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INTRODUCTION
La question sur la volonté chez Henri Bergson (1859-1941) est étroitement liée à celle de la durée
; la volonté doit être envisagée comme une force (et non seulement comme une faculté mentale) au sein
du temps créateur. Dans une telle perspective, le terme de l'effort ou bien plutôt le sentiment d'effort
constitue l'élément essentiel de la volonté. Notre recherche a comme but principal de démontrer
l’affinité entre l’effort volontaire, qui n'a pas été étudié de façon systématique, et la conception
bergsonienne du temps comme invention
.
La question portée sur l'effort chez Bergson doit se mettre en liaison non seulement avec la
volonté, mais surtout avec la mémoire. Dans ce cadre, le sujet de l’effort rejoindra la notion qui occupe
la place centrale de la pensée bergsonienne, celle de la durée, de la continuité indivisible de
changement
. La durée dans la pensée bergsonienne est conçue à l’inverse de l’espace ; ainsi le temps
psychologique se distingue-t-il du temps homogène, du temps qui se projette dans l'espace. Aussi la
distinction entre la durée et l'espace est-elle la distinction fondamentale du bergsonisme en constituant
la base d'une série de notions et de dualités notionnelles qui sont fondamentales dans l'œuvre de
Bergson : continuité - discontinuité, interpénétration - (con)jonction, hétérogénéité - homogénéité,
intériorité - extériorité, indivisibilité - divisibilité, qualité – quantité, moi
profond/fondamental/concret/intérieur - moi superficiel/extérieur/social
.
Notre étude a comme premier objet l'interrogation sur l'effort dans la philosophie bergsonienne.
Le traitement de cette notion longtemps attendu répond à une lacune de la recherche en histoire de la
philosophie : la place de la question et le lien qu'elle permet d'établir entre la pensée bergsonienne et
d'autres philosophies. Ainsi, en parallèle avec l'étude de la notion d'effort chez Bergson (et des notions
qui vont de pair avec elle, comme la durée, la mémoire, la liberté, la morale close et ouverte), nous
essaierons de faire une comparaison de l'effort bergsonien avec les conceptions de la même notion chez
Maine de Biran (1766-1824) et chez William James (1842-1910). Pour cette raison, comme l'indique le
titre de notre travail où nous plaçons Bergson au premier plan, nous partirons toujours de la position de
Bergson dans nos analyses, avant d'examiner, suivant chaque thématique, celles de Biran et de James.
Voir à titre d’exemple, EC, Œuvres, p. 784/341.
Voir « The problem of personality », p. 1062/1079. Pour les abréviations des titres, la pagination et l’édition de référence
des Œuvres de Bergson, voir la bibliographie à la fin de notre étude.
Cf. G. Deleuze, Le bergsonisme, p. 11. Pour les références bibliographiques, voir la bibliographie à la fin de notre étude.