bien entendu aggravé par le fameux consensus de
Washington, que le Fonds monétaire internatio-
nal (FMI) a appliqué en exigeant que les pays afri-
cains pratiquent des coupes claires dans les budgets
sociaux, d’éducation et d’infrastructure. Provoquant
à la suite une émigration que les pays européens ne
veulent plus accueillir et chassent avec leurs bateaux,
leurs avions et leur police. Ainsi s’est mise en place
cette machine infernale, avec sa conséquence: les
terribles inégalités sociales en Afrique et les «pro-
blèmes » de l’immigration chez nous, avec désor-
mais en Europe une forme de ségrégation intérieure
redoublant le néo-colonialisme par la monnaie à
l’extérieur.
Le franc CFA avait d’ailleurs été créé avant les indé-
pendances, puis simplement rebaptisé après, sans
que son mécanisme fondateur n’en soit modifié. Il
a servi ainsi de relais aux politiques de ce FMI que
Tchundjang Pouemi traitait à juste titre de «fonds de
misère instantanée», n’en déplaise à Mme Lagarde,
M. Strauss-Kahn et tous ceux qui les ont promus.
L’économiste camerounais voulut toujours rester
un professeur auprès de ses élèves, pour former les
générations futures à Yaoundé, Douala et Abidjan,
hors du cercle de déraison de la politique compra-
dore des «élites» africaines. Il refusa donc les pro-
positions que lui firent Ahidjo ou Houphouët Boigny
d’entrer dans leurs gouvernements. Universitaire, il
était en même temps une référence de morale et de
justice politique, et si l’on ne sait pas exactement s’il
mourut assassiné, sa disparition servit bien les inté-
rêts en place à un moment où se consolidaient l’ex-
ploitation et l’injustice.
Ma pensée va ici aussi à Thomas Sankara, Sylvanus
Olympio et Félix-Roland Moumié, qui menèrent le
combat politique pour la justice et le payèrent de
leur vie, ainsi qu’à mon ami Renaud Vignal, qui diri-
geait le cabinet de Jean-Pierre Cot au moment où
tous deux tentèrent d’abolir la Françafrique et furent
tués politiquement par la Mitterrandie.
Ces souvenirs me ramènent aussi à l’erreur – une
erreur, pire qu’un crime – de la quasi-totalité de la
gauche européenne, qui ne comprit pas ou ne voulut
pas comprendre que la cause de la décolonisation
économique et culturelle en Afrique rejoignait la
cause de la justice sociale et de la participation réelle
au pouvoir en Europe, et même se confondait avec
elle. Nous portons aujourd’hui encore les stigmates
de cette erreur.
Plus profondément peut-être, nous l’avons dit au
départ, la critique fondamentale que fait Tchundjang
Pouemi du franc CFA vaut aujourd’hui pour l’euro.
Son existence dépouille en eet de la souverai-
neté monétaire les pays membres de l’Union euro-
péenne, au profit non pas d’une entité supérieure
bienveillante mais d’un conglomérat de financiers,
de banquiers d’aaires et de fonctionnaires qui
ont mis les économies sous tutelle financière et
monétariste, faisant prévaloir les intérêts du court
terme sur les investissements à long terme, phy-
siques et sociaux, gages d’avenir. Aux profiteurs de
la Françafrique succèdent ainsi les lobbyistes de
Bruxelles, qui écrivent trop souvent les textes que
reprennent des fonctionnaires ayant perdu le sens
de l’intérêt public et disposant de moins de moyens
que leurs interlocuteurs.
L’on passait il y a plus de quarante ans un film inti-
tulé «La Cina é vicina», la Chine est voisine, frappé
du coin de l’idéologie «maoïste» occidentale. Nous
pourrions aujourd’hui dire avec bien plus de perti-
nence que l’Afrique est voisine : nous sourons de
la même maladie monétariste qui peu à peu a tout
contaminé dans l’économie mondiale. Ceux qui ne
me croient pas peuvent le demander aux Grecs, aux
Espagnols et si nous continuons ainsi, se le deman-
der bientôt à eux-mêmes, en France.
Heureusement, la pensée de combattants comme
Joseph Tchundjang Pouemi reste bien vivante et
nous encourage, par delà les années, dans notre
propre combat, pour lui donner la dimension que
nos prédécesseurs européens n’ont pas su ou voulu
reconnaître.
--
Sélection bibliographique
Ouvrages de Joseph Tchundjang Pouemi
• Monnaie et indépendance nationale (1977)
• Monnaie, servitude, liberté: la répression monétaire en
Afrique (1981)
• Thèse de Sciences économiques: «Les critères de choix
des projets d’investissement en pays sous-développés par les
organismes internationaux, fondements théoriques et pro-
blèmes d’application», sous la direction de Pierre Massé.
Articles
• Les pays sous-développés dans la jungle monétaire
internationale (1975)
• A la recherche du temps perdu dans les relations écono-
miques internationales (1976)
• Progrès technique, production et chômages (1987)
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