Introduction aux groupes de Lie
pour la physique
Frédéric Paulin
Professeur à l’Université Paris-Sud (Faculté des sciences d’Orsay)
Cours de troisième année de l’Ecole Centrale Paris
(Centrale-Supélec, Université Paris-Saclay)
Option Mathématiques appliquées, Parcours Mathématiques-Physique
Année 2016-2017
1
Table des matières
Préambule ..................................... 4
1 Groupes et algèbres de Lie matriciels 7
1.1 Les groupes de Lie matriciels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
L’application exponentielle des matrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
GroupesdeLieclassiques ............................ 13
Rappels sur les sous-variétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Décompositionpolaire .............................. 20
1.2 Les algèbres de Lie matricielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Algèbre de Lie d’un groupe de Lie matriciel . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
Constantes de structure des algèbres de Lie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Décomposition des algèbres de Lie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
1.3 Représentations linéaires complexes de dimension finie d’algèbres de Lie . . 30
Représentation adjointe d’une algèbre de Lie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Extensiondescalaires .............................. 34
Représentation complexe conjuguée d’une représentation d’algèbre de Lie . . 35
Représentation contragrédiente d’une représentation d’algèbre de Lie . . . . 35
Produit tensoriel de représentations d’algèbre de Lie . . . . . . . . . . . . . 36
FormedeKilling ................................. 37
1.4 Représentations linéaires complexes de dimension finie de groupes de Lie . . 38
Représentation restreinte d’une représentation de groupe de Lie . . . . . . . 39
Représentation Adjointe d’un groupe de Lie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Représentation somme directe de représentations de groupe de Lie . . . . . 40
Représentation complexe conjuguée d’une représentation de groupe de Lie . 41
Représentation contragrédiente d’une représentation de groupe . . . . . . . 41
Produit tensoriel de représentations de groupe de Lie . . . . . . . . . . . . . 42
Relations entre représentations de groupes de Lie et d’algèbres de Lie . . . . 43
1.5 Indications pour la résolution des exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
2 Les groupes SU(2) et SO(3) 49
Motivationsphysiques .............................. 49
2.1 L’algèbre de Lie su(2) 'so(3) .......................... 51
2.2 Le revêtement universel de SO(3) par SU(2) .................. 52
2.3 Représentations linéaires de SU(2) et SO(3) .................. 54
Représentations irréductibles de l’algèbre de Lie sl2(C)............ 54
Représentations irréductibles du groupe de Lie SU(2) ............. 58
Représentations du groupe de Lie SO(3) .................... 61
2.4 Décomposition de Clebsch-Gordan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Applicationphysique............................... 65
3 Les groupes de Lorentz et de Poincaré 68
3.1 L’espace-temps de la relativité restreinte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
3.2 Le groupe de Lorentz restreint SO0(1,3) .................... 73
3.3 Le groupe de Poincaré O(1,3)nR1,3....................... 81
3.4 L’algèbre de Lie so(1,3) ............................. 83
3.5 Le revêtement universel de SO0(1,3) par SL2(C)............... 86
2
3.6 Représentations du groupe de Lorentz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
Représentations irréductibles de l’algèbre de Lie sl2(C)sl2(C)....... 98
Représentations irréductibles du groupe de Lie SL2(C)............ 99
Représentations du groupe de Lie SO0(1,3) ..................104
3.7 Indications pour la résolution des exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
4 Le groupe SU(3) 107
4.1 L’algèbre de Lie sl3(C)..............................107
4.2 Représentations irréductibles du groupe de Lie SU(3) .............109
Interprétation en physique des particules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
La représentation fondamentale de sl3(C)...................111
La représentation contragrédiente de la représentation fondamentale de sl3(C)112
La représentation adjointe de sl3(C)......................113
Annexes 114
A Rappel de vocabulaire sur les groupes 114
B Rappel de vocabulaire de calcul différentiel 115
Index 117
Références 120
3
Préambule.
« La nature aime la symétrie. » L’intérêt principal de cet aphorisme est d’être inter-
prété (voire réfuté, en particulier par les notions d’achiralité et de brisure de symétrie).
Nous le comprendrons au sens que les plus beaux 1objets géométriques sont souvent ceux
qui admettent de nombreuses symétries. Les espaces de phase de dimension finie en phy-
sique classique ou relativiste sont munis de structures géométriques par les équations de
la physique qui y prennent place. Le but de ce cours est d’introduire les groupes de trans-
formations de ces espaces préservant ces structures, qui portent le nom de groupes de Lie,
même si Sophus Lie 2a surtout considéré leur avatar local, voir [Lie1,Lie2]. Du point de
vue mathématique, nous revenons ainsi à la conception moderne de la géométrie : Felix
Klein2, dans son programme d’Erlangen (1872) préparé pour sa nomination en tant que
professeur à l’université d’Erlangen en 1872 à l’âge de 23 ans, définit (voir les références
[Kle,Zub1]) la géométrie comme l’étude des espaces munis d’actions de groupes préser-
vant des structures, et des invariants de ces transformations, considérant ainsi groupes et
géométries comme deux pluriels synonymes.
La notion de symétrie et de groupes de symétrie joue un rôle crucial dans de nombreux
domaines de la physique, comme la crystallographie, la physique des particules 3, la cosmo-
logie et la relativité restreinte, voir par exemple [Zub2,Gou,Del,Sch,Gil]. Dans ce cours,
nous ne nous intéresserons pas aux groupes finis ou discrets de symétries, comme (voir les
dessins ci-dessous)
le groupe fini des symétries de la molécule C60 de fullérenne (le groupe de l’icosa-
èdre d’ordre 120, extension par le groupe Z/2Zd’ordre 2du groupe A5des permutations
alternées d’un alphabet à 5lettres) ou
le groupe du pavage en nid d’abeille du graphène (extension du produit direct Z2
de deux copies du groupe infini cyclique Zpar le groupe diédral D3d’ordre 6), qui est
engendré par les symétries par rapport à deux droites vectorielles d’angle π
3.
1. Lire par exemple Montesquieu2(Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu),
Essai sur le goût (1757).
2.
Klein
Lie
(1842-1899) (1849-1925)
Montesquieu
(1689-1755)
3. Pour usage ultérieur, donnons une description botanique des particules. Les particules élémentaires,
qui sont les briques de base permettant de fabriquer les particules composées, sont réparties en deux
familles, les fermions (les particules élémentaires suivant la statistique de Fermi-Dirac, qui sont de spin
demi-entier) et les bosons (les particules élémentaires suivant la statistique de Bose-Einstein, qui sont de
spin entiers). Les fermions sont répartis en deux familles, les 12 leptons (qui sont les fermions insensibles à
l’interaction forte, électron e, muon µ, tauon τ, et trois neutrinos νe,νµ,ντ, chacun venant avec une anti-
particule) et les quarks (qui sont les fermions sensibles à l’interaction forte, u(haut), d(bas), s(étrange),
c(charme), b(beauté), t(vérité), chacun venant avec trois couleurs et chaque quark coloré ayant une anti-
particule). Parmi les particules composées, on appelle baryons celles composées de trois quarks (comme les
nucléons : le proton duu et le neutron ddu).
4
fullérenne graphène
Nous nous intéresserons par contre aux groupes « continus », qui permettront de faire
jouer un rôle important aux transformations infinitésimales (ou, en termes plus mathéma-
tiques, aux algèbres de Lie associées aux groupes de Lie). Nous resterons dans le cadre
des groupes de symétrie de dimension finie, laissant donc de côté les importants groupes
de jauges de dimension infinie de la relativité générale et des théories de jauges. Nous ne
ferons pas un exposé dogmatique et abstrait des groupes et algèbres de Lie (voir pour cela
[Bou1,Bou2,Bou3,Bou4,God,OV,Ser,CSM,Kna,Pau2], pour ne citer que ceux-ci).
Dans l’esprit du livre [MT] et surtout de [KS] que nous suivrons de près, nous nous res-
treindrons à l’étude des groupes de Lie classiques qui apparaissent fréquement en physique,
dont
les groupes spéciaux orthogonaux SO(n)(préservant le produit scalaire d’un espace
vectoriel réel euclidien de dimension finie n, voir le chapitre 1.1) et surtout en petite
dimension SO(2),SO(3), même si le groupe SO(10) apparaît dans l’un des modèles de
théorie grandement unifiée (GUT) et le groupe SO(32) apparaît en théorie des supercordes
et en théorie des cordes hétérotique O,
les groupes spéciaux unitaires SU(n)(préservant le produit scalaire d’un espace vec-
toriel complexe hermitien de dimension finie n, voir le chapitre 1.1) et surtout en petite
dimension SU(2),SU(3) (voire SU(5), sur lequel repose le modèle le plus simple (dit de
Georgi-Glashow) de théorie grandement unifiée (GUT) 4),
le groupe de Lorentz SO(3,1) (préservant une forme quadratique de signature (3,1)
d’un espace vectoriel réel de dimension 4) et son avatar affine le groupe de Poincaré, voir
le chapitre 3. Le groupe de Lorentz, particulièrement important en relativité restreinte,
apparaît comme le groupe naturel de symétries (vectorielles) de l’espace-temps R3,1, ainsi
que celui de l’opérateur différentiel appelé d’alembertien =1
c22
t22
x22
y22
z2
pour l’équation des ondes du quadri-potentiel électromagnétique, ou pour l’équation de
Klein-Gordon relativiste du mouvement sans interaction d’un pion 5ou du fameux boson
de Higgs.
4. mais ce modèle ne semble pas suffisamment complet, des modèles d’unification des interactions fortes,
faibles et électromagnétiques reposant sur SU(6) ou SU(8) ont été proposés
5. Un pion est une particule de la famille des mésons, qui sont les particules composées d’un quark et
d’un anti-quark. Les pions sont au nombre de trois, π+composé d’un quark u(haut) et d’un anti-quark
d(anti-bas), πcomposé d’un quark d(bas) et d’un anti-quark u(anti-haut), et π0, superposition des
paires uu et dd. Ils sont en particulier responsables de la cohésion des noyaux atomiques (par échange de
pions entre neutrons et protons)
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