CAS CLINIQUE
270 | La Lettre du Cancérologue •Vol. XVII - n°6 - juin 2008
tion asphyxique brutale est réel. À la palpation, la thyroïde est
globalement augmentée de volume, est multinodulaire ou, plus
rarement, le siège d’un seul nodule. Elle est souvent ferme, voire
dure et parfois fixée. Des adénopathies cervicales sont présentes
dans environ 20% des cas. Plus rarement, il existe une paralysie
récurrentielle objectivée par la laryngoscopie indirecte. L’hypo-
thyroïdie est présente dans 40 % des cas, du fait d’une pathologie
thyroïdienne préexistante, notamment une thyroïdite auto-
immune lymphocytaire chronique (2, 3). L’échographie retrouve
une masse hypoéchogène hétérogène, et permet de rechercher
des adénopathies cervicales associées. La TDM est très utile dans
le cadre du bilan d’extension locorégional, notamment au niveau
ganglionnaire et médiastinal. La cytoponction à l’aiguille fine est
de plus en plus utilisée dans le cadre des tumeurs thyroïdiennes.
Elle est très utile pour orienter le diagnostic, mais une biopsie
chirurgicale est presque toujours nécessaire pour confirmer et
préciser le diagnostic (6, 7).
Sur le plan macroscopique, la tumeur est molle ou ferme, lobulée,
multinodulaire ou diffuse, solide ou parfois kystique, avec fréquem-
ment des foyers hémorragiques et nécrotiques, présentant un
aspect de “chair de poisson”. La lésion est habituellement bien
limitée mais non encapsulée, pouvant envahir le tissu périthyroï-
dien dans 50 à 60 % des cas (1).
La classification des lymphomes thyroïdiens répond à celle des
autres lymphomes non hodgkiniens lymphoïdes (8). La plupart
d’entre eux sont d’immunophénotype B, CD20+. La présence du
virus d’Epstein-Barr a été détectée dans certains cas. L’association
à d’autres lymphomes du MALT, en particulier du tube digestif,
n’est pas rare, justifiant une recherche systématique (2-4, 6). Les
lymphomes T primitifs thyroïdiens sont exceptionnels.
Dans les formes de lymphome thyroïdien du MALT de bas grade, les
lésions peuvent être difficiles à distinguer de l’infiltration lympho-
cytaire de la thyroïdite de Hashimoto à partir de laquelle elles
peuvent se développer (4-6, 9). Le lymphome folliculaire primitif
de la thyroïde est exceptionnel.
Le traitement doit être adapté à la forme histologique et à l’Index
pronostique international (âge, indice de performance, taux des
LDH, nombre de sites extraganglionnaires, stade). Il repose sur la
radiothérapie, la chimiothérapie ou l’association des deux. La thyroï-
dectomie totale ne modifie pas le pronostic et doit être évitée dès
lors que le diagnostic a pu être fait à temps (10). La chimiothérapie
de référence est le classique schéma CHOP, associé au rituximab
dans les formes CD20+, par analogie avec les autres lymphomes
non hodgkiniens, même si la rareté de l’affection fait obstacle à des
études randomisées spécifiques. Elle est habituellement complétée
par une irradiation plus ou moins étendue. Toutefois, comme dans
les autres lymphomes localisés, certaines équipes préconisent de
renoncer à l’irradiation pour privilégier une chimiothérapie exclusive.
L’irradiation seule peut être utilisée dans les formes de bas grade.
Le pronostic global des lymphomes thyroïdiens primitifs est favo-
rable, avec une survie à 10 ans de plus de 80% dans les formes
localisées (11).
Conclusion
Le lymphome malin primitif de la thyroïde est une tumeur rare,
qu’il faut évoquer devant toute augmentation rapide du volume de
la glande, a fortiori en cas de thyroïdite de Hashimoto préexistante.
L’étude anatomopathologique permet de poser le diagnostic et de
différencier les types histologiques, notamment les lymphomes
de type MALT et les lymphomes non MALT. La radiothérapie,
l’immunothérapie et la chimiothérapie constituent les traitements
de référence. O
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Références bibliographiques