L’asthme Dr Gilles Côté, M.D., omnipraticien, médecin-conseil à l’Agence de la santé et des services sociaux du Bas-Saint-Laurent. Automne 2011 Plan • Définition; • Dépistage et diagnostic; • Facteurs déclenchants, comorbidités et diagnostics différentiels; • Objectifs de traitement et critères de maîtrise; • Continuum de prise en charge; • Principaux médicaments; • Suivi et réévaluation du traitement; • Conclusion. Définition Syndrome caractérisé par la présence de symptômes respiratoires persistants ou intermittents associés a une obstruction bronchique variable, généralement réversible, et une hyperréactivité bronchique. L’inflammation bronchique et les changements de la structure bronchique (remodelage) sont tenus responsables des manifestations cliniques et physiologiques de l’asthme. Dépistage et diagnostic de l’asthme Mesure de la fonction pulmonaire Adultes De préférence : spirométrie montrant une obstruction réversible des voies aériennes Rapport VEMS/CVF réduit ET Augmentation du VEMS après la prise d’un bronchodilatateur ou une thérapie d’entretien Moins que la limite inférieure de la normale selon l’âge, le sexe, la taille et l’appartenance ethnique (< 0,75-0,8)* ET 12 % (et un minimum de ≥ 200 ml) Solution de rechange : variabilité du débit expiratoire de pointe (DEP) Augmentation après la prise d’un bronchodilatateur ou une thérapie d’entretien OU Variation circadienne† 60 L/min (minimum ≥ 20 % OU > 8 % selon des lectures biquotidiennes > 20 % selon de multiples lectures quotidiennes Solution de rechange : test de provocation positif a) Test de provocation à la méthacholine OU b) Provocation à l’effort CP20 < 4 mg/ml (4-16 mg/ml : limite; > 16 mg/ml : normal) OU Diminution de plus de 10-15 % du VEMS après l’exercice VEMS : volume expiratoire maximal en 1 seconde. CVF : capacité vitale forcée. CP 20 : concentration de méthacholine produisant une chute de 20 % du VEMS. *Limite inférieure approximative des rapports normaux pour les enfants et les adultes. †La variation circadienne est mesurée en calculant la plus haute valeur de DEP moins la plus basse divisée par la plus haute, multipliée par 100, lorsque mesurée le matin et au coucher sur une période d’une semaine. Facteurs déclenchants • L’exposition répétée à des allergènes ou à des substances en milieu de travail peut faire apparaître l’asthme chez un individu non asthmatique. Certaines infections virales peuvent également favoriser l’apparition de l’asthme; • Les irritants (odeurs fortes, certains polluants, air froid ou fumée) peuvent causer un bronchospasme selon le degré d’hyperréactivité bronchique de l’individu; • L’air froid ou l’exercice peuvent causer un bronchospasme pouvant être prévenu par la prise de bronchodilatateurs; • L’aspirine, les AINS et certains additifs alimentaires (sulfite, glutamate monosodique) peuvent provoquer un bronchospasme chez certains asthmatiques; • Les bêtabloquants accentuent l’asthme chez tout asthmatique. Comorbidités souvent associées à l’asthme • Apnée du sommeil; • Infections respiratoires; • Maladie pulmonaire obstructive chronique; • Obésité; • Psychopathologies; • Reflux gastro-oesophagien; • Rhinite allergique ou non; • Sinusite chronique. Principaux diagnostics différentiels • Bronchiectasies; • Emphysème et bronchite chronique; • Embolie pulmonaire récidivante; • Fibrose kystique et plusieurs entités pulmonaires de l’enfant; • Insuffisance cardiaque; • Problèmes des voies aériennes supérieures; • Sténose mitrale; • Syndrome d’hyperventilation. Traitement Objectifs Le traitement visera à réduire le plus possible le processus inflammatoire bronchique et prévenir les changements structuraux permanents. • Obtenir et maintenir une maîtrise adéquate de l’asthme; • Prévenir les exacerbations de l’asthme (cause importante de morbidité et de déclin accéléré de la fonction pulmonaire chez le patient asthmatique); • Maintenir une fonction pulmonaire optimale; • Maintenir un niveau d’activité normal et encourager l’exercice physique; • Identifier/prévenir/traiter les effets secondaires de la médication; • Prévenir les changements permanents de la fonction et de la structure des bronches; • Réduire la sévérité de la maladie et la morbidité/mortalité associée. Traitement Critères de la maîtrise de l’asthme Symptômes diurnes < 4 jours/semaine Symptômes nocturnes < 1 nuit/semaine Activité physique Normale Exacerbations Légères, peu fréquentes Absentéisme au travail ou a l’école Aucun Besoin en agoniste β2 de secours† < 4 doses/semaine VEMS ou DEP ≥ 90 % meilleure valeur personnelle Variation circadienne du DEP†† < 10-15 % Traitement Continuum de la prise en charge de l’asthme Traitement de base comprenant : • Des mesures d’assainissement de l’environnement : allergènes, irritants respiratoires, tabac, etc.; • L'éducation du patient : Centre d’enseignement sur l’asthme, (voir www.rqam.ca); • L’identification et le traitement des comorbidités; • Un plan d’action écrit sur la conduite à tenir s’il y a exacerbation de l’asthme; • Un suivi médical et éducatif régulier. Traitement Continuum de la prise en charge de l’asthme Asthme très léger : • Bronchodilatateur à action rapide pris au besoin à la dose et à la fréquence minimale possible. Ne doit jamais être prescrit à dose régulière; • Tout patient asthmatique doit avoir cette médication en cas de symptômes incommodants occasionnels; • Peut être pris en prévention du bronchospasme induit par l’exercice ou l’exposition à l’air froid; • La prise régulière pré-exercice peut indiquer que l'asthme est insuffisamment maîtrisé. Traitement Continuum de la prise en charge de l’asthme Asthme léger : • Besoin en bronchodilatateur à action rapide ou présence de symptômes d’asthme, plus de 1 ou 2 fois par semaine, ou réduction de la tolérance à l’effort, attribuable à l’asthme; • Besoin d'un corticostéroïde en inhalation (CSI) à faible dose afin de maîtriser l’asthme; • Les antagonistes des récepteurs des leucotriènes (ARLT) constituent un 2e choix comme médication anti-inflammatoire; • Le montélukast peut aussi avoir un effet bénéfique sur la rhinite (quoique les corticostéroïdes nasaux et anti-histaminiques non sédatifs en sont les traitements habituels). Traitement Continuum de la prise en charge de l’asthme Asthme non maîtrisé par des doses faibles de corticostéroïdes inhalés (asthme modéré) • Malgré la prise d'une dose équivalant a 250 μg/j de béclométhasone HFA; • Pour les adultes : association d’un bronchodilatateur à longue durée d’action (BDLA) et d'un CSI, de préférence dans le même inhalateur; • Pour le Symbicort MD, le patient peut utiliser ce même inhalateur comme médication de secours (stratégie SMART); • Avec l’Advair MD, un agoniste β2 à action rapide est prescrit comme médication de secours; • Au Québec, pour une prescription d’Advair MD ou de Symbicort MD, ajouter le code RE 41 sur la prescription; • Chez l’enfant de 6 à 11 ans : augmenter le CSI à une dose modérée avant de penser ajouter un ARLT ou un BDLA; • Les ARLT peuvent parfois être ajoutés aux CSI, mais ils sont une médication d'ajout de 2e choix après les BDLA chez l'adulte. Traitement Continuum de la prise en charge de l’asthme Asthme non maîtrisé par l’association d’une dose modérée de corticostéroïde inhalé (équivalent a 500 μg/jour de béclométhasone HFA) avec un bronchodilatateur a longue durée d’action : considérer la référence à un spécialiste. • Augmenter les doses de CSI et/ou ajouter un autre médicament d'entretien; • La prednisone doit occasionnellement être ajoutée dans l’asthme grave. Pour l’asthme sévère allergique, un essai d’omalizumab (Xolair MD, un anti-IgE) peut être tenté en centre spécialisé; • Une référence a un spécialiste est habituellement nécessaire pour un asthme professionnel. Traitement Continuum de la prise en charge de l’asthme Réévaluer régulièrement : • La maîtrise; • La spirométrie ou le DEP; • La technique d’inhalation; • L'observance au traitement; • Les facteurs déclenchants; • Les comorbidités. Traitement Continuum de la prise en charge de l’asthme † Béclométhasone HFA ou l'équivalent * Deuxième ligne : ARLT †† Approuvé pour les 12 ans et plus Prednisone anti-IgE †† ≥ 12 ans : ajout ARLT 6-11 ans : ajout d'un BDLA ou d'un ARLT ≥ 12 ans : ajout BDLA* 6-11 ans : augmentation des CSI Corticostéroïdes inhalés (CSI)* *Deuxième ligne : antagoniste des récepteurs des leucotriènes (ARLT) Faible dose ≥ 12 ans : ≤ 250 μg/jour† 6-11 ans : ≤ 200 μg/jour† Dose moyenne 251 – 500 μg/jour† 201 – 400 μg/jour† Forte dose > 500 μg/jour† > 400 μg/jour† Bronchodilatateur à action rapide au besoin Assainissement de l’environnement, éducation, plan d’action écrit Confirmation du diagnostic Maîtrisé Non maîtrisé Traitement Points à retenir en regard du traitement 1) Réévaluer régulièrement la maîtrise de l’asthme : • l’exposition à des facteurs déclenchants, • l’observance au traitement, • la technique de prise des inhalateurs, • la présence de comorbidités. 2) Chaque traitement sera considéré comme un « essai thérapeutique » : • Le type et les doses de médicaments seront ajustés selon les résultats, • Les besoins peuvent varier avec le temps. Traitement Points à retenir en regard du traitement 3) Les agonistes ß2 à courte action ne se prescrivent jamais à dose régulière; 4) Les corticostéroïdes inhalés (CSI) constituent la médication de base pour maîtriser l’asthme, mais ils doivent être prescrits régulièrement à long terme et non de façon intermittente pour de brefs épisodes; 5) Il n’est aucunement nécessaire de faire précéder la prise du CSI par celle d’un bronchodilatateur; 6) On ne doit jamais utiliser un bronchodilatateur à longue durée d’action seul comme traitement d'entretien, mais toujours avec un CSI; Traitement Points à retenir en regard du traitement La cessation tabagique est essentielle chez l’asthmatique fumeur. Tous les patients doivent recevoir une intervention éducative adéquate incluant un plan d’action écrit. Le plan d'action est fait lorsqu’on a déterminé la médication minimale qui maîtrise l’asthme adéquatement. Traitement Plans d’action possibles lors de perte rapide de maîtrise de l’asthme chez l’adulte (exacerbation) Médication de base Bronchodilatateur seul Exemples de changement propose (ex. : pour 10-14 jours) Ces changements doivent être ajustés pour chaque patient. Introduire un corticostéroïde inhalé (CSI). CSI seul Quadrupler la dose quotidienne ou augmenter a un équivalent de 1000 μg de béclométhasone HFA par jour (parfois plus). SymbicortMD Augmenter à 4 bouffées bid. Si le patient utilise SymbicortMD comme médication d'entretien et de secours (stratégie SMART), il pourra prendre des inhalations additionnelles. Le dosage maximal est de 8 inhalations par jour, incluant le traitement de base. AdvairMD Ajouter un CSI (ex. : équivalent de 1000 μg de fluticasone par jour, divisé en 2 doses). Si insuffisant ou déjà sous fortes doses de CSI : introduire la prednisone po pour 7 à 14 jours. Si détérioration rapide ou sévère, réponse insuffisante ou suspicion d’infection respiratoire bactérienne (toux et expectorations purulentes) : consulter un médecin rapidement. Principaux médicaments dans le traitement de l’asthme • Corticostéroïdes par inhalation (CSI); • Bonchodilatateurs agonistes β2 par inhalation à début rapide; • Bronchodilatateurs agonistes β2 par inhalation à longue durée d’action (BDLA); • Produits combinés par inhalation; • Antagonistes des récepteurs des leucotriènes (ARLT). Réévaluation du traitement Assurer un suivi médical régulier : • Critères de maîtrise de l’asthme obtenus (incluant VEMS ou DEP optimaux); • Évaluation des exacerbations depuis la dernière visite (nombre, sévérité, causes, etc.); • Effets indésirables des médicaments à vérifier. Réévaluation du traitement Si asthme non maîtrisé après réévaluation, vérifier les éléments suivants : • Le diagnostic d’asthme a-t-il été confirmé?; • Observance du traitement; • Technique de prise adéquate des inhalateurs; au besoin, faire vérifier par un éducateur; • Exposition au tabac, à des allergènes, a des substances sensibilisantes au travail, ou a des irritants; • Comorbidité ou complication associée; • Prise d’une médication qui aggrave l’asthme (ex. : bêtabloquant); • Ajustement du traitement, révision du plan d’action. Référence au Centre d’enseignement si besoin d’enseignement additionnel. Référer à un spécialiste si nécessaire. Conclusion • Il est important de faire un dépistage de l’asthme dans la pratique quotidienne; • Le diagnostic de l’asthme doit être rigoureux; • La maîtrise de l’asthme doit être réévaluée régulièrement selon des critères précis; • Le traitement doit être ajusté selon la sévérité; • Le patient doit avoir un plan d’action permettant l’ajustement du traitement lors des exacerbations; • Le clinicien doit assurer un suivi régulier pour s’assurer de l’observance thérapeutique et de la maîtrise de la maladie.