Protéolyse ATP-dépendante
et virulence bactérienne
O. Gaillot
Laboratoire de bactériologie-virologie,
faculté de médecine de Rennes,
2, avenue Léon Bernard,
35043 Rennes cedex
Article reçu le 20 mai 2003,
accepté le 23 juin 2003
Résumé. La protéolyse est un élément essentiel du métabolisme cellulaire et
de la réponse aux stimuli environnementaux. Elle module l’activité de nom-
breux peptides régulateurs et assure l’élimination des protéines anormales ou
endommagées. Chez les eucaryotes, la protéolyse ATP-dépendante est assurée
par le protéasome 26S qui dégrade des substrats identifiés par un unique
marqueur, l’ubiquitine. À l’inverse, chez les bactéries, il existe différents systè-
mes d’adressage des substrats et plusieurs protéases ATP-dépendantes. Cha-
cune associe une activité ATPase « chaperonne » et une activité peptidase
distinctes, et bien qu’elles ne soient pas apparentées, ces protéases partagent un
mode de fonctionnement séquentiel commun qui va de la reconnaissance des
substrats par la partie ATPase jusqu’à leur protéolyse. Les principales protéases
ATP-dépendante bactériennes sont FtsH, Lon, HslUV et les Clp-protéases. Ces
dernières sont des complexes multimériques assemblés autour de la protéase
ClpP et sont essentielles à l’adaptation rapide aux conditions de stress, en
assurant le fonctionnement d’importantes voies métaboliques. Pour plusieurs
espèces pathogènes, la protéolyse ClpP-dépendante est indispensable au dérou-
lement de l’infection, en favorisant la survie chez l’hôte ou en modulant direc-
tement l’activité de facteurs de virulence.
Mots clés : protéase, ATPase, chaperonine, stress, virulence
Summary. Proteolysis plays an central role in key metabolic pathways and
cellular adaptation to environmental changes. It modulates the activity of regu-
latory peptides and eliminates misfolded or damaged proteins such as those
generated by stress exposure. In eucaryotic cells ATP-dependent proteolysis is
carried out by the 26S proteasome whose substrates are identified by ubiquitin
tags. Conversely, bacteria possess several tagging systems and different ATP-
dependent proteases. Bacterial ATP-dependent proteases carry distinct
chaperone-ATPase and peptidase activities, either on the same molecule or on
separate subunits. Although unrelated, all ATP-dependent proteases function
according to a similar multistep scheme, from the docking of a substrate by the
ATPase region to its proteolysis by the peptidase. Major bacterial ATP-
dependent proteases include FtsH, Lon, HslUV and the Clp proteases. Clp
proteases are multimeric complexes assembled into a structure centered on the
proteolytic component ClpP. They are essential for quick adaptation to stress
and regulate important developmental processes. Clp-mediated proteolysis is
also required for disease progression and virulence of several bacterial patho-
gens, favoring survival in the host or modulating the activity of genuine viru-
lence factors.
Key words: protease, ATPase, chaperone, stress, virulence
Tirés à part : O. Gaillot
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L’élimination des protéines anormales,
élément-clé de la réponse au stress
La plupart des bactéries ont développé au cours de l’évo-
lution des réponses moléculaires rapides qui leur permet-
tent de survivre aux conditions hostiles auxquelles elles
sont exposées au cours de leur vie saprophytique. Elles
supportent ainsi des écarts de température, des carences
nutritionnelles, des variations de pH et d’osmolarité, des
stress chimiques ou encore la compétition d’autres micro-
organismes. Un réseau complexe et finement régulé de
protéines effectrices s’est constitué pour maintenir la via-
bilité cellulaire lors de l’exposition au stress, en prévenant
notamment l’accumulation délétère de protéines endom-
magées. Chez Escherichia coli et Bacillus subtilis, ainsi
sans doute que chez la plupart des espèces bactériennes,
c’est l’induction d’homologues des heat shock proteins
(Hsp) eucaryotes qui permet le recyclage des protéines
dénaturées par des conditions hostiles. Ces enzymes agis-
sent selon l’état d’altération des protéines, soit en restau-
rant une conformation active (action des « chaperoni-
nes »), soit en assurant leur protéolyse (action des
protéases). Ce contrôle de qualité des protéines est néces-
saire au maintien du fonctionnement des voies physiologi-
ques essentielles des bactéries agressées. Chez les bacté-
ries pathogènes, ces mécanismes peuvent être mis à profit
pour résister à la réponse de l’hôte infecté, et sont même
indispensables à l’expression de la virulence de certaines
espèces.
Les chaperonines :
dissociation des agrégats
et remodelage des protéines
Les principales protéines impliquées dans le remodelage
de protéines anormales [1] sont les chaperonines GroEL et
DnaK, équivalents respectifs chez E. coli des Hsp60 et
Hsp70 eucaryotes, et les chaperonines-ATPases homolo-
gues des Hsp100 eucaryotes HslU, ClpA, ClpX, ClpC,
ClpE, ClpB, ClpR{Ces dernières, ou « Clp-ATPases »,
sont réunies avec la protéase ClpP sous le vocable de
caseinolytic proteins bien que seule ClpP soit dotée d’acti-
vité protéasique sensu stricto.
Chez E. coli, GroEL prend en charge des protéines anor-
malement repliées ou dénaturées et leurs agrégats insolu-
bles, ainsi que des chaînes polypeptidiques non repliées.
Associée à la protéine GroES, GroEL assure la dissocia-
tion des agrégats et la restauration d’une conformation
active de ces substrats. Chez la bactérie pathogène Listeria
monocytogenes, cette activité « chaperonne » est indispen-
sable à l’expression de la virulence, et la transcription du
gène groEL est fortement accrue lors de l’infection.
DnaK et ses cofacteurs DnaJ et GrpE ont une activité
similaire à celle de GroESL (y compris la dissociation
d’agrégats protéiques toxiques), mais qui s’exerce sur des
substrats différents. De plus, chez E. coli, DnaK intervient
lors de la dégradation de certains substrats par les protéa-
ses Lon ou FtsH. Il existe un homologue de dnaK chez
plusieurs espèces pathogènes, dont le rôle n’est qu’incom-
plètement élucidé.
Les homologues bactériens des Hsp100 (ClpA, ClpX,
ClpC, ClpE, ClpL, ClpB, HslU{) forment un groupe
d’ATPases très conservées à activité chaperonne. Assem-
blées en hexamères, elles catalysent le dépliement de subs-
trats protéiques spécifiques. Les polypeptides libérés peu-
vent alors connaître deux sorts distincts, soit un
remodelage en protéine native, soit une dégradation si leur
structure est irrémédiablement altérée (figure 1). Cette
dégradation est alors assurée par des complexes qui asso-
cient une Clp-ATPase et ClpP ou HslU et la protéase HslV.
La protéolyse ATP-dépendante
chez les bactéries
La protéolyse est un élément fondamental de la régulation
des processus métaboliques et de la réponse cellulaire aux
stimuli environnementaux. Elle contrôle les voies métabo-
liques, notamment en modulant les quantités des protéines
régulatrices. Chez les procaryotes et les organites cellulai-
res d’origine procaryote comme les mitochondries ou les
chloroplastes, l’essentiel de l’activité protéolytique est as-
surée par des protéases ATP-dépendantes. Ces enzymes
jouent un rôle central dans de nombreuses cascades régu-
latrices [2, 3] et sont indispensables à l’élimination des
protéines anormales continuellement produites par déna-
turation spontanée, erreurs de biosynthèse ou accumula-
tion de mutations. Leur action est particulièrement vitale
lors de l’exposition bactérienne aux stress qui détériorent
les protéines. La plupart des protéases sont d’ailleurs in-
ductibles par ces stress pour prévenir l’accumulation de
polypeptides anormaux potentiellement toxiques et main-
tenir ainsi l’homéostasie cellulaire et les activités métabo-
liques de la bactérie.
Les cinq principales protéases ATP-dépendantes caractéri-
sées chez E. coli sont ClpAP, ClpXP, HslUV, Lon et la
protéase membranaire FtsH. Des homologues de ces pro-
téases ont été identifiés chez la plupart des espèces bacté-
riennes. Leurs substrats restent largement méconnus. Quel-
ques protéines et polypeptides naturels ou semi-
synthétiques spécifiquement dégradés par l’une ou l’autre
ont néanmoins été identifiés, ce qui a permis d’appréhen-
der les mécanismes par lesquels les substrats sont recon-
nus, captés puis transformés. Il est ainsi possible d’établir
un schéma de la protéolyse, commun à toutes les protéases
ATP-dépendantes, dans lequel la reconnaissance du subs-
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trat, son dépliement et son introduction dans la chambre
protéolytique de la partie protéase sont assurés par la par-
tie ATPase (figure 1b). Les activités protéase et
chaperonine/ATPase peuvent être présentes sur la même
molécule (Lon et FtsH), ou le fait d’éléments distincts au
sein d’un complexe protéolytique (ClpAP, ClpXP et Hs-
lUV).
Identification des substrats
Afin d’éviter la dégradation inappropriée de composants
cellulaires essentiels, les protéases assurent une reconnais-
sance précise de leurs substrats. Dans les cellules eucaryo-
tes, les substrats destinés à la protéolyse sont reconnus par
des systèmes enzymatiques variés, mais qui réalisent tous
un « étiquetage » par une même protéine, l’ubiquitine ;
c’est ce marquage qui les désigne au seul protéasome 26S
dans lequel s’effectue la protéolyse (revue dans [4]). À
l’inverse, chez les procaryotes, il n’existe ni étiquetage
ubiquitaire ni protéasome unique. L’orientation vers l’une
des protéases dépend de la nature des substrats eux-
mêmes et d’un étiquetage spécifique. Il peut s’agir d’une
séquence d’aminoacides du substrat natif, ou d’un ajout
co- ou post-traductionnel, dont plusieurs modèles ont été
récemment décrits. Parmi ceux-ci, l’étiquetage SsrA
consiste en l’ajout de 11 acides aminés à l’extrémité
C-terminale de tous les polypeptides restés bloqués sur
leur ribosome en raison d’une troncature de leur ARNm
[5]. La protéine anormale qui en résulte est adressée par
cette étiquette à la protéolyse ATP-dépendante. Dans
d’autres situations, c’est une protéine accessoire qui tient
lieu d’étiquette et désigne le substrat à sa protéase ATP-
dépendante [6]. Les étiquettes de reconnaissance identi-
fiées à ce jour sont toutes situées aux extrémités C- ou
N-terminale des substrats. Lorsqu’un substrat protéique
porte les motifs de reconnaissance de plusieurs protéases
différentes, il peut être pris en charge par chacune d’entre
elles.
Reconnaissance
et fixation du substrat par l’ATPase
L’amarrage des substrats destinés à la protéolyse s’effec-
tue exclusivement au niveau de la partie chaperonine. Les
mécanismes de reconnaissance des substrats étiquetés
semblent impliquer des domaines appelés SSD (sensor-
substrate discrimination), présents à la fois chez Lon,
ClpA, ClpX, ClpB, ClpE et ClpY et capables de fixer les
étiquettes de protéolyse. La spécificité de ces régions
d’amarrage n’est cependant pas absolue et il faut sans
doute plusieurs séquences « réceptrices » différentes à une
chaperonine pour assurer la reconnaissance de ses subs-
trats. Enfin, l’amarrage nécessite la fixation d’ATP, mais
pas son hydrolyse.
Transport du substrat jusqu’au site de protéolyse
L’amarrage seul ne modifie pas la conformation du subs-
trat. La déstabilisation des structures tertiaires et secondai-
Protéolyse
Amarrage et
linéarisation du substratSubstrat
Remodelage Protéine active
Amarrage et
linéarisation du substrat
Substrat
Oligopeptides
a
b
Figure 1. Recyclage d’une protéine bactérienne anormale ou dénaturée. Selon son état d’altération, un substrat protéique peut être :
(a) remodelé en la protéine native par une chaperonine-ATPase (cylindre sombre, en haut) ou, (b) dégradé par une protéase
ATP-dépendante possédant une activité ATPase (cylindre sombre, en bas) et une activité protéase proprement dite (cylindre clair).
Dans les deux cas, la reconnaissance du substrat puis sa linéarisation par l’ATPase sont indispensables.
Protéolyse ATP-dépendante
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res requiert l’hydrolyse d’ATP. Il est vraisemblable que la
linéarisation indispensable à l’accès au site de protéolyse
s’effectue dans une cavité formée par la structure tertiaire
ou par l’oligomérisation des sous-unités de chaperonine
[7]. Le maintien de la chaîne dans une conformation li-
néaire puis sa translation vers le site protéolytique nécessi-
tent à leur tour l’hydrolyse de nouvelles molécules d’ATP.
Au fur et à mesure du dépliement, de nouveaux détermi-
nants du substrat sont exposés et peuvent réagir avec de
nouvelles régions de la chaperonine, favorisant la transla-
tion [8]. Celle-ci est directionnelle, l’extrémité C-terminale
entrant par exemple la première dans la chambre de pro-
téolyse lorsqu’un substrat porteur d’une étiquette SsrA est
pris en charge par la protéase ClpAP [9].
Protéolyse
et évacuation des produits de dégradation
Le site actif des protéases est isolé du milieu extérieur
dans une cavité peu accessible formée par la structure
tertiaire ou l’assemblage de plusieurs sous-unités. La
chaîne polypeptidique doit être dévidée en un brin unique
pour franchir l’étroit passage d’environ 1 nm qui com-
mande l’accès à cette chambre de protéolyse. À l’intérieur
de la chambre, le substrat est tronçonné dans une nouvelle
réaction ATP-dépendante. Les oligopeptides ainsi produits
semblent modifier l’équilibre ionique dans la chambre de
protéolyse, créant des ouvertures dans les parois, par les-
quelles ils s’échappent. Enfin, la dégradation en acides
aminés est assurée dans le cytoplasme par des peptidases
non spécifiques ATP-indépendantes.
Les principales protéases
ATP-dépendantes bactériennes
La sérine-protéase Lon
La sérine-protéase Lon est une protéase cytosolique tétra-
mérique dont chaque sous-unité porte un site sérine-
protéase et un domaine ATPase distincts. Chez E. coli,
Lon est la protéase la plus impliquée dans la dégradation
des protéines de conformation anormale [10]. Étonnam-
ment, il n’existe pas d’homologue du gène lon chez des
bactéries pathogènes comme L. monocytogenes ni chez
Sreptococcus pneumoniae, bien que Lon soit assez ubi-
quitaire et présente par exemple chez les mycoplasmes
dont le génome réduit n’encode aucune autre protéase
ATP-dépendante.
La métalloprotéase FtsH
La métalloprotéase FtsH est ancrée dans la membrane
cytoplasmique. Son domaine cytoplasmique contient la
région ATPase et le site métalloprotéase Zn-dépendant.
Plusieurs substrats de FtsH ont été identifiées chez E. coli,
notamment des polypeptides étiquetés par le système SsrA.
FtsH est capable de linéariser puis de dégrader des protéi-
nes enchâssées dans la membrane cytoplasmique, après
reconnaissance de leur extrémité C- et/ou N-terminale.
Les équivalents bactériens
du protéasome eucaryote
Ce sont des complexes d’architecture similaire (figure 2),
constitués d’une protéase multimérique centrale, ClpP ou
HslV, encadrée axialement par deux ATPases-
chaperonines hexamériques (ClpA, ClpX, ClpC, ClpE ou
HslU). Bien que ClpP et HslV ne présentent pas d’homo-
logie de séquence, les assemblages qu’elles forment avec
leurs ATPases respectives sont similaires, et analogues à
celui du protéasome eucaryote [11]. Tous ces complexes
partagent vraisemblablement un même mécanisme de dé-
gradation des protéines.
HslUV est constituée d’un hexamère de la thréonine-
protéase HslV et de deux hexamères de l’ATPase HslU.
C’est une protéase présente chez la plupart des bactéries, à
l’exception notable de S. pneumoniae. Chez B. subtilis et
L. monocytogenes, le site actif thréonine de la protéase
n’est pas exposé comme c’est le cas chez E. coli, alors
qu’un site actif sérine fait son apparition à l’extrémité
N-terminale et prend en charge l’activité protéolytique
[12].
ClpAP, ClpXP, ClpCP et ClpEP sont des protéases ATP-
dépendantes organisées autour de la protéase ClpP (figure 2).
La structure et le fonctionnement de ClpAP et ClpXP chez
E. coli ont fait l’objet de nombreux travaux, tandis que la
ab
Hexamère
ClpA6
Tétradécamère
ClpP14
Hexamère
ClpA6
Figure 2. Structure d’une Clp-protéase : (a) Représentation
schématique du complexe ClpAP. Dans cette structure étagée, la
protéase est formée de deux cycles heptamériques (ClpP
14
)
empilés qui déterminent une chambre centrale contenant le site
actif. L’accès à la chambre est limité à un étroit canal situé à
chacune des deux extrémités du tétradécamère. Les ATPases,
assemblées en hexamères annulaires (ici ClpA
6
), s’adaptent aux
deux extrémités pour assurer la linéarisation des substrats protéi-
ques et leur translation vers la chambre de protéolyse. (b) Re-
construction en coupe sagittale de la protéase ClpAP de Escheri-
chia coli. Les flèches indiquent l’étroit canal d’accès à la chambre
de protéolyse de ClpP (adapté de Reid et al.,Proc Natl Acad Sci
USA 2001).
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caractérisation des Clp-protéases d’autres bactéries est
plus récente. Les Clp-protéases jouent un rôle fondamen-
tal dans la résistance au stress de nombreuses bactéries et
dans la virulence de certains pathogènes. La suite de cette
revue leur est consacrée.
Les complexes protéasiques de ClpP
ClpP
ClpP est une sérine-protéase présente chez les bactéries à
l’exception des mycoplasmes, ainsi que dans les mito-
chondries et les chloroplastes des cellules eucaryotes. Chez
ces derniers, ClpP joue sans doute un rôle essentiel,
puisqu’elle est l’une des quatre protéines encodées par
l’ADN du chloroplaste vestigial de Epifagus virginiana,
une plante parasite ayant perdu toute capacité de photo-
synthèse. Chez les bactéries, ClpP est présente dans les
conditions normales de croissance, mais fortement hyper-
produite dans de nombreux types de stress, notamment les
chocs thermiques. L’inactivation du gène clpP affecte la
viabilité bactérienne en conditions de stress, surtout chez
des bactéries à Gram positif comme B. subtilis,L. mono-
cytogenes,S. pneumoniae et Staphylococcus aureus. L’oli-
gomérisation de ClpP en deux cycles heptamériques acco-
lés (ClpP
14
,figure 2) est indispensable à son activité
biologique, laquelle se limite à la dégradation de peptides
de moins de sept acides aminés. C’est l’association de
ClpP
14
à une chaperonine-ATPase qui permet la protéo-
lyse de substrat de plus grande taille (figures 1 et 2).
Les chaperonines-ATPases partenaires de ClpP
ClpA, ClpX, ClpC et ClpE sont les principaux partenaires
possibles de ClpP. Dans chaque génome bactérien sé-
quencé à ce jour et contenant un gène clpP,onapu
identifier au moins un gène de l’une de ces Clp-ATPases.
Toutes les Clp-ATPases possèdent une structure com-
mune, incluant un domaine N-terminal SSD de reconnais-
sance des substrats précédé d’un ou deux domaines de
fixation de l’ATP. ClpA de E. coli a été la première identi-
fiée et constitue un bon modèle du fonctionnement des
autres Clp-ATPases qui interagissent avec ClpP. Il n’existe
cependant pas d’orthologue de clpA chez les bactéries à
Gram positif, chez lesquelles elle semble remplacée par
ClpC. En présence d’ATP, six sous-unités de ClpA peu-
vent s’assembler en un hexamère annulaire délimitant une
cavité interne (figure 2b). Cette structure est nécessaire à
l’activité chaperonne (linéarisation et remodelage) et à
l’arrimage d’un tétradécamère ClpP
14
. Il existe probable-
ment une certaine souplesse des hexamères de Clp-
ATPase qui autorise la liaison dissymétrique avec les hep-
tamères annulaires de ClpP [13]. Parmi les substrats
reconnus par ClpA et dégradés par le complexe ClpAP, on
trouve des protéines à étiquette SsrA et la protéine RepA.
Ishikawa et al. ont récemment montré par cryomicros-
copie électronique le processus de translation de RepA
dans la protéase ClpAP. L’attachement à l’ATPase a été
confirmé ainsi que le transfert ATP-dépendant du substrat
jusqu’à la chambre de protéolyse, via l’intérieur de l’an-
neau ClpA
6
[8].
ClpX est une ATPase ubiquitaire retrouvée chez les bacté-
ries à Gram positif comme à Gram négatif. Elle se distin-
gue de ClpA par une spécificité de substrats différente. On
connaît cependant des substrats communs à ClpXP et Cl-
pAP. Pour ceux-ci, la dégradation par ClpXP est moins
efficace que par ClpAP, sans doute en raison de la pré-
sence de deux domaines ATPases chez ClpA alors qu’il
n’en existe qu’un seul chez ClpX.
ClpC et ClpE ont une structure qui suggère un mode d’ap-
pariement et un fonctionnement voisins de ceux de ClpA.
ClpC semble être avec ClpX le principal partenaire de
ClpP chez les bactéries à Gram positif, dans lesquelles elle
est essentielle au catabolisme des protéines anormales et à
la survie en conditions de stress [14, 15]. Le rôle de ClpE
est encore méconnu ; le gène clpE caractérisé chez
B. subtilis puis L. monocytogenes n’est pas indispensable
à la survie de ces bactéries, mais jouerait un rôle dans la
virulence listérienne [16].
Influence des ClpP-protéases
sur la physiologie
et la virulence bactériennes
Cyanobactéries
Chez les bactéries photosynthétiques du phytoplancton du
genre Synechococcus, ClpP est induite et joue un rôle
essentiel lors des variations d’intensité lumineuse et de
l’exposition au froid auxquelles ces bactéries sont sujettes
dans la nature. L’inactivation de clpP réduit la croissance
de Synechococcus lors de l’exposition au rayons ultravio-
lets et au froid, avec la formation de bactéries filamenteu-
ses qui suggère que l’élimination des protéines anormales
est cruciale pour la division de ce micro-organisme. Les
substrats naturels de ClpP de Synechococcus sont encore
inconnus, de même que leurs partenaires Clp-ATPases.
Ces bactéries possèdent néanmoins un homologue de ClpC
qui forme sans doute des complexes protéasiques avec
ClpP [17].
Bactéries à Gram négatif
Chez Escherichia coli, ClpP joue un rôle important dans
le catabolisme des agrégats protéiques. Elle n’est pourtant
pas indispensable à la survie des bactéries en conditions
de stress, les protéases Lon et FtsH pouvant sans doute
pallier son absence. ClpXP intervient néanmoins dans la
régulation des gènes spécifiques de la phase stationnaire
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