Détermination du taux de change fondamental du Franc CFA dans la CEMAC Determination of the fundamental exchange rate of the CFA Franc in the “CEMAC” Abstract: This paper empirically investigates the relationship between the Real Effective Exchange Rate (REER) and its fundamentals in the ”CEMAC” in order to measure the misalignment of the ”CFA franc”. The Equilibrium approach is based on the Behavioral Equilibrium Exchange Rate (BEER) proposed by Clark and MacDonald (1998). We use successively unitroot tests of Levin and Lin, and Im, Pesaran and Shin; cointegration tests of Johansen and Westerlund and find strong evidence of the existence of long-run relationship between the REER and its fundamentals. The model is estimated using the Dynamic Ordinary Least Squares (DOLS). The results obtained indicate a tendency towards overvaluation of real exchange rates in the five last years (2005-2010). Keywords: BEER, CEMAC, Cointegration, DOLS, EER, REER, misalignment, panel, unitroot Résumé: Cet article étudie empiriquement le rapport entre le taux de change d’équilibre réel (TCER) et ses fondamentaux dans la "CEMAC" afin d’évaluer le mésalignement du "franc de CFA". L'approche d'équilibre est basée sur le Taux de Change d'Equilibre Comportemental (TCEC) proposé par Clark et MacDonald (1998). Nous faisons successivement appel aux tests de racine unitaire de ; Levin et Lin, et Im, Pesaran et Shin ; les tests de cointegration de Johansen et de Westerlund qui mettent en évidence une relation de long terme entre le TCER et ses fondamentaux. Le modèle est estimé en utilisant les Moindres Carrés Ordinaires Dynamiques (MCOD). Les résultats révèlent une surévaluation du TCER cinq dernières années (2005-2010). Mots clés: TCEC, CEMAC, Cointégration, MCOD, TCER, Mésalignement, Panel, Racine unitaire -1- Sommaire 1. Introduction ....................................................................................................................... - 1 2. Le taux de change : une brève revue de la littérature ........................................................ - 1 2.1. Quelques concepts relatifs au taux de change ............................................................ - 2 2.2. Théories explicatives du taux de change .................................................................... - 3 2.3. Modèles de détermination des taux du change d’équilibre ........................................ - 4 2.4. Quelques évaluations empiriques ............................................................................... - 5 3. Spécification du modèle et méthodologie ......................................................................... - 7 2.1. Choix des variables explicatives ................................................................................ - 7 2.2. Formulation du modèle .............................................................................................. - 7 2.3. Tests de racine unitaire ............................................................................................... - 8 2.4. La notion de cointégration.......................................................................................... - 8 4. Evaluation empirique du taux de change fondamental du Franc FCFA ........................... - 9 4.1. Analyse de l'évolution des séries ................................................................................ - 9 4.2. Analyse de la stationnarité des séries et test de cointégration .................................. - 11 4.3. Estimation du modèle ............................................................................................... - 12 4.4. Calcul des taux de change fondamentaux ................................................................ - 13 5. Conclusion ....................................................................................................................... - 14 - -1- 1. Introduction Les crises de change les plus retentissantes des dernières décennies sont intervenues dans des contextes de taux de change fixe, si l’on définit cette catégorie au sens large. Ceci est vrai pour les crises à l’intérieur du mécanisme de change européen en 1992-1993, au Mexique en 1994-1995, dans les pays d’Asie du sud-est en 1997, en Russie en 1998, au Brésil en 1999, en Turquie en 2001. Dans ces épisodes, durant les années précédant la crise, la fixité du taux de change nominal ou sa dépréciation trop faible (en ce qui concerne les systèmes à parité rampante), avait conduit à une appréciation du taux de change réel, entraiınant une dégradation de la balance courante. Cette situation avait engendré la suspicion des investisseurs à l’égard d’une surévaluation éventuelle de la monnaie, déclenchant des sorties de capitaux spéculatives et infine une crise ouverte sur le marché des changes. Dans la zone franc, la détérioration des conditions économiques a abouti à la dévaluation du franc CFA en 1994. A la fin de l’année 2011, on est en droit de s’intérroger sur une éventuelle dévaluation du franc CFA en dépit des indicateurs assez rassurants (le taux de couverture extérieure de la monnaie est supérieur à 20 pour cent et le montant des réserves de change supérieur à 6000 milliards). Par ailleurs, la parité du franc CFA par rapport au franc français puis l’euro n’a pas été modifiée depuis 1994 en dépit d’un contexte économique amélioré. La théorie économique enseigne qu’une monnaie sous-évaluée permet d’accroitre la compétitivité des pays. C’est le cas par exemple de la Chine qui est accusée de maintenir le niveau du Yuan artificiellement bas. Par ailleurs, la sur-évaluation d’une monnaie sur une longue période conduit inéluctablement à une crise de change, particulièrement en régime de change fixe. Cela suscite une question: le franc CFA est-il sur-évalué? Sous-évalué ? L’objectif du présent travail est de déterminer le taux de change d’équilibre fondamental des pays de la CEMAC. En effet, la mesure d’une sur-évaluation ou d’une sous-évaluation n’est possible que si l’on connait le niveau du taux de change d’équilibre. Plus spécifiquement, il sera question de calculer le taux de change effectif réel, d’estimer une fonction du taux de change effectif réel, de déterminer le taux de change réel, de procéder à une comparaison spatiale et temporelle de l’évolution du taux de change effectif réel dans la CEMAC. L’hypothèse de notre étude est que le taux de change effectif réel dans la CEMAC dépend des variables explicatives fondamentales de l’économie. Afin de mener à bien cette étude, l’approche méthodologique sera basée essentiellement sur l’analyse des données de panel. L’avantage d’une telle démarche est qu’elle permettra de tester l’homogénéité des comportements du taux de change en fonction des variables fondamentales retenues. Par ailleurs, cette méthode permet de résoudre les problèmes liés à la faible longueur de chroniques disponibles. La méthode de panel abordée ici concerne l’analyse de la stationnarité et de la cointégration sur données de panel ainsi que des méthodes d’estimations sur données de panels. Le reste du document est organisé en quatre sections. Dans la section 2, nous présentons une revue de la littérature théorique et empirique du taux de change. Ensuite, la section 3 est consacrée à la présentation de l’approche méthodologique retenue. L’évaluation empirique du taux de change fondamental dans les économies de la CEMAC proprement dite fait l’objet de la section 4. Enfin la section 5 conclut. 2. Le taux de change : une brève revue de la littérature Les théories explicatives du taux de change font l'objet d'une vaste littérature théorique et empirique. Dufrenot et al. (1994) offrent une intéressante revue de la littérature en distinguant les approches statiques d'une part et les approches dynamiques d'autre part. Les -1- approches statiques cherchent à comprendre les facteurs qui influencent l'équilibre du marché des changes. Il s'agit des approches traditionnelles (conditions de parité, modèle de MundellFleming...). Par contre, les approches dynamiques expliquent l'évolution du taux de change au cours du temps. Cette section présente une revue de la littérature non exhaustive du taux de change en deux moments. Après avoir défini quelques concepts relatifs au taux de change nous présentons ces différentes théories explicatives du taux de change, et quelques études empiriques. 2.1. Quelques concepts relatifs au taux de change De manière générale, le taux de change désigne le prix d'une monnaie (nationale) en une autre (devise). Il peut être appréhendé de plusieurs manières. Le taux de change nominal est le prix d'une monnaie exprimée en une autre monnaie. C'est le nombre d'unités monétaires que l'on peut obtenir en échange d'une unité d'une autre monnaie. Le taux de change nominal ou courant, que constate le marché des changes, est côté de deux façons, au certain et à l'incertain. Le taux de change au certain est le nombre d'unités de monnaie étrangère que l'on peut obtenir avec une unité de monnaie nationale. Le taux de change à l'incertain est le nombre d'unités de monnaie nationale qu'il faut fournir pour avoir une unité de monnaie étrangère. La définition du taux de change nominal ne reflète pas les différences de pouvoir d'achat qui existent entre les monnaies. Pour cela, il faut calculer un taux de change réel qui permette de comparer les prix des biens entre deux pays. On appelle taux de change réel (TCR) le taux de change nominal entre deux monnaies déflaté des prix. Plusieurs calculs du TCR sont possibles. On peut calculer le TCR sur la base des prix relatifs à la consommation, ou à partir des termes de l'échange internationaux, ou encore sur la base des termes de l'échange internes. Ainsi, nous avons les trois définitions suivantes du TCR: Où et désignent les prix des biens échangeables et des biens non échangeables. Le Taux de change effectif désigne taux de change moyen d'une monnaie avec un ensemble de devises. En effet, au cours d'une même période, une monnaie peut s'apprécier par rapport à certaines devises et de déprécier par rapport à d'autres. En outre, pour un pays, les différentes devises n'ont pas la même importance. Ainsi, le taux de change effectif est une moyenne pondérée (par le poids de chaque pays dans le commerce extérieur du pays concerné) des taux de change bilatéraux. On peut également calculer un taux de change effectif réel (TCER), moyenne pondérée des TCR bilatéraux (entre les monnaies prises deux à deux). Le taux de change au comptant est le taux de change utilisé dans les opérations de change au comptant ; c'est celui qui a été défini ci-dessus, appelé aussi taux nominal ou taux courant. Le taux de change à terme est le taux de change négocié à une date donnée pour une livraison future de marchandises et toute opération de change à terme entre deux devises. Le taux de change d'équilibre désigne dans la présente étude le taux de change déterminé par les fondamentaux d'une monnaie (CFA). Les fondamentaux étant les variables qui ont un lien de causalité avec ladite monnaie. -2- 2.2. Théories explicatives du taux de change Cette sous-section présente quelques théories explicatives du taux de change. 2.2.1. Théorie de la Parité du Pouvoir d'Achat (PPA) Selon la PPA, le taux de change bilatéral entre deux monnaies est déterminé par le rapport des pouvoirs d'achat interne des deux monnaies considérées. Il assure l'égalité des pouvoirs d'achat entre les deux monnaies. Avec une certaine quantité de monnaie d'une zone donnée, un agent économique doit pouvoir se procurer un même panier de biens dans la zone et hors de la zone, une fois la monnaie convertie. C'est la loi du prix unique. On distingue deux versions de cette théorie: une version absolue et une version relative. La PPA absolue est la transposition au niveau macroéconomique de la loi du prix unique, qui concerne des biens individuels. Elle stipule que le niveau général des prix doit être le même dans tous les pays quand il est exprimé dans la même monnaie, ou encore que le taux de change réel doit être égal à un: où désignent respectivement les niveaux des prix dans le pays et à l'étranger; les taux de change nominal et réel. Cette condition résulte de l'arbitrage entre biens étrangers et biens nationaux qui est supposé prévaloir sur des marchés parfaitement concurrentiels. La PPA relative s'intéresse aux variations plutôt qu'au niveau du taux de change. Elle modifie la loi du prix unique et permet d'expliquer des situations où les prix étrangers et nationaux ne sont plus égaux qu'à une constante près: où k représente l'écart constant entre les prix. Les modifications du taux de change nominal permettent de maintenir le taux de change réel k à une valeur constante qui n'est plus forcément l'unité. 2.2.2. Approche par les élasticités Dans ce type d'approche, les fluctuations du taux de change sont expliquées par les élasticités des fonctions de demande d'importation et d'exportation. Les hypothèses de cette approche sont les suivantes: H1: L'économie est constituée de deux secteurs. L'un produit des biens et services échangeables et l'autre, des biens et services non échangeables. Leurs prix, libellés en monnaie nationale, ne dépendent pas du taux de change (du moins à court terme). H2: La fonction de demande d'importation dépend du prix des importations exprimé en monnaie nationale , et celle d'offre d'importation , du prix des importations exprimé en monnaie étrangère . Leurs élasticités s'écrivent: H3 : De même, les fonctions de demande d'exportation et d'offre d'exportation , qui dépendent des prix des exportations exprimés respectivement en monnaie étrangère et en monnaie nationale, ont pour élasticités respectives : Les équilibres de la balance courante, des marchés d'importation et d'exportation s'écrivent: -3- Les fluctuations du taux de change S permettent d'assurer les trois équilibres. Ainsi, l'impact d'une augmentation exogène de la demande pour les biens exportés est obtenu en différenciant le système formé par les équations par: Il apparaît que la monnaie s'apprécie à la suite d'une hausse exogène de la demande de biens exportés si la condition de Bickerdike-Robinson-Metzler est vérifiée, c'est-à-dire: 2.2.3. Théorie de la Parité des Taux d'Intérêt (PTI) La PTI établit un lien entre le différentiel des taux d'intérêt, le taux de change et le taux de change anticipé. Selon que les agents se couvrent ou pas contre le risque engendré par la variation non anticipée du taux de change, on distingue deux versions de la PTI. 2.3. Modèles de détermination des taux du change d’équilibre 2.3.1. Approche de Williamson (FEER) Le Taux de Change d'Equilibre Fondamental (TCEF), en anglais Fundamental Equilibrium Exchange Rate (FEER), proposé par Williamson (1985) est le taux de change qui assure à moyen terme la réalisation simultanée de l'équilibre interne et de l'équilibre externe. L'équilibre interne est atteint lorsque le niveau de production permet le plein-emploi sans inflation. L'équilibre externe est défini comme la situation où le solde de la balance courante est soutenable. Le calcul des taux de change d'équilibre fondamentaux nécessite donc de connaître d'une part l'écart entre la production réalisée et la production potentielle (équilibre interne), d'autre part l'écart entre le solde courant observé et celui jugé « soutenable » (équilibre externe). Mais, la définition des deux références (croissance potentielle et le niveau « soutenable » de la balance courante) est loin de faire l'unanimité. Pour cette raison, cette approche est souvent qualifiée de normative. Certains auteurs préfèrent alors parler de DEER (Desired Equilibrium Exchange Rate) plutôt que de FEER. 2.3.2. Approche de Clark et McDonald (BEER) Le Behavioral Equilibrium Exchange Rate (BEER) proposé par Clark et McDonald (1998) rélève d'une approche exclusivement empirique qui a pour objet de produire une évaluation du taux de change d'équilibre qui soit dénuée de tout contenu normatif, d'où la qualification de Taux de Change d'Equilibre Comportemental. Cette méthodologie n'est pas fondée sur un modèle théorique explicite. La démarche consiste dans une première étape à identifier un ensemble de variables susceptibles d'influencer le taux de change en distinguant des fondamentaux de moyen et de long terme des influences conjoncturelles de court terme, et à estimer économétriquement une relation entre le taux de change et ces variables. La deuxième étape est l'identification de la valeur de long terme ou "soutenable" des fondamentaux. Celle-ci rélève elle même d'une estimation économétrique. Le taux de change d'équilibre est ensuite calculé à partir de la relation estimée du taux de change en injectant la valeur de long terme des fondamentaux et -4- en éliminant l'influence des variables de court terme. Enfin, on peut calculer le degré de mésalignement du taux de change. La surévaluation ou la sous-évaluation est la différence entre le taux de change courant et le taux de change d'équilibre. Elle résulte des effets de court terme et de l'écart entre le niveau effectif des fondamentaux et leur valeur de long terme. 2.3.3. Mesalignement du taux de change Les mesalignements du taux de change désignent les situations où le taux de change observé dévie de son niveau déquilibre. Selon le sens de cette déviation, on distingue la sousévaluation et la sur-évaluation du taux de change. Lorsque le taux de change est côté au certain, la sous-évaluation désigne la situation où le taux de change observé est inférieur au taux de change d'équilibre. Dans ce cas, une appréciation nominale ou réévaluation est nécessaire pour restaurer l'équilibre. A l'inverse, la sur-évaluation désigne la situation où le taux de change est supérieure à son niveau d'équilibre. Dans ce cas, une dépréciation ou une dévaluation restaurent l'équilibre. 2.4. Quelques évaluations empiriques D'innombrables études empiriques ont été réalisées en vue d'analyser les taux de changes dans diverse pays. Ici nous présentons quelques études empiriques hors de la zone CFA et en zone CFA Cas du Maroc Dans l'étude de El Bouhadi et al (2010), les auteurs analysent l'impact de la politique de change sur l'économie réelle au Maroc au travers d'un modèle empirique inspiré du BEER. Le modèle à correction d'erreur et une analyse des chocs par la méthode de la décomposition de la variance sont utilisés sur deux groupes de variables. Il s'agit des variables financières et des variables réelles à savoir l'indice du taux de change, la couverture des importations par les exportations, l'indice du prix à la consommation, l'indice des créances sur l'étranger, les réserves de change, la masse monétaire au sens large, la dette extérieure, et le taux d'escompte pratiqué par Bank Al-Maghrib. Les données vont du premier trimestre de l'année 1975 au troisième trimestre de l'année 2006. Les résultats montrent que la dynamique du taux de change au Maroc est déterminée par les termes de l'échange, les réserves de change, les créances à l'étranger et la dette extérieure. De même, en termes de fluctuations à court terme du taux de change et d'analyse des chocs, la dynamique de l'offre et de la demande du dirham semble déterminante, concluent les auteurs. L'étude de Gnimassoun (2012) Gnimassoun (2012) examine les mésalignements du franc CFA en se basant sur plusieurs fondamentaux économiques du taux de change effectif réel à savoir l'effet " BALASSA ", Les termes de l'échange, les dépenses de consommation publique, les transferts internationaux, le degré d'ouverture. Il utilise les techniques de la cointégration en panel pour estimer le taux de change d'équilibre du franc CFA selon l'approche BEER. Le modèle suivant est estimé: où LREER désigne le logarithme du taux de change effectif réel, LTOT représente le logarithme des termes de l'échange, LrGDP est le logarithme de la productivité relative mesurant l'effet Balassa-Samuelson, LEXPEND désigne le logarithme des dépenses publiques de consommation, LOPEN représente le logarithme du degré d'ouverture, LINVEST est le logarithme du taux d'investissement, mesure le terme d'erreur. Les coefficients représentent les paramètres à estimer. -5- Les données sont annuelles et vont de 1980 à 2009. Le panel d'étude est constitué de 12 pays de la zone CFA. La Guinée-Bissau pour l'UEMOA et la Guinée Equatoriale pour la CEMAC ne figurent pas dans le panel pour des raisons d'adhésion tardive aux Unions. Concernant les TCER, l'auteur part de la définition du taux de change réel couramment utilisée dans la littérature à savoir : où E est le taux de change nominal exprimé au certain (quand E augmente, le taux de change s'apprécie), P est l'indice des prix à la consommation domestique et est l'indice des prix à la consommation étranger. L'examen des mésalignements estimés du franc CFA révèle que la marge de manoeuvre de la zone CFA en termes de compétitivité prix s'est beaucoup réduite depuis 2002 avec l'appréciation de l'euro, jusqu'à devenir quasi nulle en 2009. Les estimations ont aussi mis en évidence une hétérogénéité des mésalignements de change entre les pays. Ainsi, si certains pays présentent une sous-évaluation de leur taux de change en 2009, la Côte d'Ivoire quant à elle a atteint un niveau de surévaluation comparable à celui observé en 1993. Selon les sources des mésalignements du franc CFA, l'auteur montre l'existence d'un impact significatif des mésalignements de la monnaie ancre (euro, Franc français) sur les mésalignements du franc CFA avec une influence plus importante pour le Franc français. L'étude de Gulde-Wolf et al.(2005) Dans une étude consacrée à l'analyse des mouvements du taux de change réel effectif vis-à-vis de sa valeur d'équilibre de long terme, Gulde-Wolf et al. (2005) appliquent l'approche fondamentale du taux de change effectif réel basée sur le BEER et la méthodologie de cointégration de Johansen. La spécification du modèle étant de la forme : où ln est le logarithme; REER le taux de change effectif réel, TTT les termes de l'échange, CGR les dépenses gouvernementales en part du Produit Intérieur Brut (PIB), PROD l'index du progrès technologique, BFDIR les flux de capitaux, et $ \varepsilon_t $ le terme d'erreur. Théoriquement, les termes de l'échange, le progrès technique et les flux de capitaux sont supposés avoir un effet positif sur le TCER, tandis que celui des investissements est supposé négatif. Cependant l'effet des dépenses gouvernementales exprimées en part de PIB ont un effet ambigu lorsque celles-ci sont faites dans les biens échangeables et nonéchangeables. Les données étaient constituées d'observations annuelles sur la période 1970 2004, et le modèle a été estimé avec des variables indicatrices pour capturer le break structurel de la dévaluation de 1994 et les "outliers". Premièrement, les analyses révèlent que les fluctuations du TCER augmentent avec les termes de l'échange, les dépenses publiques, les flux de capitaux. L'amélioration de la productivité tend à faire apprécier le taux de change alors que l'accroissement des investissements tend à le déprécier, ce qui corrobore la théorie. Deuxièmement, la comparaison du taux de change effectif réel à son sentier d'équilibre de long terme montre qu'il est d'abord surévalué avant 1994, ensuite sous-évalué entre 1994 et 2001 ; pour enfin s'apprécier continuellement à partir de 2001. Troisièmement les auteurs estiment que les déviations du taux de change effectif réel de son niveau d'équilibre sont dues aux facteurs temporaires et on s'attend à ce qu'il revienne à l'équilibre en l'absence de chocs futurs. Les études empiriques présentées ci-dessus permettent non seulement de faire un tour d'horizon de la littérature mais aussi d'édifier sur la spécification du modèle et la méthodologie. -6- 3. Spécification du modèle et méthodologie Le présent chapitre est consacré d'une part au choix du modèle adéquat pour estimer le degré de mésalignement du franc CFA dans la CEMAC, d'autre part à la présentation de la méthodologie d'estimation empirique. La première section est consacrée à la présentation du modèle théorique. La spécification est inspirée de la littérature théorique et des études empiriques. Le choix des variables explicatives du TCER est fait en distinguant les variables fondamentales des autres variables. La méthodologie est essentiellement basée sur des estimations sur données de panels. Aussi, les trois autres sections sont-elles consacrées à la présentation des tests de racine unitaire, des tests de cointégration et de la méthode d'estimation sur données de panels sur la période 1978-2010. 2.1. Choix des variables explicatives Au regard de la littérature empirique et théorique et des données disponibles, nous retenons les variables suivantes au titre de variables explicatives: la balance courante, le degré d'ouverture, les flux financiers, les dépenses publiques, la masse monétaire et le taux de croissance du Produit Intérieur Brut (PIB). Le degré d'ouverture dont il s'agit ici est le rapport de la somme des exportations et des importations sur le PIB. Les flux financiers désignent la somme des Investissements Directs Etrangers (IDE) et l'Aide Publique au Développement (APD). Le calcul du TCER consiste à déflater le taux de change nominal par les rapports des prix relatifs à la consommation domestiques et étrangers. On part des TCER à l'exportation et à l'importation définis respectivement par: Où désignent respectivement les indices de prix de consommation chez le partenaire à l'exportation (à l'importation)i; les poids du partenaire i dans l'exportation (importation) du pays dont on veut calculer le TCER; IPC l'indice des prix domestiques du pays considéré. Le TCER est alors obtenu comme une moyenne géométrique des TCER à l'exportation et à l'importation, les pondérations étant déterminées par les parts des exportations ou des importations dans l'ensemble du commerce extérieur. Pour calculer le TCER pour chaque pays de la CEMAC, nous utilisons les pondérations fournies par l'Agence Francaise de Développement.(AFD, 2010) pour les 10 principaux partenaires à l'exportation et à l'importation. 2.2. Formulation du modèle Nous postulons le modèle à équation unique suivant: où logtcer, balance, logflux, logouv, logmon, logdep, et croissance désignent le TCER, la balance courante, les flux financiers, le taux d'ouverture, la masse monétaire, les dépenses publiques, le taux de croissance du PIB. Ces variables sont exprimées en logarithmes sauf la balance courante et le taux de croissance du PIB. Le TCER est côté au certain. -7- Les données utilisées sont issues des publications de la Banque Mondiale (World Development Indicators 2011), de la Zone franc (rapports d'activités, Bulletins statistiques de la BEAC) et du FMI (International Financial Statistics, Statistics on Trade). Elles sont annuelles et couvrent la période de 1978 à 2010 soit 33 observations. En raison de l'insuffisance des données de la Guinée Equatoriale (les données disponibles allant de 1990 à 2010) due à son adhésion tardive à la CEMAC, celle-ci a été retirée du panel. 2.3. Tests de racine unitaire Les tests de racine unitaire administrés à des données de panel présentent plusieurs avantages par rapport à ceux sur séries temporelles. D'abord, l'application de ces tests permet de contourner la difficulté liée au manque de disponibilité de séries temporelles longues. Ensuite, ces tets sont nettement plus puissants que ceux administrés sur les séries chronologiques. Enfin, leurs distributions asymptotiques obéissent à des lois standard qui n'exigent donc pas de tables spéciales. Hurlin et Mignon (2005) offrent une synthèse de la littérature concernant les tests de racine unitaire en les classifiant en deux groupes: les tests de première génération qui reposent sur une hypothèse d'indépendance entre les individus et les tests de seconde génération qui intègrent diverses formes possibles de dépendances inter-individuelles. Nous ne présentons ici que les tests de première génération. Considérons un échantillon composé de N individus observés sur T périodes et supposons que la variable soit décrite de la façon suivante représente la spécificité individuelles qui est ici captée par un effet fixe. L'hypothèse nulle de racine unitaire s'exprime simplement de la façon suivante : Mais l'hypothèse alternative peut prendre plusieurs formes. Ainsi, Levin et Lin (1993) considèrent que les sont identiques d'un individu à un autre alors que Im, Pesaran et Shin (1997) relâchent l'hypothèse d'homogénéité des dans l'hypothèse alternative. 2.4. La notion de cointégration Parmi les notions spécifiques à la cointégration en panel figurent celles de cointégration intra et inter-individuelles, d'hétérogénéité ou d'homogénéité des paramètres des relations de cointégration et de la représentation à correction d'erreur et de dépendances interindividuelles. Soit observées pour un individu i = 1,..,N à la période t = 1,..,T. On dit qu'il existe une ou plusieurs relations de cointégration dans le vecteur $ x_{it}$, et on parle de relations de cointégration intra-individuelles si et seulement si il existe une ou plusieurs combinaisons linéaires des variables qui soient stationnaires. Mais, on peut supposer qu'il existe une ou plusieurs relations de cointégration faisant intervenir les variables de différents individus. On parle alors de relations de cointégration entre individus ou de relations de cointégration inter-individuelles. Supposons qu'il n'existe pas de relations de cointégration inter-individuelles et soit la matrice des vecteurs de cointégration intra-individuelle de l'individu i, alors on parle alors de relations de cointégration homogènes si Dans le cas contraire on parle de -8- relations de cointégration hétérogènes. Un modèle de cointégration homogène implique donc que les rangs de cointégration soient les mêmes pour tous les individus. Toutefois, dans la littérature, les tests de cointégration et les représentations VECM autorisant des relations de cointégration hétérogènes imposent généralement, eux aussi, une contrainte d'homogénéité sur le rang de cointégration. Ainsi, dans le cas d'un panel à relation de cointégration hétérogène, on suppose que tous les individus ont le même nombre de relations de cointégration mais que les paramètres des vecteurs de cointégration peuvent être différents d'un individu à l'autre. L’estimateur des moindres carrés dynamiques(DOLS). L’estimation par la technique DOLS consiste à inclure des valeurs avancées et retardées de xit dans la relation de cointegration, afin d’éliminer la corrélation entre les variables explicatives et le terme d’erreur. En pratique, la somme infinie est tronquée à une valeur relativement faible du nombre de retards et des avances et l'estimateur DOLS est obtenu simplement en estimant le modèle cidessus par les MCO. Il a la même distribution asymptotique que l'estimateur FM-OLS. 4. Evaluation empirique du taux de change fondamental du Franc FCFA Dans cette section, il est question d'évaluer empiriquement le niveau du taux de change d'équilibre fondamental pour chacun des pays de la CEMAC et d'analyser les écarts des taux observés à leurs niveaux d'équilibres (mésalignements). L'approche méthodologique retenue est celle du BEER car elle est positive et non normative comme celle du FEER. Pour atteindre nos objectifs, nous estimons les coefficients du modèle spécifié au chapitre précédent. Ces coefficients seront utilisés par la suite pour calculer les taux d'équilibre. Mais avant cela, il est convenable d'effectuer quelques analyses descriptives pour avoir une idée sur l'évolution du TCER et de ses variables explicatives. 4.1. Analyse de l'évolution des séries Figure 1 : Taux de Change Effectif Réel Les TCER pris en logarithme ont presque la même allure dans tous les pays de la CEMAC de 1978 à 2010. En effet ils commencent par décroître régulièrement à partir de 1980 puis suivent quelques fluctuations à la hausse. La dépréciation nominale (dévaluation du Franc CFA) du taux de change en 1994 a été accompagnée d'une dépréciation réelle de celuici. Trois grandes périodes peuvent caractériser ce taux de change. La période 1978 - 1984, la période 1985 - 1993 précédent la dévaluation, et la période 1994 – 2010 après la dévaluation. -9- Evolution des autres variables Les balances courantes présentent des évolutions disparates (en logarithme). En effet les unes sont presque toujours déficitaires (RCA, Cameroun) tandis que, les autres fluctuent autour de zéro. Les balances courantes du Cameroun et de la République Centrafricaine semblent moins volatiles par rapport à celles du Congo et du Gabon. Cette volatilité apparente de la balance courante des Etats de la CEMAC est inhérente à la structure de leurs échanges avec le reste du monde. En effet, ces Etats sont fortement dépendants des exportations de matières premières (pétrole, bois,...), produits pour lesquels ils sont " price-takers " sur le marché mondial ; ainsi leurs recettes et donc leurs balances courantes évoluent au gré des cours mondiaux de matières premières. On note une forte dégradation de la balance courante du Congo en 1994 et même en 2008 à cause de la crise. Cela montre à quel point ce pays dépend des exportations de matières premières notamment de pétrole. On peut noter que les flux financiers (en logarithme) sont positifs. Ils ont été calculés en rapportant la somme de l'aide au développement et des investissements directs étrangers au Produit Intérieur Brut. Ce qui traduit un apport de ressources et de capitaux aux pays de la CEMAC. Cependant les flux financiers présentent une forte volatilité. Celle-ci pourrait s'expliquer par le fait que ces pays sont " takers " de l'aide et des IDE et dépendent par conséquent des partenaires au développement. Les flux financiers ont fortement baissé au Tchad vers 2006. Il est difficile de trouver une explication à cette chute brutale mais il convient de noter que cela serait du probablement aux tensions survenues entre le Tchad et la Banque Mondiale qui se sont traduites par une suspension de l'appui de la Banque Mondiale. Les masses monétaires des pays de la CEMAC ont évolué de la même manière entre 1978 et 2010. On note globalement une baisse de la masse monétaire à la dévaluation de 1994 dans tous les pays à l'exception de la RCA. Les dépenses gouvernementales en générale semblent stables et constantes. Cependant le Cameroun présente une baisse drastique de 2007 à 2008. - 10 - 4.2. Analyse de la stationnarité des séries et test de cointégration Le test de Levin, Lin et Chu indique que les variables logflux, logouv et logdep possèdent une racine unitaire pour tous les pays alors que les autres variables sont stationnaires pour tous les pays. Comme nous l'avons mentionné au chapitre 2, ce test suppose l'homogénéité des coefficients de la racine autorégressive et il est nécessaire de compléter l'analyse de la stationnarité par le test IPS qui assouplit cette hypothèse et suppose une hétérogénéité inter-individuelle pour ce coefficient. Le test IPS permet d'obtenir les mêmes conclusions que le test de Levin et al. à la différence près que l'hypothèse nulle est désormais rejetée pour la variable flux. En d'autres termes, celle-ci est stationnaire pour certains pays. A cause de l'hypothèse d'homogénéité notamment sous l'hypothèse alternative, le test de Levin n'avait pas pu rejeté l'hypothèse nulle de racine unitaire du fait de la stationnarité de la variable flux pour certains pays. Lorsque l'on inclut le trend dans le modèle, le test LLC conclut que les séries logflux, logouv, logmon, et logdep sont I(1) et les autres stationnaires. Par contre, pour le test IPS, toutes les variables sont I(1) pour l'ensemble des pays à l'exception des variables balance, logflux et croissance, pour lesquelles il y a stationnarité dans certains pays. Lorsque l'on inclut le trend dans le modèle, le test LLC conclut que les séries logflux, logouv, logmon, et logdep sont I(1) et les autres stationnaires. Par contre, pour le test IPS, toutes les variables sont I(1) pour l'ensemble des pays à l'exception des variables $ balance, logflux e croissance, pour lesquelles il y a stationnarité dans certains pays. Test de cointégration Du fait de l'existence d'au moins deux variables qui sont I(1) pour l'ensemble des pays, donc pour au moins un pays, il est possible qu'il existe au moins une relation de cointégration intra-individuelle et le test de cointégration est ainsi justifié. Il n'en serait pas le cas si pour chaque pays, il existait au plus une variable I(1). Dans ce cas, il n y aurait que des relations de cointégration inter-individuelle. Avant d'effectuer un test de cointégration en panel, nous effectuons le test de Johansen par pays. Le test de la trace suggère deux relations de cointégration pour le Cameroun (pour chacun des 5 modèles). Pour le Congo, on obtient une relation de cointégration pour les trois premiers modèles et deux relations de cointégration pour les modèles avec tendance linéaire et tendance quadratique. Dans le cas du Gabon, le test indique deux relations de cointégration pour le modèle sans constante ni trend, trois relations de cointégration pour les deux modèles avec constante, sans trend; quatre relations de cointégration pour le modèle avec tendance linéaire et cinq relations de cointégration pour le modèle avec tendance quadratique. Pour la RCA, le test indique une relation de cointégration pour le modèle avec tendance quadratique et aucune relation de cointégration pour les autres modèles. Enfin, pour le Tchad, le test indique deux relations de cointégration pour le troisième modèle et une relation de cointégration pour tous les autres modèles. Nous complèterons ces résultats à l'aide d'un test de cointégration sur données de panel. De nombreuses études, à partir des différents tests de cointégration sur données de panel (Pedroni, McCoskey et Kao, etc.) ne parviennent pas à rejeter l'hypothèse nulle d'absence de cointégration même si la cointégration entre les variables est fortement suggérée par la théorie économique. Une des explications de cette difficulté résiderait dans le fait que les tests de cointégration, aussi bien sur données individuelles que sur panel, basés sur les résidus exigent que les paramètres de long terme des variables en niveau soient égaux aux paramètres de court terme des variables en différence (restriction de facteur commun). - 11 - Cette restriction peut causer une perte significative de puissance des tests de cointégration basés sur les résidus. En réponse à cette critique, Westerlund (2007) a developpé quatre nouveaux tests de cointégration qui sont basés, non pas sur les résidus, mais sur la dynamique structurelle des relations et qui par conséquent n'imposent aucune restriction sur les facteurs communs. L'idée est de tester l'hypothèse nulle de non cointégration en vérifiant si le terme de correction d'erreur dans le modèle à correction d'erreur construit à cet effet est significativement égal à zéro. Les quatre tests sont normalement distribués et accommodent assez bien les dynamiques individuelles de courte période, les tendances, les paramètres spécifiques aux individus et les dépendances intra individus. Les deux premiers tests permettent de tester l'hypothèse nulle d'absence de cointégration contre l'hypothèse alternative selon laquelle le panel dans son ensemble est cointegré alors que les deux derniers testent l'alternative d'existence d'au moins un individu pour lequel les variables sont cointegrées. Nous adoptons ce test de cointégration pour tester l'existence d'une relation de long terme entre le TCER et ses déterminants dans notre panel. Pour plus de détails, voir Westerlund (2007) pour la description du test et Persyn et Westerlund (2008) pour sa mise en oeuvre sous Stata. Le module XTWEST permet d'exécuter le test de Westerlund (2007) sous le logiciel Stata. Les p-valeurs robustes ont été obtenus par simulations de Monte-Carlo. Ils sont plus faibles par apport aux valeurs initiales. L'hypothèse nulle d'absence de cointégration n'est pas rejetée au regard des p-valeurs associées aux statistiques de tests. Elles sont supérieures à 0.05. Cependant, à un niveau de signification de 10 pour cent, les statistiques Gt et Ga indiquent que le système est cointégré dans son ensemble et les statistiques Pt et Pa indiquent qu'il existe au moins un pays pour lequel les variables sont cointégrées. Au vu des résultats du test de Johansen, il existe au moins une relation de cointégration pour chaque pays. Par conséquent, nous concluons que les séries sont cointégrées. 4.3. Estimation du modèle Le modèle est estimé selon l'approche des moindres carrés dynamiques (DOLS). C'est une méthode d'estimation robuste équivalente à celle du FMOLS. Il présente l'avantage d'être facilement calculable car il s'agit d'appliquer les MCO au modèle augmenté d'un certain nombre de retards et d'avances des variables explicatives en différences premières. Le choix du nombre de retards et d'avances est effectué en minimisant le critère d'information d'Akaike pour k variant de 0 à 2. Les résultats indiquent que les variables logdep, croissance, et deval sont significatifs à un seuil de 10 pour cent. Les autres variables ne sont pas significatives même à un seuil de 10 pour cent. Toutefois, il faut noter que le signe de la variable logmon est positif donc contraire au signe attendu. Par ailleurs, on peut remarquer que toutes les variables significatives ont un impact négatif sur le TCER et toutes les variables non significatives ont un signe positif. Dans la CEMAC, les dépréciations observés du TCER s'expliquent par la hausse des dépenses publiques, la croissance économique et la dévaluation du franc CFA intervenue en 1994. L'impact de la croissance du PIB transiterait par le biais de la hausse des importations qu'elle engendre et celui des dépenses publiques serait lié aux fuites dues à l'orientation des dépenses dans le secteur des biens échangeables. Par contre, une amélioration de la balance courante ou un afflux de capitaux étrangers (IDE et APD notamment) n'engendrent pas une appréciation réelle substantielle de la monnaie. Or, la balance courante par exemple est un élément fondamental dans la détermination du taux de change d'équilibre. Cela signifie-t-il que les TCER devraient être plus élevés? Dans la section suivante, nous calculerons les taux fondamentaux afin de déterminer si le franc CFA est surévalué ou sous-évalué et s'il y a homogénéité des mésalignements. - 12 - 4.4. Calcul des taux de change fondamentaux Le taux de change fondamental est calculé selon l'approche BEER. La première étape consistait à estimer le TCER observé en fonction des variables explicatives. A présent, nous abordons le calcul effectif du taux de change fondamental. Les paramètres de l'équation du taux de change seront utilisés pour calculer le taux de change d'équilibre fondamental selon la formule: Où représente la valeur de long terme de la variable X Les flux financiers ne sont pas considérés comme des variables fondamentales et sont exclues du calcul. Les valeurs d'équilibre de long terme des variables fondamentales sont obtenues à l'aide du filtre de Hodrick-Prescott. Ensuite, les coefficients estimés sont appliqués à ces valeurs pour obtenir le niveau du taux de change fondamental qui est ensuite lissé à l'aide du filtre de Hodrick-Prescott. L'évolution du taux de change effectif réel (logtcer) et de sa valeur d'équilibre de long terme (taux), pour chaque pays de la CEMAC, est présentée dans l'annexe C. On constate que, pour les cinq pays, l'évolution du taux de change d'équilibre (taux) est similaire sur la période 1978-2010. Les taux de change d'équilibre baissent à partir de 1978 jusqu'au milieu des années 1990. Mais cette diminution est plus forte au début des années 1990. Ce n'est qu'au début des années 2000 que l'on observe une hausse du taux d'équilibre. En ce qui concerne l'évolution des taux de change d'équilibre par rapport aux taux effectifs, on observe cinq périodes. A la fin des années 70, les taux de change effectifs sont au dessus de leurs valeurs d'équilibre puis passent en dessous de leurs valeurs d'équilibre au début des années 80. Entre 1985 et 1994, on observe une hausse continue des taux de change effectifs. Au début des années 1990, cette hausse aboutit à une surévaluation du taux de change car les taux effectifs passent au dessus du taux d'équilibre. Cela justifie la dévaluation du franc CFA en 1994. Entre 1995 et le début des années 2000, les taux observés étaient en dessous des taux d'équilibre. Cette sous-évaluation avait permis d'améliorer la compétitivité et de relancer l'activité économique qui est essentiellement basée sur les exportations de produits primaires. Enfin, sur la période récente (2006-2010), les taux de change sont légèrement inférieurs aux taux d'équilibre. Il ressort des résultats des estimations que le taux de change fondamental est inférieur au TCER observé sur la période récente (2006-2010) et ce, pour tous les cinq pays. Autrement dit, le franc CFA serait surévalué. Par ailleurs, on peut remarquer que la dévaluation du franc CFA de 1994 était justifiée. Entre 1990 et 1993, les taux fondamentaux étaient en dessous des taux observés pour chacun des cinq pays. Par ailleurs, il convient de mentionner que les taux de change fondamentaux calculés ici ne prennent en compte que la balance courante, les dépenses publiques, la masse monétaire, le taux d'ouverture (exportations et importations) et la croissance économique. Des variables telles que le stock de la dette et le niveau des réserves de change ne sont pas prises en compte. Or, sur la période récente, l'allègement de la dette des pays de la CEMAC et l'accroissement des réserves de change dus à l'envolée des cours du pétrole sont susceptibles d'améliorer le niveau du taux de change d'équilibre de long terme. - 13 - 5. Conclusion L'objectif principal de cette étude était de déterminer le niveau du taux de change d'équilibre fondamental des économies de la CEMAC. La revue de la littérature a permis de dégager les facteurs explicatifs du taux de change ainsi que l'approche d'estimation des taux de change d'équilibre. Avant de procéder à l'estimation des données, le taux de change effectif réel a été calculé à partir des données du commerce extérieur avec les 10 principaux partenaires à l'exportation et à l'importation. L'approche du taux de change d'équilibre retenue est celle du taux de change d'équilibre comportemental qui estime le niveau d'équilibre du taux de change en fonction des niveaux d'équilibre des variables explicatives. L'analyse de la stationnarité est effectuée à l'aide des tests de racine unitaire de levin, Lin et Chu et d'Im, Pesaran et Shin, celle de cointégration, à l'aide des tests de Johansen et de Westerlund. Puis le modèle a été estimé par la méthode des moindres carrés dynamiques (DOLS). Il ressort de cette étude que le franc CFA de la CEMAC est sur-évalué sur la période récente. En effet, pour chacun des pays de la CEMAC, le taux de change fondamental calculé est en dessous du taux de change réel observé. Par ailleurs, parmi les variables explicatives retenues, seules les dépenses publiques et le taux de croissance du PIB ont un impact significatif sur le taux de change effectif réel. De plus, l'influence de ces deux variables est négative. Conformément à la méthodologie, seule les variables ayant un impact significatif sont incluses dans le calcul du taux de change fondamental. Il convient de préciser que ces résultats dépendent du choix des variables et de la méthodologie et peuvent présenter les limites suivantes. La première limite est relative à la méthode même de calcul du taux de change effectif réel. En effet, les pondérations pour chaque pays sont supposées fixes durant toute la période de l'étude, de 1978 à 2010. Or la structure du commerce international a beaucoup évolué pendant tout ce temps. Par exemple, le poids de la Chine dans le commerce des pays a beaucoup varié rien que les 10 dernières années. La seconde limite est que toutes variables fondamentales ne sont pas incluses dans le modèle à cause de l'indisponibilité des données. Il s'agit par exemple du stock de la dette publique, des termes de l'échange et des réserves de change. - 14 - Bibliographie [1] AFD (2010), Pondérations des partenaires à l’importation et à l’exportation [2] AlShehabi O., and Ding S. (2008), «Estimating Equilibrium Exchange Rates for Armenia and Georgia », c International Monetary Fund [3] Banque Mondiale (2011), World Development Indicator [4] BEAC (2011) Rapport d’activités et bulletins statistiques [5] Clark P. B., and MacDonald R. (1998), « Exchange rates and economic fundamentals : a methodologic comparison of BEERs and FEERs », c FMI, working paper numéro 67 [6] Dufrénot G., Drunat J., and Mathieu L. (1994), « Les théories explicatives du taux de change : de Cassel au d´ebut des années quatre-vingt », Revue française d’´economie, volume 9, Numéro 3. [7] El Bouhadi A., Elkhider A., and Kchirid E. (2010), « Les déterminants du taux de change au Maroc : une étude empirique », [8] FMI (2011), Statistics on Trade [9] Gnimassoun B. (2012), « Taux de change et mésalignement du franc CFA avant et après l’introduction de l’euro », EconomicX-CNRS. [10] Gulde-Wolf (2005), « Mésalignement du franc CFA », Working paper [11] Hurlin C., and Mignon V. 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