MASTER STRATEGIES INTERNATIONALES ECONOMIQUES ET FINANCIERES MARCHES FINANCIERS INTERNATIONAUX ET CRISES DE LA GLOBALISATION FINANCIERE Séminaire 3: La crise de la zone euro. Défiance des marchés et défaut de gouvernance macroéconomique Janvier 2014 André CARTAPANIS Professeur à l’IEP d’Aix-en-Provence GREDEG, CNRS-Université de Nice Sophia Antipolis CHERPA, IEP d’Aix-en-Provence Cercle des économistes 1 Quelques constats liminaires à propos du caractère multiforme de la crise de la zone euro : Certes, d’abord -> crise de la dette souveraine grecque, puis, selon un scénario comparable mais un peu mieux maîtrisé, en Espagne, au Portugal, en Italie… Mais aussi -> risque d’éclatement de la zone euro, et donc de l’union monétaire, avec scénarios de sortie de la zone euro pour la Grèce, l’Espagne, l’Italie… Et aujourd’hui, -> crise réelle, car la zone euro est entrée en récession avec explosion concomitante du chômage, même si, sur les marchés financiers, le calme est revenu, mais précaire… La crise de la zone euro, c’est donc tout cela, et la question posée ce soir est celle des causes d’une telle situation : conséquence d’un défaut de conception et/ou sanction d’une série d’erreurs de politique économique, il est vrai dans le contexte macroéconomique mondial extrêmement dégradé, et difficile à piloter, après une crise financière systémique à l’échelle mondiale ? • Mais auparavant, un rapide retour en arrière s’impose à propos de 2 la création de l’euro, puis s’agissant du scénario de crise Le contexte : de la création de la zone euro à la crise de l’endettement souverain en Europe La mise en œuvre de l’UEM : de Maastricht à l’euro, en 1999 o Quels fondements de la zone monétaire européenne aux yeux des responsables politiques européens ? : efficience micro, stabilité macro, indépendance externe o Le recours aux théories des zones monétaires optimales ? o La reconnaissance du triangle des incompatibilités ? o Politique monétaire indépendante o Taux de change fixes o Mobilité parfaite des capitaux o Le débat théorique sur la convergence, ex ante ou ex post : de Frankel & Rose (endogénéité de la convergence) à Krugman (risque de polarisation et d’hétérogénéité accrue)… Fin des années 2000, le choc systémique de la crise financière mondiale : de la grande récession à la reprise de l’été 2009 3 Le déroulement de la crise de la zone euro : 2009-2012 o Le déclenchement de la crise grecque à l’automne 2009 o La contagion et l’explosion des spreads souverains, en 2010, et surtout en 2011 o L’aggravation de la situation: printemps 2010, printemps 2011, février 2012… o La rue gronde à Athènes, à Madrid… o La France, l’Allemagne, et même l’économie mondiale contaminées par la crise… o Illustration graphique : la récession dans la zone euro en 2012… 4 5 6 Un constat liminaire accablant : les gouvernements européens ont « réussi » à transformer une crise locale, celle de l’endettement souverain grec, de faible taille à l’échelle européenne (déficit budgétaire de 20 milliards d’euros, avec faible part de la Grèce dans le PIB de la zone euro (2%)) en une crise systémique Avec : o inquiétudes sur la viabilité de la zone euro o contagion de la crise grecque et des hausses de spreads souverains vers Portugal, Espagne, Italie o entrée en récession de l’ensemble de la zone euro, ce qui n’est pas le cas des Etats-Unis, pourtant exposés aux mêmes contraintes, et qui risque d’atteindre, par contagion et par le jeu des interdépendances de conjonctures au sein de la zone euro, la France et même l’Allemagne ! 7 8 9 Comment expliquer cette situation ? Trois sources d’explication : Conséquence de la crise financière mondiale qui démarre en 2008 aux Etats-Unis et qui a contaminé l’économie mondiale Produit des politiques économiques et des conditions de gestion de la crise de l’endettement souverain au sein de la zone euro depuis 2010 et surtout en 2011 et 2012 Résultante d’un défaut de conception de l’Union monétaire : absence de PDR des Etats et aucun mécanisme d’ajustement des déséquilibres croissants issus de l’hétérogénéité de la zone euro 10 Retour sur la période d’avant-crise De bonnes performances macroéconomiques: Croissance mondiale : environ 4,5% Croissance de la zone euro :environ 2% Mais de nombreuses fragilités : Bulles sur prix d’actifs, immobiliers, actions… Concurrences accrues de la part des émergents, inégalités croissantes Surendettement privé, et pour certains pays, surendettement public, favorisés par des taux d’intérêt réels très bas Dynamique procyclique du crédit Et après création de la zone euro, forte appréciation de l’euro, et très forte hétérogénéité des dynamiques macroéconomiques 11 12 Tout cela s’est brutalement interrompu avec crise bancaire (août 2007 et surtout septembre 2008), après la faillite de Lehman Brothers, puis extension mondiale via multiples canaux : Effondrement des marchés d’actifs Contagion de la crise bancaire, d’illiquidité puis d’insolvabilité Et très violente récession fin 2008, jusqu’en août 2009 (- 8% du PIB mondial en données trimestrielles, effondrement du marché automobile et du CI) Car conséquences multiples de la crise financière sur la sphère réelle, provoquant une violente récession : Désendettement des ménages, des banques et des entreprises Hausse des taux d’épargne Credit crunch Défiance généralisée et chute de l’investissement 13 14 Mais face à la crise, réaction massive et efficace des Etats et des Banques centrales : BC : injections de liquidités, par centaines de milliards d’euros ou de dollars Etats : recapitalisations, stabilisateurs automatiques, politiques de soutien de la demande (prime à la casse pour l’automobile, Grand emprunt…) Et donc très fort soutien de l’activité économique par la demande publique, se substituant à la demande privée (consommation des ménages, investissement des entreprises, et aussi exportations) Du coup, la croissance est de retour dès l’automne 2009 et donc en 2010. 15 16 Or, la crise n’était pas du tout terminée : Banques fragiles Croissance fragile, car liée au soutien de la demande publique Pas de nouveau régime de croissance, ayant succédé à la croissance dopée par le crédit d’avant la crise Et restait l’addition, du côté des Etats, avec explosion des déficits budgétaires et du stock de dettes souveraines Mais dans ce contexte difficile, seule la zone euro va se retrouver dans une nouvelle crise financière et réelle, en réponse à deux chocs, d’ailleurs très liés, justifiant l’hypothèse d’une gestion politique calamiteuse : La crise de la dette souveraine en Grèce, très mal gérée Les politiques de consolidation budgétaire, beaucoup plus marquées dans la zone euro qu’elles ne le furent dans le RDM D’où l’hypothèse d’une crise de l’euro issue d’une série d’erreurs de politique économique 17 Une série d’erreurs de politique économique ? Parler d’erreurs de politique économique, c’est se référer à la fois à la gestion de la crise de la dette souveraine et au mode de pilotage macroéconomique, surtout sous le volet politique de consolidation budgétaire, pendant cette période Gestion de crise : des atermoiements et changements de cap incessants et des Sommets de la dernière chance à répétition; des appuis financiers apportés à la Grèce, mais au terme de discussions interminables, et avec un retard considérable : les dernières hésitations, encore, fin novembre 2012, sur le versement des tranches d’aide financière et report des décisions; une vingtaine de Sommets de la dernière chance ayant totalement désorienté les marchés, ayant provoqué une forte hausse des taux d’intérêt, ayant placé les économies européennes, pas seulement au Sud, dans une spirale infernale expliquant la récession en 2012 18 Au départ, BCE, France, et autres pays membres hors Allemagne : refus du défaut grec, refus de l’appel au FMI, et favorables à un renflouement européen Allemagne : plutôt favorable à un défaut organisé, pour punir la Grèce et les créanciers privés -> les banques… pour leurs comportements aventureux et excessivement risqués, et interdiction réitérée à la BCE, pour des raisons juridiques (clause de « no bail-out », de non-renflouement des Etatsmembres, selon Statuts BCE et donc dans Traité de Maastricht) et de doctrine (effets inflationnistes), et donc favorable, du bout des lèvres, à des soutiens publics, seulement bilatéraux, et à des taux punitifs L’Allemagne et Angela Merkel : l’obsession de l’inflation par monétisation de la dette publique et du respect des textes régissant la BCE, plus l’attachement extrême à la discipline et à la stabilité financière, par crainte de l’aléa moral, et affichage rigide de tels principes sous la surveillance de l’opinion publique, de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe qui doit vérifier le respect des droits fondamentaux et la séparation des pouvoirs, ce qui inclut le respect des 19 prérogatives de la BCE. C’est la traduction de l’ordo-libéralisme allemand : L'État a pour responsabilité de créer un cadre légal et institutionnel pour l'économie, et de maintenir un niveau sain de concurrence et de stabilité monétaire et financière L'État a donc un rôle d'« ordonnateur » de l’économie de marché, et le pilier central de l'ordo-libéralisme est une division du travail clairement définie entre acteurs : o la politique monétaire est sous la responsabilité d'une BC à l'abri du pouvoir politique, dévouée à la stabilité monétaire et à une faible inflation; o la politique budgétaire doit impérativement assurer l’équilibre des finances publiques, sous l’autorité du gouvernement; o et la fixation des salaires et des conditions de travail est partagée entre les employeurs et les syndicats 20 Et dans ce cadre, la faillite de la Grèce serait salutaire : => logique punitive, pour l’exemple !!! D’où une opposition de principe de l’Allemagne à un renflouement massif (la Grèce paiera…) avant de s’y résigner sous la pression des marchés, des autres membres de la zone euro, du FMI, des Etats-Unis ! Et tout récemment encore, il y a deux jours, changement de cap explicite : Angela Merkel prête à envisager un nouvel abandon de créances, du côté des créanciers publics, pour alléger le fardeau de la crise en Grèce Dès 2010, la France et autres pays de la zone avaient défendu de tels principes mais ils avaient du se conformer à la position allemande; et cela jusqu’à l’été 2012 et au changement de cap de la BCE sous l’impulsion de Mario Draghi, malgré le vote négatif de la Bundesbank 21 La BCE : très attachée à son mandat (pas d’intervention directe sur la dette publique et maintien de l’inflation), mais en même temps, refus du défaut d’un Etat-membre, par crainte du cataclysme (J.C. Trichet) de la contagion et de l’atteinte portée à la crédibilité de la zone et de la BCE. En fait, avant 2012, la BCE a quelque peu dérogé à ces principes, mais sans le dire explicitement, au terme de conflits internes (démission de deux membres allemands du Directoire, Axel Weber et Jürgen Stark, le Chief Economist dont l’un était promis à la succession de J.C. Trichet,) et donc en rachetant de la dette publique sur le marché secondaire, tout en jouant pleinement son rôle de PDR auprès des banques privées, à guichet illimité avec collatéraux moins exigeants et à des taux proches de zéro 22 Cependant, en 2011 et 2012, avancées sur le plan institutionnel avec la création du FESF (Fonds européen de stabilité financière, avec 440 milliards d’euros utiles, et financement à 85% par Allemagne et France), puis du MES (Mécanisme européen de stabilité), mais avec des moyens assez faibles, que l’on a envisagé d’accroitre avec les émergents, le FMI, ou en transformant le MES en institution éligible aux refinancements de la BCE…, sans succès Depuis juillet 2011, mobilisation du FESF avec des taux bas (Irlande, Portugal, Grèce…), et courant 2012, déblocage dans la douleur des tranches d’aides à la Grèce, au Portugal, et offre d’appuis financiers à l’Espagne Et décisions du 9 décembre 2011, Traité et règle d’or, mais à la fois discutable dans les principes, et en tout état de cause pour prévenir de futures crises, et pas du tout la crise en cours, au-delà de la nécessité de rassurer les marchés : erreur d’agenda… Et en septembre 2012, changement de cap de la BCE sous l’impulsion de Mario Draghi… 23 Pourquoi une gestion de crise, dans la zone euro, aussi laborieuse ? Pourquoi un tel scénario ? L’organisation institutionnelle de l’UEM n’avait pas prévu de réponse à une crise de cette nature et de cette ampleur, et, pire encore, avait interdit tout financement direct de la BCE au bénéfice des Etats, même en temps de guerre Du déclenchement de la crise grecque, en septembre 2009, jusqu’à aujourd’hui, véritable bras de fer politique et multiples divergences d’appréciation, conduisant à l’adoption de compromis boiteux, et évolutifs, qui ont profondément désorienté les marchés, ont provoqué de fortes hausses des taux d’intérêt, amplifiées par des comportements spéculatifs et des mouvements de panique, et au final ce type de pilotage a aggravé la crise 24 De fait, l’Allemagne semble avoir voulu tirer profit de la crise pour asseoir sa vision de l’UEM, avec des contraintes budgétaires beaucoup plus drastiques, une discipline de fer, face aux excès et au manque de détermination politique des autres Etats en matière de finances publiques Et en même temps, côté allemand, refus de véritables avancées sur la voie de l’intégration renforcée : pas de fédéralisme budgétaire, pas d’euro-bonds, pas de modification du mandat de la BCE, sur le modèle britannique ou américain, et refus d’un plan de soutien européen à la croissance, proposé par J. Delors ou H. Schmidt, puis F. Hollande et M. Monti Et donc, la thèse qui s’est imposée sous le leadership allemand est qu’il fallait impérativement, malgré la crise (mais les allemands diraient à cause de la crise) commencer par réduire cet endettement avant toute chose, et en interdire définitivement la réapparition (règle d’or du 0,5%, hors cycle, érigée en principe constitutionnel). 25 • Or, sans doute en dehors du cas grec, cette analyse est éminemment discutable et elle paraît totalement inadéquate dans le contexte de crise des années 2008-2012 ! • Pourquoi ? • Parce que en dehors du cas spécifique de la Grèce, la hausse de l’endettement public s’explique avant tout par le rebond, du côté des Etats, de la crise bancaire de 2008-2009, de la récession qu’elle a provoquée et des politiques menées pour en atténuer les conséquences (cas emblématique de l’Espagne et de l’Irlande). • Et cela ne concernait pas seulement la Grèce, pas seulement les pays européens, mais l’ensemble des pays développés touchés par la crise financière internationale de l’automne 2008 26 27 Mais pourquoi une telle aggravation des déficits budgétaires et, donc, une très forte hausse de l’endettement souverain ? Coût des recapitalisations des banques (Irlande, RU, USA…) Subventions ou dépenses fiscales pour soutenir la demande (exemple: prime à l’achat dans l’automobile) Jeu des stabilisateurs automatiques en phase de récession (hausse des dépenses sociales, réduction des recettes liée à la stabilisation voire à la baisse du pouvoir d’achat ou à l’atonie de l’activité…) Et politiques discrétionnaires de relance de l’offre compétitive du type Grand emprunt en France Et cela pour tous les pays industriels, et pas seulement dans la zone euro 28 D’où, sous la pression allemande, un nouveau choc, lié au précédent : la mise en place de politiques de consolidation budgétaire ou de rigueur, avec, selon les pays, forte hausse des impôts ou forte diminution des dépenses publiques, pas seulement en Europe Car l’endettement souverain avait explosé dans l’après-crise et crainte de non-soutenabilité du côté des gouvernements ou de la BCE Car peur du scénario à la grecque avec la hausse des spreads qui s’accentue et s’étend Dans un contexte où pour beaucoup (A. Merkel et l’Allemagne), la crise apparaît encore comme une crise spécifiquement grecque, sans gravité… Avec sous-estimation du risque considérable pour la croissance Et dans la zone euro, sans aucun accompagnement monétaire de la part de la BCE, contrairement à la Fed, à la BOE, à la BOJ… 29 Et l’on a donc engagé, en Europe, des politiques de consolidation budgétaire, malgré les risques pour la croissance Au-delà des atermoiements et des retards dans le renflouement ou le défaut partiel de la Grèce, cette conversion générale aux politiques de consolidation budgétaire ou de rigueur en Europe, alors même que la situation de crise n’était pas résorbée (désendettement, forte défiance et atonie de la consommation et de l’investissement, taux d’épargne élevé ; fragilité au sein des bilans bancaires…), constitue une lourde erreur de politique économique, qui a créé des effets de contagion, via les spreads et la perte de confiance, vers toute la zone euro, et via le ralentissement de l’économie européenne, voire l’entrée en récession, vers toute l’économie mondiale. Et cela de façon beaucoup plus intense que parmi les autres pays industriels, USA ou GB, où, en outre, les BC rachetaient de la dette publique et, donc, parvenaient à maintenir des taux d’intérêt plus bas sur l’endettement souverain 30 31 Car l’ajustement a été drastique au niveau de la diminution des déficits budgétaires, réduits de façon massive, avec des effets multiplicateurs (non pas de 0,5 mais de 1,4 à 1,7), tous ensemble, en 2011/2010 par exemple : o Irlande : 3,5% o Portugal : 3,3% o Espagne : 3% o Grèce : 2,5% o Finlande : 2% • C’est tout cela que les marchés et les agences de notation ont sanctionné, par la hausse des spreads, par les dégradations, compte tenu des politiques menées, autant dans la gestion de la crise souveraine de la Grèce que dans les politiques macroéconomiques de consolidation budgétaire menées depuis 2010. Il suffit de lire les éditoriaux du Financial Times ou de The Economist, ou encore les communiqués expliquant la dégradation de nombre de pays membres de la zone euro de la part de S&P ou de Moody’s qui condamnent l’austérité et l’incapacité à assurer une croissance minimale, sans laquelle le désendettement est 32 extrêmement difficile, voire impossible 33 34 35 36 37 Cette impuissance à gérer rapidement la crise grecque et l’engagement à cours forcé dans les politiques de consolidation budgétaire a eu des conséquences redoutables : Diffusion de la défiance et perplexité des marchés et des agences de rating, puis dégradation (perte du AAA) Contagion entre dettes souveraines ; Grèce, Irlande ; puis Portugal ; puis Italie: hausse des spreads Fragilisation accrue des banques et besoins de recapitalisation Doutes sur la viabilité de l’union monétaire Marchés interbancaires grippés et crainte d’une nouvelle crise bancaire, d’illiquidité ou d’insolvabilité… Crédit atone Ralentissement de l’activité économique et pour certains pays, entrée en récession 38 Cela a donc créé un énorme choc déflationniste, car consolidation budgétaire de tous les pays, en même temps, au sein de la zone euro, sans que la demande privée ait pris le relais, ni la consommation, ni l’investissement des entreprises Car climat d’inquiétude et climat des affaires qui n’incite pas à investir ou à consommer Banques se désendettent et diminuent la taille de leurs bilans, créant une atonie du crédit Epargne de précaution Et même l’Allemagne voit sa situation gravement menacée! Comparaison édifiante quant à l’implication de la Fed et de la BCE dans l’accompagnement monétaire des déficits budgétaires! 39 Et du coup maintien de taux d’intérêt prohibitifs dans les pays du Sud : Espagne, Italie, Grèce, Portugal… 40 41 42 43 44 45 Cet ajustement aurait été supportable, si deux conditions avaient été réunies : Si la demande privée (C et I, ou X) avait pris le relais de la demande publique. Or ce n’était pas le cas : désendettement, épargne de précaution élevée, crédit atone compte tenu des fragilités bancaires et des besoins de recapitalisation!!! Si les pays ayant plus de marge de manœuvre que les autres (Allemagne et Pays-Bas en Europe, Chine et émergents asiatiques au plan mondial), sous l’angle des situations budgétaires ou des balances courantes avaient, quant à eux, soutenu plus fortement la demande mondiale, y-compris du côté de la Chine avec un ajustement du TC. Or, tel ne fut pas le cas : très faible coordination des politiques macroéconomiques, au-delà de la mise en scène des différents Sommets du G20, notamment le Sommet de Cannes en novembre 2011, aucune action concertée sur les TC et même peur d’une guerre des monnaies, et donc climat d’ensemble qui se dégrade à partir de l’été 2011 et surtout en 2012! 46 Du coup, spirale infernale ou cercle vicieux : Consolidation budgétaire -> ralentissement de la croissance et même récession pour certains -> renforcement des exigences de consolidation budgétaire, mais rendu plus difficile si la croissance est faible (typiquement le scénario grec ou italien) Risque de dégradation accrue des dettes publiques et hausse des spreads, avec ou pas dégradation des notations -> fragilisation des banques et atonie du crédit -> la croissance s’affaiblit à nouveau et la consolidation budgétaire y contribue… C’est le scénario à la grecque! L’exemplarité de cette spirale infernale dans le cas de la Grèce en quelques tableaux ou graphiques… 47 48 49 50 51 C’est pour cela, on l’a vu plus haut, que les agences de notation, Standard and Poors, ou Moody’s, ont dégradé la plupart des pays européens, dont la France : doutes sur la pertinence et les chances de réussite de la stratégie macroéconomique et financière de la zone euro : politique économique trop marquée du côté de la consolidation budgétaire et pas assez du côté du soutien de la demande, dans un contexte de fragilité marquée des banques européennes ! Même analyse du FMI et de Christine Lagarde depuis l’été 2011 et dans les derniers WEO, n’étant plus ministre des finances mais DG du FMI, et on l’a vu lors des derniers épisodes, fin novembre 2012, au sein de l’eurogroupe à propos du déblocage des tranches d’aide à la Grèce: FMI favorable à une nouvelle restructuration de la dette grecque et l’Allemagne opposée ! Mais changement d’attitude de l’Allemagne il y a quelques jours. 52 Mais en même temps cette crise a révélé des problèmes plus structurels quant à la zone euro, en rapport avec la question de la convergence ou de l’hétérogénéité o choc asymétrique lié à la politique allemande de modération salariale sur le dos des autres pays-membres, depuis 2002-2003 o forte hausse de l’euro depuis cette période, avec effets asymétriques o hétérogénéité croissante de la zone, sans mécanismes de rééquilibre ou de régulation à l’échelle de l’Union Et donc, pour beaucoup, la zone euro est une zone monétaire incomplète et inachevée et la crise de son mode de fonctionnement serait apparue, crise financière ou non, un jour ou l’autre 53 Difficile d’expliciter les mécanismes d’ajustement et de spécialisation en union monétaire qui ont renforcé l’hétérogénéité de la zone euro depuis 1999… Mais illustration du caractère massif de ce phénomène en observant quelques graphiques… 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 Au total, et pour conclure, on trouve à l’origine de la crise de la zone euro des erreurs récurrentes de politique économique, liées notamment à des divergences d’appréciation entre pays-membres, mais aussi un défaut de conception de l’union monétaire. Car la zone euro au moment de la crise grecque, à l’automne 2009, était : une union monétaire viable seulement par beau temps, et une union monétaire incapable de répondre à un risque de défaut souverain, faute de PDR et de mécanisme de soutien financier d’un Etat-membre Et la difficulté est renforcée par l’hétérogénéité croissante de la zone euro et la nécessité, ce faisant, du fédéralisme budgétaire et de nouvelles institutions de gouvernance économique (Traité budgétaire, Union bancaire…) 65 Mais les défis d’un tel approfondissement de l’union monétaire en temps de crise sont nombreux Comment, en même temps, gérer l’urgence liée à la crise et à la récession, et construire de nouvelles règles pour consolider l’union monétaire dans l’après-crise ? Si ces questions sont techniques, relèvent de l’analyse économique, mais elles sont aussi éminemment politiques : au-delà des modalités du fédéralisme monétaire, budgétaire, bancaire…, cela => abandons de souveraineté et donc nécessité d’un projet collectif, celui d’une fédération ! Pour Jacques Delors, l’un des pères fondateurs de la monnaie européenne, l’Union monétaire était aussi un projet politique de nature à permettre un approfondissement de l’intégration économique en Europe. Aujourd’hui, les défis issus de la crise de l’endettement souverain et les exigences d’un approfondissement de l’union monétaire européenne font de ce projet politique un impératif économique 66