Et la relation?

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La relation et la
communication dans
le soin
Approche anthropologique et
interculturelle
L’étude de l’autre
 Autre exotique:
le « eux supposés semblables »
 Autre ethnique:
le « nous supposés semblables »
 Autre intime:
commence avec l’individu
Marc Auger
1- Qu’est-ce que
l’anthropologie?
Et la relation?
 Dans ce module, vous allez entendre
parler de respect,de dignité, de nonviolence, envers cet « autre » supposé
comme ci ou comme ça, qui lui aussi
d’ailleurs vous suppose comme-ci ou
comme ça.
 C’est pourquoi on m’a demandé de vous
parler d’anthropologie
Et la relation?
 En outre, vous allez entendre parler de
non-violence.
 Or, l’une des formes les plus insidieuses
de la violence, c’est de vouloir à tout prix
convaincre un « autre » que nous
détenons « la vérité », et de faire passer
l’idée avant l’individu.
Et la relation?
 Pour R. Debray, la révolution, c’est le
triomphe de l’idée sur le fait (l’histoire, la
tradition, l’habitude…)
 L’application de la science à la médecine,
depuis le XVIII° et surtout la fin du XIX°,
est une révolution permanente contre la
« croyance ».
Et la relation?
 Mais attention: R. Debray ajoute:
L’arrogance de l’idée, et l’oubli de l’histoire,
donne le totalitarisme.
L’anthropologie compare et aide à relativiser. A
ne pas oublier l’histoire (celle de l’historien,
mais aussi celle que l’on se raconte à nousmême et qui est notre vie). C’est aussi pour
cela que l’on m’a demandé de vous parler
d’anthropologie.
Anthropo-logos: Science
de l’humain
 Qu’est-ce que l’humain? Qu’est-ce qui le
différencie, par exemple, de l’animal?
 On y réfléchit…depuis plus de 2000
ans…difficile de faire une science de ce que
l’on ne peut définir, épistémologiquement.
Risque de confondre épistémologie et morale.
 Exemple: Pour Kant: Sa liberté.
Mais pas n’importe laquelle: il est libre de n’avoir
pas que des instincts: il a aussi des devoirs.
L’étude de « la culture »?

•
•
Ce qui se transmet:
Représentations du monde:
visible/invisible
Exemple: le corps, et l’âme.
Organisation du désordre:
Exemple: mal/maladie/malheur
Rites
Valeurs
Un mot sur… « Ordre et
désordre »
 Organiser =rendre la vie possible.
Donc désordre = violence, petite mort.
 Règles: interdits, mais aussi obligations
d’échanger avec l’autre.
 Le masculin et le féminin aussi sont
«organisés » (les mystères de la
procréation)
2- Toute médecine est dans
la culture. La biomédecine,
aussi.
Maladie= « désordre »
mort = violence la plus
extrême faite au groupe
Voisinage, collaboration et recoupements
entre religion/médecine/lois du groupes
En occident, et tout particulièrement en
France, la médecine s’est légitimée
comme science en se différenciant du
religieux.
« Toute Médecine est
aussi une philosophie »
 Une métaphysique: le mal existe
 Une éthique: lutter contre le mal
 Une épistémologie: définir avec une
rigueur scientifique les moyens de son
efficacité.
Anne Fagaud-Largeaud
Toute psychothérapie est une
anthropologie, au sens d’une
croyance dans un certain « humain»
 Exemple: qui « manque? » l’homme ou la
femme?
 Modèle du fonctionnement psychique
 Représentation de ce qu’est qu’être « humain
» dans la relation
 Représentation des rapports entre la part
visible et la part invisible de l’humain
(l’inconscient…)
J.J. Kress.
La souffrance de l’autre
 La souffrance est un désordre qui conduit à
s’interroger sur l’ordre du monde, et donc à
interroger ces trois institutions.
 La souffrance et la douleur (Comment on les
endure) servent de repère au groupe pour
juger de l’intégration de l’individu, de sa
capacité à assumer ses valeurs collectives.
 La souffrance, quand elle n’est que morale, est
suspecte (en occident)
Toute médecine est dans la
culture. La biomédecine,
aussi.
 Avant les grecs: guérir = soigner : invoquer la
bienveillance de la nature (divinités féminines)
 À partir des grecs (Hippocrate), et plus encore
des romains (Gallien), guérir= lutter contre, par
la force de la raison.
 De la pensée (de quelque chose de plus grand
que soi) à la « conception » de l’idée (y
compris de la vie)
 Lutter contre quoi? L’origine du mal. Localisé,
maintenant, dans l’individu. Dans son corps, ou
dans son âme?
Et la science, dans tout
ça?
 Dans toute société, les pratiques
s’organisent autour de deux registres:
Technique: sous-tendu par une pensée
de l’efficacité
Symbolique: sous tendu par des
croyances, des valeurs, un imaginaire.
A. Van Gennep
La science et la vérité
 La science est d’abord du registre technique.
Elle essaye, de toute la force de sa pensée, de
se détacher du registre symbolique. Pour plus
de rigueur. Pour plus de vérité.
 Elle s’appuie sur la preuve. Par le visible.
 Mais s’agissant de l’humain, de la vie, du
corps, de l’âme, de l’origine du mal, de la
souffrance, on ne peut que constater que cet
exercice a des limites:le symbolique et le
technique s’entremêlent.
3- Quelle fin pour la
biomédecine? Soulager la
souffrance, guérir la maladie?
Primum non nocere.
Mode logico-scientifique
mode narratif
 Le premier a pour vocation d’être universel et
invariant; il se préoccupe de vérité
 Le deuxième est par nature variable dans le
temps, l’espace; il se préoccupe d’authenticité
 La clinique ne peut être que « la saisie du
singulier », sauf à faire disparaître la personne
malade derrière le schéma pathologique.
 La puissance de la science tend à faire oublier
qu’elle est un moyen, et non une fin en soi. Ou
bien l’homme se résume à la machine.
La souffrance selon P.
Ricoeur
 C’est une brèche dans le tissu narratif.
 Le « présent » qui est en temps normal,
triple: présent du passé (la mémoire),
instant, et présent du futur (la projection
dans l’avenir), n’est plus qu’instant.
 Accompagner la souffrance, c’est retisser
les liens pour réparer cette brèche.
Le corps, selon P. Ricoeur
 Corps « objet » de la science, support de
l’acte technique
 Corps « sujet », ou corps propre, support
du vécu, de la mise en sens, du travail
narratif et symbolique.
 Lecture de J. Benoît: « la maladie, entre
nature et mystère ». Introduction de «
convocations thérapeutiques du sacré »
Alors, quelle fin pour la
biomédecine?
 Une vocation: guérir.
 En pratique: le plus souvent, accompagner des
maladies chroniques, des souffrances.
 Éducation à la santé et santé Publique
 Obstétrique et puériculture
 Psychiatrie
 Soins palliatifs
 Médecine « légale » (handicap,
reconnaissance)
La santé est un état de
bien être « global »
Ces deux modes,
ensemble…c’est tout l’enjeu
de la pluridisciplinarité
 Mais c’est difficile: car le pouvoir de
guérir, de déterminer l’origine du mal, est
l’objet de rivalités
 C’est aussi une harmonie masculinféminin :
professions traditionnellement féminines
et masculines
Une « conception » de la vie
Or, du point de vue anthropologique,
il s’agit de maintenir l’ordre
 Et donc de lutter contre la violence.
 Cela suscite beaucoup de craintes,
archaïques; crainte de la mort; cela ne se
change pas comme cela.
Votre rôle est très «
maternel »
 Que vous soyez aides soignant(e)s ou
auxiliaires de puériculture.
 Il s’agit de soins du corps (vivant, ou mort). De
toilettes. De nourriture. De besoins primaires.
 Les soignants sont « les messagers de la
culture à l’hôpital. »(C. Amourous)
 Lecture de S. Lallemand et G. Delaisi de
Parceval:« L’art d’accomoder les bébés »
 Il est important, dans le travail de soin, de faire
cet effort de distinguer le technique du
symbolique, sans oublier ni l’un…ni l’autre.
 De ne pas se crisper sur « la vérité »
 Ce qui vient modifier notre ordre (les
croyances des autres) nous faits violence;
mais en cherchant à convaincre (de quoi?),
nous faisons aussi violence.
Primum non nocere
 La préservation de la vie humaine, visible, n’est pas,
pour tous, ce qu’il y a de plus « sacré ». Cela n’a pas
toujours été le cas en France, non plus. Des
considérations symboliques et invisibles peuvent être
plus importantes pour certains, que la préservation de
la vie.
 Les valeurs et les vérités de la médecine n’ont
d’universel que ce qu’elles ont de vérités scientifiques;
une partie, seulement, et qui participe de la santé mais
ne la résume pas, ni ne la recouvre.
Deux questions utiles si
on ne se comprend plus:
 «Qu’attendez-vous de moi? »
 « comment puis-je vous aider? »
4- Alors, la relation?
Alors, la relation?
 Tout cela pose d’autant plus de
problèmes que l’on est face à des
patients porteurs de représentations et
de croyances plus différentes des «
nôtres » (le nous supposé semblables).
 Il ne faut pas oublier que, s’agissant des
patients d’origine migrante, leur problème
est précisément d’être à la croisée de
représentations conflictuelles.
Alors, la relation?
 En outre, leur (le « eux supposés semblables
») souffrance, c’est aussi une histoire de
violence (guerres…), de ruptures, d’exil, de
pertes multiples. La difficulté à se comprendre
n’est pas forcément culturelle, mais aussi
géopolitique. Que savons nous de leur
histoire? Que pouvons-nous en comprendre?
Qui sommes-nous, dans cette histoire, nous,
par exemple, colonisateur, affameur, guerrier?
Alors, la relation?
 Attention au « eux supposés semblables »: si
l’interculturalité est une technique de plus,
encore un « système » pour plus de «
systématique » et d’ « efficacité », elle est
détournée de ses valeurs.
 Voir: « Soins et cultures. Formation des
soignants à l’approche interculturelle. Par B.
Tison. Editions Masson, 2007.
Alors, la relation?
 C’est important de se rendre compte que la
violence qui nous est « faite » ne nous est pas
faite à nous individuellement, mais en tant que
représentant d’une fonction, d’une histoire
parfois. Elle est le reflet de la violence que «
nous » (ce que nous représentons aux yeux du
patient) avons fait, ou faisons parfois, par notre
conception de la santé, et notre désir de la
faire partager.
Alors, la relation?
 Mais le même type de difficulté peut
survenir avec une femme du Mans,
d’ascendance 100% sarthoise depuis 10
générations au moins, mais qui, par
exemple, n’a pas envie d’allaiter. Et qui
sait que l’institution que vous représentez
va juger ce choix mauvais. Pas besoin
d’aller chercher hors nos frontières pour
trouver « l’autre »
Hamadou Ampâté Bâ
« Quand je parle à quelqu’un et qu’il ne
me comprends pas, je me tais et je
l’écoute. Si je parviens à le comprendre,
je saurai pourquoi il ne me comprend
pas. »
M’avez-vous comprise? Maintenant, je me
tais, et je vous écoute.
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