Infection par le virus de l’hépatite B et transplantation hépatique ● C. Féray* P O I N T S F O R T S P O I N T S F O R T S ■ Après transplantation hépatique, l’infection du greffon par le VHB est prévenue efficacement par la perfusion d’antiHBs chez les patients dont la réplication virale est faible avant transplantation. ■ Les résultats, en termes de survie, sont excellents dans ce groupe. ■ De nouveaux analogues nucléosidiques, efficaces et dénués d’effets secondaires, diminuent la charge virale et rendent possible la transplantation de patients autrefois récusés. ■ Ces antiviraux sont efficaces chez ceux qui ont récidivé après transplantation mais des échappements thérapeutiques surviennent dans au moins 20 % des cas. ■ Les résultats préliminaires de la combinaison de l’immunothérapie passive et des antiviraux semblent prometteurs chez les patients transplantés pour cirrhose virale B avec réplication virale. Rien n’indique pour l’instant que l’association systématique de l’immunothérapie et d’un traitement par analogue nucléosidique chez les patients transplantés pour une hépatopathie B sans réplication virale notable soit nécessaire. transmission peut être le greffon hépatique lui-même, un donneur porteur d’anti-HBc et/ou d’anti-HBs. D’autres voies de transmission nosocomiale ne peuvent être exclues. Plus rarement, l’apparition de l’antigène HBs après transplantation hépatique peut correspondre à une infection cryptique par le VHB avant transplantation (1). Quelle que soit la voie de contamination, récurrence ou infection de novo, l’évolution spontanée de l’infection par le virus B a un pronostic sévère. Dans ces circonstances, il existe une réplication virale intense qui peut conduire spontanément à une hépatite fibrosante et cholestasiante avec insuffisance hépatocellulaire aiguë de pronostic sombre (2). Le plus souvent, la récidive conduit à une hépatite chronique puis à une cirrhose et finalement à une surmortalité par rapport aux autres indications de transplantation hépatique. Les progrès ont été considérables ces dix dernières années dans la prévention de la récidive virale sur le greffon. Aujourd’hui, la survie après transplantation hépatique de ce groupe de patients est parmi les meilleures. TRAITEMENT PRÉVENTIF DE L’INFECTION VIRALE B APRÈS TRANSPLANTATION HÉPATIQUE a prise en charge thérapeutique de l’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) est en pleine évolution dans le domaine de la transplantation hépatique. Les patients transplantés sont, le plus souvent, porteurs de l’antigène HBs avant la greffe. Parfois, ils sont contaminés pendant ou après la transplantation hépatique (1 à 2 % des cas). La voie de Un pas décisif a été la prévention de la récidive par perfusion d’immunoglobulines polyclonales anti-HBs (3, 4). Le protocole consiste à perfuser 10 000 unités d’anticorps anti-HBs chaque jour pendant la première semaine suivant la transplantation hépatique (TH) et de maintenir indéfiniment, par perfusions itératives, des taux résiduels dans le sang > 100 UI/ml. Ce protocole fait baisser le taux de récidive virale de 90 % à 20 % et améliore la survie de ces patients. Ces résultats ne doivent pas faire oublier que la première cause de récidive de l’infection est l’arrêt intempestif de l’immunothérapie, même plusieurs années après la TH. Il existe donc chez ces patients une infection résiduelle par le VHB, comme nous l’avons montré par PCR en détectant l’ADN du VHB dans le sérum ou les cellules mononucléées périphériques, et ce en l’absence d’infection hépatique (5). Nous avons démontré avec C. Bréchot que certaines souches virales détectées exclusivement dans les lymphocytes périphériques étaient en fait responsables de la récidive après transplantation (6). * Hépatologue, praticien hospitalo-universitaire, Centre hépato-biliaire, Villejuif. La prophylaxie de l’infection virale B ne se résume pas à l’immunothérapie passive. Les patients non immunisés contre le ■ La PCR est d’interprétation difficile dans le cadre de l’infection par le VHB du transplanté et ne peut être actuellement décisionnelle. La sensibilité des tests d’hybridation sans amplification est suffisante en termes de prédiction. L La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 1998 93 D O S S I E R T virus de l’hépatite B et qui peuvent bénéficier à court ou à moyen terme d’une transplantation hépatique doivent être vaccinés. La vaccination est indispensable et trop souvent oubliée. De plus, les donneurs d’organes ayant des marqueurs d’infection antérieure par le virus de l’hépatite B (anti-HBc avec ou sans anti-HBs) sont exclus du don d’organes. L’immu n o t h é rapie anti-HBs n’est efficace qu’en l’absence d’une réplication notable du virus de l’hépatite B. Il est donc logique de proposer un traitement antiviral afin de diminuer la charge virale et d’augmenter l’efficacité des immunoglobulines. Un essai déjà ancien étudiait l’effet de l’interféron avant transplantation hépatique (7) sans démontrer de résultats significatifs. Les analogues nucléosidiques (lamivudine et famciclovir) ont révolutionné les indications de transplantation en cas d’infection virale B. En effet, aujourd’hui, grâce à l’une de ces deux drogues, un arrêt de la réplication virale B est obtenu facilement, permettant de transplanter le patient tout en poursuivant après transplantation le traitement antiviral (8, 9, 10). Les résultats de cette approche combinée à une immunothérapie semblent pour l’instant extrêmement prometteurs avec une seule récidive dans notre expérience sur 20 patients. Ainsi, les sujets autrefois récusés pour la transplantation en raison d’une réplication virale persistante (10 à 20 % des cirrhoses virales B) peuvent aujourd’hui négativer rapidement leur réplication virale et bénéficier d’une transplantation. TRAITEMENT CURATIF DE L’INFECTION VIRALE B APRÈS TRANSPLANTATION HÉPATIQUE Il a été rapidement établi que l’interféron seul était peu efficace après transplantation dans un contexte de réplication virale intense et d’immunosuppression. De plus, le traitement par interféron peut induire, si l’immunosuppression est trop faible, des rejets chroniques, et nous en avons l’expérience dans le cadre du traitement par le virus de l’hépatite C (11). Les analogues nucléosidiques sont pour l’instant les drogues antivirales de choix dans ce contexte. La vidarabine monophosphatée peut avoir une action antivirale mais celle-ci est inconstante et transitoire. Ce traitement, très mal supporté au point de vue neuromusculaire, doit être abandonné. L’utilisation du ganciclovir (Cymévan®, Syntex), analogue nucléosidique qui inhibe la polymérase des herpèsvirus, et particulièrement celle du cytomégalovirus, représente un progrès. Le traitement a une toxicité assez faible, rénale et hématologique. Dans notre expérience, nous avons obtenu des diminutions significatives de la réplication virale sous ce traitement, coïncidant avec l’amélioration de l’état clinique ou biologique (manuscrit en préparation). Là encore, l’effet est transitoire et dépend de perfusions itératives. Actuellement, deux analogues nucléosidiques disponibles per os, sont particulièrement intéressants : le famciclovir (dérivé de la guanosine ou penciclovir) et la lamivudine (dérivé de la cytidine ou 3’thiocytidine). La première drogue est un antiherpétique efficace sur les virus VZV, HSV-1 et HSV-2 alors que la seconde est initialement un inhibiteur de la reverse transcripta94 H É M A T I Q U E se du VIH. La réplication du virus de l’hépatite B est inhibée de m a n i è re plus rapide par le 3TC, entraînant, en quelques semaines, une chute de la charge virale en dessous du niveau détectable par des tests usuels (12, 13). Il est encore trop tôt pour déterminer si cette inhibition de la réplication est efficace à long terme en ce qui concerne la survie ou la réponse histologique, que ce soit chez le sujet immunocompétent ou chez le sujet transplanté. En effet, la séroconversion dans le système e ou s est rare et la réplication virale réapparaît lors de l’arrêt des antiviraux. Les résultats de traitements prolongés sont attendus. Il est également clair que l’inhibition de la réplication, quoique remarquable, n’est pas totale comme le montre la détection de l’ADN du VHB par PCR dans le sérum de sujets immunocompétents ou bien encore dans le foie ou dans les cellules mononucléées sanguines de sujets transplantés que nous avons étudiés. Cette réplication résiduelle offre la possibilité d’une émergence de variants d’échappement à ces drogues, particulièrement dans le site dit YMDD mais également dans d’autres (14, 15). Le taux d’échappement à moyen terme des monothérapies dans le cadre de la transplantation hépatique est de 20 % (lire ci-après). Comme pour le VIH, l’intérêt des multithérapies associant interféron, lamivudine ou famciclovir doit être évalué. Il est à noter que le famciclovir et le 3TC ont une activité synergique (16) dans des systèmes in vitro de réplication du virus de l’hépatite B du canard. De plus, les mutations d’échappement ne sont pas systématiquement croisées entre le famciclovir et le 3TC. ■ Que faire en cas d’échappement aux analogues nucléosidiques ? En cas d’échap p e m e n t , il faut changer de drogue car les résistances peuvent être spécifiques du 3TC ou du famciclovir. A l’avenir, des v i rogrammes moléculaire s permettront probablement de guider les choix thérapeutiques. En théorie, les mu t a n t s d’échappement aux analogues nucléosidiques pourraient correspondre à des souches dites défe c t i ve s moins dangeureuses que la souche sauvage. Dans ce cas, le maintien de la thérapie malgré l’échappement en termes de réplication virale serait justifié. Cela est très théorique et notre attitude consiste à arrêter la thérapie en cas d’échappement. Dans ces circonstances, nous n’avons pas observé d’aggravation de l’atteinte hépatique, du moins dans le contexte de la transplantation hépatique. La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 1998 Mots-clés. Transplantation hépatique Immunoglobulines - Lamivudine - Famciclovir - Hépatite chronique B. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Roche B., Gigou M., Féray C. et coll. De novo and apparent de novo hepatitis B virus infection after liver transplantation. J Hepatol 1997 ; 26 : 517-26. 2. Davies S., Portmann B., O’Grady J. et coll. Hepatic histologic findings after transplantation for chronic hepatitis B virus infection, including a unique pattern of fibrosing cholestatic patients. Hepatology 1991 ; 13 : 150-8. 3. Samuel D., Bismuth A., Mathieu D. et coll. Passive immunoprophylaxis after liver transplantation in HBsAg-positive patients. Lancet 1991 ; 337 : 813-5. 4. Samuel D., Muller R., Alexander G. et coll. Liver transplantation in European patients with the hepatitis B surface antigen. N Engl J Med 1993 ; 329 : 1842-7. 5. Féray C., Zignego A.L., Samuel D. et coll. Persistent hepatitis B virus infection of mononuclear blood cells without concomitant liver infection. Transplantation 1990 ; 49 : 1155-8. 6. Brind A., Samuel D., Gigou M. et coll. Evidence for selection of hepatitis B mutants after liver transplantation through peripheral blood mononuclear cell infection. J Hepatol 1997 ; 26 : 228-35. 7. Marcellin P., Samuel D., Areias J. et coll. Pretransplantation interferon treat ment and recurrence of hepatitis B virus infection after liver transplantation for hepatitis B-related end-stage liver disease. Hepatology 1994 ; 19 : 6-12. Lab’infos Prescrire Imurel® en respectant strictement le libellé de l’AMM L’azathioprine (Imurel®) possède deux types d’indications : la prévention du rejet des organes transplantés, les maladies auto-immunes. Parmi les maladies auto-immunes citées figurait l’hépatite chronique active mais étaient absentes les maladies inflammatoires coliques. De nombreux gastro-entérologues se demandaient donc si RCH et Crohn étaient des affections auto-immunes ou 8. Grellier L., Mutimer D., Ahmed M. et coll. Lamivudine prophylaxis against reinfection in liver transplantation for hepatitis B cirrhosis. Lancet 1996 ; 348 : 1212-5. 9. Singh N., Gayowski T., Wannstedt C.F. et coll. Pretransplant famciclovir as pro p hylaxis for hep atitis B virus re c u rrence after liver tra n s p l a n t at i o n . Transplantation 1997 ; 63 : 1415-9. 10. B e n - A ri Z., Shmueli D., Mor E. et coll. Beneficial effect of lamivudine in recur rent hep atitis B after liver transplantation. Tra n s p l a n t ation 1997 ; 63 : 393-6. 11. Féray C., Samuel D., Gigou M. et coll. Effects of alpha interferon in liver recipients with post-transplantation chronic hepatitis C. Hepatology 1995 ; 22 : 1084-9. 12. Grellier L., Dusheiko G.M. Hepatitis B virus and liver transplantation : concepts in antiviral prophylaxis. J Viral Hepat 1997 ; Suppl. 1(4 ) : 111-6. 13. Lai C.L., Ching C.K., Tung A.K et coll. Lamivudine is effective in suppressing hepatitis B virus DNA in Chinese hepatitis B surface antigen carriers : a place bo-controlled trial. Hepatology 1997 ; 25 : 241-4. 14. Bartholomew M.M., Jansen R.W., Jeffers L.J. et coll. Hepatitis-B-virus resis tance to lamivudine given for recurrent infection after orthotopic liver transplan tation. Lancet 1997 ; 349 : 20-2. 15. Aye T.T., Bartholomew A., Shaw T. et coll. Hepatitis B virus polymerase muta tions during antiviral therapy in a patient following liver tr ansplantation. J Hepatol 1997 ; 26 : 1148-53. 16. Colledge D., Locarnini S., Shaw T. Synergistic inhibition of hepadnaviral replication by lamivudine in combination with penciclovir in vitro. Hepatology 1997 ; 26 : 216-25. non ! La question est résolue par l’extension de l’AMM de l’Imurel® à la maladie de Crohn et à la rectocolite hémorr a g i q u e, dans les formes sévères de ces maladies, chez les patients intolérants aux corticoïdes ou corticodépendants, ou dont la réponse thérapeutique est insuffisante en dépit des fortes doses de corticoïdes. En pratique, il s’agit essentiellement de deux situations cliniques différentes : forme chronique active, corticodépendante de MICI, cas le plus fréquent, poussée sévère corticorésistante, situation où l’azathioprine prend le relais d’un autre traitement. La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 1998 Cette extension d’AMM a été rendue possible car il existe, pour la maladie de Crohn, neuf essais contrôlés et une m é t a - a n a lyse permettant de bien mettre en évidence le rôle d’épargne en corticoïdes ainsi que les possibilités de maintien en rémission. Les études sont plus rares dans la RCH, maladie où le traitement chirurgical doit toujours être envisagé en cas de forme grave, mais l’azathioprine est une modalité thérapeutique séduisante dans les cas de formes distales rebelles. La posologie est au maximum de 3 mg/kg/j en valeur d’attaque et de 1 à 3 mg/kg/j en traitement d’entretien. R appelons que l’Imurel® est commercialisé en boîtes de 100 comprimés de 50 mg sécables. 95