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dire qu'il est institutionnalisé suggère qu'il fait intrinsèquement partie intégrante
des structures du système considéré et que sa fonctionnalité est avérée, reconnue et
reproduite dans le cadre social où il prend substance. Cette thèse s'inscrit donc a
contrario de la majorité des approches théoriques qui étudient ce phénomène.
En effet, à l'origine de la recherche, il était courant de penser que
l'informalité, c'est à dire la déviance caractérisée par rapport aux normes
réglementaires d'une société donnée, n'était qu'une passade temporaire dans
l'histoire des nations, la marque ou la matérialisation indubitable d'un certain retard
institutionnel ou économique amenée à se dissoudre logiquement dans les
dynamiques vertueuses de la croissance équilibrée. Face à la persistance du
phénomène et à l'extension de son champ d'action dans les pays du Tiers Monde,
les approches économiques les plus optimistes voulurent bientôt y voir l'expression
de mécanismes de rééquilibrages spontanés en situation de récession, une
ressource providentielle pour l'analyse susceptible théoriquement d'être orientée et
dirigée pour constituer la solution organisationnelle inespérée à la crise sociale et
économique qui ronge les contrées du Sud. Ces deux conceptions aussi différentes
soient-elles à première vue, relevaient alors d'un même archétype originel dont
ils entendaient exhaler la vision : celle d'une informalité forcément conjoncturelle
composée c mécanismes économiques et de logiques sociales apparaissant
spontanément en situation c crise pour permettre la reproduction économique de
leurs instigateurs et tendre vers une situation meilleure.
Bien qu'elle relève fondamentalement de la logique, cette assertion n'est à
notre sens qu'à moitié satisfaisante pour comprendre le phénomène de l'informalité
dans les pays du tiers monde, comme le suggère l'intitulé plus ouvert de cette thèse.
Non que nous rejetions en bloc l'idée que des facteurs conjoncturels puissent
concourir à rendre plus nécessaire et surtout plu perceptible le recours à des
stratégies informelles pour surmonter les incidences temporaire d'une crise
économique. Cependant, nous préférons penser que cette réalité n'a rien d'une
pathologie, mais s'apparenterait plutôt à un phénomène normal, socialement et
économiquement parlant, pour la simple et bonne raison qu'une société qui en
serait exempte est tout à fait impossible. Certes, l'informalité change de formes
suivant les types de contexte dans lesquels elle se développent, car les actes qui
sont ainsi qualifiés ne sont pas partout les mêmes ; mais e tout lieu, et de tout
temps, il exista des individus qui ne respectèrent pas les codes et le règlements
établis. L'informel est donc lié fondamentalement aux conditions de toute vie en
société, et peut être considéré à ce titre comme un des moyens de fonctionnement
commun du contexte dans lequel il « sévit ». C'est un phénomène normal,
nécessaire et même utile dans le sens où la manifestation de l'originalité
individuelle peut être considérée sous certains auspices comme un facteur
d'évolution sociale. Ainsi, on a souvent pu constater au fil de l'histoire que la non-
obéissance aux codes était susceptible d'impliquer directement les changements
transformations dans une société, contribuant parfois à prédéterminer les formes