Chouiki Presentation

publicité
XXIXÈMES JOURNÉES DU DÉVELOPPEMENT ATM 2013
Economie informelle et développement :
emploi, financement et régulations dans un contexte de crises
UNIVERSITE PARIS-EST CRETEIL
6, 7 et 8 juin 2013
MUSTAPHA CHOUIKI
UNIVERSITÉ DE CASABLANCA
MAROC
INTRODUCTION
- Depuis plus de deux décennies l’économie informelle, est à la base
d’une révolution économique silencieuse au Maroc, comme bon
nombre de pays du Sud;
- Cependant, cette révolution s’est accompagnée d’une autre sur le
plan urbanistique, avec l’amplification du phénomène de l’habitat
non réglementaire.
- Ce qui légitime de les questionner en termes de relations et
d’interférences.
La question majeure: Les activités informelles ne sont – elles
pas une des multiples faces d’une même informalité ? :
L’INFORMALITE URBAINE
- C’est à partir de cette question que nous avons tenter de revisiter
l’informalité en tant qu’expression de la crise urbaine, que
traverse Casablanca, dans ses dimensions spatiales, politiques,
économiques et sociales.
- Cette tentative se décline sous forme de quatre niveaux des
interférences de informalité urbaine:
1 - Le local et le global
L’informalité urbaine puise l’essentiel de ses dynamiques de la situation
socioéconomique des populations qu’elle concerne :
1 – 1 L’informalité : un mode d’urbanisation
- L’origine de l’informalité urbaine, à Casablanca, remonte aux années 20
lorsque les autorités coloniales ont exclu les Marocains de la ville
européenne
- Exclusion qui s’est accompagné du foisonnement d’une économie de la
débrouillardise, à la marge de la nouvelle économie formelle dominante
en ville.
- Le développement de ce phénomène, dans la période postcoloniale est
le produit de politiques de logement et de travail, ne répondant pas
toujours adéquatement aux besoins de la ville, que le tournant libéral
du début des années 80, a amplifié :
Année
Lieux de naissance
1971
1994
Casablanca
2,9 %
39,2 %
Sur place
62,8 %
22,3 %
Autres
34,3 %
37,5 %
1 – 2 L’informalité : Un processus social
- Comme lors de la naissance de la Nouvelle Médina au début des années
20, les tissus informels ont attiré les exclus du marché de travail urbain,
dans leur diversité :
Une grande ramification de l’informalité urbaine
Ainsi, il apparait que :
- L’informalité ne relève pas de la seule période coloniale. Elle est plutôt le
produit d’un processus d’urbanisation initié par la colonisation, et
reproduit à l’identique, depuis lors;
- L’association originelle des activités informelles à l’habitat dit ‘’nonréglementaire’’ est devenue un phénomène structurel;
- Le retournement de la conjoncture internationale qui est derrière le
virage néolibéral et du réajustement structurel qui l’a accompagné, au
début des années 80, a certainement donné une nouvelle impulsion à
l’informalité urbaine;
2 - La politique et l’espace
- Le contexte politique comme actions publiques et comme tolérance
clientéliste
a beaucoup joué dans l’enracinement
de
l’informalité
urbaine dans ses différentes formes.
2 – 1 Tolérer pour déstresser la ville
L’informalité a continué à jouer le rôle qu’elle a acquis sous la
colonisation en favorisant un segment du marché foncier et immobilier qui
n’est pas des moindres.
2 – 2 Réguler la restructuration des rapports de pouvoir
L’informalité
reflète l’émergence de nouveaux rapports entre la
population et les pouvoirs locaux, à travers:
- le renforcement du réseau des notables et des élus locaux, mettant les
autorités locales en difficulté, et s’imposant comme un défi à l’ordre
urbain officiel.
- Le statut partagé de populations en situation défensive consolide les
liens sociaux et multiplie les solidarités.
Les notabilités locales et les mouvances intégristes ont mis à profit
cette situation pour faire démonstration de leur pouvoir de résistance, et
élargir leurs fiefs socio-spatiaux.
2 – 3 Réguler les revendications sociales
- Le fait de de s’afficher au grand jour et de devenir même revendicative
du droit à la ville, l’informalité urbaine consacre le caractère social des
revendications urbaines.
Après l’acquisition du raccordement aux réseaux d’eau potable et
d’électricité, c’est au tour du raccordement aux réseaux d’assainissement
liquide et de transports en commun et
la quête d’équipements
socioculturels, que se focalisent actuellement les revendications.
3 – L’économie et la société
3 – 1 Rentabilité économique et rentabilité sociale
- En permettant à de nombreuses couches sociales de s’imposer en tant
qu’acteurs urbains très dynamiques, l’informalité s’impose comme un
processus plus social qu’économique;
- Elle est ainsi l’expression d’un rapport de force social qui se joue de
plus en plus sur et autour de l’espace.
- C’est une réaction à la prééminence de la rentabilité économique sur la
rentabilité sociale, dans les rapports de force en milieu urbain.
3 – 2 Multiplication des quartiers en difficulté
-Pour certains habitants des quartiers informels, ce n’est plus le bidonville,
mais ce n’est pas encore la ville. Pour d’autres, ce n’est pas l’idéal recherché,
mais c’est déjà l’accès à la propriété du logement. Pour la majorité, on ne
pouvait pas espérer mieux.
Ainsi, l’informalité s’installe comme base arrière de l’informalité
économique qui envahie la ville :
4 – Le formel et l’informel
4 – 1 L’informel dans le formel
- Les « affaires-iceberg » permettent à l’informel d’être couvert, par une
« casquette » formelle où les affaires visibles sont infimes par rapport
aux activités invisibles, à l’instar de l’iceberg.
4 – 2 Le clandestin dans l’informel
- L’informalité qui est plus tolérée qu’autorisée sert de paravent pour des
ascensions sociales anormales, par le biais d’activités illicites.
4 – 3 Informalité et urbanité
- Comme expression de la légitimité du droit à la ville, l’informalité se
veut une forme d’urbanité revendiquant le droit à l’existence.
- Certaines activités informelles qui dégagent parfois une rentabilité
inimaginable, expliquent l’acharnement des populations concernées à
démontrer qu’elles n’ont rien à envier aux autres citadins.
- Elle constitue ainsi un rejet de la ville exclusive et la recherche
du façonnement d’une nouvelle identité urbaine, fondée sur des
structures urbaines faites sur mesure, par et pour des couches
sociales agissant sur la ville à partir de ses marges.
4 – 4 Doit – on repenser l’informalité urbaine ?






La réponse est certes, oui. Mais c’est le comment qui est
problématique.
La réponse se doit de prendre en compte :
- La vraie-fausse opposition entre formel et informel qui fausse le jeu,
étant donné que les frontières entre les deux sont non seulement floues,
mais suffisamment poreuses, pour permettre toutes sortes d’interactions,
- Il n’est plus pertinent de continuer à évaluer l’informalité selon
les mêmes critères du secteur formel.
- L’outillage méthodologique et les schémas explicatifs doivent être
conçus à partir de la réalité, avant d’être coulés dans les moules
théoriques d’encadrement, pour leur garantir de mieux cadrer avec la
réalité ciblée.
- L’informalité n’est plus à bannir, étant donné qu’elle présente un grand
nombre d’avantages pour la ville, qui doivent être pris en compte au
même titre que les nuisances qu’elle occasionne.
CONCLUSION




- Si on a fini par reconnaître la complexité et l’hétérogénéité de la
réalité informelle, et ses ramifications économiques, sociales et
spatiales, c’est parce qu’elle n’a cessé de prouver sa nature
d’expression d’un développement économique inégal, et un défi
spatial à toutes les formes de régulation réglementaire.
Cette réalité typiquement urbaine, démontre qu’il s’agit d’un
phénomène qui ne peut être réduit à ses seuls aspects
économiques.
Les
mutations
territoriales
inhérentes
à
l’urbanisation
informelle, ont gagné en profondeur et en ampleur, d’une
manière douce et en trois décennies, ce que l’urbanisme officiel
n’a pas réussi, pendant plus d’un siècle, à coups de budgets
colossaux, et de mégaprojets.
Il s’agit désormais de porter un nouveau regard sur l’informalité,
en tant que phénomène ancré dans la réalité vécue, et comme
phénomène global reflétant un autre horizon du présent et du
devenir de la ville.
Téléchargement