L Metformine : réduction de la mortalité CONGRÈS

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CONGRÈS
RÉUNION
coordonné par
le Pr C. Le Feuvre
Metformine : réduction de la mortalité
chez les diabétiques les plus “fragiles” ?
R. Roussel*
American Diabetes Association (ADA), 25-29 juin 2010, Orlando
L
a metformine, pilier de la thérapeutique du
diabète de type 2 depuis les résultats de l’étude
UKPDS, est de plus en plus prescrite en France,
où la monothérapie par sulfamides chez des patients
avec un diabète récent est moins fréquente. Le
diabète évoluant, elle est souvent abandonnée dans
différentes situations : recours à l’insuline qui fait
penser (à tort) qu’elle est dorénavant superflue,
apparition d’un événement contre-indiquant son
utilisation, ou arrêt, sans reprise après, à l’occasion d’un examen avec produit de contraste iodé ou
d’une maladie aiguë intercurrente. La non-reprise
de la metformine après ces événements tient
parfois à l’oubli d’un médecin pressé à la sortie
de l’unité de soins intensifs par exemple, mais elle
est souvent liée à la crainte que ce patient fragile,
comme en atteste son épisode aigu, pourrait un jour
présenter une contre-indication, comme un œdème
aigu pulmonaire. En outre, le niveau de preuve de
l’efficacité extra-glycémique de la metformine est
élevé pour les diabètes récents : l’étude UKPDS a
montré une association avec une moindre mortalité
qui ne s’expliquait pas par le seul contrôle métabolique. En revanche, rien de tel n’est disponible pour
les diabétiques présentant déjà des complications
cardiovasculaires, ceux-là mêmes dont les grands
essais récents (ACCORD, ADVANCE, VADT) ont
suggéré qu’ils n’étaient pas efficacement protégés
par le contrôle glycémique intensif. Or, lorsqu’on
analyse les caractéristiques des sujets dans ces
essais, on observe que la metformine était loin
d’être utilisée systématiquement. La session des
Mortalité toutes causes
10
Metformine
Incidence cumulée (%)
Total des décès observés = 1 270
Non
Oui
8
6
4
HR = 0,67
IC95 : 0,59-0,75
p < 0,0001
2
0
0
Patients à risque (n)
Oui
7 397
Non
12 156
*Service de diabétologie-endocrinologie et nutrition, groupe hospitalier
Bichat-Claude Bernard, Paris
6
7 234
11 805
12
Suivi (mois)
6 848
10 979
18
24
6 119
9 769
3 340
5 808
Figure 1. Courbes de survie à 2 ans chez les diabétiques en prévention secondaire du registre REACH (Reduction
of Atherothrombosis for Continued Health), en fonction de l’utilisation ou non de metformine à l’inclusion.
12 | La Lettre du Cardiologue • n° 437 - septembre 2010 CONGRÈS
RÉUNION
Fonction rénale à l’inclusion
Metformine
Oui
n/N
Non
n/N
HR
ajusté
p
0-30
14/118
90/455
1,06
0,890
30-60
86/1,572
336/3,888
0,64
0,003
60+
188/4,442
379/6,326
0,89
0,302
Clairance (ml/mn)
0,5
1,0
En faveur de la metformine
1,5
Test d’interaction : p = 0,12
Figure 2. Risques relatifs de mortalité associés à la metformine en fonction de la clairance estimée de la créatinine
(formule MDRD) à l’inclusion dans le registre. Aucune interaction significative entre traitement et sous-groupes définis
sur la clairance n’est observée.
“Late Breaking Clinical Studies” du congrès de l’ADA
2010 (American Diabetes Association) à Orlando a
été l’occasion de présenter les résultats sur cette
question obtenus à partir du vaste registre REACH
(Reduction of Athero­t hrombosis for Continued
Health). Ce registre a pour objectif principal de
mieux évaluer et d’améliorer la prise en charge des
accidents cardiovasculaires majeurs et des facteurs
de risque associés à l’athérothrombose. Il inclut plus
de 67 000 patients répartis dans 44 pays et couvre
ainsi 6 régions du globe : l’Amérique latine, l’Asie,
le Moyen-Orient, l’Australie, l’Europe et l’Amérique
du Nord. L’étude REACH implique la participation
de plus de 5 000 investigateurs, des médecins
généralistes et spécialistes, en ville ou à l’hôpital.
Il s’agit du registre multinational de patients à risque
cardiovasculaire élevé le plus important et le plus
étendu géographiquement. Nous avons comparé,
au sein de REACH, chez près de 20 000 diabétiques
suivis pendant 2 ans et ayant déjà présenté un
événement cardiovasculaire, la mortalité toutes
causes selon que les sujets recevaient ou non de la
metformine à l’inclusion dans le registre : à 2 ans, les
taux de mortalité étaient respectivement de 6,3 %
(IC 95 : 5,2-7,4 %) et de 9,8 % (IC 95 : 8,4-11,2 %),
correspondant, après ajustement sur les autres
facteurs pronostiques classiques et sur un score
de propension afin de limiter le biais de confusion
par indication, à une réduction de la mortalité de
24 % associée à la metformine (IC95 : de 11 à 35 %,
p < 0,001) [figure 1]. De plus, cette réduction de
la mortalité se retrouvait aussi chez des patients
pour lesquels la metformine est souvent évitée,
à savoir les diabétiques avec antécédent d’insuffisance cardiaque, âgés de 65 à 80 ans, ou en
insuffisance rénale modérée (clairance de la créatinine estimée entre 30 et 60 ml/mn) [figure 2].
La réduction de la mortalité était retrouvée quelles
que soient les combinaisons thérapeutiques, en
particulier que le sujet reçoive ou non de l’insuline.
C’est une révolution qui doit s’opérer dans l’esprit
des prescripteurs vis-à-vis de la metformine : en
effet, parmi ces 20 000 diabétiques en prévention
secondaire, seulement 40 % recevaient cette molécule. Comme ce sont précisément ces patients qui
ont les taux de complications et de mortalité les
plus élevés, puisqu’ils sont les plus “fragiles”, la
réduction en valeur absolue de la mortalité peut
être considérable. Il s’agit d’une hypothèse qui doit
logiquement être testée, maintenant, dans un essai
thérapeutique randomisé contrôlé. On saura alors,
comme le suggère cette étude observationnelle de
grande envergure, s’il y a réellement un bénéfice
associé à la metformine en termes de mortalité
chez les diabétiques en prévention cardiovasculaire
secondaire, et ce, y compris dans des sous-groupes
souvent récusés, peut-être à tort, pour cette option
thérapeutique.
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La Lettre du Cardiologue • n° 437 - septembre 2010 | 13 
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