Sujet : Faut-il éclairer les passés troubles ? L'histoire avec un grand H peut devenir éphémère voir même grotesque, lorsque l'on se rend compte avec ou sans surprise sans doute, quelle n'est en réalité, que la position de l'une des parties. L'histoire n'obéit pas, bien qu'elle le devrait, au principe consacré par la justice, présent dans bien des débats : le contradictoire ! Cependant, dans les troubles, il y a bien une règle que l'histoire respecte : C'est la loi du plus fort! Alors faut-il éclairer les passés troubles? Pour y répondre, il faudrait peut être déjà que 1'on s'accorde sur le contenu du passé trouble. D'une manière générale, c'est probablement ces voix qui n'ont pu s'exprimer. Ce sont ces faits que ceux qui racontent l'histoire n'ont pas choisi de raconter par contrainte, mais selon l'espace et le temps, pour la sauvegarde d'intérêts personnels, au nom ou pour le compte d'un monarque, d'un lâche dictateur, d'une ou des république(s) égocentrique(s) dont la «gloire» se construit au détriment des intérêts et des valeurs des autres. Sur un plan strictement personnel, les passés-troubles sont ces actes, ces fautes dont nous ne sommes pas toujours fiers. C'est l'accident de la circulation alors que l'on conduisait en état d'ébriété, ce sont ces familles anéanties par les divorces, les avortements, les liaisons extra conjugales, la contamination au VIH SIDA d'un conjoint pourtant fidèle. Et si l'on regardait, à titre d'illustration, l'histoire des peuples, plus particulièrement celle des peuples d'Afrique, non parce que je suis Africain, (c'est évident), ni parce que nous sommes à YAOUNDE en territoire Africain, mais parce qu'il faut le redire, c'est l'un des peuples dont le passé est plus que trouble, parfois contesté, nonobstant certaines évidences. Tenez, l'histoire des civilisations par exemple. Sur ce sujet, un responsable politique français s'est permis d'affirmer à Dakar, s'agissant de l'homme Africain, devant Cheik Anta DIOP : « ( ...) l'homme Africain n'est pas assez entré dans 1 l'histoire »1. Serait-ce une vérité ou une insulte de trop ? Passé trouble, assurément! Éclairer les passés troubles, c'est réhabiliter pour nous Africains, l'histoire du continent appelé berceau de l'humanité ainsi que la mémoire de nos plus lointains aïeuls. L'histoire de l'humanité révèle que vers - 250.000 ans, l'homme moderne est apparu en Afrique dans la vallée de l'Awash en Éthiopie. Comment ne pas être entré dans l'histoire, puis que c'est avec l'Afrique et donc avec nous qu'elle commence De même, l'ère de la Grande Egypte, celle de l'Empire du Mali sont ces glorieuses ères où il parait que le monde était meilleur lorsque comme l'écrit Serge Bilé « les noirs avaient des esclaves blancs »2. Comment ces glorieuses civilisations Africaines de jadis, se sont retrouvées exploitées, endettées et forcées de payer de leurs richesses après avoir perdu la plus importante de toute: 1a dignité. Cette question de l'histoire, racontée par ceux qui t'écrivent, est trouble. Mais le passé des peuples Africains serait d'un trouble moindre, s'il s'arrêtait là. Et mon discours s'arrêterait 1à aussi. Mais ce n'est pas le cas. Le passé des peuples Africains est jonché d'évènements dont l'atrocité dépasse l'imaginaire, l'esclavage par exemple comme seconde illustration. Le passé le plus raconté de l'Afrique est celui qui commence à la fin du 15e siècle avec la traite négrière. Quatre (4) siècles durant hommes, femmes et enfants sont déportés. Cet épisode, appelons le comme tel, vide ce continent de ses forces vives, anéantissant son développement. Troisième illustration, du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, un groupuscule d'individus orchestre le partage de l'Afrique, de ses richesses et de ses hommes. Tour à tour, subitement les frères d'une même Afrique deviennent Français, Belges, Espagnols, Allemands, Anglais, Portugais, Italiens entre 1886 et la fin des années 1 Nicolas SARKOZY. Discours Présidentiel. Ajouté le 22 Novembre 2012 Discours de Dakar prononcé par Nicolas SARKOZY. Disponible sur tempsreeLnouvelobs.com/politique/20121122.OBS0195/1-integralitedu-discours-de-dakar-prononce-par-picolas-sarkozy.html 2 Serge BILE, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, P.GALODE éditeur 2008 2 50. Ils participeront même à deux conflits mondiaux qui ne concernaient pas ce peuple, et pourtant pour lesquels, ils ont payé un lourd tribut. Cela aussi n'est toujours pas reconnu à sa juste valeur. Passé trouble ! Diviser pour mieux régner, la liberté est arrachée sans autre forme de procès. On aurait pu crier garde ou à l'aide! Mais vers qui ??? Le Grand Architecte n'a mis que l'être humain au centre de cet univers. C'est au prix du sang que l'Afrique reprend sa liberté. La colonisation laisse un continent meurtri mais cela ne s'arrête pas là, car le Colon continue dans l'ombre, d'assurer ses intérêts. La Françafrique et d'autres réseaux de contrôle sont toujours d'ailleurs d'actualité, organisant l'exploitation des ressources. C'est ainsi que l'Afrique a perdu des grands africanistes comme Thomas SANKARA, Patrice LUMUMBA et Kwame NKRUMAH. Des morts vaines, peut être, mais tôt, après les indépendances jaillissent d'autres maux: le néocolonialisme pour emprunter une terminologie marxiste, le surendettement, la pauvreté et la famine. Je n'irai pas jusqu'à parler du terrorisme. Pour revenir à ce qui nous rassemble, faut-il éclairer les passés troubles? Oui, oui, plus que jamais! Non pour en tirer la satisfaction de blâmer les autres de tous nos maux, mais pour enfin pouvoir, en tant qu'homme, avec grand H, intégrer cette approche de Kwame KRUMAH qui disait : « Il vaut la peine d'insister sur ces faits quand on évoque les prétextes par lesquels,' plus tard, l'Europe devait justifier la colonisation en Afrique. Comme an estimait que les Chrétiens avaient la responsabilité d'arracher les Africains à la nuit païenne, on oublia les ravages de l'esclavagisme européen, on ignora les monstruosités dont s'accompagna la conquête»3. La connaissance du passé permet de bâtir le présent, et d'envisager le futur. Elle pourrait permettre en outre aux colons de faire un mea-culpa comme Justin Bieber4 3 Kwame NKRUMAH, L'Afrique doit s'unir, Présence Africaine Paris 1963, p21 Justin Drew BIEBER, né le 10 mars 1994 à London, auteur-compositeur-interprète et acteur canadien, le titre Sorry est tirée de l'album Purpose sortie le 22 octobre 2015. 4 3 a su si bien résumé dans sa chanson en disant « SORRY ». Aussi il ne serait pas vain, disons le, même dans le cadre de cette plaidoirie, que la profession d'avocat demande à l'historien africain d'éclairer ces passés troubles. Plus que jamais nous réalisons que nous sommes attendus et il nous appartient à nous-mêmes de faire la différence. 4