Le traumatisme thoracique grave aux urgences, stratégie de prise

Mise au point
Le traumatisme thoracique grave aux urgences,
stratégie de prise en charge initiale
Chest injury management in the emergency room
J.-P. Avaro
a
, X.-B. Djourno
b
, D. Trousse
b
, A. Roch
c
, P. Thomas
b
, C. Doddoli
b,*
a
Service de chirurgie thoracique, hôpital dinstruction des armées A.-Laveran, boulevard Alphonse-Laveran, 13013 Marseille, France
b
Service de chirurgie thoracique et des maladies de lœsophage, hôpital Sainte-Marguerite, Assistance publiqueHôpitaux de Marseille,
274, boulevard de Sainte-Marguerite, 13274 Marseille cedex 09, France
c
Service de réanimation médicale, hôpital Sainte-Marguerite, Assistance publiqueHôpitaux de Marseille, 270, boulevard de Sainte-Marguerite,
13274 Marseille cedex 09, France
Disponible sur internet le 10 novembre 2006
Résumé
Les traumatismes thoraciques sont des situations fréquentes qui peuvent être à lorigine dune détresse respiratoire et/ou hémodynamique. Les
étiologies principales sont les traumatismes fermés et les plaies pénétrantes du thorax. Dans 30 % des cas, les lésions thoraciques sinscrivent
dans le cadre dun polytraumatisme. Lenjeu majeur de la prise en charge de ces blessés est lévaluation initiale en salle de déchocage. En se
fondant sur la littérature et leur expérience, les auteurs définissent la prise en charge des traumatisés du thorax en sintéressant particulièrement à
la hiérarchie des examens paracliniques, à la place du drainage thoracique, et aux indications chirurgicales. Lévaluation initiale des traumatisés
du thorax nécessite lapplication systématique dune procédure standardisée dont le but est de hiérarchiser les lésions et de réaliser les gestes
thérapeutiques salvateurs adaptés. La coopération entre le chirurgien, le réanimateur et lurgentiste tout au long de la prise en charge diagnostique
et thérapeutique de ces traumatisés graves est indispensable.
© 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Chest injury is a relative frequent situation and may result in respiratory and/or hemodynamic failure. Major etiologies are penetrating or blunt
trauma. In 30% of cases, chest lesions are associated with multiple trauma. Initial evaluation in the emergency room is a challenging issue. Based
of the relevant literature and their known experience, authors define the management of a chest trauma patient with a special emphasis for
priorities of diagnostic procedure, chest tube and surgical indication. Initial chest injury management requires strict adherence to advanced trauma
life support. Cooperation between surgeon, anaesthesiologist and emergency physician in diagnostic and treatment of these trauma is a condition
for successful results.
© 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Traumatisme thoracique ; Polytraumatisme ; Urgence ; Chirurgie
Keywords: Chest injury; polytraumatism; emergency; surgery
1. Introduction
Le thorax est une région anatomique fréquemment atteinte
en traumatologie. On estime que 3000 décès par an en France
sont liés à un traumatisme thoracique. Un tiers des patients
polytraumatisés ont une atteinte thoracique [1]. Les traumatis-
mes du thorax sont graves quand ils entraînent une défaillance
respiratoire et/ou hémodynamique. Cette gravité peut être ini-
tiale ou différée, et tous les traumatismes du thorax doivent être
considérés comme potentiellement graves même en labsence
de détresse cardiorespiratoire initiale, en raison du pourcentage
élevé de lésions occultes. Il est communément acquis que le
drainage thoracique et les mesures de réanimation visant à res-
taurer lhématose et lhémodynamique sont suffisantes pour la
majorité des blessés [2]. En fait la place de la chirurgie dans
ces traumatismes est probablement sous-évaluée. Pourtant le
http://france.elsevier.com/direct/REAURG/
Réanimation 15 (2006) 561567
*
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Doddoli).
1624-0693/$ - see front matter © 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2006.10.010
développement ces 15 dernières années de techniques chirurgi-
cales mini-invasives comme la thoracoscopie, de prothèses
endovasculaires ou encore de lassistance circulatoire,
devraient probablement élargir les indications chirurgicales à
tous les stades de la prise en charge des traumatisés du thorax.
Ainsi, nous nous proposons à partir dune revue de la litté-
rature et de notre expérience de donner le point de vue du chi-
rurgien sur la stratégie diagnostique et thérapeutique initiale
pour des patients victimes dun traumatisme du thorax ouvert
ou fermé, et de définir ainsi les indications chirurgicales.
2. Anatomie, épidémiologie, mécanismes lésionnels
Dun point de vue anatomique, le thorax peut être considéré
comme une cage rigide formée par le rachis dorsal, les côtes et
le sternum. Il est séparé de labdomen par le diaphragme, mus-
cle respiratoire principal. Le contenu de cette cage thoracique
est représenté par les deux cavités pleuropulmonaires et le
médiastin. Tout traumatisme « frontalier » situé aux limites
du thorax (cou, membres, ou abdomen) soulève lhypothèse
des lésions associées et interroge sur la hiérarchie des priorités
thérapeutiques, en même temps quil pose des problèmes tech-
niques dabord chirurgical lorsquil devient nécessaire.
En France cest laccidentologie routière et les chutes de
grande hauteur qui représentent les étiologies principales des
traumatismes du thorax. Les plaies pénétrantes sont plus rares
mais il semble que leur incidence soit en augmentation [3].
Deux types de mécanismes lésionnels sont en cause dans les
traumatismes thoraciques. Le mécanisme direct par choc, écra-
sement ou perforation, qui entraîne des lésions ouvertes ou fer-
mées du contenant et du contenu thoraciques. Le mécanisme
indirect par décélération a pour conséquence des lésions du
contenu à type de contusion pour les organes pleins (cœur et
parenchyme pulmonaire) et de rupture pour les organes creux
(trachée, bronches, gros vaisseaux et œsophage) [4].
On distingue volontiers les traumatismes fermés dont les
lésions plus étendues et plus complexes relèvent le plus sou-
vent de mesures de réanimation, des traumatismes pénétrants
du thorax pour lesquels les indications chirurgicales sont plus
fréquentes [5]. À notre sens, la stratégie de prise en charge doit
être commune à lensemble des traumatisés du thorax. En effet,
les conséquences des lésions, quelle que soit leur étiologie, se
font toujours sur lhématose et lhémodynamique. Par ailleurs,
il nest pas rare que plusieurs mécanismes lésionnels soient
associés. Ainsi, la prise en charge diagnostique et thérapeu-
tique des traumatismes graves du thorax quelle quen soit
létiologie doit être centrée sur le maintien de loxygénation
tissulaire.
3. Physiopathologie
3.1. Détresse respiratoire
Elle résulte dune atteinte de la mécanique ventilatoire et/ou
dune inadéquation ventilationperfusion.
3.1.1. Mécanique ventilatoire
La présence dair dans lespace pleural désolidarise le pou-
mon de la paroi thoracique et du diaphragme dont les mouve-
ments ne lui sont plus transmis, entraînant une hypoventilation
des alvéoles pulmonaires. On comprend alors aisément les
conséquences dun pneumothorax bilatéral. En cas de fuite
aérienne importante (large plaie pulmonaire ou atteinte directe
trachéobronchique) ne pouvant sévacuer vers lextérieur, se
produit un pneumothorax compressif qui aggrave le collapsus
pulmonaire et gêne le retour veineux au cœur. Si ces conditions
se pérennisent, le médiastin se trouve refoulé vers le côté
opposé ce qui plicature les veines caves et provoque un arrêt
quasi complet du retour veineux. Ce phénomène peut aboutir
au désamorçage de la pompe cardiaque et au décès du blessé.
Sil existe une plaie pariétale très large, elle constitue une plaie
soufflante ou pneumothorax ouvert. Le balancement médiasti-
nal quelle occasionne gêne le retour veineux cave et majore la
détresse cardiorespiratoire.
3.1.2. Inadéquation ventilationperfusion
Un collapsus pulmonaire, lui-même causé par un pneumo-
thorax, un hémothorax ou la compression du poumon par des
organes digestifs herniés au travers dune brèche diaphragma-
tique, entraîne un effet shunt (perfusion dune partie non ven-
tilée du poumon) qui aggrave lhypoxémie. Cet effet shunt peut
aussi être la conséquence dune contusion pulmonaire (héma-
tome intrapulmonaire diffusant dans les espaces interstitiels) et
de lœdème péricontusionnel, dune inondation alvéolaire liée
à une hémoptysie abondante, ou de la présence de caillots dans
larbre bronchique à lorigine datélectasies.
3.2. Détresse hémodynamique
Elle traduit la présence dun choc hémorragique et/ou car-
diogénique.
3.2.1. Choc hémorragique
On pense bien évidemment aux plaies du cœur et des gros
vaisseaux qui conduisent rapidement à une exsanguination. Il
ne faut cependant pas oublier quune plaie dune ou plusieurs
artères pariétales (artère intercostale ou mammaire interne) peut
être en cause, en particulier en cas de délais importants avant le
traitement. Enfin, des pertes hémorragiques extrathoraciques
peuvent être associées.
3.2.2. Choc cardiogénique
Un choc cardiogénique peut être lié à un traumatisme direct
du cœur, dun pédicule coronaire, dune valve cardiaque, ou à
la luxation du cœur au travers dune large brèche péricardique.
Il peut aussi être en rapport avec une tamponnade péricar-
dique, particulièrement lorsque la plaie cardiopéricardique est
punctiforme ne permettant pas lévacuation du sang dans la
plèvre. Il en résulte une compression des cavités cardiaques
lors de la diastole, limitant ainsi le débit cardiaque par diminu-
tion de la précharge. Initialement, ce mécanisme est compensé
par une vasoconstriction périphérique, et une augmentation de
la fréquence et de la contractilité cardiaque. Cette compensa-
tion peut être brutalement interrompue lors dune induction
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anesthésique si la tamponnade na pas été reconnue préalable-
ment.
Enfin, il faut signaler la possibilité dembolies gazeuses sys-
témiques diffusant dans la circulation coronaire ou cérébrale.
Ces embolies sont la conséquence de fistules bronchiolovascu-
laires au sein dune plaie pulmonaire, chez des malades venti-
lés en pression positive lorsque celle-ci excède 60 cm dH
2
O.
4. Évaluation clinique et paraclinique
4.1. Prise en charge préhospitalière
Trente pour cent des polytraumatisés ont une atteinte thora-
cique [6]. Ainsi, la plupart des traumatismes graves du thorax
font lobjet dune prise en charge médicale préhospitalière. En
cas datteinte pariétale évidente ou de détresse respiratoire
aiguë, le diagnostic de traumatisme thoracique est facilement
évoqué. Néanmoins toute dégradation de lhématose chez un
patient victime dun traumatisme à haute énergie cinétique
lors de la prise en charge initiale, doit faire évoquer un trauma-
tisme thoracique fermé passé inaperçu. La conduite à tenir
devant un traumatisé thoracique à léchelon préhospitalier
doit être la plus simple possible. Pour certains, ces patients ne
doivent faire lobjet daucune mesure de réanimation médicale
au profit dun transport rapide vers un centre hospitalier [7].
Sans être aussi radical, il nous semble important de préserver
une ventilation spontanée tant que létat neurologique le per-
met. Par ailleurs, le drainage thoracique, difficile à mettre en
œuvre dans les conditions du ramassage, devra être pratiqué
devant une détresse respiratoire et/ou circulatoire en rapport
avec un épanchement compressif [8]. Des pansements antisep-
tiques et occlusifs simples sont réalisés en cas de traumatismes
ouverts. Il ne faut pas mobiliser les corps étrangers intrathora-
ciques. Le remplissage vasculaire doit avoir comme objectif
une tension artérielle systolique entre 80 et 100 mm de mer-
cure, visant à maintenir un débit de perfusion minimum sans
majorer le risque hémorragique [9].Lantalgie par des morphi-
niques doit être débutée précocement. Une fois le patient mis
en condition pour le transport, la régulation doit lorienter en
règle vers un centre habilité à prendre en charge des patients
polytraumatisés, et au mieux dans une structure ayant un ser-
vice de chirurgie thoracique. En effet, il est admis que pour les
traumatisés graves, les chances de survie sont corrélées à la
qualité du plateau technique de la structure daccueil. Létude
de Demetriades met en évidence sur 130 154 patients, un
risque de mortalité diminué dans les centres de niveau 1 pour
des traumatismes ayant un score ISS (injury severity score)
supérieur à 15. Cependant, si lon sintéresse au sous-groupe
des plaies du cœur soit 600 patients, la mortalité est identique
quel que soit le niveau du centre classé de 1 à 5 en fonction du
plateau technique disponible [10]. Ainsi, en cas de plaie de
laire cardiaque et/ou de tableau de tamponnade, le patient
doit être orienté vers le centre chirurgical disponible le plus
proche.
Dans tous les cas, lorsque le patient reste particulièrement
instable sur le plan respiratoire et/ou hémodynamique, il faut
que la régulation contacte le chirurgien de garde pour une
éventuelle orientation directe du malade vers le bloc opératoire.
4.2. Salle de déchocage
Si le patient traumatisé thoracique arrive en salle de décho-
cage en état de mort apparente ou en arrêt cardiaque, cest
lindication de thoracotomie dite de sauvetage. Cette dernière
est pratiquée sur place par le chirurgien. Il sagit le plus sou-
vent dune thoracotomie antérolatérale gauche qui permet
dévacuer un éventuel hémopéricarde compressif, de faire
lhémostase temporaire dune plaie du cœur ou du poumon et
de clamper le hile pulmonaire. On peut également réaliser par
cette voie dabord, le clampage de laorte thoracique descen-
dante afin daméliorer la perfusion coronaire et cérébrale, et
enfin pratiquer un massage cardiaque interne. Dans les faits,
les résultats de cette procédure chirurgicale ultime sont très
controversés, et les survies exceptionnelles [11,12].
Dans la plupart des cas, le patient traumatisé du thorax
arrive vivant en salle de déchocage. Au mieux il est attendu
sur place par un médecin urgentiste, un anesthésiste réanima-
teur, un chirurgien et un radiologue avec un appareil portatif
déchographie.
Le premier examen clinique a pour but de reconnaître les
détresses vitales et den déterminer les causes. Il est réalisé
tout en tenant compte des transmissions médicales faites par
le médecin du SAMU, sur les circonstances du traumatisme
et la prise en charge initiale. On profite du transfert du malade
sur le brancard du déchocage pour réaliser un cliché radiolo-
gique thoracique. En même temps que lon examine le patient,
il est équipé (contrôle VAS, accès vasculaire, monitorage), un
bilan biologique standard est prélevé et adressé au laboratoire
avec les éventuels prélèvements préhospitaliers. Ainsi, on aura
rapidement une idée sur la cinétique de déglobulisation. Du
sang iso groupe iso rhésus est mis en réserve. Dans le même
temps, une gazométrie artérielle est réalisée dont les résultats
immédiats permettent dévaluer le retentissement des lésions
sur loxygénation.
Lexamen clinique est dabord focalisé sur lappareil cardio-
respiratoire évaluant la ventilation et lhémodynamique. On éli-
mine un tableau de tamponnade ou de pneumothorax suffocant
(collapsus circulatoire et signes de cœur droit) qui pourrait
requérir un geste salvateur : ponction péricardique ou exsuffla-
tion pleurale. La palpation recherche une atteinte pariétale évi-
dente (déformation, volet costal) et un emphysème sous-cutané
témoin dune brèche pleuropulmonaire, trachéobronchique ou
plus rarement œsophagienne. En cas de traumatisme ouvert, les
pansements sont déballés et les plaies inspectées. Sil existe un
traumatisme balistique ou des plaies par arme blanche, on
recherche de façon systématique tous les orifices dentrée et
de sortie. Lexamen recherche ensuite des lésions associées soit
locorégionales : abdominale, cervicale et membres supérieurs,
soit à distance : céphalique et des membres inférieurs. Au
terme de cet examen clinique qui doit être rapide mais systé-
matique, il est fait une échographie abdominale et transthora-
cique. Léchographie abdominale a pour but de rechercher et
de quantifier un éventuel épanchement intrapéritonéal témoin
J.-P. Avaro et al. / Réanimation 15 (2006) 561567 563
dune lésion dorgane plein. Sa pratique en salle de déchocage
reste controversée pour sa sensibilité assez faible dans le dépis-
tage des lésions viscérales traumatiques. Néanmoins, cet exa-
men a une valeur prédictive négative de lordre de 98 % ce qui
le rend particulièrement rentable dans le cadre de la prise en
charge des polytraumatisés [13].Léchographie transthoracique
a pour but de rechercher un épanchement péricardique témoin
dune lésion cardiaque ou des gros vaisseaux. Pour le diagnos-
tic dépanchement péricardique, sa sensibilité est de 96 %, sa
spécificité et sa valeur prédictive positive sont de 100 % [14].
En pratique, pour une équipe entraînée, il est possible
dobtenir en moins de 30 minutes après larrivée du blessé,
les résultats de la radiographie thoracique, de léchographie et
des examens biologiques. En labsence de suspicion de plaie
du cœur qui justifierait un transfert au bloc opératoire immédiat
même chez un patient stable sur le plan hémodynamique, cette
évaluation clinique et paraclinique sommaire permet détablir
la stratégie diagnostique et thérapeutique. À ce stade, 80 % des
patients vont bénéficier dun drainage thoracique. En effet,
dans le contexte de la traumatologie, le drainage thoracique
est indiqué dès quil existe un épanchement pleural aérique
ou liquidien et ce quelle que soit son importance [15].
Pour ce geste, nous préférons lutilisation dun trocart de
Monod (moins vulnérant). Le site préférentiel de drainage est
sur la ligne axillaire antérieure ou moyenne, au-dessus de la
ligne bimamelonaire. La technique comprend la réalisation
dun champ stérile, une anesthésie locale (chez le patient cons-
cient) permettant en outre le repérage de lépanchement, et le
drainage proprement dit. Cette anesthésie doit comprendre la
peau, le plan sous-cutané mais aussi le bord supérieur de la
côte inférieure de lespace choisi pour la ponction et la plèvre.
Lincision cutanée est parallèle à la côte et fait environ deux à
trois centimètres. La discision musculaire est faite à laide
dune pince chirurgicale perpendiculairement à la paroi à tra-
vers le plan des digitations du muscle Grand Dentelé, puis à
travers le plan des muscles intercostaux, en prenant soin de
sappuyer sur le bord supérieur de la côte pour préserver le
pédicule vasculonerveux intercostal. La plèvre est perforée à
la pince laissant échapper une partie du contenu de lépanche-
ment. Avant son retrait de lespace pleural, les deux mords de
la pince sont largement écartés pour agrandir lorifice créé. Le
trocart de Monod est introduit perpendiculairement sur une
profondeur de dix centimètres puis orienté, le plus souvent
vers larrière et le haut de la cavité pleurale, pour éviter de
positionner le drain dans la scissure interlobaire. Le mandrin
est ensuite retiré en tenant fermement le trocart entre le pouce
et lindex, la main posée à plat sur le thorax du patient. Le
drain thoracique est introduit à travers le trocart jusquen
butée puis retiré denviron trois centimètres. Le trocart est
enlevé en maintenant le drain. Le drain est fixé puis raccordé
à un système daspiration avec un éventuel kit dautotransfu-
sion [16]. Une bourse est réalisée autour du drain puis le plan
cutané est refermé. Une radiographie thoracique de contrôle est
réalisée.
Le drainage thoracique permettra souvent dorienter la suite
de la prise en charge diagnostique et thérapeutique. Par exem-
ple, trois situations représentent des urgences chirurgicales
immédiates :
lassociation dun hémothorax abondant (supérieur à un
litre) et dun choc hémorragique ne répondant pas au rem-
plissage doit faire poser lindication dune thoracotomie
dhémostase, et le patient doit être conduit au bloc opéra-
toire sans délais [17] ;
lassociation dun hémothorax et dun élargissement du
médiastin sur la radiographie thoracique doit faire évoquer
une rupture de listhme aortique. Si le patient est instable
sur le plan hémodynamique, il doit être conduit au bloc opé-
ratoire où la réalisation dune échocardiographie transœso-
phagienne sur table confirmera ou pas le diagnostic [18] ;
lassociation dun bullage important (souvent dans un
contexte de pneumothorax suffocant), dun défaut de réex-
pansion pulmonaire sur la radiographie et dune dégradation
de lhématose notamment au moment de la mise en place
dune ventilation mécanique invasive, doit faire suspecter
une rupture trachéobronchique. Le diagnostic est établi par
une endoscopie qui permet une aspiration des caillots, et le
cas échéant une intubation « tutérisant » la plaie et assurant
une ventilation transitoire le temps damener le blessé au
bloc opératoire. En cas dune lésion de la bronche souche,
une intubation sélective par une sonde à double courant est
dun apport précieux et le malade doit être opéré dans les
plus brefs délais [19].
Si le patient traumatisé thoracique est stable ou a été stabi-
lisé, on peut alors envisager un transfert dans le service de
radiologie pour un scanner corps entier qui permettra de faire
le bilan précis des lésions thoraciques et à distance.
Les modalités du scanner corps entier sont bien définies
[20]. Il doit comprendre des coupes cérébrales non injectées,
un rachis cervical, une séquence thoracoabdominopelvienne.
Des clichés radiologiques standards complémentaires sur les
membres sont réalisés à la demande. Linjection de produit
de contraste à la recherche dune lésion des gros vaisseaux
est indispensable. En effet dans 30 % des cas, les ruptures de
listhme aortique sont asymptomatiques et la radiographie tho-
racique ne montre pas danomalie médiastinale [21].Dune
manière plus générale, létude prospective de Salim et al. a
montré que lutilisation systématique du scanner corps entier
modifie la prise en charge thérapeutique une fois sur quatre
dans une population de 1000 patients victimes dun polytrau-
matisme, cliniquement stables, sans point dappel pour une
lésion focalisée et dont le bilan radiologique standard a été
considéré comme normal [22]. Les lésions occultes qui modi-
fient la stratégie thérapeutique se situent dans 3 % des cas au
niveau cérébral, 5 % des cas au niveau du rachis cervical, 7 %
des cas au niveau abdominal, et 20 % des cas à létage thora-
cique [22]. Le scanner thoracoabdominal permet en outre de
faire le diagnostic dépanchements pleuraux aériques ou liqui-
diens non vus sur le cliché radiologique standard, détablir la
cartographie et la sévérité déventuelles lésions parenchyma-
teuses pulmonaires, et de faire le bilan des lésions pariétales,
du rachis et du contenu abdominal. Les principales limites de
J.-P. Avaro et al. / Réanimation 15 (2006) 561567564
cet examen restent lexploration de lœsophage et du dia-
phragme [23].
Au terme de cette prise en charge, les indications chirurgi-
cales dépendent de lévolution clinique et du bilan lésionnel.
Lurgentiste, le réanimateur et le chirurgien vont donc décider
de la conduite thérapeutique. Les éventuelles lésions associées
sont hiérarchisées et les différents spécialistes concernés sont
sollicités. En labsence de nécessité immédiate dun geste chi-
rurgical, il faut programmer la réévaluation clinique, radiolo-
gique et éventuellement chirurgicale. En effet, il faut garder à
lesprit que la gravité des traumatismes thoraciques est évolu-
tive et quune décision chirurgicale peut être prise dans les
heures ou les jours qui suivent ladmission du patient.
Cest souvent dans ce contexte que la thoracoscopie chirur-
gicale prend tout son intérêt [24]. Les situations qui posent
lindication de cette procédure sont [25] :
la persistance dun saignement extériorisé par le drain tho-
racique sans choc hémorragique ;
une réexpansion pulmonaire incomplète en rapport avec la
persistance dun épanchement pleural incomplètement
drainé (caillotage pleural) ;
lascension progressive dune coupole diaphragmatique
authentifiée par la répétition des examens radiologiques
évoquant une rupture du diaphragme ;
un doute sur une plaie pénétrante du thorax, notamment
quand sa topographie est compatible avec une lésion occulte
cardiopéricardique ou diaphragmatique.
La thoracoscopie représente ainsi le dernier temps diagnos-
tique et parfois le premier temps thérapeutique dans la prise en
charge des traumatismes graves du thorax.
En fonction de lensemble de ces données, la chirurgie à
thorax ouvert peut être indiquée à tous les stades de la prise
en charge des patients traumatisés du thorax. Le but principal
du traitement initial est lamélioration de loxygénation tissu-
laire. Les principes thérapeutiques chirurgicaux dépendent de
la topographie et du type des lésions.
5. Anatomopathologie et principes thérapeutiques
5.1. Paroi thoracique, diaphragme et rachis
On distingue les traumatismes ouverts des traumatismes fer-
més. La plupart des plaies pénétrantes du thorax justifient une
exploration chirurgicale qui comme nous lavons vu peut se
faire dans un premier temps par une thoracoscopie. Les lésions
pariétales provoquées par un agent vulnérant doivent bénéficier
dun parage chirurgical et dune fermeture qui peut nécessiter
la réalisation dun lambeau musculaire en cas de perte de subs-
tance importante [17].
Les lésions pariétales des traumatismes fermés sont osseuses
et/ou musculaires. Il faut noter que les formes cliniques varient
avec lâge. Chez les patients jeunes, la paroi thoracique est
relativement élastique et lénergie du traumatisme est ainsi sou-
vent transmise au contenu thoracique. Les risques de lésions
intrathoraciques initialement occultes sont élevés, notamment
diaphragmatiques et cardiovasculaires. Les fractures costales
multiples (à partir de quatre), les atteintes de la première et/
ou de la deuxième côte, les fractures du sternum et de
lomoplate sont des facteurs de gravité [26]. Chez la personne
âgée, la paroi thoracique plus rigide absorbe une plus grande
quantité dénergie limitant les lésions internes mais ayant des
conséquences graves sur la mécanique ventilatoire. La gravité
des lésions pariétales est alors corrélée au risque de complica-
tions respiratoires [27]. Les fractures costales sont rarement des
indications chirurgicales. Leur prise en charge repose surtout
sur une stratégie antalgique adaptée au sein de laquelle lanal-
gésie péridurale doit occuper une place importante [28].
Lostéosynthèse des fractures costales est réalisée de principe
lorsquune thoracotomie est indiquée pour une autre cause. Les
indications dune ostéosynthèse costale de nécessité sont : une
incarcération du parenchyme pulmonaire ou lexistence dun
fragment osseux menaçant un organe intrathoracique. Les
déformations importantes de la paroi ou les volets costaux
mobiles sont rarement responsables à eux seuls dune détresse
respiratoire qui relèverait alors dune ostéosynthèse en urgence
[29].
Les lésions du rachis thoracique doivent être opérées quand
elles sont instables ou responsables dune compression médul-
laire.
Les lésions musculaires concernent soit la paroi thoracique
et ne relèvent jamais dun geste chirurgical, soit le diaphragme
et lindication chirurgicale de réparation par suture directe ou
par interposition dune plaque prothétique est formelle mais
non urgente sil sagit dune lésion isolée sans retentissement
important sur lhématose. Cette intervention peut être, dans
certains cas, réalisée par thoracoscopie [30].
5.2. Plèvre et poumon
Un pneumothorax provient dune plaie pulmonaire et/ou
bronchiolaire. Les plaies trachéobronchiques sont plus rares,
et souvent associées à des lésions vasculaires majeures et à
un pneumomédiastin [15].
Un hémothorax résulte dune plaie pariétale parfois très pro-
ductive (artère intercostale ou mammaire interne), dune lacé-
ration pulmonaire ou dune plaie des vaisseaux pulmonaires,
mais aussi dune plaie du cœur ou des gros vaisseaux. Les
hémothorax ne nécessitant pas une hémostase chirurgicale
immédiate, font lobjet dun drainage qui doit permettre son
évacuation totale. Dans le cas contraire, survient un caillotage
pleural, pérennisant le saignement par un phénomène de fibri-
nolyse et de consommation locale des facteurs de la coagula-
tion, et source de complications tardives telles lempyème
pleural ou le fibrothorax déterminant un engainement rétractile
du poumon, source dune restriction ventilatoire.
Les lésions du parenchyme peuvent être un hématome, une
contusion, ou une lacération pulmonaire. Les plaies des vais-
seaux pulmonaires intraparenchymateux, à basse pression, sont
souvent jugulées par lhématome du parenchyme adjacent qui
comprime le vaisseau. Une hémorragie plus abondante
sévacue dans la plèvre, déterminant un hémothorax, ou dans
une bronche ouverte, déterminant une hémoptysie. La règle
pour le traitement des plaies du parenchyme pulmonaire est
J.-P. Avaro et al. / Réanimation 15 (2006) 561567 565
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