Cœur et cirrhose hépatique

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Revue
mt cardio 2007 ; 3 (6) : 448-52
Cœur et cirrhose hépatique
Alain Cohen-Solal1, Franck Seghatol2, François Durand3
1
Département de cardiologie, Hôpital Lariboisière, Paris
<[email protected]>
2
Division of Cardiovascular Disease, University of Alabama, Birmingham, USA
3
Service d’hépatologie, Hôpital Beaujon, Clichy
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Résumé. La cirrhose entraîne des modifications importantes des conditions de charge du cœur. L’anomalie la plus marquante est une
vasodilatation artérielle expliquant l’augmentation du débit cardiaque et du volume systolique chez le cirrhotique. Les modifications de la
volémie sont plus variables. L’exploration échographique retrouve en général une augmentation des diamètres télédiastolique et télésystolique
avec un volume d’éjection systolique normal ou plutôt augmenté, et un débit cardiaque augmenté. Le problème pour le clinicien devant une
cirrhose, alcoolique ou non, est de détecter une éventuelle altération de la fonction cardiaque. Celle-ci est méconnue et peut se démasquer à
l’occasion de l’initiation trop rapide d’un bêtabloquant, de la création d’un TIPS ou d’une dérivation péritonéo-jugulaire, ou d’une
transplantation hépatique. Les modifications cardiaques de la cirrhose ne nécessitent pas de traitement particulier. Dans certains cas, on assiste
à un véritable tableau d’hyperdébit qui réagit bien au traitement bêtabloquant. Un traitement par IEC n’est pas logique du fait de la
vasodilatation existante.
Mots clés : cirrhose, hypertension artérielle pulmonaire, transjugular intrahepatic portosystemic stent shunt, débit cardiaque
Abstract. Heart and liver cirrhosis. Liver cirrhosis results in significant changes in the loading conditions of the heart. The most important
abnormality is marked arterial vasodilation leading to increased stroke volume and cardiac output. Volemia may be increased or decreased.
Ventricular diameters are increased. Alterations in the sympathetic nervous system have also been described but their role seems minor. The
dilemma for a cardiologist facing a patient with liver cirrhosis, alcoholic or not, is to detect a latent subtle myocardial dysfunction which, if
overlooked, may result in heart failure in the event of betablocker therapy initiation ; TIPS creation or peritoneo-jugular shunt instauration, liver
transplantation. Cardiac involvement in liver cirrhosis, in the absence of heart failure, does not require specific therapy. Vasodilator therapy is
not logical, neither is betablockade, however largely used in case of portal hypertension.
Key words: cirrhosis, PH, TIPS, cardiac output
L
a cirrhose hépatique s’accompagne souvent d’anomalies de structure et de fonction du cœur et du
système circulatoire, quelle que soit
l’étiologie de la cirrhose, alcoolique
ou non, qui peuvent poser des problèmes diagnostiques et thérapeutiques
au médecin.
Cirrhose et anomalies
de la fonction cardiaque
Tirés à part : A. Cohen-Solal
448
mt cardio, vol. 3, n° 6, novembre-décembre 2007
doi: 10.1684/mtc.2007.0114
Revue
mtc
La cirrhose entraîne des modifications importantes des conditions de
charge du cœur [1, 2]. L’anomalie la
plus marquante est une vasodilatation
artérielle. Le mécanisme de cette vasodilatation a été largement étudié ces
dernières années ; il semble en grande
partie lié à une augmentation de la
production d’oxyde nitrique dans la
circulation splanchnique notamment,
puisque ces anomalies semblent
moins marquées au niveau des autres
circulations périphériques. Il existe
aussi une réponse accrue aux substances vasodilatatrices. Cette vasodilatation, se traduisant par une baisse de la
pression artérielle, et une diminution
de la postcharge qui a pour conséquence une facilitation de l’éjection.
C’est l’explication essentielle à l’augmentation du débit cardiaque et du
volume systolique chez le cirrhotique.
Des débits cardiaques de 8 à 10 L/min
ne sont pas rares dans certaines cirrhoses.
Par ailleurs, une hypertonie sympathique est fréquemment observée,
secondaire à la baisse de pression au
niveau des barorécepteurs de la
grande circulation. Cette hyperactivité
sympathique entraîne une augmentation de l’inotropisme cardiaque mais
Liste des abréviations
HTAP : hypertension artérielle pulmonaire
NO : oxyde nitrique
TIPS : transjugular intrahepatic portosystemic stent shunt
quente du fait des varices œsophagiennes, qui peut encore favoriser l’augmentation du débit cardiaque.
Il existe enfin des anomalies du système nerveux autonome dont le rôle délétère est mal connu. De même, des
anomalies de l’espace QT ont été rapportées sans que l’on
puisse objectiver une augmentation de fréquence des
troubles du rythme ventriculaire chez ces patients. Il faut
noter que la fibrillation auriculaire est toutefois fréquente
du fait de la dilatation auriculaire et de l’hypertonie sympathique.
L’examen cardiaque du cirrhotique est en général relativement pauvre. La pression artérielle est souvent diminuée et la tachycardie est fréquente sauf en cas de traitement bêtabloquant. L’exploration échographique décrit
en général une augmentation des diamètres télédiastolique et télésystolique avec un volume d’éjection systolique
normal ou plutôt augmenté, et un débit cardiaque augmenté. Les épaisseurs pariétales sont normales ou augmentées et la masse ventriculaire gauche accrue. La pression télédiastolique ventriculaire gauche et la pression
capillaire pulmonaire sont en général normales ou discrètement augmentées. La fraction d’éjection ventriculaire
gauche reflétant la capacité de vidange du ventricule
gauche tend à être normale ou augmentée. Cette augmentation modérée de la pression capillaire pulmonaire associée à l’augmentation du volume d’éjection systolique
rend compte d’une augmentation fréquente de la pression
artérielle pulmonaire systolique et moyenne qui ne doit
pas faire croire nécessairement à une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) primitive ou porto-pulmonaire.
En effet, le calcul des résistances vasculaires pulmonaires
montre que celles-ci sont normales. Par ailleurs, il n’existe
pas, dans ces conditions, de gradient entre la pression
artérielle diastolique pulmonaire et la pression capillaire
pulmonaire. La bradycardie en cas de traitement bêtabloquant tend également à majorer la pression pulsée pulmonaire. Il faut donc être prudent avant de conclure à une
HTAP vraie, définie, elle, par une augmentation de la
pression artérielle pulmonaire moyenne ou mieux des
résistances pulmonaires devant une augmentation de la
vitesse d’une insuffisance tricuspide au Doppler.
Enfin, les traitements peuvent modifier le profil cardiaque des cirrhoses : les vasodilatateurs majorent encore le
débit cardiaque et la diminution de pression artérielle.
Surtout, le traitement bêtabloquant utilisé dans le traitement de l’hypertension portale ralentit la fréquence cardiaque ce qui tend à augmenter encore le volume télédiastolique. L’effet inotrope négatif tend également à diminuer
le volume d’éjection systolique.
Atteinte myocardique latente
des cirrhotiques
La cirrhose hépatique peut s’associer à une altération
intrinsèque de la contractilité myocardique. Celle-ci est
mt cardio, vol. 3, n° 6, novembre-décembre 2007
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surtout de la fréquence cardiaque. Il existe toutefois,
comme dans l’insuffisance cardiaque, une downregulation, c’est-à-dire une diminution du nombre des
bêtarécepteurs cardiaques, associée à une altération des
voies de transduction (adényl-cyclase, AMPcyclique).
Néanmoins, cette down-regulation doit être plus envisagée comme un mécanisme de protection du cœur que
comme une anomalie pouvant expliquer une altération de
la performance cardiaque, comme cela avait parfois été
suggéré. D’autres hormones sont produites en excès
avec une stimulation du système rénine-angiotensinealdostérone se traduisant notamment par une rétention
hydrosodée. C’est la baisse de la pression de perfusion
rénale qui est le stimulus de cette stimulation du système
rénine-angiotensine. L’endothéline et la vasopressine sont
également augmentées. Les modifications de la volémie
dans la cirrhose sont connues depuis plusieurs dizaines
d’années [3]. Il est classiquement admis que cette augmentation du secteur extracellulaire a lieu essentiellement
dans le secteur extravasculaire avec une « hypovolémie »
relative efficace (d’où la stimulation du système rénineangiotensine). En ce qui concerne la précharge, c’est-àdire le volume télédiastolique ventriculaire gauche secondaire aux modifications de la volémie centrale, les
résultats des études ne sont pas homogènes : certaines
études montrent une augmentation [4, 5], d’autres une
diminution du volume sanguin central [6, 7]. Il semble
que ces modifications soient influencées par l’orthostatisme puisque dans la majorité des études, la volémie
centrale est diminuée en position verticale. Le tableau
semble également différent selon qu’il y a ou non une
ascite. Il semble exister une baisse de la volémie centrale
en présence d’une ascite ; les dimensions ventriculaires
gauches sont en effet, en général, plus faibles en présence
d’une ascite [5]. Cette augmentation de volume des cavités cardiaques entraîne une augmentation de l’étirement
des myocytes à l’origine d’un processus d’hypertrophie
dite excentrique, c’est-à-dire avec une diminution du rapport épaisseur/rayon du cœur. Le peptide natriurétique de
type B secrété par le myocarde en réponse à cette distension pariétale est généralement modérément augmenté
dans la cirrhose [8]. Des études ont également montré une
augmentation de la troponine suggérant une nécrose des
zones sous-endocardiques lors de dilatations ventriculaires gauches importantes [9]. Quoi qu’il en soit, lorsque la
volémie centrale est augmentée, elle participe à l’augmentation du débit cardiaque. On doit citer l’anémie, fré-
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Cœur et cirrhose hépatique
compréhensible en cas de cirrhose alcoolique car l’alcool
a une toxicité cardiaque bien connue, cardiomyopathie
alcoolique, réversible au sevrage. Cette atteinte peut toutefois s’observer même dans les atteintes non alcooliques ;
elle a été rapportée à une toxicité des acides biliaires et à
l’hyperactivité hormonale. La production accrue d’angiotensine II et d’aldostérone a également des effets toxiques
sur le cœur : production de radicaux libres, apoptose,
augmentation de la fibrose interstitielle... Une augmentation de la NO synthase inductible cardiaque a aussi été
impliquée : elle pourrait intervenir dans l’altération de la
contractilité et de la distensibilité. Toutes ces anomalies
rapportées ont été regroupées sous le terme de « cardiomyopathie du cirrhotique ». En fait, la plupart des ces
anomalies semblent adaptatives des modifications de volémie, de charge et du tonus sympathique et il n’est pas
établi qu’elles jouent un rôle délétère par elles-mêmes. De
même, plusieurs articles ont rapporté des anomalies de
« fonction diastolique » sur la seule analyse du flux mitral,
souvent trouvé inversé (A/E > 1). Ces interprétations ne
tiennent en général pas compte des anomalies de volémie
et de la fréquence cardiaque, et seules des études plus fines,
avec le Doppler tissulaire par exemple, pourraient confirmer ces anomalies précoces de fonction myocardique.
Le problème, pour le clinicien, devant une cirrhose,
alcoolique ou non, est en effet de détecter une éventuelle
altération de la fonction myocardique masquée. Une dilatation modérée du volume cardiaque peut s’observer en
dehors de toute altération de la contractilité. Surtout, la
vasodilatation artérielle, qui favorise l’éjection du ventricule gauche peut masquer une altération myocardique
latente : les conditions circulatoires du cirrhotique sont
finalement celles d’un patient traité par des vasodilatateurs qui sont justement les médicaments de référence de
l’insuffisance cardiaque. Or, cette atteinte cardiaque, si
elle est méconnue, peut se démasquer à l’occasion de
l’initiation trop rapide d’un bêtabloquant, de la création
d’un transjugular intrahepatic portosystemic stent shunt
([TIPS] création d’un shunt portosystémique par mise en
place par voie jugulaire d’une endoprothèse intrahépatique) ou d’une dérivation péritonéo-jugulaire, ou d’une
transplantation hépatique.
Comment dépister une atteinte
myocardique latente
chez un cirrhotique ?
Revue
L’examen des paramètres de structure et de fonction
peut suffire. Si la fraction d’éjection ventriculaire gauche
est basse, inférieure à 50 %, si le diamètre télésystolique
est augmenté, si le volume d’éjection systolique est
abaissé, si l’épaisseur pariétale est diminuée, si la pression
capillaire pulmonaire est significativement augmentée, il
faut se méfier d’une altération de la contractilité. Le calcul
450
d’indices de contractilité relativement fins, indépendants
des conditions de charge (dp/dt, relation fraction
d’éjection/contrainte, indice de Tei au Doppler) peuvent
alors être demandés au cardiologue pour détecter cette
atteinte. On peut également faire un test dynamique pour
démasquer une altération de la fonction cardiaque
comme un remplissage brutal [7], l’injection de substances vasoconstrictrices, voire une échocardiographie de
stress. Les choses pourraient également changer dans les
années à venir avec d’autres marqueurs. En effet, le BNP,
s’il est élevé dans les cirrhoses, dépasse rarement des
valeurs de 200 picog/mL. Des valeurs supérieures à ce
seuil doivent faire craindre une atteinte cardiaque.
De même, le Doppler tissulaire, qui se généralise, permet
de mesurer la vitesse de contraction longitudinale des
parois myocardiques indépendamment des conditions
de charge. Il est ainsi possible que le Doppler tissulaire
puisse permettre de dépister des altérations myocardiques
latentes.
Rappelons également que la maladie coronaire, principale cause d’insuffisance cardiaque en France, peut
aussi s’observer chez le cirrhotique. Si le sujet est fumeur
et s’il existe des anomalies à l’électrocardiogramme ou de
la cinétique segmentaire à l’échocardiographie, il ne faudra pas hésiter à faire une coronarographie.
Quels sont les risques
d’une méconnaissance de l’atteinte
cardiaque du cirrhotique ?
Une insuffisance cardiaque peut ainsi se démasquer en
cas de traitement bêtabloquant rapidement commencé à
doses pleines.
Des perfusions massives d’albumine peuvent également, en augmentant brutalement la précharge, entraîner
un œdème pulmonaire. En cas de TIPS [10] ou de dérivation péritonéo-jugulaire, on crée artificiellement un retour
veineux brutal dans les cavités cardiaques droites. En cas
d’altération de la fonction contractile, ces manœuvres
s’apparentent à un remplissage massif qui peut entraîner,
notamment si le cœur est déjà dilaté et/ou en cas de
traitement bêtabloquant qui obère la réponse adaptative
chronotrope et inotrope sympathique, un œdème pulmonaire. Enfin, en cas de greffe de foie, une atteinte cardiaque latente peut majorer le risque per- et postopératoire.
L’insuffisance cardiaque peut ainsi se révéler après la
chirurgie et être aggravée notamment par l’hypertension
artérielle sous ciclosporine.
Thérapeutique
Les modifications cardiaques de la cirrhose ne nécessitent pas de traitement particulier. Dans certains cas, on
mt cardio, vol. 3, n° 6, novembre-décembre 2007
les cavités gauches sont opacifiées avant le 5e ou 6e
battement cardiaque. L’échographie transœsophagienne
n’est ni nécessaire, ni souhaitable (risque de saignement si
varices œsophagiennes). Le pronostic est mauvais : 30 %
de décès en l’absence de traitement. Le seul traitement du
syndrome hépato-pulmonaire est celui de la cirrhose,
transplantation hépatique souvent, qui permet souvent sa
régression en 3 ou 4 mois.
Hypertension artérielle
porto-pulmonaire
Les cirrhoses hépatiques se compliquent parfois d’hypertension artérielle précapillaire qui, sur le plan hémodynamique, ne se différencient pas des HTAP primitives
(figure 1). Elles se voient généralement dans les cirrhoses
sévères. Elles semblent en rapport avec l’inondation pulmonaire par des substances toxiques vasoconstrictrices
issues du système digestif et qui ne sont plus inactivées ou
bloquées par le filtre hépatique défaillant (sérotonine par
exemple). Ainsi, ce n’est pas la cirrhose elle-même qui est
en cause mais l’hypertension portale et le shunt du foie par
la circulation. Le mécanisme ressemble donc à celui des
HTAP secondaires à la prise d’anorexigènes. Les lésions
histologiques n’ont rien de spécifique. L’HTAP, une fois
présente, peut évoluer pour son propre compte.
Sa fréquence est mal connue, de l’ordre de 10 % des
hypertensions pulmonaires en France. Elle est rencontrée
dans environ 0,5 % des séries autopsiques de cirrhoses et
dans 3 à 6 % des bilans de prétransplantation hépatique
pour cirrhose. Elle est définie par une pression artérielle
pulmonaire moyenne > 25 mmHg au repos et > 30 mmHg à
l’effort, avec une pression veineuse pulmonaire normale et
des résistances vasculaires pulmonaires > 3 Unités Wood
Syndrome hépato-pulmonaire
Le syndrome hépato-pulmonaire est défini par un
shunt intrapulmonaire à l’origine d’une hypoxémie. Sa
fréquence est de 5 a 20 % des cirrhoses. Il est, semble-t-il,
en rapport avec l’ouverture au niveau pulmonaire d’anastomoses artérioloveineuses, à l’origine d’une anomalie du
rapport ventilation/perfusion. Cette hypoxie doit être
différenciée de celle due à une hypertension artérielle
porto-pulmonaire ou à la réouverture d’un foramen ovale.
Elle est plus marquée en général à l’orthostatisme (orthodéoxie). La scintigraphie de perfusion pulmonaire peut
orienter en montrant l’opacification du secteur artériel
après injection dans une veine périphérique des globules
rouges marqués. Cet examen ne permet toutefois pas de
préciser le niveau du shunt. C’est l’échocardiographie de
contraste qui permet généralement le diagnostic : en cas
de foramen ovale perméable, outre la visualisation directe
de celui-ci, le passage de bulles de droite à gauche est
immédiat (< 3 systoles). En cas de shunt intrapulmonaire,
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assiste à un véritable tableau d’hyperdébit qui réagit bien
au traitement bêtabloquant. Un traitement par inhibiteurs
de l’enzyme de conversion n’est pas logique du fait de la
vasodilatation existante.
Enfin, en cas d’altération intrinsèque de la fonction
myocardique, un traitement par inhibiteurs de l’enzyme
de conversion s’impose ; on peut éventuellement utiliser
un traitement bêtabloquant s’il existe une hypertension
portale, en utilisant alors de faibles doses, débutées de
façon progressive, et éventuellement en utilisant un bêtabloquant validé dans la cirrhose et l’insuffisance cardiaque comme par exemple le carvédilol [11]. Les diurétiques de l’anse et la spironolactone font partie du
traitement de base de l’insuffisance cardiaque et seront
utilisés.
À l’inverse, l’existence d’une cirrhose hépatique perturbe le traitement de l’insuffisance cardiaque : la digitaline, retirée depuis peu du commerce, était éliminée en
partie par le foie, et les risques du traitement anticoagulant
sont majorés. De même, la toxicité hépatique de l’amiodarone est accrue.
Au total, s’il est fréquent d’observer un gros cœur et
des œdèmes en présence d’une cirrhose hépatique, le
cœur est généralement innocent dans cette pathologie et
les modifications observées ne sont que des conséquences
de la vasodilatation et de l’hypervolémie. Néanmoins, il
peut exister une atteinte myocardique latente qu’il est
important de dépister correctement afin d’éviter des complications périopératoires parfois graves.
On peut rencontrer deux autres pathologies cardiaques assez spécifiques dans la cirrhose : le syndrome
hépato-pulmonaire et l’hypertension artérielle portopulmonaire.
Figure 1. Hypertension porto-pulmonaire avec dilatation nette des
artères pulmonaires.
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Cœur et cirrhose hépatique
(240 dynes.s.cm-5). Elle peut être facilement dépistée par
l’échocardiographie-Doppler. Toutefois, le cathétérisme
cardiaque droit reste indispensable pour confirmer le caractère précapillaire de l’HTAP (encore que le rapport E/Ea
puisse évaluer la POG) et mesurer précisément les résistances (ce que permet également le Doppler). On parle
d’HTAP discrète, modérée ou sévère quand la PAP systolique est > 35, entre 35 et 45 ou > 45 mmHg respectivement. Comparées aux HTAP primitives, ces HTAP portopulmonaires ont généralement des résistances plus basses
et un débit cardiaque plus élevé. Leur pronostic est sévère.
La médiane de survie est à moins de 10 mois. L’HTAP
contre-indique le traitement bêtabloquant ; le risque de
saignement sous AVK est majoré ; la transplantation hépatique est en général contre-indiquée : la mortalité est de
100 % quand la PAP moyenne est > 50 mmHg ; quand la
PAP moyenne est entre 35 et 50 mmHg, la mortalité est de
50 %, quand les résistances sont > 250, et 0 % quand
elles sont < 250 dynes.s.cm-5 respectivement. Les autres
traitements (NO inhalé, prostacyclines, bosentan, sildenafil) peuvent être tentés [12].
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