Infection par le virus de l hépatite B et transplantation hépatique

La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 1998 93
a prise en charge thérapeutique de l’infection par le
virus de l’hépatite B (VHB) est en pleine évolution
dans le domaine de la transplantation hépatique. Les
patients transplantés sont, le plus souvent, porteurs de l’antigè-
ne HBs avant la greffe. Parfois, ils sont contaminés pendant ou
après la transplantation hépatique (1 à 2 % des cas). La voie de
transmission peut être le greffon hépatique lui-même,un don-
neur porteur d’anti-HBc et/ou d’anti-HBs. D’autres voies de
transmission nosocomiale ne peuvent être exclues. Plus rare-
ment, l’apparition de l’antigène HBs après transplantation hépa-
tique peut correspondre à une infection cryptique par le VHB
avant transplantation (1). Quelle que soit la voie de contamina-
tion, récurrence ou infection de novo, l’évolution spontanée de
l’infection par le virus B a un pronostic sévère. Dans ces cir-
constances, il existe une réplication virale intense qui peut
conduire spontanément à une hépatite fibrosante et cholesta-
siante avec insuffisance hépatocellulaire aiguë de pronostic
sombre (2). Le plus souvent, la récidive conduit à une hépatite
chronique puis à une cirrhose et finalement à une surmortalité
par rapport aux autres indications de transplantation hépatique.
Les progrès ont été considérables ces dix dernières années dans
la prévention de la récidive virale sur le greffon. Aujourd’hui, la
survie après transplantation hépatique de ce groupe de patients
est parmi les meilleures.
TRAITEMENT PRÉVENTIF DE L’INFECTION VIRALE B
APRÈS TRANSPLANTATION HÉPATIQUE
Un pas décisif a été la prévention de la récidive par perfusion
d’immunoglobulines polyclonales anti-HBs (3, 4). Le protocole
consiste à perfuser 10 000 unités d’anticorps anti-HBs chaque
jour pendant la première semaine suivant la transplantation
hépatique (TH) et de maintenir indéfiniment, par perfusions ité-
ratives, des taux résiduels dans le sang > 100 UI/ml. Ce proto-
cole fait baisser le taux de récidive virale de 90 % à 20 % et
améliore la survie de ces patients. Ces résultats ne doivent pas
faire oublier que la première cause de récidive de l’infection est
l’arrêt intempestif de l’immunothérapie, même plusieurs années
après la TH. Il existe donc chez ces patients une infection rési-
duelle par le VHB, comme nous l’avons montré par PCR en
détectant l’ADN du VHB dans le sérum ou les cellules mono-
nucléées périphériques, et ce en l’absence d’infection hépa-
tique (5). Nous avons démontré avec C. Bréchot que certaines
souches virales détectées exclusivement dans les lymphocytes
périphériques étaient en fait responsables de la récidive après
transplantation (6).
La prophylaxie de l’infection virale B ne se résume pas à l’im-
munothérapie passive. Les patients non immunisés contre le
Infection par le virus de l’hépatite B
et transplantation hépatique
C. Féray*
* Hépatologue, praticien hospitalo-universitaire,
Centre hépato-biliaire, Villejuif.
Après transplantation hépatique,l’infection du greffon par
le VHB est prévenue efficacement par la perfusion d’anti-
HBs chez les patients dont la réplication virale est faible
avant transplantation.
Les résultats, en termes de survie,sont excellents dans ce
groupe.
De nouveaux analogues nucléosidiques, efficaces et dénués
d’effets secondaires, diminuent la charge virale et rendent
possible la transplantation de patients autrefois récusés.
Ces antiviraux sont efficaces chez ceux qui ont récidi
après transplantation mais des échappements thérapeutiques
surviennent dans au moins 20 % des cas.
Les résultats préliminaires de la combinaison de l’immu-
nothérapie passive et des antiviraux semblent prometteurs
chez les patients transplantés pour cirrhose virale B avec
réplication virale. Rien n’indique pour l’instant que l’asso-
ciation systématique de l’immunothérapie et d’un traitement
par analogue nucléosidique chez les patients transplantés
pour une hépatopathie B sans réplication virale notable soit
nécessaire.
La PCR est d’interprétation difficile dans le cadre de l’in-
fection par le VHB du transplanté et ne peut être actuellement
décisionnelle. La sensibilité des tests d’hybridation sans
amplification est suffisante en termes de prédiction.
P O I N T S F O R T S
P O I N T S F O R T S
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O S S I E R T H É M A T I Q U E
virus de l’hépatite B et qui peuvent bénéficier à court ou à
moyen terme d’une transplantation hépatique doivent être vac-
cinés. La vaccination est indispensable et trop souvent oubliée.
De plus, les donneurs d’organes ayant des marqueurs d’infec-
tion antérieure par le virus de l’hépatite B (anti-HBc avec ou
sans anti-HBs) sont exclus du don d’organes.
L’ i m m u n o t h é rap ie anti-HBs n’est efficace qu’en l’ab s e n c e
d’une réplication notable du virus de l’hépatite B. Il est donc
logique de proposer un traitement antiviral afin de diminuer la
charge virale et d’augmenter l’efficacité des immunoglobulines.
Un essai déjà ancien étudiait l’effet de l’interféron avant trans-
plantation hépatique (7) sans démontrer de résultats significa-
tifs. Les analogues nucléosidiques (lamivudine et famciclovir)
ont révolutionné les indications de transplantation en cas d’in-
fection virale B. En effet, aujourd’hui, grâce à l’une de ces deux
drogues, un arrêt de la réplication virale B est obtenu facile-
ment, permettant de transplanter le patient tout en poursuivant
après transplantation le traitement antiviral (8, 9, 10). Les résul-
tats de cette approche combinée à une immunothérapie sem-
blent pour l’instant extrêmement prometteurs avec une seule
récidive dans notre expérience sur 20 patients. Ainsi, les sujets
autrefois récusés pour la transplantation en raison d’une répli-
cation virale persistante (10 à 20 % des cirrhoses virales B) peu-
vent aujourd’hui négativer rapidement leur réplication virale et
bénéficier d’une transplantation.
TRAITEMENT CURATIF DE L’INFECTION VIRALE B
APRÈS TRANSPLANTATION HÉPATIQUE
Il a été rapidement établi que l’interféron seul était peu efficace
après transplantation dans un contexte de réplication virale
intense et d’immunosuppression. De plus, le traitement par
interféron peut induire, si l’immunosuppression est trop faible,
des rejets chroniques, et nous en avons l’expérience dans le
cadre du traitement par le virus de l’hépatite C (11). Les ana-
logues nucléosidiques sont pour l’instant les drogues antivirales
de choix dans ce contexte. La vidarabine monophosphatée peut
avoir une action antivirale mais celle-ci est inconstante et tran-
sitoire. Ce traitement, très mal supporté au point de vue neuro-
musculaire, doit être abandonné. L’utilisation du ganciclovir
(Cymévan®, Syntex), analogue nucléosidique qui inhibe la
polymérase des herpèsvirus, et particulièrement celle du cyto-
mégalovirus, représente un progrès. Le traitement a une toxici-
té assez faible,rénale et hématologique. Dans notre expérience,
nous avons obtenu des diminutions significatives de la réplica-
tion virale sous ce traitement, coïncidant avec l’amélioration de
l’état clinique ou biologique (manuscrit en préparation).
encore, l’effet est transitoire et dépend de perfusions itératives.
Actuellement, deux analogues nucléosidiques disponibles per
os, sont particulièrement intéressants : le famciclovir (dérivé de
la guanosine ou penciclovir) et la lamivudine (dérivé de la cyti-
dine ou 3’thiocytidine). La première drogue est un antiherpé-
tique efficace sur les virus VZV, HSV-1 et HSV-2 alors que la
seconde est initialement un inhibiteur de la reverse transcripta-
se du VIH. La réplication du virus de l’hépatite B est inhibée de
m a n i è re plus rapide par le 3TC, e n t r a î n a n t , en quelques
semaines, une chute de la charge virale en dessous du niveau
détectable par des tests usuels (12, 13). Il est encore trop tôt
pour déterminer si cette inhibition de la réplication est efficace
à long terme en ce qui concerne la survie ou la réponse histolo-
gique, que ce soit chez le sujet immunocompétent ou chez le
sujet transplanté. En effet, la séroconversion dans le système e
ou s est rare et la réplication virale réapparaît lors de l’arrêt des
antiviraux. Les résultats de traitements prolongés sont attendus.
Il est également clair que l’inhibition de la réplication, quoique
remarquable, n’est pas totale comme le montre la détection de
l’ADN du VHB par PCR dans le sérum de sujets immunocom-
pétents ou bien encore dans le foie ou dans les cellules mono-
nucléées sanguines de sujets transplantés que nous avons étu-
diés. Cette réplication résiduelle offre la possibilité d’une émer-
gence de variants d’échappement à ces drogues, particulière-
ment dans le site dit YMDD mais également dans d’autres (14,
15). Le taux d’échappement à moyen terme des monothérapies
dans le cadre de la transplantation hépatique est de 20 % (lire
ci-après). Comme pour le VIH, l’intérêt des multithérapies
associant interféron, lamivudine ou famciclovir doit être évalué.
Il est à noter que le famciclovir et le 3TC ont une activité syner-
gique (16) dans des systèmes in vitrode réplication du virus de
l’hépatite B du canard. De plus, les mutations d’échappement ne
sont pas systématiquement croisées entre le famciclovir et le
3TC.
Que faire
en cas
d’échappe-
ment aux
analogues
nucléosi-
diques ?
En cas d’échap p e m e n t , i l
faut changer de drogue car
les résistances peuvent être
spécifiques du 3TC ou du
famciclovir. A l’avenir, des
v i rogr ammes moléculaire s
permettront probablement
de guider les choix théra-
peutiques.
En théorie, les mu t a n t s
d ’ é c h a ppement aux ana-
logues nucléosidiques pour-
raient correspondre à des
souches dites fe c t i ve s
moins dangeureuses que la
souche sauvage. Dans ce
cas, le maintien de la théra-
pie malgré l’échap p e m e n t
en termes de réplication
virale serait justifié. Cela est
très théorique et notre
attitude consiste à arrêter
la thérapie en cas d’échap-
pement. Dans ces circons-
t a n c e s , nous n’avons pas
o b s e r d’aggravation de
l’atteinte hépatique, d u
moins dans le contexte de
la transplantation hépa-
tique.
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 1998 95
Mots-clés. Transplantation hépatique -
Immunoglobulines - Lamivudine - Famciclovir - Hépatite
chronique B.
R
É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S
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Prescrire Imure en res-
pectant strictement le libel-
de l’AMM
L’azathioprine (Imurel
®
) possède deux
types d’indications : la prévention du
rejet des organes transplantés, les mala-
dies auto-immunes. Parmi les maladies
auto-immunes citées figurait l’hépatite
chronique active mais étaient absentes
les maladies inflammatoires coliques.
De nombreux gastro-entérologues se
demandaient donc si RCH et Crohn
étaient des affections auto-immunes ou
non ! La question
est résolue par l’ex-
tension de l’AMM de
l’Imurel
®
à la maladie de Crohn et à la
rectocolite hémorr a g i q u e , dans les
formes sévères de ces maladies, chez
les patients intolérants aux corticoïdes
ou cort i c o d é p e n d a n t s , ou dont la
réponse thérapeutique est insuffisante
en dépit des fortes doses de corti-
coïdes.
En pratique,il s’agit essentiellement de
deux situations cliniques différentes :
forme chronique active, corticodépen-
dante de MICI, cas le plus fréquent,
poussée sévère corticorésistante, situa-
tion l’azathioprine prend le relais
d’un autre traitement.
Cette extension d’AMM a été rendue
possible car il existe,pour la maladie de
Crohn, neuf essais contrôlés et une
m é t a - a n a lyse permettant de bien
mettre en évidence le rôle d’épargne
en corticoïdes ainsi que les possibilités
de maintien en rémission. Les études
sont plus rares dans la RCH, maladie où
le traitement chirurgical doit toujours
ê t r e envisagé en cas de forme grave,
mais l’azathioprine est une modalité thé-
r apeutique séduisante dans les cas de
formes distales re b e l l e s . La posologie est
au maximum de 3 mg/kg/j en valeur d’at-
taque et de 1 à 3 mg/kg/j en traitement
d ’ e n t re t i e n . R appelons que l’Imurel
®
e s t
c o m m e r cialisé en boîtes de 100 compri-
més de 50 mg sécables.
L a b ’ i n f o s
1 / 3 100%

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