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1. Introduction
Les crises de change les plus retentissantes des dernières décennies sont intervenues
dans des contextes de taux de change fixe, si l’on définit cette catégorie au sens large. Ceci est
vrai pour les crises à l’intérieur du mécanisme de change européen en 1992-1993, au Mexique
en 1994-1995, dans les pays d’Asie du sud-est en 1997, en Russie en 1998, au Brésil en 1999,
en Turquie en 2001. Dans ces épisodes, durant les années précédant la crise, la fixité du taux
de change nominal ou sa dépréciation trop faible (en ce qui concerne les systèmes à parité
rampante), avait conduit à une appréciation du taux de change réel, entraiınant une
dégradation de la balance courante. Cette situation avait engendré la suspicion des
investisseurs à l’égard d’une surévaluation éventuelle de la monnaie, déclenchant des sorties
de capitaux spéculatives et infine une crise ouverte sur le marché des changes. Dans la zone
franc, la détérioration des conditions économiques a abouti à la dévaluation du franc CFA en
1994. A la fin de l’année 2011, on est en droit de s’intérroger sur une éventuelle dévaluation
du franc CFA en dépit des indicateurs assez rassurants (le taux de couverture extérieure de la
monnaie est supérieur à 20 pour cent et le montant des réserves de change supérieur à 6000
milliards). Par ailleurs, la parité du franc CFA par rapport au franc français puis l’euro n’a pas
été modifiée depuis 1994 en dépit d’un contexte économique amélioré. La théorie économique
enseigne qu’une monnaie sous-évaluée permet d’accroitre la compétitivité des pays. C’est le
cas par exemple de la Chine qui est accusée de maintenir le niveau du Yuan artificiellement
bas. Par ailleurs, la sur-évaluation d’une monnaie sur une longue période conduit
inéluctablement à une crise de change, particulièrement en régime de change fixe. Cela suscite
une question: le franc CFA est-il sur-évalué? Sous-évalué ? L’objectif du présent travail est de
déterminer le taux de change d’équilibre fondamental des pays de la CEMAC. En effet, la
mesure d’une sur-évaluation ou d’une sous-évaluation n’est possible que si l’on connait le
niveau du taux de change d’équilibre. Plus spécifiquement, il sera question de calculer le taux
de change effectif réel, d’estimer une fonction du taux de change effectif réel, de déterminer le
taux de change réel, de procéder à une comparaison spatiale et temporelle de l’évolution du
taux de change effectif réel dans la CEMAC.
L’hypothèse de notre étude est que le taux de change effectif réel dans la CEMAC
dépend des variables explicatives fondamentales de l’économie. Afin de mener à bien cette
étude, l’approche méthodologique sera basée essentiellement sur l’analyse des données de
panel. L’avantage d’une telle démarche est qu’elle permettra de tester l’homogénéité des
comportements du taux de change en fonction des variables fondamentales retenues. Par
ailleurs, cette méthode permet de résoudre les problèmes liés à la faible longueur de
chroniques disponibles. La méthode de panel abordée ici concerne l’analyse de la stationnarité
et de la cointégration sur données de panel ainsi que des méthodes d’estimations sur données
de panels.
Le reste du document est organisé en quatre sections. Dans la section 2, nous
présentons une revue de la littérature théorique et empirique du taux de change. Ensuite, la
section 3 est consacrée à la présentation de l’approche méthodologique retenue. L’évaluation
empirique du taux de change fondamental dans les économies de la CEMAC proprement dite
fait l’objet de la section 4. Enfin la section 5 conclut.
2. Le taux de change : une brève revue de la littérature
Les théories explicatives du taux de change font l'objet d'une vaste littérature théorique
et empirique. Dufrenot et al. (1994) offrent une intéressante revue de la littérature en
distinguant les approches statiques d'une part et les approches dynamiques d'autre part. Les