d’une lésion d’organe plein. Sa pratique en salle de déchocage
reste controversée pour sa sensibilité assez faible dans le dépis-
tage des lésions viscérales traumatiques. Néanmoins, cet exa-
men a une valeur prédictive négative de l’ordre de 98 % ce qui
le rend particulièrement rentable dans le cadre de la prise en
charge des polytraumatisés [13].L’échographie transthoracique
a pour but de rechercher un épanchement péricardique témoin
d’une lésion cardiaque ou des gros vaisseaux. Pour le diagnos-
tic d’épanchement péricardique, sa sensibilité est de 96 %, sa
spécificité et sa valeur prédictive positive sont de 100 % [14].
En pratique, pour une équipe entraînée, il est possible
d’obtenir en moins de 30 minutes après l’arrivée du blessé,
les résultats de la radiographie thoracique, de l’échographie et
des examens biologiques. En l’absence de suspicion de plaie
du cœur qui justifierait un transfert au bloc opératoire immédiat
même chez un patient stable sur le plan hémodynamique, cette
évaluation clinique et paraclinique sommaire permet d’établir
la stratégie diagnostique et thérapeutique. À ce stade, 80 % des
patients vont bénéficier d’un drainage thoracique. En effet,
dans le contexte de la traumatologie, le drainage thoracique
est indiqué dès qu’il existe un épanchement pleural aérique
ou liquidien et ce quelle que soit son importance [15].
Pour ce geste, nous préférons l’utilisation d’un trocart de
Monod (moins vulnérant). Le site préférentiel de drainage est
sur la ligne axillaire antérieure ou moyenne, au-dessus de la
ligne bimamelonaire. La technique comprend la réalisation
d’un champ stérile, une anesthésie locale (chez le patient cons-
cient) permettant en outre le repérage de l’épanchement, et le
drainage proprement dit. Cette anesthésie doit comprendre la
peau, le plan sous-cutané mais aussi le bord supérieur de la
côte inférieure de l’espace choisi pour la ponction et la plèvre.
L’incision cutanée est parallèle à la côte et fait environ deux à
trois centimètres. La discision musculaire est faite à l’aide
d’une pince chirurgicale perpendiculairement à la paroi à tra-
vers le plan des digitations du muscle Grand Dentelé, puis à
travers le plan des muscles intercostaux, en prenant soin de
s’appuyer sur le bord supérieur de la côte pour préserver le
pédicule vasculonerveux intercostal. La plèvre est perforée à
la pince laissant échapper une partie du contenu de l’épanche-
ment. Avant son retrait de l’espace pleural, les deux mords de
la pince sont largement écartés pour agrandir l’orifice créé. Le
trocart de Monod est introduit perpendiculairement sur une
profondeur de dix centimètres puis orienté, le plus souvent
vers l’arrière et le haut de la cavité pleurale, pour éviter de
positionner le drain dans la scissure interlobaire. Le mandrin
est ensuite retiré en tenant fermement le trocart entre le pouce
et l’index, la main posée à plat sur le thorax du patient. Le
drain thoracique est introduit à travers le trocart jusqu’en
butée puis retiré d’environ trois centimètres. Le trocart est
enlevé en maintenant le drain. Le drain est fixé puis raccordé
à un système d’aspiration avec un éventuel kit d’autotransfu-
sion [16]. Une bourse est réalisée autour du drain puis le plan
cutané est refermé. Une radiographie thoracique de contrôle est
réalisée.
Le drainage thoracique permettra souvent d’orienter la suite
de la prise en charge diagnostique et thérapeutique. Par exem-
ple, trois situations représentent des urgences chirurgicales
immédiates :
●l’association d’un hémothorax abondant (supérieur à un
litre) et d’un choc hémorragique ne répondant pas au rem-
plissage doit faire poser l’indication d’une thoracotomie
d’hémostase, et le patient doit être conduit au bloc opéra-
toire sans délais [17] ;
●l’association d’un hémothorax et d’un élargissement du
médiastin sur la radiographie thoracique doit faire évoquer
une rupture de l’isthme aortique. Si le patient est instable
sur le plan hémodynamique, il doit être conduit au bloc opé-
ratoire où la réalisation d’une échocardiographie transœso-
phagienne sur table confirmera ou pas le diagnostic [18] ;
●l’association d’un bullage important (souvent dans un
contexte de pneumothorax suffocant), d’un défaut de réex-
pansion pulmonaire sur la radiographie et d’une dégradation
de l’hématose notamment au moment de la mise en place
d’une ventilation mécanique invasive, doit faire suspecter
une rupture trachéobronchique. Le diagnostic est établi par
une endoscopie qui permet une aspiration des caillots, et le
cas échéant une intubation « tutérisant » la plaie et assurant
une ventilation transitoire le temps d’amener le blessé au
bloc opératoire. En cas d’une lésion de la bronche souche,
une intubation sélective par une sonde à double courant est
d’un apport précieux et le malade doit être opéré dans les
plus brefs délais [19].
Si le patient traumatisé thoracique est stable ou a été stabi-
lisé, on peut alors envisager un transfert dans le service de
radiologie pour un scanner corps entier qui permettra de faire
le bilan précis des lésions thoraciques et à distance.
Les modalités du scanner corps entier sont bien définies
[20]. Il doit comprendre des coupes cérébrales non injectées,
un rachis cervical, une séquence thoracoabdominopelvienne.
Des clichés radiologiques standards complémentaires sur les
membres sont réalisés à la demande. L’injection de produit
de contraste à la recherche d’une lésion des gros vaisseaux
est indispensable. En effet dans 30 % des cas, les ruptures de
l’isthme aortique sont asymptomatiques et la radiographie tho-
racique ne montre pas d’anomalie médiastinale [21].D’une
manière plus générale, l’étude prospective de Salim et al. a
montré que l’utilisation systématique du scanner corps entier
modifie la prise en charge thérapeutique une fois sur quatre
dans une population de 1000 patients victimes d’un polytrau-
matisme, cliniquement stables, sans point d’appel pour une
lésion focalisée et dont le bilan radiologique standard a été
considéré comme normal [22]. Les lésions occultes qui modi-
fient la stratégie thérapeutique se situent dans 3 % des cas au
niveau cérébral, 5 % des cas au niveau du rachis cervical, 7 %
des cas au niveau abdominal, et 20 % des cas à l’étage thora-
cique [22]. Le scanner thoracoabdominal permet en outre de
faire le diagnostic d’épanchements pleuraux aériques ou liqui-
diens non vus sur le cliché radiologique standard, d’établir la
cartographie et la sévérité d’éventuelles lésions parenchyma-
teuses pulmonaires, et de faire le bilan des lésions pariétales,
du rachis et du contenu abdominal. Les principales limites de
J.-P. Avaro et al. / Réanimation 15 (2006) 561–567564