DOULEUR
opioïdes de quatrième génération sans pas-
sage hémato-encéphalique, avec des résultats
encourageants (15, 16).
Nausées, vomissements
La fréquence des nausées et vomissements
varie de 20 à 60 % selon les séries. Ils sont
liés principalement à la stimulation centrale
de la zone chémoréceptrice de l’area post-
rema avec réaction émétisante. Cette action
peut exister même à des doses faibles. La
stase gastrique induite par la fermeture du
pylore est un facteur associé accessoire. Ces
nausées et vomissements apparaissent habi-
tuellement en début de traitement, quelle
que soit la dose, et s’estompent en deux à
trois semaines. La prévention systématique
de cet effet indésirable n’est habituellement
pas recommandée, et il n’existe actuelle-
ment aucune étude contrôlée permettant
d’en définir le meilleur traitement curatif.
Deux stratégies curatives différentes ont été
proposées. Les experts de l’ANDEM ont
recommandé d’utiliser (selon le mécanisme
supposé être à l’origine des vomissements)
soit un neuroleptique d’action centrale
(halopéridol, chlorpromazine), soit un neu-
roleptique gastrokinétique (métoclopra-
mide, dompéridone) avec, en cas d’échec de
cette monothérapie, une association de deux
médicaments de mode d’action différent.
Les équipes anglo-saxonnes, quant à elles
(9), recommandent d’utiliser d’emblée de
l’halopéridol (neuroleptique d’action cen-
trale) 1 à 1,5 mg deux fois par jour avec, en
cas d’inefficacité, une substitution par un
neuroleptique gastrokinétique. Il faut
d’ailleurs noter que plusieurs études consa-
crées au traitement de cet effet secondaire
au cours de traitements morphiniques en
per- et postopératoire concluent à l’ineffi-
cacité du métoclopramide ou à une activité
inconstante (17-19).
Somnolence
Une asthénie et une somnolence sont surtout
observées en début de traitement. Ces signes
sont plus importants chez les patients insuf-
fisants hépatiques et/ou rénaux et chez les
patients âgés ou traités de façon conjointe par
des psychotropes. Cette somnolence régres-
serait habituellement après quelques jours si
la posologie est stable et adaptée à l’inten-
sité douloureuse. Malgré tout, un ralentisse-
ment cognitif pourrait persister, parfois non
perçu par le patient, si bien que certains
auteurs recommandent de signaler aux
patients le risque de troubles de la vigilance
au cours de la conduite automobile. Cepen-
dant, la prise au long cours de morphine n’af-
fecterait pas de façon statistiquement signi-
ficative les fonctions neuropsychologiques
utilisées au cours de la conduite automobile
(20).
Effets indésirables plus rares
!Les effets psychodysleptiques (dyspho-
rie, agitation, confusion, hallucinations)
seraient plus fréquents chez les sujets âgés,
même si cela reste controversé selon les
équipes. Ils seraient présents quelle que soit
la posologie, et il faut savoir interroger le
patient qui hésite à évoquer spontanément
ses cauchemars et hallucinations, cause d’ar-
rêt du traitement. Aucune étude curative
contrôlée n’est disponible dans cette indica-
tion, mais l’attitude pragmatique est de les
traiter par halopéridol avec diminution
momentanée des doses et recherche de fac-
teurs métaboliques favorisants. Il n’y a pas
de mesures préventives validées.
!Le prurit est un effet inexpliqué, souvent
bien toléré, plutôt remarqué par l’entourage,
qui serait plus fréquent chez l’enfant ou pour
la morphine épidurale. Les antihistaminiques
ne seraient pas efficaces dans cette indica-
tion. Différentes molécules (naloxone, dro-
péridol) seraient efficaces pour traiter le pru-
rit secondaire à la morphinothérapie
administrée par voie épidurale (21, 22).
!La dépression respiratoire serait excep-
tionnelle au cours des traitements morphi-
niques oraux prolongés, surtout si l’aug-
mentation des doses est progressive et que
les paliers sont respectés. En effet, la dépres-
sion respiratoire est habituellement dose-
dépendante et ne s’observe qu’en cas de sur-
dosage ou de toxicomanie associée.
!Les myoclonies sont rares et seraient trois
fois plus fréquentes en cas de traitement oral
par rapport au traitement par voie intravei-
neuse (3). La prescription de midazolam per-
mettrait la poursuite du traitement (23).
D’autres auteurs proposent la rotation des
opioïdes (c’est-à-dire la substitution d’un
opioïde fort à un autre) pour gérer cet effet
indésirable (24).
!La rétention urinaire serait plus fréquente
chez les sujets âgés ou en cas de fécalome
associé. Il convient de garder à l’esprit cet
effet indésirable, notamment en cas de confu-
sion chez un sujet âgé.
Au total
Les effets indésirables de la morphine utili-
sée dans les affections non cancéreuses méri-
tent d’être parfaitement connus par le rhu-
matologue et par le patient, qui devront en
avoir discuté ouvertement avant le début du
traitement. La prescription initiale de sulfate
de morphine devrait être de 30 mg/12 h, voire
de 10 mg/12 h si le sujet est âgé, insuffisant
rénal ou insuffisant hépatique. Certains
auteurs (6) préconisent cette dose initiale de
10 mg/12 h de façon systématique pour toute
morphinothérapie au long cours instaurée
chez un patient non cancéreux, et ce afin
d’éviter les effets secondaires dose-dépen-
dants et de permettre une meilleure adhésion
au traitement par le patient. Cette prescrip-
tion initiale doit être associée dès le premier
jour et pour toute la durée du traitement à des
mesures hygiéno-diététiques et à des laxatifs
per os. Les autres effets indésirables ne seront
pas prévenus de façon systématique et ils ne
seront traités qu’au moment de leur appari-
tion.
Par ailleurs, il faudra discuter l’arrêt du trai-
tement morphinique en présence d’effets
secondaires centraux au cours de ces patho-
logies non cancéreuses traitées au long cours.
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(suppl. 1) : 1-5.
La Lettre du Rhumatologue - n° 254 - septembre 1999
45
R.M. Javier
Service de rhumatologie,
hôpital de Hautepierre, Strasbourg.
Références bibliographiques