Traitement médical de la pancréatite - chronique Medical

DO S S I E R T H É M A T I Q U E
La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4-5 - vol. VII - juillet-octobre 2004
200
* Fédération d’hépato-gastroentérologie et de nutrition clinique, hôpital de
l’Archet 2, Nice.
L’arrêt définitif de l’alcool est un prérequis au cours du
traitement de la pancréatite chronique (PC) alcoolique.
Les extraits pancréatiques sont efficaces pour limiter les
conséquences de l’insuffisance pancréatique exocrine. Leur
e f ficacité pour limiter la douleur n’est pas totalement démon-
trée, mais elle est possible.
Le diabète nécessite le plus souvent une prise en charge
spécialisée.
Le re c o u rs aux antalgiques majeurs est parfois nécessaire.
Les régimes restrictifs doivent être bannis, car ils aggra-
vent la dénu t rition. L’ a l i m e n t a tion doit être normo- ou hy p e r-
é n e rg é t i q u e ,n o rmolipidique et souvent hy p e r p ro t é i q u e .
L’ e f ficacité des analogues de la somat o s t atine pour le tra i-
tement de la douleur n’est pas démontrée.
Le recours à l’alimentation artificielle est parfois néces-
s a i re pour traiter la dénu t rition. La nu t rition entérale doit être
préférée à la nutrition parentérale.
P O I N T S F O R T S
P O I N T S F O R T S
Traitement médical de la pancréatite chronique
Medical treatment of chronic pancreatitis
E. Gelsi, X. Hébuterne*
E
n l’absence de traitement spécifi q u e , le tra i t e m e n t
médical de la pancréatite ch ronique (PC) est avant tout
s y m p t o m at i q u e . Les principaux objectifs du tra i t e -
ment médical sont les suivants :
– limiter la progression de la maladie,
– traiter l’insuffisance pancréatique exocrine et endocrine,
– traiter la douleur,
– traiter la dénutrition,
– traiter les complications.
LIMITER LA PROGRESSION DE LA MALADIE
La PC correspond à une destruction progressive du parenchyme
p a n c r é atique ex o c rine et endocri n e. Cette destruction entra î n e
une fibrose, associée à des calcifications et des anomalies cana-
laires. Le premier traitement de la PC est étiologique. Malheu-
reusement, celui-ci n’est pas toujours facile, ou est parfois même
inexistant. L’intoxication alcoolique chronique est responsable
de la PC dans plus de 80 % des cas : l’arrêt immédiat et défini-
tif de l’alcool est la première condition pour tout traitement effi-
cace d’une PC. C’est un objectif ambitieux qui n’est pas facile à
obtenir et qui nécessite une prise en charge par une équipe spé-
cialisée et un suivi à long terme, tant médical que psychologique.
Les autres étiologies, plus rares, doivent être éliminées systéma-
tiquement avant d’incriminer le facteur alcoolique.
Il est maintenant bien établi que le pancreas divisum est une
cause de PC. Il n’existe pas de traitement médical spécifi q u e,
mais une ap p ro c he endoscopique ou ch i ru rgi cale est parfo i s
nécessaire.
Une pancréatite chronique peut survenir en amont d’un obs-
tacle le plus souvent d’origine néoplasique. Il peut s’agir d’un
adénocarcinome canalaire, d’une tumeur mucineuse intracana-
laire ou, exceptionnellement, d’une tumeur neuroendocrine. Le
traitement sera celui du cancer.
La pancréatite auto-immune est une affection rare qui fait l’ob-
jet d’un article spécifique dans ce numéro. Le traitement repose
sur la corticothérapie, qui entraîne,en général, une amélioration
spectaculaire.
– Les autres causes de PC, plus ra res (héréditaire s , ra d i q u e s , i d i o-
p at h i q u e s , t ro p i c a l e s , hy p e rp a rat hy roïdie) n’ont pas de tra i t e m e n t
spécifique.
TRAITER L’INSUFFISANCE PANCRÉATIQUE
EXOCRINE ET ENDOCRINE
Insuffisance exocrine
Un pancréas sain sécrète plus d’enzymes qu’il n’est nécessaire en
situation physiologique. Aussi, les signes de malabsorption n’appa-
raîtront que pour une réduction de plus de 80 % de la sécrétion enzy-
matique normale. Le signe clinique de malabsorption le plus clas-
La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4-5 - vol. VII - juillet-octobre 2004 201
DO S S I E R T H É M A T I Q U E
s i q u e,même s’il est souvent tard i f,est la stéat o rr h é e,qui touche 30 %
des patients qui souffrent de PC. Une prise en charge nutritionnelle
adaptée est le traitement de première intention de l’insuffisance pan-
créatique exocrine,le plus souvent complétée par l’apport d’extra-
its pancréatiques. La prise en charge nutritionnelle est exposée plus
loin dans le chapitre “Traiter la dénutrition” de cet article.
Le but du traitement par les extraits pancréatiques est de diminuer
les diarrhées et la stéat o r rhée afin d’obtenir un gain de poids et
l’amélioration de la qualité de vie du patient. Les extraits pancréa-
tiques doivent être libérés dans le duodénum au moment du repas
pour une réelle efficacité. La quantité minimale requise est de
30 000 UI de lipase et de 10 000 UI de trypsine durant les quatre
h e u res qui suivent le rep a s , ce qui correspond à 5 à 10 % de la sécré-
tion pancréatique physiologique (1, 2). Il existe plusieurs extraits
p a n c r é atiqu es commercialisés (tableau I), qui diff è rent par leur
présentation galénique et leur dosage, mais ils sont tous d’origine
porcine, ce qui justifie une AMM très limitée (mucoviscidose, PC
documentée). En effe t , le risque de transmission d’agents infe c-
tieux ne peut pas être totalement ex cl u , même si aucun cas de tra n s-
mission n’a été rapporté avec un important recul.
Les enzymes pancréatiques peuvent être dégradées par l’acidité gas-
trique. Seules 35 % de la trypsine et 17 % des lipases arrivent dans
le duodénum dans les fo rmes non ga s t rorésistantes ( 1 ). De plus, d a n s
la PC, la sécrétion de bicarbonate est insuffisante, entraînant un pH
duodénal anormalement acide en postprandial tardif. Pour toutes ces
raisons, il est important d’utiliser des formes gastrorésistantes (pré-
parations enrobées d’un polymère résistant à un pH < 5) (3, 4) et de
les associer systématiquement à la prise d’un traitement antiacide (5,
6). On peut aussi proposer l’utilisation de microsphères encapsulées
qui se délitent à un pH >6. Plus de 60 % de la lipase comprise dans
les microsphères passe alors la
barrière de l’estomac (7), et l’admi-
nistration de 20 000 à 30 000 UI
de lipase par repas suffit à réduire
de manière marquante la stéat o rr h é e . Les ex t raits pancat i q u e s
recommandés sont donc les microgra nules ga s t rorésistants en gélules
à une posologie adaptée. L’utilisation de lipases bactériennes est à
l’étude, mais reste pour l’instant du domaine de l’expérimentation.
Si le patient ne répond pas efficacement au traitement malgré une
p o s o l o gie adaptée et l’association à un traitement antiacide, i l
faut rechercher d’autres causes de stéatorrhée,et notamment éli-
miner une pullulation microbienne. Un traitement antimicrobien
p e u t , dans ces cas-là, ê t re associé aux ex t r aits pancréat i q u e s .
Insuffisance endocrine
Le diabète touche 30 à 50 % des malades porteurs de PC et appa-
raît généralement après 20 ans d’évolution de la maladie. De
n o m b r eux malades vont devenir insulinore q u é rants. Une prise en
ch a rge spécialisée du diabète est le plus souvent nécessaire.
TRAITER LA DOULEUR
La douleur dans la PC est un phénomène complexe et multifac-
toriel dont les mécanismes ne sont pas encore tous élucidés. Elle
apparaît dans les premières années d’évolution de la maladie et
régresse ensuite pour laisser place à l’insuffisance endo- et exo-
crine. L’hyperpression canalaire est le plus souvent secondaire à
des phénomènes de snose et d’obstruction des canaux pan-
c r é ati ques par des calcifi c ations. La décompression canalaire
endoscopique a fait l’objet de nombreuses études et est abordée
dans ce même numéro (article de J. Sahel et L. Heyries, p. 205).
L’ i n f l a m m a tion et la fi b rose peuvent at t e i n d r e la glande et les
fibres nerveuses. Les phénomènes locaux de nécrose tissulaire
pancréatique et péripancréatique entraînent une dégénérescence
des fibres nerveuses et modifient aussi le largage et la recapture
des neuromédiateurs, ce qui peut être une cause importante de
d o u l e u r ( 8 ). L’ i s chém ie tissulaire conduit à l’accumu l a tion de
radicaux libres et de métabolites acides, médiée notamment par
l’augmentation du cytochrome p 450 (9, 10). Ce caractère mul-
Tableau I. Les différents types d’extraits pancréatiques et leur pré-
sentation galénique.
Spécialité pharmaceutique Titulaire de l’autorisation
de mise sur le marché
Alipase
®
7 500 UI, microgranules Janssen Cilag S.A.
gastro résistants en gélule
Creon
®
12 000 UI, microgranules Solvay Pharma
gastrorésistants en gélule
Creon
®
25 000 UI, microgranules Solvay Pharma
gastrorésistants en gélule
Eurobiol
®
25 000 UI, microgranules Pfizer
gastrorésistants en gélule
Eurobiol
®
900 mg, poudre orale Pfizer
en sachet dose
Eurobiol
®
4,5 g, poudre Pfizer
orale en flacon
Licrease
®
, gélule Laboratoires Laphal
Fi g u re. Ap p ro che systématique du traitement d’une douleur d’allure
pancréatique.
La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4-5 - vol. VII - juillet-octobre 2004
202
DO S S I E R T H É M A T I Q U E
tifactoriel rend difficile l’approche scientifique du problème et
explique le nombre réduit d’études contrôlées qui évaluent de
manière précise la douleur et la qualité de vie de ces malades.
Pour une bonne prise en charge de la douleur,il est nécessaire,
dans un premier temps, d’évaluer le caractère, la durée et l’an-
cienneté de ce symptôme, ainsi que son retentissement sur la qua-
lité de vie du patient. L’ u t i l i s a tion des questionnaires et des
échelles visuelles analogiques de qualité de vie peut être utile.
L’examen clinique et l’interrogatoire doivent être complets afin
d’éliminer les douleurs d’ori gine ex t rap a n c r é a t i q u e . Une
ap p ro che systématique du traitement d’une douleur d’allure pan-
créatique est proposée dans la figure, p. 201.
Nutrition
L’arrêt de l’alcool dans les PC d’origine alcoolique,même s’il ne
supprime pas toujours les crises douloureuses, en diminue la fré-
quence et l’intensité (11). L’utilisation de triglycérides à chaînes
moyennes (TCM) et de peptides hydrolysés dans une étude récente
a montré une certaine efficacité dans la réduction des douleurs post-
prandiales en diminuant la sécrétion de cholécystokinine plasma-
tique (CCK), enzyme qui stimule le pancréas exocrine et qui est
impliquée dans les douleurs de PC (12). On peut cependant regret-
ter le faible effectif de la population étudiée,et surtout la mauvaise
tolérance du produit, puisque 9 patients sur 17 n’ont pu ingérer les
trois échantillons par jour. L’utilisation régulière au long cours des
TCM dans les douleurs de PC semble peu réalisable en pratique
courante. Il faut évidemment éviter un régime restrictif,qui pour-
rait avoir une certaine efficacité sur la douleur mais qui favorise-
rait la surve nue d’une nu t rition ou aggrave rait une dénu t ri t i o n
préexistante. Dans certains cas, lorsque les douleurs entraînent une
restriction alimentaire sévère, le recours à une alimentation artifi-
cielle peut être nécessaire pour mettre le pancréas au repos.
Extraits pancréatiques
L’efficacité des extraits pancréatiques dans les douleurs de PC
est un concept séduisant qui ne fait cependant pas l’unanimité.
Les extraits pancréatiques induisent un rétrocontrôle négatif sur
la sécrétion pancréatique en inhibant la ch o l é cystikinine plas-
m atique (CCK). Il a été démontque la try p s i n e, la chy m o-
trypsine et l’élastase présentes dans le duodénum proximal inhi-
bent la sécrétion de CCK, ce qui entraîne un rétrocontrôle négat i f
sur la sécrétion pancréatique (13).
En s’appuyant sur cette théorie, plusieurs études ont montré une
e fficacité des ex t rai ts pancréatiques dans le traitement des douleurs
p a n c r é a tiques ( 1 4 - 1 7 ) . Po u rt a n t , dans le même temps, d ’ a u t r e s
études mettaient en évidence,au contraire, une absence d’effica-
c i t é , en particulier une méta-analyse publiée en 1997, qui s’ap p u ya i t
sur six études et 189 malades ( 1 8 ). Une des ex p l i c atio ns à ces résul-
tats négatifs viendrait de la forme galénique des extraits pancréa-
tiques utilisés. En effet, les extraits pancréatiques gastrorésistants
délivrent les protéases dans le duodénum distal alors que le feed-
back dépend d’une libération proximale,que l’on retrouve dans les
extraits pancréatiques non gastrorésistants (19). On peut reprocher
à cette méta-analyse une hétérogénéité importante : PC d’étiolo-
gies différentes, évaluation différente de la douleur, extraits pan-
c r é a tiques de fo r me galénique diff é re n t e. Ce travail ne permet donc
pas d’exclure les extraits pancréatiques de l’arsenal thérapeutique
des douleurs post-PC. Des travaux rigoureux précisant les formes
et les indications exactes sont nécessaires.
Antalgiques
L’ u t i l i s ation d’antalgiques est très souvent cessaire dans la PC :
paracétamol, dextropropoxyphène, tramadol, opiacés. Le risque,
dans une population particulièrement exposée, est la dépendance
aux antalgiques narcotiques. Cela ne doit cependant pas empê-
cher le praticien d’utiliser les morphiniques quand l’intensité de
la douleur le justifie. Certaines précautions doivent être prises :
augmenter les antalgiques par paliers(20),suivre régulièrement
le patient et son traitement et avoir un médecin coordonnateur
afin d’éviter les prescriptions répétées par différents praticiens.
À noter, l ’ é va l u a tion dans cette indication de nouveaux ago n i s t e s
des récep t e u rs opioïdes qui présenteraient peu d’effets secon-
daires, notamment neurologiques (21).
Antiacides
Dans les PC, il existe une augmentation de l’acidité duodénale
et un risque de formation ulcéreuse. L’administration de traite-
ments antiacides diminue ce risque et les douleurs liées à ces
pathologies ulcéreuses.
Somatostatine
La somatostatine et ses analogues, notamment l’octréotide,ont été
utilisés dans le traitement des douleurs de PC. Le mécanisme d’ac-
tion serait associé à une inhibition de la CCK qui entraîne une dimi-
nution de la sécrétion pancréatique par rétrocontrôle négat i f.
Quelques études ont évalué l’action de l’octréotide sur les douleurs
de PC, avec des résultats discordants. Dans une étude en double
aveugle chez dix malades, l’octréotide administré à la posologie de
100 µg x 3/j a été comparé au placebo sur une période de 3 jours.
La sécrétion pancréatique était fo rtement inhibée, mais l’octréo-
tide n’apportait aucun bénéfice sur la douleur. On peut cependant
regretter la courte durée du traitement et le fa i ble effectif ( 2 2 ). Dans
un autre travail, publié sous la forme de résumé et portant sur six
malades, les auteurs suggèrent l’efficacité de ce traitement (23). En
l’état actuel des connaissances, les analogues de la somatostatine
ne doivent être utilisés qu’en dernier re c o u rs pour des malades ch e z
qui les autres traitements sont insuffisants ou contre-indiqués.
Antioxydants
Le stress ox y d atif est un des canismes à l’ori gin e de l’in-
flammation des PC. Il était donc licite d’étudier l’action d’agents
a n t i oxydants. Plusieurs études se sont intéressées à l’action
d’agents antioxydants dans les PC et ont utilisé des “cocktails”
associant de la vitamine E, de la vitamine C, de la méthionine,
La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4-5 - vol. VII - juillet-octobre 2004 203
DO S S I E R T H É M A T I Q U E
du sélénium et du ß-carotène avec des résultats significatifs sur
l’amélioration de la douleur (24-26). Les effectifs de ces études
n’étaient pas toujours importants et l’évaluation des rechutes ou
des crises douloureuses était parfois sommaire.
Bloc coeliaque et sympathectomie
Les fibres nociceptives pancréatiques sont conduites par l’inter-
médiaire du plexus cœliaque. En cas de non-réponse aux traite-
ments antalgiques cl a s s i q u e s , on peut avoir re c o u r s au bl o c
cœliaque ou à la sympathectomie. Le bloc chimique du plexus
cœliaque se fait de manière percutanée par injection de 25 ml
d’alcool à 50 % de chaque côté du plexus. On peut précéder le
geste d’un bloc anesthésique réalisé un jour avant et ayant valeur
de test thérap e u t i q u e . Ce geste peut se pratiquer sous contrôle
t o m o d e n s i t o m é t r ique ou échoendoscopique ( 2 7 ) . La réponse
immédiate est satisfaisante, mais les rechutes sont fréquentes. La
s p l a n chnicectomie est pratiquée par les ch i ru rgiens et peut se pra-
tiquer sous thoracoscopie. Même si ces techniques ont leur place
dans certaines indications très précises, elles ne doivent pas être
utilisées en pre m i è re intention et semblent être plus efficaces dans
les douleurs associées aux cancers du pancréas (28). La limite de
la neurolyse cœliaque dans la PC est surtout due à une récidive
douloureuse, fréquente après le sixième mois.
Autres traitements
Certains traitements comme les antidépresseurs tricycliques ou
les inhibiteurs de la re c ap t u r e de la sérotonine ont éutilisés
dans les douleurs d’origine viscérale.Leur action dans les dou-
leurs de PC reste encore à évaluer.
TRAITER LA DÉNUTRITION
La dénutrition est fréquente au cours des pancréatites chroniques
évoluées. Elle est rarement un motif de consultation ou d’hospi-
talisation, mais constitue un problème pour le praticien, qui doit
a l o rs en déterminer l’ori gin e pour adapter son traitement. Au
c o u r s de la PC alcoolique, la dénu t rition est mu l t i fa c t o r i e l l e
(tableau II), liée à une succession d’événements qui placent les
malades dans l’impossibilité de regagner du poids. Ainsi, la prise
en charge nutritionnelle est étroitement liée au facteur qui altère
l’état nutritionnel à un moment donné de la maladie.
Régime alimentaire au cours de la PC
Même s’il n’est pas démontré que l’arrêt de l’alcool permet de
retarder la survenue du diabète ou de diminuer la malabsorption,
l’obtention d’un sevrage est indispensable et permet de diminuer
les besoins énergétiques. L’objectif du régime “d’épargne pan-
créatique” est d’apporter des protéines et des glucides en quan-
tités suffisantes pour maintenir le poids corp o rel et de limiter
l’apport en graisses en fonction de la tolérance clinique. En pra-
tique, quand il existe une dénutrition favorisée par des poussées
r é p é t é e s , on peut recommander un régime hy p e r é n e r g é t i q u e
( 3 0 0 0 K c a l / j ) , n o r m o l i p i d i q u e,e n r i chi en protéines (env i r o n
1 , 8 g/kg/j) et en glucides (env i ron 400 g/j). Une supplémentat i o n
multivitaminée est indispensable en cas de stéatorrhée et quand
la consommation d’alcool n’est pas stoppée. L’ a d m i n i s t r at i o n
orale de vitamines B1, B6, PP et d’acide folique doit aussi être
envisagée (tableau III). La prise d’extraits pancréatiques asso-
ciée au régime alimentaire limite la malabsorption protéique et
lipidique et contribue au traitement de la dénutrition.
Assistance nutritive
Il n’existe actuellement pas de consensus pour préciser la place
et le moment d’une assistance nutritive dans la PC. La discus-
sion repose sur la gravité des épisodes aigus et la longueur pré-
v i s i b le du jeûne ou de la re s t r iction alimentaire. En phase stabl e,
une dénu t r ition patente et surtout l’impossibilité pour le malade
de s’alimenter ou de regagner du poids constituent des indica-
tions logiques. De même,l’intérêt d’une renutrition n’est pas
d i s c u t a ble quand une intervention ch i r u r gicale est env i s ag é e.
Les modalités du support nutritionnel (oral, entéral ou parenté-
ral) dépendent plus de la fonctionnalité du tube digestif que du
risque théorique d’infection accrue des cat h é t e rs centraux en
cas de nu t rition pare n t é ra l e. En l’absence de nu t rit ion très
s é v è r e, une supplémentation nu t ritionnelle par voie orale (SNO)
doit toujours être tentée. La grande majorité des SNO sont pris
en charge à domicile dans le cadre de la LPPR (ancien TIPS).
Pris à distance des repas, les SNO permettent une augmenta-
tion des apports énergétique et protéique d’environ 500 Kcal/j
Tableau II. Fa c t e u r s favo risant la nu t rition au cours de la pan-
créatite chronique alcoolique.
Alcoolisme et tabagisme
Conditions sociales précaires
Douleurs postprandiales
Stéatorrhée
Diabète
Anorexie
Altération des fonctions intestinales
Hospitalisations, interventions chirurgicales
Hypermétabolisme (pancréatite, alcool, tabac)
Tableau III. Supplémentation vitaminique chez un malade non sevré
porteur d’une PC alcoolique.
Vitamine A 10 à 50 000 UI per os par jour
Vitamine D Une injection i.m. de 600 000 UI par an
Vitamine E 30 UI per os par jour
Vitamine B12 1000 µg par mois i.m.
Vitamines hydrosolubles Supplémentation multivitaminique
Acide folique 15 mg per os par jour
Vitamine PP 1 g per os par jour
Vitamine B1- B6 250 mg per os par jour
La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4-5 - vol. VII - juillet-octobre 2004
204
DO S S I E R T H É M A T I Q U E
et 40 g / j , re s p e c t i vement. Quand une nu t rition entérale est entre-
p ri s e,l ’ i n s t i l l a tion de mélanges poly m é riques en site jéjunal
doit théoriquement être favorisée en raison d’une moindre sti-
mulation des sécrétions pancréatiques. En pratique, en cas de
PC évoluée stable,la nutrition entérale intragastrique est par-
faitement bien tolérée. En cas de dénu t r ition ch ronique et en
l ’ absence de récupération d’ingesta sat i s fa i s a n t s , la nu t ri t i o n
entérale peut être poursuivie à domicile à l’aide d’une gastro-
stomie percutanée endoscopique ou d’une jéjunostomie. Les
m é l a n ges semi-élémentaires n’ap p o rtent aucun bénéfice sup-
p l é m e n t a i re chez l’insuffisant pancréat i q u e, et la plupart des
mélanges polymériques apportent 20 à 50 % des lipides sous la
forme de TCM.
La nu t rit ion pare n t é rale n’a pratiquement pas d’indication au
cours de la PC, puisque le jéjunum est habituellement sain. Plus
risquée que la nutrition entérale,elle ne doit être proposée qu’en
cas d’échec de celle-ci.
TRAITER LES COMPLICATIONS
La prise en charge médicale des complications liées à la PC est
très limitée. Les pseudokystes sont le plus souvent drainés par
voie endoscopique, radiologique ou chirurgicale. Dans certains
cas cep e n d a n t , la somat o s t atine et ses déris ont un intérêt, a s s o-
ciés à l’assistance nu t ri t ive, de même que dans les fistules et
ascites pancréatiques (29, 30).
Dans les PC, la formation d’ulcères duodénaux est secondaire à
la diminution de la sécrétion de bicarbonates entraînant une aug-
m e n t ation de l’acidité duonale. Le traitement sera médica-
menteux par l’utilisation d’antiacides.
Le traitement des compressions biliaires et duodénales est endo-
scopique ou chirurgical. Il faut cependant signaler l’efficacité de
la somatostatine dans la réduction des dystrophies kystiques sur
pancréas aberrant (31).
CONCLUSION
La prise en charge médicale des PC est un problème complexe
qui n’a que peu évolué ces dern i è res années. L’ a bsence de popu-
lation homogène et d’étude de grande échelle en est en partie
re s p o n s abl e. Il est très important de bien évaluer chaque pat i e n t ,
notamment en prenant en compte sa qualité de vie. Le traite-
ment sera en quelque sorte à adapter “à la carte” en l’absence
de consensus réel et à associer le plus souvent à une prise en
charge endoscopique, radiologique et parfois chirurgicale. Une
discussion mu l t i d i s c i p l i n a i re de chaque cas est cert a i n e m e n t
souhaitable.
Mots-clés :
Pancréas - Pancréatite chronique - Alcool - Douleur
-
Nutrition.
Keywords:
Pancreas - Chronic pancreatitis - Alcohol - Pain
- Nutrition.
R
É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. DiMagno EP,Go VL, Summerskill WH. Relations between pancreatic enzyme outputs
and malabsorption in severe pancreatic insufficiency. N Engl J Med 1973;288:813-5.
2. DiMagno EP,Malagelada JR, Go VL. Relationship between alcoholism and pancrea-
tic insufficiency. Ann NY Acad Sci 1975;252:200-7.
3. Dutta SK, Rubin J, Harvey J. Comparative evaluation of the therapeutic efficacy of a
pH-sensitive enteric coated pancreatic enzyme preparation with conventional pancreatic
enzyme therapy in the treatment of exocrine pancreatic insufficiency. Gastroenterology
1983;84:476-82.
4. Bruno MJ, Haverkort EB, Tijssen GP et al. Placebo controlled trial of enteric coated
pancreatin microsphere treatment in patients with unresectable cancer of the pancreatic
head region. Gut 1998;42(1):92-6.
5. Regan PT, Malagelada JR, DiMagno EP,Go VL. Cimetidine as an adjunct to oral
enzymes in the tre atment of malab s o rption due to pancre a tic insuffi c i e n cy.
Gastroenterology 1978;74:468-9.
6. Heijerman HG,Lamers CB,Bakker W. Omeprazole enhances the efficacy of pancrea-
tin (pancrease) in cystic fibrosis. Ann Intern Med 1991;114(3):200-1.
7. Lankisch PG,Lembcke B,Goke B,Creutzfeldt W. Therapy of pancreatogenic steator-
r h o e a : does acid protection of pancre atic enzymes offer any adva n t age ?
Z Gastroenterol 1986;24(12):753-7.
8. Woolf CJ. Phenotypic modification of primary sensory neurons: the role of nerve grow-
th factor in the production of persistent pain. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci
1996;351(1338):441-8.
9. Wacke R, Kirchner A, Prall F et al. Up-regulation of cytochrome P450 1A2, 2C9, and
2E1 in chronic pancreatitis. Pancreas 1998;16(4):521-8.
10. Patel AG, Toyama MT,Nguyen TN et al. Role of nitric oxide in the relationship of pan-
creatic blood flow and exocrine secretion in cats. Gastroenterology 1995;108:1215-20.
11. Strum WB. Abstinence in alcoholic chronic pancreatitis. Effect on pain and outcome.
J Clin Gastroenterol 1995;20:37-41.
12. Shea JC, Bishop MD, Parker EM et al. An enteral therapy containing medium-chain
triglycerides and hydrolyzed peptides reduces postprandial pain associated with chronic
pancreatitis. Pancreatology 2003;3:36-40.
13. Owyang C, Louie DS, Tatum D. Feedback regulation of pancreatic enzyme secretion.
Suppression of cholecystokinin release by trypsin. J Clin Invest 1986;77:2042-7.
14. Isaksson G,Ihse I. Pain reduction by an oral pancreatic enzyme preparation in chro-
nic pancreatitis. Dig Dis Sci 1983;28:97-102.
15. Slaff J, Jacobson D, Tillman CR et al. Protease-specific suppression of pancreatic
exocrine secretion. Gastroenterology 1984;87:44-52.
16. Ramo OJ,Puolakkainen PA, Seppala K, Schroder TM. Self-administration of enzyme
substitution in the treatment of exocrine pancreatic insufficiency. Scand J Gastroenterol
1989;24:688-92.
17. Aleryani S, Duris I, Payer J et al. Effect of pancreatic substitutes on fecal and serum
elastase and on pain in patients with chronic pancreatitis. Vnitr Lek 2000;46:263-7.
18. Brown A, Hughes M, Tenner S,Banks PA. Does pancreatic enzyme supplementation
reduce pain in patients with chronic pancreatitis: a meta-analysis. Am J Gastroenterol
1997;92:2032-5.
19. Thomson M, Clague A, Cleghorn GJ, Shepherd RW. Comparative in vitro and in vivo
studies of enteric-coated pancrelipase preparations for pancreatic insufficiency. J Pediatr
Gastroenterol Nutr 1993;17:407-13.
20. Andren-SandbergA. Pain relief in pancreatic disease. Br J Surg 1997;84(8):1041-2.
21. Eisenach JC, Carpenter R, Curry R. Analgesia from a peripherally active kappa-
opioid receptor agonist in patients with chronic pancreatitis. Pain 2003;101:89-95.
22. Malfertheiner P,Mayer D,Buchler M et al. Treatment of pain in chronic pancreatitis
by inhibition of pancreatic secretion with octreotide. Gut 1995;36:450-4.
23. Schmalz M, Soergel K, Johanson J. The effect of octreotide acetate (sandostatin) on
the pain of chronic pancreatitis. Gastroenterology 1992;102:A290.
24. Uden S,Bilton D,Nathan L et al. Antioxidant therapy for recurrent pancreatitis: pla-
cebo-controlled trial. Aliment Pharmacol Ther 1990;4:357-71.
25. McCloy R. Chronic pancreatitis at Manchester,UK. Focus on antioxidant therapy.
Digestion 1998;59 (Suppl. 4):36-48.
26. De las Heras Castano G, Garcia de la Paz A, Fernandez MD, Fernandez Forcelledo
JL. Use of antioxidants to treat pain in chronic pancreatitis. Rev Esp Enferm Dig
2000;92(6):375-85.
27. Bengtsson M, Lofstrom JB. Nerve block in pancreatic pain. Acta Chir Scand
1990;156:285-91.
28. Leung JW,Bowen-Wright M, Aveling W et al. Coeliac plexus block for pain in pan-
creatic cancer and chronic pancreatitis. Br J Surg 1983;70:730-2.
29. Yasuda H, Ino Y, Igarashi H et al. A case of pancreatic pleural effusion and medias-
tinal pancre atic pseudocy s t : m a n age ment by a somat o s t ati n analogue octre o t i d e .
Pancreas 1999;19:410-2.
30. Brunaud L, Sebbag H, Marchal F et al. Evaluation of somatostatin or octreotide effi-
cacy in the treatment of external pancreatic fistulas. Ann Chir 2001;126:34-41.
31. De Parades V, Roulot D, Palazzo L et al. Treatment with octreotide of stenosing cys-
tic dystrophy on heterotopic pancreas of the duodenal wall. Gastroenterol Clin Biol
1996;20:601-4.
1 / 5 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !