Polynômes à coecients réels ou complexes J. Courant 4 décembre 2010 1.2 Anneau des polynômes Dans tout ce chapitre K désigne R ou C. Dénition 1.3. On admet qu'on peut dénir 1 Dénition un ensemble, noté C[X], appelé ensemble des polynômes d'indéterminée X à coecients dans C, vériant les propriétés suivantes : 1. C[X] étend l'ensemble des nombres complexes : C ⊂ C[X]. 2. C[X] contient un élément X , diérent de tous les complexes. 3. C[X] est muni d'une addition, notée +, étendant l'addition sur les complexes et d'une addition, notée ×, étendant la multiplication sur les complexes. 4. C[X] muni de ces deux opérations est un anneau. L'élément neutre de l'addition est 0 et l'élément neutre de la multiplication est 1. 5. Pour tout entier naturel non nul k, on note X k le polynôme X × X × . . . × X (où X apparaît k fois dans l'expression) et on convient que X 0 = 1. Pour tout a ∈ C et tout k ∈ N, on dit que aX k est un monôme de degré k. 6. Pour tout polynôme P , il existe un entier n et des coecients a0 , . . . , an tel que P soit égal à 1.1 Anneaux Dénition 1.1 (Anneau). On appelle anneau un ensemble A muni de deux lois de composition internes + et × vériant les propriétés suivantes : 1. (A, +) est un groupe commutatif 2. × est associative 3. × est distributive à gauche par rapport à l'addition, c'est-à-dire : ∀(x, y, z) ∈ A3 x×(y +z) = x×y +y ×z 4. × est distributive à droite par rapport à l'addition, c'est-à-dire : ∀(x, y, z) ∈ A3 (x+y)×z = x×z +y ×z 5. × admet un élément neutre. Si de plus × est commutative, on dit que A est un anneau commutatif. On dit que A est intègre si c'est un anneau commutatif non trivial (c'est-à-dire possédant au moins deux éléments distincts) tel que le produit de deux éléments non nuls n'est jamais nul. Exemple 1.2. (Z, +, ×)) et (C, +, ×) sont des anneaux intègres. L'ensemble des applications de D dans R muni de l'addition et de la multiplication d'applications (D étant un ensemble xé) est un anneau commutatif mais n'est pas intègre si D a plus de deux éléments. On verra également plus tard deux exemples intéressants d'anneaux non commutatifs : Pour tout entier n xé, (Mn (K), +, ×) et pour tout K-espace vectoriel E xé, (L(E), +, ◦). Ne sont pas des anneaux : 1. (N, +, ×) 2. Les applications de R dans R munies de l'addition de fonctions et de la composition. n X ak X k (1) k=0 L'écriture 1 de P est appelée forme développée réduite de P 7. P étant écrit sous la forme 1, on appelle suite des coecients de P la suite u dénie par u0 = a0 , u1 = a1 , . . . , un = an et pour tout k ≥ n, uk = 0. Tout polynôme P admet une unique suite de coecients. On dira que a0 , . . . , an sont les coecients de P. Soit P ∈ C[X]. On dit que P est un polynôme à coecients réels si et seulement si la suite de ses 1 coecients est à valeurs réelles. L'ensemble des polynômes à coecients réels est noté R[X]. D'où : max (deg(P ),deg(Q)) X P +Q= 1.3 Degré (ak + bk )X k k=0 Dénition 1.4. 0 est un élément de C donc de C[X]. On dit que 0 est le polynôme nul. De même, soit λ ∈ C. On dit que λ est un polynôme con- 2. λP a pour suite de coecients la suite des (λak )k∈N : stant. Soit P ∈ C[X] \ { 0 }. La suite (an )n∈N des coecients de P n'est pas la suite nulle, donc il existe au moins un rang où elle prend une valeur non-nulle. Par ailleurs, elle est nulle à partir d'un certain rang. On appelle degré de P , et on note deg(P ) le plus grand rang où la suite des coecients est non-nulle. On a alors : 1. adeg(P ) 6= 0 2. tous les coecients de P sont nuls à partir du rang deg(P ) + 1 (du rang 0 au rang deg(P ) − 1, chacun de ces coecients peut être nul ou non, selon P ). On a également deg(P ) λP = P = λak X k k=0 Donc si λ est non nul, deg (λP ) = deg(P ). Si λ est nul, deg (λP ) = −∞ 3. P Q a pour suite de coecients la suite (ck )k∈N dénie par : ∀k ∈ N ck = k X aj bk−j j=0 De plus deg (P Q) = deg (P ) + deg (Q) deg(P ) X X an X n (2) (avec la convention ∀n ∈ N ∪ { −∞ } n + −∞ = −∞ + n = n). n=0 adeg(P ) est appelé le coecient dominant de P , et adeg(P ) X deg(P ) , le monôme dominant de P . Le degré du polynôme nul est arbitrairement xé à −∞. Avec la convention qu'une somme pour k allant de 0 à −∞ est nulle, l'égalité 2 reste vraie. Enn, pour n ∈ N, on note Kn [X] l'ensemble des polynômes à coecients dans K de degré au plus n. Corollaire 1.8. Soit d ∈ N, n ∈ N, λ1 , . . . λn n éléments de K et P1 , . . . , Pn n polynômes à coecients dans K de degré au plus d. Alors la combinaison linéaire n X λk Pk k=1 Exercice 1.5. Quels sont les polynômes de degré est un polynôme à coecients dans K de degré au plus d. 0? Exercice 1.6. Soit P un polynôme. Notons (ak )k∈N la suite de ses coecients. Soit n un entier. On suppose que pour tout k ≥ n, on a ak = 0. Que peut-on dire du degré de P ? a 1.4 Degré et opérations 1.5 Propriétés algébriques élémentaires Corollaire 1.9. Soit P et Q deux polynômes on Proposition 1.7. Soit P et Q deux polynômes de suites de coecients respectives (ak )k∈N et (bk )k∈N . Soit λ ∈ C. Alors : 1. P + Q a pour suite de coecients la suite des (ak + bk )k∈N et P + Q a un degré au plus égal au plus grand des degrés de P et de Q : P Q = 0 ⇐⇒ P = 0 ou Q = 0 Proposition 1.10. Soit n ∈ N. Alors n (P + Q) = (P, Q) ∈ K[X]2 . Soit n X n k=0 k P n − Qn = (P − Q) deg (P + Q) ≤ max (deg(P ), deg(Q)) P k Qn−k n−1 X k=0 2 P k Qn−1−k (3) (4) 1.6 Composition Remarque 2.6. 1. Le polynôme nul est divisible par tout polynôme. Dénition 1.11. Soit (P, Q) ∈ K[X]2 . Notons d 2. Le quotient Q, s'il existe, est unique. le degré de P et a0 ,. . . ,ad les coecients de P . Le polynôme composé de P et de Q, noté P ◦ Q est déni par P ◦Q= d X 3. Pour tout n ∈ N et tout a ∈ K, on a X − a|X n − an ak Qk k=0 Proposition 2.7. Soit P ∈ K[X] et a ∈ K. a est racine de P si et seulement si X − a divise P . Autrement dit : Exemple 1.12. On pose P = X 2 + 2X + 7 et Q = X + 3. Calculer P ◦ Q. Remarque 1.13. On utilise parfois l'abus de notation P (Q) pour désigner P ◦ Q. P (a) = 0 ⇐⇒ X − a|P Corollaire 2.8. Soit P ∈ K[X], n ∈ N et a1 , . . . , an n éléments de K distincts. Alors a1 , .Q. . , an sont des racines de P si et seulement si n k=1 (X − ak ) divise P . 2 Évaluation 2.1 Dénition Dénition 2.1. Soit P ∈ K[X] et a ∈ K. Notons d le degré de P et λ0 ,. . . ,λn ses coecients. On appelle évaluation de P en a ou valeur de P en a et on note P (a) l'élément de K déni par : P (a) = d X Dénition 2.9. Soit P ∈ K[X], a ∈ K et r ∈ N. On dit que a est racine d'ordre r de P si et seulement si P est divisible par (X − a)r et n'est pas divisible par (X − a)r+1 . Remarque 2.10. 1. a est racine d'ordre 0 de P si et seulement si P (a) 6= 0. λn an n=0 2. Si a est racine d'ordre r de P avec r ≥ 1, on a P (a) = 0. On appelle application polynomiale associée à P et on note Pe l'application Pe : K → x 7→ Proposition 2.11. Soit P ∈ K[X], a ∈ K et r ∈ N. a est racine d'ordre r de P si et seulement si P s'écrit sous la forme (X − a)r Q où Q(a) 6= 0. K P (x) Remarque 2.2. On commettra souvent l'abus de notation consistant à confondre P et Pe. 2.3 Nombre de racines Proposition 2.3. Soit (P, Q) ∈ K[X]2 et λ ∈ K. Proposition 2.12. Soit P e P^ + Q = Pe + Q (5) ∈ K[X] un polynôme non nul. Alors P a au plus deg (P ) racines distinctes. g e P Q = Pe × Q (6) (7) Corollaire 2.13. Soit f = λPe λP Alors n ∈ N et P ∈ Kn [X]. Si P admet au moins n + 1 racines distinctes, alors P est le polynôme nul. 2.2 Racines d'un polynôme Corollaire 2.14. Soit n ∈ N et (P, Q) ∈ Kn [X]2 . ∈ K[X] et a ∈ K. On dit que a est racine de P si et seulement si P (a) = 0. Si P et Q coïncident sur au moins n + 1 points, alors P = Q. Dénition 2.5. Soit P et D deux polynômes à Corollaire 2.15. Soit (P, Q) ∈ K[X]2 . Si P et Corollaire 2.16. Soit (P, Q) ∈ K[X]2 . Si Pe = Dénition 2.4. Soit P Q coïncident sur une innité de valeurs, alors P = Q. coecients dans K. On dit que D divise P ou que P est un multiple de D ou que P est factorisable par D et on note D|P si et seulement s'il existe un polynôme Q à coecients dans K vériant P = D × Q. e , alors P = Q. Q 3 3 Dérivation d'un polynôme Proposition 3.8. Soit P ∈ K[X], r ∈ N et a ∈ K. a est racine d'ordre r de P si et seulement si P (r) (a) 6= 0 et pour tout k ∈ [[0, r−1]], P (k) (a) = 0 3.1 Dénition Dénition 3.1. Soit P ∈ K[X]. Posons d = deg(P ) et notons a0 ,. . . ,ad les coecients de P . On appelle polynôme dérivé de P et on note P 0 Corollaire 3.9. Soit P ∈ K[X], r ∈ N∗ et a ∈ K. Si a est racine d'ordre r de P , alors a est racine d'ordre r − 1 de P 0 . le polynôme déni par : P0 = d X 4 Factorisation d'un polynôme ak kX k−1 k=1 4.1 Dans C[X] Remarque 3.2. 1. Sur R[X], cette opération coïncide avec la dérivation des applications à valeurs réelles : Théorème 4.1 (d'Alembert-Gauss). Tout polynôme non constant à coecients dans C admet au moins une racine dans C. 0 g0 ) = Pe (P ∀P ∈ R[X] Corollaire 4.2. Soit n ∈ N, P un polynôme de degré n et de coecient dominant c. Alors il existe z1 ,. . . , zn des complexes vériant : 2. Si P est de degré 0 ou −∞, alors P = 0. Sinon deg (P 0 ) = deg (P ) − 1. 0 Dénition 3.3. Soit P ∈ K[X]. On dénit, pour n ∈ N, le n-ième dérivé de P , noté P (n) par P =c où les zk , pour k ∈ [[1, n]] sont les racines de P , éventuellement répétées. Corollaire 4.3. Soit n ∈ N, P ∈ C[X] de degré n et de coecient dominant c. Alors, en notant p le nombre de racines distinctes de P , z1 , . . . , zp les racines distinctes de P , et n1 , . . . , np leurs 3.2 Propriétés Proposition 3.4. Soit (λ, µ) ∈ K . Alors 2 (P, Q) ∈ K[X]2 et 0 (λP + µQ) = λP 0 + µQ0 0 (P Q) = P 0 Q + P Q0 (P ◦ Q) = Q0 × (P 0 ◦ Q) multiplicités respectives, on a : (8) (9) (10) n= 4.2 Dans R[X] n X k = P (k) Q(n−k) n Proposition 4.4. Soit P un polynôme à coecients réels, z ∈ C et r ∈ N∗ . Alors z est racine d'ordre r de P si et seulement si z est aussi racine d'ordre r de P . Les racines de P non réelles sont donc deux à deux conjuguées. k=0 Lemme 3.6 (Formule de Taylor Mac-Laurin). Soit n ∈ N et P ∈ Kn [X]. Alors n X P (k) (0) k! k=0 Xk Théorème 4.5. Soit P un polynôme à coecients réels, alors on peut écrire P sous la forme Proposition 3.7 (Formule de Taylor). Soit n ∈ N, P ∈ Kn [X] et a ∈ K. Alors P = n X P (k) (a) k=0 k! P =c n Y k=1 (X − a) nk (X − zk ) k=1 (P, Q) ∈ K[X] et n ∈ N. Alors P = nk et P = c 2 (n) p X k=1 n Y Proposition 3.5 (Formule de Leibniz). Soit (P Q) (11) (X − zk ) k=1 P (0) = P 0 P (n+1) = P (n) et ∀n ∈ N n Y k (X − ak ) m Y (X − zk )(X − z k ) k=1 où a1 , . . . , an sont les racines réelles de P (répétées avec leur multiplicité), z1 , . . . , zm , 4 Corollaire 4.6. Tout polynôme à coecients z 1 , . . . , z m les racines complexes non réelles (répétées avec leur multiplicité), c le coecient dominant de P , et n + 2m = deg (P ). réels de degré impair a au moins une racine réelle. Exercice 4.7. Factoriser sur On a donc P =c n Y k=1 (X − ak ) m Y 2 X 2 − 2Re(zk ) + |zk | X 5 + 1 et X 4 + 1. k=1 5 R les polynômes