L’instrumentation en Paléomagnétisme et en Magnétisme des Roches Rappel sur le (Paléo) Magnétisme • Origine du magnétisme induit et rémanent • Stabilité et fidélité Principes de la mesure d’aimantations • mesure de champ, de flux, de force Instruments de Mesure et d’analyse • Aimantation rémanente • Minéralogie magnétique • Anisotropie magnétique Maxime LeGoff, Equipe de Paléomagnétisme de l’IPGP Développement instrumental • Exemple du « TRIAXE » LE CHAMP MAGNÉTIQUE DE LA TERRE Ngéo. D Nmagn. E I F Bas Application à la reconstitution paléo-continentale PCmovie.mov Applications à l’archéologie : datation ou chronologie d’occupation Nord N Ouest Est N. Warmé DEFINITIONS et UNITES Moment et susceptibilité magnétiques sans A m² M = v (Jr + c H ) A/ m Induction et Champ dans le vide T Volume (v) B = µ0 H 50 µT <=> 40 A/m A/ m RAPPEL Source du magnétisme de la matière : l’atome. moment orbital et moment de spin de l’électron. Les spins appariés s’annulent exactement. Moment orbital : DIAMAGNETISME (propriété générale des atomes) Spins non appariés : PARAMAGNETISME PAS DE REMANENCE (Le magnétisme du noyau est négligeable) H He Cr Mn Fe Co Ni le FER doté de propriétés magnéto-cristallines remarquables : les distances inter-atomiques de la maille cristalline favorisent des interactions assez fortes pour aligner tous les spins (3d) célibataires des atomes voisins parallèlement entre eux. C’est le FERROMAGNETISME Volumes cristallins organisés en réseaux et sous-réseaux magnétiques, aimantés suivant des axes définis par la géométrie cristalline (énergie magnéto-cristalline), ou par la forme macroscopique du volume (effet du champ démagnétisant). Arrangement des sous réseaux : aimantation spontanée Ferromagnétique Anti-ferromagnétique Ferrimagnétique Js Js Js = 0 Anti-ferromagnétique Imparfait (canté) Js Agitation thermique : diminution puis disparition de l’aimantation spontanée Js. Température de Curie Tc : au dessus de Tc, devient paramagnétique Autres températures de transition, Morin, Verwey, etc. Taille du grain Très petit Encore Plus grand Plus grand Agitation thermique dominante, comportement paramagnétique : SUPER PARAMAGNETIQUE (SP) Energie Magnéto-cristalline dominante, basculement d’axes : MONO-DOMAINE (MD, SD) Energie Magnéto-cristalline dominante, apparition de PAROIS mobiles : POLY-DOMAINES (PD, MD) J H perpendiculaire J rotation H J H H parallèle basculement Réversible seulement (avec saturation) J Déplacement et blocage intermédiaire des parois. Rotations Réversible ET Irréversible Js L’aimantation spontanée est attirée dans la direction du champ magnétique et revient dans sa position initiale quand le champ s’annule. Pour un grand nombre de grains de ce type, le résultat global est une aimantation induite seule croissant avec le champ jusqu’à la saturation L’aimantation spontanée est là aussi attirée dans la direction du champ magnétique mais après un seuil, bascule dans la direction opposée à sa position initiale et reste inversée quand le champ s’annule. C’est le processus à l’origine de l ’aimantation rémanente dans les grains monodomaines Le chauffage diminue considérablement la valeur du champ critique de renversement. A la température ambiante, disons moins de 80°C, un champ de l’ordre de plusieurs fois le champ terrestre a peu d’influence. Energie magnéto-cristalline, énergie d’agitation thermique, énergie de champ extérieur se conjuguent pour caractériser un grain magnétique et définir ses paramètres critiques (Néel,1949): Température(s) de blocage Champ(s) de blocage Temps de relaxation La direction d’aimantation d’un grain reste rigidement « collée » à l’une des directions de facile aimantation, c’est le gage d’une stabilité quasi indestructible. C’est grâce à la loi des grands nombres, par dispersion isotrope d’une myriade de ces grains dans notre roche, que la résultante vectorielle devient fidèlement représentative du champ magnétique qui régnait au moment du processus d’aimantation de la roche Dispersion inhomogène des grains anisotropie structurale L’aimantation résultante M est déviée de la direction du champ agissant H. La susceptibilité magnétique c (M = c H) n’est plus un scalaire mais un tenseur. Aimantation détritique particules aimantées (noir) fond calme Bioturbation Compaction Exemple de 3 aimantations juxtaposées N 2 Moment résultant E 3 Bas 1 Température de "blocage" (°C) Modèle qualitatif du processus d’aimantation d’une roche 700 Hématite 600 Magnétite 500 400 300 200 100 T ambiante 0 -100 -200 -300 0 10 20 30 Champ de "blocage" à 20°C (mT) Diagramme simplifié, transposé de la théorie de Néel (1949), d’après Daly, 1981 40 50 Modèle qualitatif de désaimantation d’une roche Hématite 700 Magnétite Température de "blocage" (°C) 600 500 400 300 200 100 T ambiante 0 -100 -200 -300 0 10 20 30 Champ de "blocage" à 20°C (mT) 40 50 Paramètres caractéristiques de la minéralogie magnétique Js susceptibilité initiale Hc Hcr Jrs Viscosité magnétique Aimantation Anhystérétique effets de pression Cycles à chaud ou à froid Susceptibilité / fréquence Diffraction rayons X, neutrons effet Mössbauer etc. Susceptibilité en champ faible Induite à saturation en champ fort 20°C Température 20°C Température Avant tout, il faut aller récolter les échantillons ! Des petits ou des gros… Tous convenablement orientés sur le terrain BLINDAGE ET BOBINES DE CHAMP Blindage magnétique Concentration des lignes de force dans l’épaisseur de la tôle ? Compensation de « l’effet de bouts » Exemple du gros four d’archéointensité : Dia 14 cm, long 36 cm 1 10% 0.95 0.9 8% 0.85 0.8 5% 0.75 0.7 3% 0.65 0.6 0% 0.55 0.5 -3% 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 Distance du centre (cm ) Ajout de ~3.5 cm (1/2 rayon): zone à ±1% passe de 10 cm à 27 cm Principes de la mesure d’aimantations • mesure de champ, de flux, de force • exemples d’instruments MESURE DE CHAMP Capteur à aimants suspendus, astatique B=µ0/4p 2 M/r3 -M/2 Echantillon centré Sur l’aimant central M B=µ0/4p M/r3 Dipôle M Z Y X Bx r -M/2 Le champ B diminue très rapidement, comme l’inverse du cube de la distance Déviation du spot sur la règle Magnétomètre à fluxgate dans blindage (LETI) Axe de mesure du fluxgate Blindage en mumétal Echantillon cylindrique Tension de sortie fréquence 2F, proportionnelle à H courant d’excitation fréquence F Champ H Exemple d’application récente des fluxgates Ordres de grandeur du champ B à 3 cm du centre d’un échantillon standard cylindrique ~10 cm3 Roches volcaniques et argiles cuites : 10-2 à 10 A/m de 3 à 300 nT Roches sédimentaires : 10-3 A/m et (beaucoup) moins inférieur à 0.3 nT Le bruit de fond magnétique (hors orages) est souvent de quelques dizaines de nT dans les zones calmes faiblement urbanisées (Parc St-Maur, p. ex.), ce que l’on retrouve aussi dans une chambre blindée en pleine ville, à proximité du métro, comme dans les sous-sols de Jussieu. MESURE DYNAMIQUE DE FLUX G B(i) / i Z Bext (G M ) (B S) i Y C e X ext C e -d/dt Sensible à Bext Insensible à Bext N/4 spires Z Y 2R ROTATION e R B1 B'1 X N spires B2 B'2 w Gz = Gy = 0 Gx <> 0 = Gx Mxy cos wt e = w Gx Mxy sin wt Les bobines B2 diminuent la sensibilité au centre d’environ 1/8ème Blindage Bobines ouvertes Inductomètre tournant JR5 5400 tr/mn (90Hz) Echantillon 10 cm3, 25 g Bobines de compensation Bobines principales Gros inductomètre tournant 300 tr/mn (5Hz) Echantillon 12 cm de côté, 2 kg Z Insensibles à Bext Z Y Y e Gx Gz X X e TRANSLATION - VIBRATION Le long de l’axe X Gz(x) = Gy(x) = 0 Gx(x) = f(x) Le long de l’axe X Gx(x) = Gy(x) = 0 Gz(x) = f(x) = Gx(x) Mx = Gz(x) Mz e = Mx (dGx / dx) (dx / dt) e = Mz (dGz / dx) (dx / dt) 5 cm Tige porteéchantillon Exemple d’inductomètre vibrant (35 Hz, 4mm) pour obtenir des cycles d’hystérésis, avec des petits échantillons cylindriques (dia 6mm, long 6mm) chauffés jusqu’à 600°C Sensibilité des capteurs à bobines. L’augmentation du nombre de spires, qui augmente proportionnellement la sensibilité, conduit à une augmentation de la résistance du circuit, ce qui augmente aussi le bruit thermique et l’encombrement... --> résistance du cuivre limitée à quelques kilo Ohms --> préamplificateurs à faible bruit --> détection synchrone à partir d’une référence de phase du mouvement (rotatif ou alternatif) On obtient des niveaux de l’ordre de quelques dizaines de nano Volts à des fréquences entre 5 et 100 Hz. Ces sensibilités correspondent à l’étude d’une assez grande majorité des roches. MESURE STATIQUE DE FLUX SQUID (Superconducting QUantum Interference Device) La bobine entourant l’échantillon transmet le flux au Squid Doigt chaud isolant de l’hélium liquide MESURE DE FORCE (aimantation induite en champ fort) Un champ alternatif à fort gradient axial (bx) est superposé au champ continu Bx Zone de champ B à fort gradient transversal Fz = Mx dBx/dz Fx = Mx dbx/dx Détecteur piézo-électrique F F vibration Mx B Z Balance de Curie X B Mx b Micromag X Principe de la Détection Synchrone Signal Multiplication Intégration Référence 1.5 1 0.5 0 0 120 240 360 -0.5 -1 -1.5 Phase Phase Phase:::180° 100° 120° 140° 160° 20° 40° 60° 80° 90° 0° 480 600 720 Instruments d’analyse • Aimantation rémanente champs alternatifs chauffage en champ nul dissolution chimique • Minéralogie magnétique • Anisotropie magnétique MESURE DE SUSCEPTIBILITE MAGNETIQUE Deux bobines identiques : Ga = Gb = G volume v h = (G/µ0) I sin wt h m=chv a De = v cw (G2/µ0) I cos wt b i = I sin wt -0+ v~ De -i Appareil de mesure de la variation thermique de la susceptibilité Le Four avec l’échantillon de poudre est introduit dans la bobine à intervalles réguliers. Le « zéro » est fait avant et après chaque mesure. Développement instrumental Exemple du « TRIAXE » Instrument principalement destiné à la détermination des archéo/paléo-intensités • Mesure simultanée des trois composantes • Sensibilité nécessaire pour au moins les terres-cuites • Chauffage rapide jusqu’à 670°C • Application d’un champ faible dans toutes les directions • Stabilité meilleure que 1% sur plusieurs heures • Automatisation maximale des expériences Mesure de l’aimantation à haute température 900 Chauffer de Tamb à T1 (H=0) 800 H=0 NRM 600 T1 = 148°C Mtotal (10 -8 Am²) 700 500 400 300 200 100 0 0 50 100 150 200 250 300 Temperature (°C) 350 400 450 500 Mesure de l’aimantation à haute température 900 Chauffer de T1 à T2 (H=0) 800 H=0 NRM Mtotal (10-8 Am²) 700 600 500 T1 = 148°C 400 300 Curve #1 T2 = 448°C 200 100 0 0 50 100 150 200 250 300 Temperature (°C) 350 400 450 500 Mesure de l’aimantation à haute température 900 Refroidir jusqu’à T1 et Chauffer de T1 à T2 (H=0) 800 H=0 NRM 600 Mtotal (10 -8 Am²) 700 500 400 300 Curve #1 200 T2 = 448°C Curve #3 100 T1 = 148°C Curve #2 0 0 50 100 150 200 250 300 Temperature (°C) 350 400 450 500 Mesure de l’aimantation à haute température 900 Hlab = 70µT 800 H = 70 µT NRM 600 Mtotal (10 -8 Am²) 700 500 400 300 Curve #1 T2 = 448°C 200 H = 70µT Curve #3 100 T1 = 148°C Curve #2 0 0 50 100 150 200 250 300 Temperature (°C) 350 400 450 500 Mesure de l’aimantation à haute température 900 T1 = 148°C 800 Refroidir de T2 à T1 (H = 70µT) NRM 600 Curve #4 Mtotal (10 -8 Am²) 700 500 400 300 Curve #1 200 T2 = 448°C Curve #3 100 Curve #2 0 0 50 100 150 200 250 300 Temperature (°C) 350 400 450 500 Mesure de l’aimantation à haute température 900 Hlab = 0 T1 = 148°C 800 NRM H=0 600 Mtotal (10 -8 Am²) 700 500 Curve #4 400 300 Curve #1 200 100 Curve #3 0 Curve #2 0 50 100 150 200 250 T2 = 448°C 300 Temperature (°C) 350 400 450 500 Mesure de l’aimantation à haute température 900 Chauffer de T1 à T2 (H=0) T1 = 148°C 800 NRM 600 Mtotal (10 -8 Am²) 700 500 Curve #5 Curve #4 400 300 Curve #1 200 T2 = 448°C Curve #3 100 Curve #2 0 0 50 100 150 200 250 300 Temperature (°C) 350 400 450 500 exemple de résultat, le champ ancien est donné par R’ (40µT) La courbe R est un paramètre qui concerne la vitesse de refroidissement de la céramique dans le four de l’époque 80 70 R, R’ (µT) R 60 50 R' 40 30 20 10 0 150 Ti, (°C) 200 250 300 350 400 450 Variation de l’intensité du champ magnétique terrestre en Mésopotamie durant 4 millénaires avant JC Autres programmes instrumentaux au laboratoire Etudes des effets de pression avec cellules de diamant Installation d’un nouvel instrument d’analyse de minéralogie magnétique Multi usage à SQUID Mise au point d’un micromagnétomètre en vue de visualiser l’aimantation des particules sub-millimétriques dans des tranches fines de roches Pour terminer... L’aimantation des roches naturelles et des terres cuites par l’homme est la mémoire quasi infaillible du champ magnétique terrestre, et donc du fonctionnement de la dynamo géomagnétique. Pour lire les pages de cette « magnétothèque », les laboratoires de paléomagnétisme ont développé depuis près d’un siècle un grand nombre d’instruments originaux, dont le magnétomètre à SQUID est un des fleurons. Les tendances actuelles se poursuivent dans deux voies : 1) la connaissance de plus en plus approfondie de la physique des minéraux magnétiques et 2) une automatisation maximales des mesures et analyses « de routine » pour affiner le maillage spatial et temporel de la base de données paléomagnétique.