compréhensible en cas de cirrhose alcoolique car l’alcool
a une toxicité cardiaque bien connue, cardiomyopathie
alcoolique, réversible au sevrage. Cette atteinte peut tou-
tefois s’observer même dans les atteintes non alcooliques ;
elle a été rapportée à une toxicité des acides biliaires et à
l’hyperactivité hormonale. La production accrue d’angio-
tensine II et d’aldostérone a également des effets toxiques
sur le cœur : production de radicaux libres, apoptose,
augmentation de la fibrose interstitielle... Une augmenta-
tion de la NO synthase inductible cardiaque a aussi été
impliquée : elle pourrait intervenir dans l’altération de la
contractilité et de la distensibilité. Toutes ces anomalies
rapportées ont été regroupées sous le terme de « cardio-
myopathie du cirrhotique ». En fait, la plupart des ces
anomalies semblent adaptatives des modifications de vo-
lémie, de charge et du tonus sympathique et il n’est pas
établi qu’elles jouent un rôle délétère par elles-mêmes. De
même, plusieurs articles ont rapporté des anomalies de
« fonction diastolique » sur la seule analyse du flux mitral,
souvent trouvé inversé (A/E > 1). Ces interprétations ne
tiennent en général pas compte des anomalies de volémie
et de la fréquence cardiaque, et seules des études plus fines,
avec le Doppler tissulaire par exemple, pourraient confir-
mer ces anomalies précoces de fonction myocardique.
Le problème, pour le clinicien, devant une cirrhose,
alcoolique ou non, est en effet de détecter une éventuelle
altération de la fonction myocardique masquée. Une dila-
tation modérée du volume cardiaque peut s’observer en
dehors de toute altération de la contractilité. Surtout, la
vasodilatation artérielle, qui favorise l’éjection du ventri-
cule gauche peut masquer une altération myocardique
latente : les conditions circulatoires du cirrhotique sont
finalement celles d’un patient traité par des vasodilata-
teurs qui sont justement les médicaments de référence de
l’insuffisance cardiaque. Or, cette atteinte cardiaque, si
elle est méconnue, peut se démasquer à l’occasion de
l’initiation trop rapide d’un bêtabloquant, de la création
d’un transjugular intrahepatic portosystemic stent shunt
([TIPS] création d’un shunt portosystémique par mise en
place par voie jugulaire d’une endoprothèse intrahépati-
que) ou d’une dérivation péritonéo-jugulaire, ou d’une
transplantation hépatique.
Comment dépister une atteinte
myocardique latente
chez un cirrhotique ?
L’examen des paramètres de structure et de fonction
peut suffire. Si la fraction d’éjection ventriculaire gauche
est basse, inférieure à 50 %, si le diamètre télésystolique
est augmenté, si le volume d’éjection systolique est
abaissé, si l’épaisseur pariétale est diminuée, si la pression
capillaire pulmonaire est significativement augmentée, il
faut se méfier d’une altération de la contractilité. Le calcul
d’indices de contractilité relativement fins, indépendants
des conditions de charge (dp/dt, relation fraction
d’éjection/contrainte, indice de Tei au Doppler) peuvent
alors être demandés au cardiologue pour détecter cette
atteinte. On peut également faire un test dynamique pour
démasquer une altération de la fonction cardiaque
comme un remplissage brutal [7], l’injection de substan-
ces vasoconstrictrices, voire une échocardiographie de
stress. Les choses pourraient également changer dans les
années à venir avec d’autres marqueurs. En effet, le BNP,
s’il est élevé dans les cirrhoses, dépasse rarement des
valeurs de 200 picog/mL. Des valeurs supérieures à ce
seuil doivent faire craindre une atteinte cardiaque.
De même, le Doppler tissulaire, qui se généralise, permet
de mesurer la vitesse de contraction longitudinale des
parois myocardiques indépendamment des conditions
de charge. Il est ainsi possible que le Doppler tissulaire
puisse permettre de dépister des altérations myocardiques
latentes.
Rappelons également que la maladie coronaire, prin-
cipale cause d’insuffisance cardiaque en France, peut
aussi s’observer chez le cirrhotique. Si le sujet est fumeur
et s’il existe des anomalies à l’électrocardiogramme ou de
la cinétique segmentaire à l’échocardiographie, il ne fau-
dra pas hésiter à faire une coronarographie.
Quels sont les risques
d’une méconnaissance de l’atteinte
cardiaque du cirrhotique ?
Une insuffisance cardiaque peut ainsi se démasquer en
cas de traitement bêtabloquant rapidement commencé à
doses pleines.
Des perfusions massives d’albumine peuvent égale-
ment, en augmentant brutalement la précharge, entraîner
un œdème pulmonaire. En cas de TIPS [10] ou de dériva-
tion péritonéo-jugulaire, on crée artificiellement un retour
veineux brutal dans les cavités cardiaques droites. En cas
d’altération de la fonction contractile, ces manœuvres
s’apparentent à un remplissage massif qui peut entraîner,
notamment si le cœur est déjà dilaté et/ou en cas de
traitement bêtabloquant qui obère la réponse adaptative
chronotrope et inotrope sympathique, un œdème pulmo-
naire. Enfin, en cas de greffe de foie, une atteinte cardia-
que latente peut majorer le risque per- et postopératoire.
L’insuffisance cardiaque peut ainsi se révéler après la
chirurgie et être aggravée notamment par l’hypertension
artérielle sous ciclosporine.
Thérapeutique
Les modifications cardiaques de la cirrhose ne néces-
sitent pas de traitement particulier. Dans certains cas, on
Cœur et cirrhose hépatique
mt cardio, vol. 3, n° 6, novembre-décembre 2007
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Revue
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