Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - n° 7 - septembre 2011
237
Modification de la fonction thyroïdienne par les inhibiteurs de tyrosine kinases
males. Dans une autre série, de Groot et al. retrouvent
les mêmes résultats, avec une augmentation de plus
de 200 % des besoins substitutifs en lévothyroxine (17).
Contrairement au sunitinib, l’effet apparaît rapidement
et est réversible après arrêt du traitement (16).
Une modulation du métabolisme hormonal
Aucune étude ne s’est intéressée à l’effet de l’imatinib
sur le tissu thyroïdien. L’absence d’effet de l’imatinib
sur la fonction thyroïdienne des sujets non thyroïdec-
tomisés exclurait une action propre de la molécule sur
le tissu thyroïdien (16, 17). Dora et al. ont confirmé que
l’imatinib ne modifiait pas la fonction thyroïdienne
chez 68 sujets avec thyroïde en place (18). Ainsi, l’ima-
tinib pourrait interagir avec le métabolisme de la T4.
L’absorption de lévothyroxine ne semble pas être
altérée : l’administration séparée de la lévothyroxine
et de l’imatinib ne modifie pas les niveaux de TSH.
L’absence de changement des niveaux de thyroxine-
binding globulin (TBG) et de thyroxine totale n’est pas
en faveur d’une modification de la liaison entre la T4 et
sa protéine porteuse, ni d’une altération des désiodases
(16). L’une des hypothèses serait donc une stimulation
de la clairance hormonale de la T4 et de la T3 par induc-
tion des uridines diphosphate-glucuronosyltransférases
(UGT) [16, 19]. Cependant, aucune interaction n’a jamais
été démontrée entre les UGT et l’imatinib.
Motésanib (AMG 706)
Données cliniques
Le motésanib cible les TK impliquées dans les processus
vasculaires tels les VEGFR, le PDGFR ainsi que KIT et
RET (2). Dans 2 essais de phase II, 91 patients porteurs
d’un cancer différencié thyroïdien (CDT) et 93 d’un CMT
ont été traités par motésanib (20, 21). Après un suivi
médian de 50 semaines, 41 % de ces sujets thyroïdecto-
misés porteurs d’un CDT et 22 % des sujets porteurs
d’un CMT présentaient au moins une fois durant le suivi
une élévation de la TSH ou une hypothyroïdie et une
majoration des besoins en lévothyroxine.
Effet vasculaire
et effet sur le métabolisme hormonal
L’augmentation des besoins en lévothyroxine chez
les patients thyroïdectomisés suggère un effet indi-
rect sur le métabolisme des hormones thyroïdiennes
(20, 21). De plus, chez la souris, le motésanib inhibe
la prolifération des cellules endothéliales et réduit la
perméabilité vasculaire induite par le VEGF (22). Dans
des modèles de xénogreffe, le motésanib réduit la
croissance tumorale et induit une régression tumo-
rale, après une action proapoptotique sur les cellules
endothéliales. Le motésanib pourrait donc interagir
avec la fonction thyroïdienne par un mécanisme de
réduction vasculaire, comme le sunitinib, et aussi par
une modification du métabolisme des hormones thy-
roïdiennes, comme l’imatinib.
Sorafénib (Nexavar
®
)
Données cliniques
Le sorafénib est aussi un ITK qui cible de multiples pro-
téines TK : VEGFR, récepteur β du PDGF, KIT, RET, BRAF (2,
23). Une étude a analysé 39 sujets traités par sorafénib
pour cancer du rein (24). Après 2 à 4 mois d’exposition,
18 % des patients présentaient une hypothyroïdie, dont
un quart a développé des anticorps antithyroglobuline.
L’hypothyroïdie persisterait après l’arrêt du sorafénib.
Dans une étude concernant 33 patients porteurs d’un
CDT réfractaire, une adaptation de la substitution hor-
monale a été nécessaire pour 10 d’entre eux afin de
maintenir la TSH dans les valeurs souhaitées (25). Une
autre étude concernant 31 patients traités pour CDT
métastatique rapporte la nécessité d’adapter la substi-
tution à la hausse ou à la baisse chez 11 d’entre eux (26).
Un effet plutôt vasculaire
Dans les modèles de xénogreffe, le sorafénib inhibe les
voies de signalisation des VEGFR et PDGFR, ce qui réduit
l’angiogenèse (23, 27). Dans les xénogreffes orthoto-
piques de CMT, le sorafénib favorise l’apoptose des cel-
lules endothéliales (28). Cet effet pourrait expliquer les
tableaux de thyroïdite destructive récemment supposée
(26) ou rapportée, avec réduction du volume thyroïdien
(29, 30). De plus, le sorafénib diminue la prolifération
et la survie des cellules tumorales par inhibition de la
voie RAF/MEK/ERK (23, 27). Toutefois, à ce jour, l’effet
antiprolifératif et antivasculaire sur le tissu thyroïdien
sain n’a pas été étudié. Le sorafénib pourrait égale-
ment interagir avec la voie de signalisation de la TSH :
il a en effet été montré que la transduction du signal
TSH impliquait la voie des RAF kinases (31). D’autres
études seront nécessaires pour mieux appréhender
l’hypothyroïdie induite par le sorafénib.
Vandétanib (Zactima
®
)
Le vandétanib exerce une action antiangiogénique par
ses cibles (VEGFR, EGFR), ainsi qu’une action sur RET
(32). Dans une étude concernant 19 patients porteurs