la mort de 49
personnes sur les 66 contaminées. Elle est indépendante de l’épidémie actuelle qui touche
principalement 3 pays d’Afrique de l’Ouest, la Guinée, la Sierra Leone et le Libéria.
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Carte des cas en Afrique de l'ouest (Source Who : Ebola Response Roadmap,
http://www.cdc.gov/vhf/ebola/outbreaks/2014-west-africa/distribution-map.html )
Cette dernière épidémie a démarré en décembre 2013 près de la ville de
Gueckedou au sud-est de la Guinée dans une zone forestière frontalière avec la Sierra
Leone et le Libéria. Le 6 Janvier 2015, l’OMS recensait 20691 personnes infectées
et 8168 morts. Le graphe suivant reporte l’évolution du nombre de cas cumulés dans ces 3
pays entre le 25 Mars et le 31 décembre 2014. Il montre que l’épidémie continue bel et bien à
se propager. La résolution adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies le 18
Septembre affirmant que « la progression sans précédent de l’épidémie représente une
menace pour la paix et la sécurité internationales » est toujours d’actualité...
Le graphe suivant reporte l’évolution du nombre de cas cumulés dans ces 3 pays (la
Guinée, la Sierra Leone et le Libéria) entre le 25 Mars et le 31 décembre 2014.
(http://www.cdc.gov/vhf/ebola/outbreaks/2014-west-africa/cumulative-cases-
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graphs.html ).
L’aide humanitaire se structure. Près de 9 mois après le démarrage de
l’épidémie, les institutions internationales sont rentrées dans la danse.
Pour des raisons historiques, les Américains s’occupent du Libéria, les Anglais de la
Sierra Leone et les Français coordonnent la mobilisation contre Ebola en Guinée, un des pays
les plus touchés par l’épidémie. Le 2 Décembre 2014, le congrès américain a débloqué 6
milliards de dollars de fonds d’urgence pour combattre l’épidémie en Afrique de l’Ouest et
gérer les risques aux Etats-Unis « Nous ne pourrons pas vaincre Ebola sans financement
complémentaire». A Canton, les autorités chinoises tentent d’enrayer la psychose Ebola : la
meilleure manière d’éviter qu’Ebola n’arrive en Chine est d’étouffer l’épidémie en Afrique.
Le coupable : le virus de la fièvre hémorragique Ebola
L’agent responsable de la
maladie est un virus à
ARN appartenant à la
famille des filovirus dont le
nom se réfère à l’aspect
filamenteux des particules
virales.
Image colorisée obtenue par microscopie électronique en transmission par le
microbiologiste Cynthia Goldsmith. CDC Public Health Image Library, crédit du Domaine
public
(http://en.wikipedia.org/wiki/Ebola_virus_disease#mediaviewer/File:Ebola_virus_virio
n.jpg.)
Les filovirus (qui comportent le virus de Marburg, lui aussi responsable
d’hémorragies souvent mortelles) sont proches des paramyxovirus qui incluent les virus plus
familiers des oreillons et de la rougeole. Il existe 5 virus distincts ou sous-types d’Ebolavirus :
le virus Bundibugyo (identifié en 2008 en Ouganda), le virus Forêt de Taï (identifié en 1994
en Côte d’Ivoire), le virus Reston (identifié aux USA, le seul des 5 qui ne s’attaque pas à
l’homme), le virus Soudan (endémique au Soudan et en Ouganda) et le virus Zaïre (identifié
pour la première fois au Zaïre en 1976). Ce dernier est à l’origine de l’épidémie de 2014 en
Afrique de l’Ouest. C’est le plus virulent, c’est à dire celui qui se multiplie le plus rapidement
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dans les cellules de son hôte. Tous ces Ebolavirus possèdent un génome fait d’un
unique brin d’ARN codant 9 protéines dont la glycoprotéine de surface GP qui
joue un rôle fondamental dans la virulence d’Ebola car elle permet au virus de
pénétrer dans les cellules de l’hôte. La séquence du génome des 5 virus varie de 30
à 40% d’un virus à l’autre, expliquant en partie leur différence de virulence chez
l’homme et d’autres primates.
A la recherche du réservoir naturel d’Ebola
Il est important dans la lutte contre les virus émergents d’identifier leur réservoir
naturel, c’est à dire la (ou les) espèce(s) animale(s) qui héberge(nt) le virus sans développer
de symptôme. L’intérêt de cette démarche est double : prévenir les contacts avec les
animaux vecteurs de la maladie et comprendre les bases de leur tolérance au virus,
afin de développer des stratégies thérapeutiques chez l’homme. A ce jour, le
réservoir naturel d’Ebola n’est pas clairement identifié. En 2005, des chercheurs ont
testé plus de mille petits animaux dans des régions du Gabon et du Congo une
épidémie avait sévi : 679 chauves-souris, 222 oiseaux et 129 petits vertébrés
terrestres ont été passés au crible ; des anticorps dirigés contre le virus, mais pas de
particules virales, ont été retrouvés dans seulement trois espèces de chauves-souris
frugivores de la famille des Ptéropodidés, à laquelle la roussette, entre autres, appartient :
Hypsignathus monstrosus, Epomops franqueti et Myonycteris torquata.
Illustration numérisée par la Société zoologique de Londres, 1859. Domaine public.
http://www.archive.org/stream/lietuvostsrmoksl60liet#page/n72/mode/1up
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L’hypothèse qui prévaut actuellement, mais qui n’est pas encore prouvée, est que les
chauves-souris seraient des porteurs sains du virus. Les hommes qui manipulent
et/ou mangent ces chauves-souris ou les fruits qu’elles ont touchés pourraient ainsi être
contaminés. La consommation de singes, gorilles ou autres animaux sauvages contaminés
pourrait être une autre voie de propagation. Contrairement aux chauves-souris, les singes,
comme l’homme, ne survivent pas à Ebola. Puis la transmission interhumaine prendrait
place, augmentant rapidement le nombre de personnes infectées.
Ecology des Ebola virus. Infographie par le CDC
http://francais.cdc.gov/vhf/ebola/resources/virus-ecology.html
Symptômes et propagation
Les premiers symptômes ressemblent à ceux de la grippe, avec de la fièvre soudaine,
une fatigue intense, des maux de tête, qui peuvent être suivis de vomissements, de diarrhées
et d’hémorragies internes dues à des lésions du foie et du rein. Les hémorragies sont dues à
des troubles de la coagulation causés par le virus. Le taux de mortalité varie entre 25 et 90%
suivant la rapidité de la prise en charge et le type de virus.
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