DOSSIER
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La Lettre du Gynécologue - n° 234 - septembre 1998
une répartition non aléatoire, avec une prédominance nette (54 %)
de patientes en fin de phase lutéale et en début de phase follicu-
laire, dont le profil hormonal est marqué par une estradiolémie
< 50 pg/ml. À l’inverse, les patientes sous contraception estro-
progestative se répartissent de façon tout à fait aléatoire (13).
L’utilisation de petites doses d’estrogènes dans la période d’hypo-
estrogénie, comme il est proposé dans le traitement des migraines
cataméniales, n’a pas été évaluée chez les patientes souffrant sur-
tout de troubles dépressifs.
Dépression du post-partum
La survenue de troubles dépressifs minimes et transitoires, cou-
ramment appelés “baby-blues”, est très fréquente pendant le post-
partum. Chez environ 10% des femmes, une authentique dépres-
sion s’installe, souvent un peu plus tardivement, et surtout se
prolonge au-delà de trois mois Par ailleurs, ces troubles sévères
sont récurrents dans 20 % des cas, ce qui souligne à nouveau la
susceptibilité individuelle.
À l’évidence, cette période asssocie un bouleversement person-
nel psychologique, affectif et social majeur à des variations hor-
monales extrêmes, et il serait abusif de réduire la pathogénie de
ces troubles à la seule composante hormonale. De nombreuses
hypothèses hormonales ont cependant été proposées, et deux
d’entre elles méritent notre attention.
L’hypothyroïdie, secondaire à une thyroïdite silencieuse du post-
partum, doit systématiquement être recherchée, mais ne semble
que rarement en cause.
La chute brutale du taux d’estradiol dans les jours qui suivent
l’accouchement et l’hypoestrogénie dans les semaines suivantes
ont également été incriminées. Cette hypothèse est renforcée par
les résultats d’une étude récente ayant évalué de façon randomi-
sée un traitement estrogénique par rapport à un placebo chez
61 femmes présentant une dépression sévère du post-partum, non
contrôlée par un traitement antidépresseur classique, celui-ci
n’étant toutefois pas modifié pendant l’étude. Les patientes trai-
tées par estrogènes pendant six mois présentaient une améliora-
tion significative et rapide de leur dépression dès le premier mois
de traitement, et évoluaient ensuite parallèlement aux patientes
sous placebo. Ainsi, les estrogènes permettaient de “gagner” deux
mois par rapport à l’évolution spontanée sous antidépresseurs
seuls. On notera cependant que les doses de 17 ß-estradiol per-
cutané utilisées étaient de 200 µg/j, permettant d’obtenir des taux
plasmatiques constants d’estradiol voisins de 200 pg/ml, donc
supraphysiologiques (14). Malgré cette réserve, cette étude
illustre à nouveau le rôle des estrogènes dans la dépression.
Troubles de l’humeur et ménopause
Une augmentation des troubles psychiques est observée en
période préménopausique. Bungay et coll., évaluant par ques-
tionnaire un échantillon de la population masculine et féminine
d’Oxford, rapportent chez les femmes une augmentation de l’irri-
tabilité dès 35 ans, avec un maximum vers 48 ans, puis une dimi-
nution rapide, l’âge moyen de la ménopause étant de 50 ans dans
cette population. Les troubles dépressifs apparaissent plus tardi-
vement, après 40 ans, et sont maximaux vers 50 ans, puis décli-
nent progressivement jusqu’à 55 ans (15). La courbe d’incidence
de l’irritabilité est parallèle à celle de la mastodynie, et semble
donc mieux corrélée à l’hyperestrogénie ; la courbe d’incidence
des troubles dépressifs est, quant à elle, parallèle à celles des
bouffées de chaleur et des sueurs nocturnes, signes de carence
estrogénique (16).
Peu d’études longitudinales ont évalué ces modifications de
l’humeur dans une population en les rapportant au statut méno-
pausique, mais l’augmentation des troubles dépressifs à mesure
que la ménopause s’installe a été confirmée dans l’une d’entre
elles. Dans cette étude, le risque de troubles dépressifs était aug-
menté, d’une part, en cas d’antécédents de troubles psychiques
prémenstruels ou dans le post-partum, soulignant l’importance
de la sensibilité individuelle et, d’autre part, par une période de
préménopause prolongée (17).
Si l’augmentation progressive des troubles de l’humeur parallè-
lement à l’installation des bouffées de chaleur et des troubles du
sommeil, rapportée par la plupart des études épidémiologiques,
plaide pour un rôle important des stéroïdes sexuels dans leur
pathogénie, les facteurs socio-culturels et personnels influencent
également leur survenue. Il a ainsi été mis en évidence que l’inci-
dence de ces troubles était nettement réduite dans les populations
qui valorisent socialement les sujets âgés, alors que dans les popu-
lations occidentales, leur survenue est favorisée par un niveau
socio-économique bas ou par l’absence d’activité profession-
nelle. L’existence de troubles organiques associés semble éga-
lement être un facteur favorisant (16).
Il n’existe à ce jour aucune étude d’intervention ayant évalué
l’influence des traitements progestatifs, largement utilisés en
France, sur les troubles de l’humeur en préménopause.
À l’inverse, les essais cliniques évaluant les effets psychiques du
traitement hormonal substitutif de la ménopause par rapport à un
placebo sont très nombreux, mais de qualité méthodologique très
inégale. Les critères d’inclusion en ce qui concerne le statut
ménopausique ne sont pas toujours rigoureux, les schémas thé-
rapeutiques évalués sont différents, les taux plasmatiques d’estra-
diol sous traitement ne sont pas mesurés et, enfin, on dispose de
peu d’études croisées permettant de prendre en compte la sus-
ceptibilité individuelle des patientes. Cependant, dans leur grande
majorité, ces études mettent en évidence une amélioration du
bien-être, des troubles de l’humeur, notamment des signes
dépressifs et de l’anxiété, quel que soit le score d’évaluation.
Cette amélioration est associée à une correction des troubles
vasomoteurs et du sommeil, mais l’effet bénéfique psychique
persiste de façon indépendante après ajustement à la correction
des signes objectifs (18, 19, 20).
Les différents modes d’administration de l’estrogénothérapie
n’ont pas été comparés. La dose substitutive n’a été évaluée que
dans une étude ouverte par de Lignières et coll., qui ont montré
que l’estrogénothérapie substitutive n’apporte une amélioration
de l’humeur et du bien-être que si les taux plasmatiques d’estra-
diol obtenus se situent dans une fourchette de 50 à 150 pg/ml.
Les patientes traitées par une dose standard (1,5 mg/j) de 17ßE2
percutané et ayant des taux plasmatiques supérieurs à 150 pg/ml
ont, au contraire, une irritabilité et une agressivité augmentées,
les patientes recevant une dose inférieure (E2< 50 pg/ml) gar-
dant des signes minimes de dépression (21). Compte tenu des
variations interindividuelles de la biodisponibilité des estrogènes,
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