La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 199894
D
O S S I E R T H É M A T I Q U E
virus de l’hépatite B et qui peuvent bénéficier à court ou à
moyen terme d’une transplantation hépatique doivent être vac-
cinés. La vaccination est indispensable et trop souvent oubliée.
De plus, les donneurs d’organes ayant des marqueurs d’infec-
tion antérieure par le virus de l’hépatite B (anti-HBc avec ou
sans anti-HBs) sont exclus du don d’organes.
L’ i m m u n o t h é rap ie anti-HBs n’est efficace qu’en l’ab s e n c e
d’une réplication notable du virus de l’hépatite B. Il est donc
logique de proposer un traitement antiviral afin de diminuer la
charge virale et d’augmenter l’efficacité des immunoglobulines.
Un essai déjà ancien étudiait l’effet de l’interféron avant trans-
plantation hépatique (7) sans démontrer de résultats significa-
tifs. Les analogues nucléosidiques (lamivudine et famciclovir)
ont révolutionné les indications de transplantation en cas d’in-
fection virale B. En effet, aujourd’hui, grâce à l’une de ces deux
drogues, un arrêt de la réplication virale B est obtenu facile-
ment, permettant de transplanter le patient tout en poursuivant
après transplantation le traitement antiviral (8, 9, 10). Les résul-
tats de cette approche combinée à une immunothérapie sem-
blent pour l’instant extrêmement prometteurs avec une seule
récidive dans notre expérience sur 20 patients. Ainsi, les sujets
autrefois récusés pour la transplantation en raison d’une répli-
cation virale persistante (10 à 20 % des cirrhoses virales B) peu-
vent aujourd’hui négativer rapidement leur réplication virale et
bénéficier d’une transplantation.
TRAITEMENT CURATIF DE L’INFECTION VIRALE B
APRÈS TRANSPLANTATION HÉPATIQUE
Il a été rapidement établi que l’interféron seul était peu efficace
après transplantation dans un contexte de réplication virale
intense et d’immunosuppression. De plus, le traitement par
interféron peut induire, si l’immunosuppression est trop faible,
des rejets chroniques, et nous en avons l’expérience dans le
cadre du traitement par le virus de l’hépatite C (11). Les ana-
logues nucléosidiques sont pour l’instant les drogues antivirales
de choix dans ce contexte. La vidarabine monophosphatée peut
avoir une action antivirale mais celle-ci est inconstante et tran-
sitoire. Ce traitement, très mal supporté au point de vue neuro-
musculaire, doit être abandonné. L’utilisation du ganciclovir
(Cymévan®, Syntex), analogue nucléosidique qui inhibe la
polymérase des herpèsvirus, et particulièrement celle du cyto-
mégalovirus, représente un progrès. Le traitement a une toxici-
té assez faible,rénale et hématologique. Dans notre expérience,
nous avons obtenu des diminutions significatives de la réplica-
tion virale sous ce traitement, coïncidant avec l’amélioration de
l’état clinique ou biologique (manuscrit en préparation). Là
encore, l’effet est transitoire et dépend de perfusions itératives.
Actuellement, deux analogues nucléosidiques disponibles per
os, sont particulièrement intéressants : le famciclovir (dérivé de
la guanosine ou penciclovir) et la lamivudine (dérivé de la cyti-
dine ou 3’thiocytidine). La première drogue est un antiherpé-
tique efficace sur les virus VZV, HSV-1 et HSV-2 alors que la
seconde est initialement un inhibiteur de la reverse transcripta-
se du VIH. La réplication du virus de l’hépatite B est inhibée de
m a n i è re plus rapide par le 3TC, e n t r a î n a n t , en quelques
semaines, une chute de la charge virale en dessous du niveau
détectable par des tests usuels (12, 13). Il est encore trop tôt
pour déterminer si cette inhibition de la réplication est efficace
à long terme en ce qui concerne la survie ou la réponse histolo-
gique, que ce soit chez le sujet immunocompétent ou chez le
sujet transplanté. En effet, la séroconversion dans le système e
ou s est rare et la réplication virale réapparaît lors de l’arrêt des
antiviraux. Les résultats de traitements prolongés sont attendus.
Il est également clair que l’inhibition de la réplication, quoique
remarquable, n’est pas totale comme le montre la détection de
l’ADN du VHB par PCR dans le sérum de sujets immunocom-
pétents ou bien encore dans le foie ou dans les cellules mono-
nucléées sanguines de sujets transplantés que nous avons étu-
diés. Cette réplication résiduelle offre la possibilité d’une émer-
gence de variants d’échappement à ces drogues, particulière-
ment dans le site dit YMDD mais également dans d’autres (14,
15). Le taux d’échappement à moyen terme des monothérapies
dans le cadre de la transplantation hépatique est de 20 % (lire
ci-après). Comme pour le VIH, l’intérêt des multithérapies
associant interféron, lamivudine ou famciclovir doit être évalué.
Il est à noter que le famciclovir et le 3TC ont une activité syner-
gique (16) dans des systèmes in vitrode réplication du virus de
l’hépatite B du canard. De plus, les mutations d’échappement ne
sont pas systématiquement croisées entre le famciclovir et le
3TC. ■
Que faire
en cas
d’échappe-
ment aux
analogues
nucléosi-
diques ?
En cas d’échap p e m e n t , i l
faut changer de drogue car
les résistances peuvent être
spécifiques du 3TC ou du
famciclovir. A l’avenir, des
v i rogr ammes moléculaire s
permettront probablement
de guider les choix théra-
peutiques.
En théorie, les mu t a n t s
d ’ é c h a ppement aux ana-
logues nucléosidiques pour-
raient correspondre à des
souches dites défe c t i ve s
moins dangeureuses que la
souche sauvage. Dans ce
cas, le maintien de la théra-
pie malgré l’échap p e m e n t
en termes de réplication
virale serait justifié. Cela est
très théorique et notre
attitude consiste à arrêter
la thérapie en cas d’échap-
pement. Dans ces circons-
t a n c e s , nous n’avons pas
o b s e r vé d’aggravation de
l’atteinte hépatique, d u
moins dans le contexte de
la transplantation hépa-
tique.