SEMINAIRE DE DESENSIBLISATION SUR LE CANCER Réactions psychologiques face au cancer I-INTRODUCTION : Le cancer n’est pas une maladie comme les autres. En dépit des progrès réalisés en matière de diagnostic, de thérapeutique et de prévention, c’est toujours une maladie grave dont la survenue affecte tous les volets de la vie de l’individu et la dépasse pour atteindre son entourage proche et sa sphère sociale. Ce retentissement a plusieurs dimensions outre la condition physique, il concerne aussi la santé psychologique et la vie socioéconomique. II phases psychologique La phase des premiers symptômes Dès la perception des premiers symptômes, le malade est confronté à une nouvelle réalité physique, inattendue, parfois douloureuse, et qui a pour caractéristique d'être extrêmement changeante. Des perceptions jusque là inconnues doivent désormais être intégrées : douleur, fatigue, perte d'appétit, perte de poids, apparition de signes anormaux... Les premiers symptômes ne coïncident pas forcément dans le temps avec la décision de consulter. Le déni, mécanisme par lequel un état de connaissance douloureux est ignoré, banalisé ou évacué, peut retarder la consultation médicale. Plusieurs facteurs ont été évoqués pour expliquer le délai de prise de décision de consulter : • le déni de la réalité, • la peur des examens, de souffrir, • l'image de soi, l'indépendance psychologique, • la peur d'une maladie grave. Le délai de consultation est aussi fonction de la vitesse de la croissance tumorale. Aujourd'hui, le dépistage des cancers les plus fréquents permet d'intervenir avant même les premiers symptômes. La phase du diagnostic L'idée "j'ai un cancer", lorsqu'elle est intégrée par un patient provoque une révolution psychologique. Le patient est alors placé face au futur et à la durée de sa vie. Après le choc du diagnostic, le patient a besoin du temps d'adaptation de se restituer par rapport à son environnement immédiat La confirmation du diagnostic est souvent associée à une sentence de mort et à une catastrophe. Les préoccupations sont alors essentiellement existentielles : mort, vulnérabilité, détresse émotionnelle s'associant à une remise en cause des relations familiales, amicales et professionnelles. La détresse émotionnelle du patient fluctue pendant la maladie mais vit son pic au moment du diagnostic. La phase de traitement Les procédures thérapeutiques sont aujourd'hui multiples, qu'il s'agisse de chimiothérapie, de radiothérapie, de chirurgie ou d'immunothérapie. Les soins « supportifs » destinés à contrôler et traiter des conséquences biologiques, psychologiques et sociales des affections cancéreuses sont en plein accroissement. En effet, la détresse des malades est fréquemment liée au caractère «invasif» des méthodes d'investigation, de traitement et à l'entrée dans un univers très médicalisé jusque là inconnu. Il est important de souligner que certains malades qui refusent un traitement peuvent parfois l'accepter une ou deux semaines plus tard. En effet, certains patients ont du mal à prendre une décision s'ils en sont encore dans la phase d'évaluation de la situation à laquelle ils sont confrontés. Ainsi, une proposition de traitement peut parfois davantage aboutir lorsque cette phase d'évaluation sera achevée. Enfin, certains patients refusent plus tard un traitement qu'ils ont préalablement accepté au moment du diagnostic. Une adhésion ultérieure peut toujours être espérée à condition d'une excellente relation médecin-malade. Car en effet, si celle-ci est entamée, il est fréquent de voir un patient consulter ailleurs ou avoir recours à des alternatives thérapeutiques peu crédibles et auprès de certaines personnes abusant de la situation de détresse du malade. 1. La chirurgie Le traitement chirurgical entraîne des réactions aiguës, que ce soit en phase préopératoire ou en phase postopératoire. L'information préalable du chirurgien doit être claire, en expliquant les risques post-opératoires éventuels. La chirurgie de reconstruction permet d'améliorer la qualité de vie des patients qui peuvent y avoir recours (cancer du sein par exemple). 2. La chimiothérapie Les réactions psychologiques sont proportionnées au degré de tolérance variable chez chaque patient. Parfois les effets secondaires sont anticipatoires aux traitements tellement le patient est anxieux. L'alopécie, lorsqu'elle survient, même si elle reste transitoire, reste aussi un stigmate du traitement par chimiothérapie et affecte tout particulièrement la féminité des malades. Là encore, les explications préalables claires limitent les potentiels effets indésirables de la chimiothérapie. 3. La radiothérapie Les traitements par radiothérapie provoquent une réaction en rapport avec les effets secondaires qui les accompagnent : nausées, vomissements, fatigue... En début de radiothérapie, le patient est anxieux. Il craint les effets secondaires du traitement, les procédures d'administration et parfois doute dans l'efficacité du traitement. Une fois la procédure lancée, les séances sont répétitives et connues du malade. Les phases de rémission et de guérison La fin des traitements constitue un stress particulier après avoir vécu et subi les phases précédentes. Les patients se sentent alors souvent déboussolés, abandonnés, perdant le sentiment de contrôle que procurait l'administration des traitements. La peur de la rechute survient alors et s'associe à un sentiment de vulnérabilité. Cette anxiété en réalité ne disparaît jamais. La méconnaissance de l'origine du cancer contribue à cette anxiété naturelle. Les phases de rémission et de guérison peuvent être associées à des difficultés de réinsertion familiale et conjugales. Il est donc fondamental que le malade continue à vivre pendant son traitement une vie la plus normale possible, en particulier avec des projets personnels et familiaux. La phase de rechute L'annonce de la rechute replonge le malade dans la crise vécue lors du premier diagnostic à laquelle se rajoute aussi une grande déception. Elle s'accompagne parfois d'une révolte contre l'équipe médicale. La phase de la rechute, lorsqu'elle s'associe à une détérioration générale, s'accompagne souvent de symptômes d'irritabilité, de fatigue, d'anorexie et de dépression. La phase pré-terminale et terminale L'acceptation totale et sereine de la mort n'est malheureusement pas généralisée. Le malade est alors confronté à obtenir de ceux qui lui sont chers de pouvoir mourir,se désinvestir progressivement de toutes les personnes et possessions. La peur de mourir signifie : la peur de la séparation, la peur de laisser les autres démunis, la peur de ne pouvoir résoudre des problèmes concrets, la peur de la douleur et de la souffrance. L'expérience du cancer est une crise nécessitant une série d'adaptations continues. La transition de l'état de malade à celui de survivant constitue un nouveau changement suscitant à la fois enthousiasme et anxiété. Les séquelles, lorsqu'elles existent (par exemple poche de colostomie), peuvent provoquer un ensemble de difficultés de réadaptation lors du retour à une vie normale. Le passage de la rémission à la guérison ne peut donc pas se faire de manière radicale. D'autant que bien des patients restent insécurisés au moment des bilans de suivi. III- RETENTISSEMENT PSYCHOLOGIQUE DU CANCER La confrontation à cette affection induit une rupture dans la vie du sujet. L’annonce du diagnostic est un choc, une fracture existentielle, Il est tout à fait légitime d’observer chez les patients des réactions intenses qui ne sont pas de l’ordre du pathologique et qui sont tout à fait adaptées à la situation. Le fonctionnement psychique des patients peut être déstabilisé par la maladie; la confrontation avec la maladie met ainsi en jeu les capacités d’adaptation de l’individu mais peut les dépasser suscitant ainsi des troubles voire des décompensations psychiatriques. La maladie cancéreuse entraîne : - la perte variable d’autonomie avec modification des relations - des obligations de se soumettre aux soins et bilans complémentaires - le renoncement à certains projets de vie - la perte ou la modification du rôle social Ces modifications entraînent : réactions cognitives, émotionnelles et comportementales variées visant à maintenir l’intégrité psychique et le meilleur fonctionnement possible IV. LES MECANISMES DE DEFENSE Le malade porteur de cancer utilise pour se protéger psychologiquement, pour rendre tolérable sa situation objective, des systèmes de défenses conscients et inconscients qu’il faut respecter le plus souvent car ils permettent au malade de « tenir », de contenir l’angoisse envahissante qui le menace La sidération Il s’agit d’une phase où la nouvelle qu’il entend (annonce du diagnostic de cancer, de rechute) entraîne un effet traumatique tel que le patient reste sans réaction alors qu’il a le sentiment que le monde s’écroule, que sa vie bascule… La sidération entraîne une période réfractaire où les explications du médecin sont peu ou non entendues avec un risque d’incompréhensions ultérieures (« pourtant je lui ai bien expliqué »). Le déni Il s’agit d’un mode de défense consistant en un refus par le sujet de reconnaître la réalité d’une perception traumatisante. Le déni est un mécanisme inconscient permettant de diminuer l’angoisse de mort mais il empêche le dialogue avec l’équipe soignante. La passivité Elle consiste à se laisser guider par le médecin sans se poser de question. L’hyperactivité Le patient tente de mener de front sa maladie, sa vie privée, sa vie professionnelle. Il peut s’agir le plus souvent d’une fuite en avant. - La projection : attribue à une personne ou à une cause extérieure la source de ce qui ne va pas en déplaçant la responsabilité sur une autre cible. - La rationalisation: a pour but de définir une cause et de donner un sens à la maladie. C’est souvent une réponse à la question « pourquoi moi ? » Trouver une réponse dans une causalité évènementielle permet de reprendre une certaine maîtrise de son existence bouleversée par la survenue du cancer - – La régression : Il s’agit d’un retour à une forme antérieure du développement affectif et comportemental, la régression permet d’accepter un certain nombre de contraintes liées à la maladie, mais peut également, si elle est massive, produire un état de dépendance vis- à-vis de l’entourage familial et/ou du milieu médical. Ces mécanismes d’adaptation peuvent être débordés ponctuellement ou durablement pour donner lieu à différentes manifestations de détresse émotionnelle. Déni et acceptation alternent souvent et forment les mécanismes qui permettent dans un second temps une adaptation plus stable. Le déni aide souvent les malades à relativiser les menaces et les rend plus tolérables et plus simples à gérer. Cependant, si le déni constitue parfois un mécanisme de défense efficace, élaboré pour se protéger d'une réalité trop douloureuse, son utilisation peut aussi laisser supposer une fragilité de l'individu lors des phases ultérieures. Les valeurs religieuses et les croyances des individus ont une participation importante dans le choix de la réponse face au cancer. La place de l’imaginaire et du mythe peut également influencer l’adhésion aux traitements. Une forte conviction religieuse serait associée à un plus haut niveau de contrôle et de bienêtre. VI – CANCER ET SUICIDE Moyens les plus fréquemment utilisés : les traitements antalgiques et sédatifs, le plus souvent à domicile FACTEURS DE RISQUE • stade avancée de la maladie • pronostic défavorable • dépression et désespoir • douleur non contrôlée • isolement social • antécédents psychiatriques (TS++) VII Prise en charge psychologique assurer un soutien et un suivi psychothérapique des patients et de leur famille par des entretiens individuels ou en groupe. repérer la détresse liée à la maladie et à ses traitements. Les psycho-oncologues interviennent le plus souvent sur proposition du service où est hospitalisé le patient. Les soignants proches du malade sont souvent les premiers à repérer sa souffrance.Ils interviennent également sur la demande du patient ou de ses proches, ou à la suite de la consultation d’annonce du cancer. Les psycho-oncologues organisent leur prise en charge par : • Des entretiens individuels ; • Des entretiens en couple ou en famille Des consultations communes avec les cancérologues. Le médecin psychiatre peut prescrire des médicaments de type anxiolytique et ou antidépresseurs si cela est nécessaire. La fatigue peut altérer ponctuellement la vie psychique, ce qui influe sur la qualité de vie de la personne malade et de son entourage. En cancérologie, près de la moitié des patients présentent des difficultés pour s’adapter à leur état de santé ou ont des réactions dépressives pendant la maladie, à la suite des traitements ou parfois même, à la fin des traitements. Reconnaître la dépression et l’anxiété est indispensable. La fatigue peut être une des manifestations de la dépression.Un soutien psychologique permet de faire face à la maladie et aux difficultés individuelles et familiales qu’elle entraîne. Ce temps d’écoute et d’échange aide la personne malade à exprimer ce qu’elle ressent. Parler de sa fatigue, dire que l’on est fatigué peut déjà apporter un soulagement. Certaines personnes ne souhaitent pas bénéficier d’une aide psychologique. D’autres n’osent pas. Le patient ne sait pas toujours ce qu’est un psychologue et le type d’aide qu’il apporte Il est important que le malade et son entourage soient informés de la façon dont se déroule une prise en charge psychologique ; écoute du malade qui exprime la façon dont il vit la maladie, aide que cela peut lui apporter, etc. Le patient doit savoir qu’une première rencontre avec un psychologue n’entraîne pas forcément un suivi régulier. En fonction des besoins et des attentes de chacun, la prise en charge psychologique peut être associée à un traitement par médicaments. VIII – CONCLUSION : La fréquence des troubles psychiatriques chez les patients cancéreux - le plus souvent très fluctuants et étroitement liés dans leur évolution aux aléas de la maladie et au travail d’adaptation du patient influent négativement sur la qualité de vie, la compliance thérapeutique et majorent l’invalidité sociale et professionnelle . L'accompagnement des familles, une information précise du patient, le développement des soins de confort ou soins palliatifs, le traitement de la douleur, une discussion franche et sincère entre patient et médecin aide à passer cette étape le mieux possible.