Psychopharmacologie du sujet âgé Dr Ch Arbus Service de Psychiatrie Adulte du Pr Schmitt CMRR Midi-Pyrénées-Gérontopôle CHU Purpan-Casselardit Paramètres pharmacocinétiques Absorption Diminution de la mobilité gastrique et intestinale Mobilité épithéliale ralentie o Réduction de la circulation sanguine intestinale o o Distribution o o Augmentation de la masse graisseuse Diminution de l’albuminémie Métabolisme o o o Diminution du métabolisme hépatique Malnutrition Carence en vitamines et minéraux Élimination o Fonctions rénale et hépatique Paramètres pharmacodynamiques Hypothèses: o o Modification des taux de neurotransmetteurs Diminution des récepteurs Vulnérabilité du système nerveux central aux psychotropes +++ Rapport bénéfice/risque Bénéfice Peu d’études contrôlées, courtes durées Faibles échantillons Hétérogénéité des lieux d’étude, des populations Risque Intrinsèque (+/-) Associé à autres facteurs ++ (interactions méd., comorbidités, mésusage) Tendance plus marquée à hiérarchisation des pathologies à traiter Existe t-il un mauvais usage des psychotropes chez le sujet âgé? Critères Consensus d’experts Basés sur expérience clinique, moins sur études contrôlées Critères de Mc Leod et Beers 20-25% des patients âgés: 1 prescription inappropriée 4-5% ≥ 2 prescriptions inappropriées, dont la moitié avec une prescription potentiellement dangereuse Psychotrope impliqué dans 23-51% des cas Fialova et al, JAMA, 2005, 293(11): 1348-58 Curtis et al, Arch Intern Med. 2004;164:1621-1625 Pitkala KH, et al. Arch Intern Med 2002;162:1707-1712 Evaluation du risque: Medication Appropriateness Index Critère Poids Y a-t-il une indication pour le traitement? 3 Le médicament est t-il efficace pour cet état? 3 La posologie est-t-elle correcte? 2 Les objectifs sont-t-ils adéquats? 2 Absence d’interaction médicamenteuse cliniquement significative ? 2 Absence d’interaction médicament-comorbidités cliniquement significative ? 2 Les objectifs sont t-ils pratiques (réalistes)? 1 Ce médicament est-t-il la solution la moins coûteuse comparée à d’autres d’efficacité égale? 1 N’y a-t-il pas un double usage avec d’autres médicaments? 1 La durée de traitement est-t-elle acceptable ? 1 Schmader et al, J Am Geriatr Soc 1994, 42:1241-7 Facteurs à prendre en compte Bénéfice attendu = Efficience •Efficacité > AMM •Jugement du médecin •Décision du patient •Sécurité d’emploi Risque •Intrinsèque •Co-facteurs -Comorbidités -Coprescriptions -Mésusage Hétérogénéité des populations Population ambulatoire o 36% de DTA légères vivent seules au domicile (RÉAL.FR) Foyer logement - résidences intégrées EHPAD Courts et moyens séjours Longs séjours Écueils liés à la prescription des psychotropes chez l’âgé Sensibilité accrue aux médicaments Hétérogénéité des réponses liée au vieillissement Évènements indésirables (fréquents, intenses, à des doses plus faibles) Incidence accrue de pathologies comorbides Risque d’interactions médicamenteuses Difficultés diagnostiques Évolution des troubles psychiatriques mal connue Et pourtant… EHPAD : o Dwyer et al., Am J Geriatric Pharmacoth, 2010 40% des patients sont polymédiqués (>8 molécules) QuickTime™ et un décompresseur sont requis pour visionner cette image. Et pourtant… En population générale : Un sujet âgé de plus de 70 ans sur deux consomme un psychotrope 20% consomment un hypnotique ou un anxiolytique de façon chronique En 2008 = 16,1% des DTA consomment des NL Proportion 5 fois plus élevée que dans la population générale des plus de 65 ans (2,9%) … HAS, Espace thématique Les antidépresseurs La dépression du sujet âgé EDM: 4,4% des femmes, 2,7% des hommes Sous diagnostiquée dans 40% des cas Fréquence élevée des symptômes dépressifs en ambulatoire et EDM en institution 35,7% des sujets dépressifs traités par AD et 27,4% par anxiolytiques Steffens et al., Arch G Psy, 2000 Alexopoulos, J Psy Practice, 2001 Pharmacocinétique Linéaire sauf pour fluoxétine, paroxétine Lipophiles +++ (1/2 vies) Fixation aux protéines +++ sauf pour venlafaxine CYP450 (P2D6, P3A4 - P1A2 pour ATC) F° rénale clearance des métabolites hydrosolubles Pharmacocinétique Transporteur Récepteur NA HT DA H1 M1 α1 Amitriptyline +++ ++++ - +++++ +++ +++ Clomipramine +++ ++++++ - +++ +++ +++ Imipramine +++ +++++ - ++++ ++ ++ Escitalopram - +++++ 0 + - + Fluoxétine ++ +++++ - - - - Fluvoxamine + +++++ - 0 0 - Paroxétine +++ ++++++ + 0 ++ - Sertraline + ++++++ +++ 0 + ++ Duloxétine ++++ ++++++ + - - - Mirtazapine - 0 0 ++++++ + + Venlafaxine + ++++ - 0 0 0 Interactions médicamenteuses Dépendant surtout du potentiel inhibiteur sur le CYP450 Fluoxétine, Fluvoxamine et Paroxétine ++ Citalopram et Sertraline - - Efficacité Pas de supériorité entre les différentes classes ATC peut être plus efficaces sur formes sévères Anderson, J Affect Disord, 2000 Effet placebo important +++ Globalement peu d’études Conduite du traitement Start low, go slow mais atteindre de bonnes posologies Savoir attendre, poursuivre longtemps En cas de résistance : Switch Associations Thérapies d’augmentation Effets secondaires neuropsychiatriques Anxiété Altération cognitive Confusion Chutes Mouvements involontaires Manie Épilepsie Insomnie … Les effet des antidépresseurs sur le sommeil Le rôle de la sérotonine : - paradigme processus S/C - neuromodulateur diachronique du sommeil (accumulation de 5HT pendant la veille jusqu’à un niveau déclenchant le sommeil) Continuité : hétérogénéité Profondeur : peu de modifications SP : disparition, retarde l’apparition Les thymorégulateurs Généralités Bénéfice chez la personne âgée Peu d’études contrôlées, courtes durées, en ouvert Faibles échantillons Hétérogénéité des lieux d’étude, des populations Risque Intrinsèque Facteurs liés à l’âge o o o Capacité de métabolisation réduite Sensibilité accrue aux effets indésirables Les effets indésirables peuvent avoir des conséquences plus graves Lithium Pas d’études contrôlées ciblées sur sujets âgés Etudes en ouvert Efficacité plus marquée dans manies pures Pharmacocinétique modifiée Volume de distribution réduit (masse grasse augmentée, masse musculo-squelettique et volume hydrique diminués) Clearance de la créatinine diminuée o o Insuffisance rénale Hypertension, cardiopathie congestive Interactions médicamenteuses Aziz R. et al. Am J Geriatr Pharmacotherapy 2006, 4: 347-64 Eastham JH, et al. Drugs Aging.1998;12:205-224. Lithium Risques plus fréquents chez sujet âgé Effets neurotoxiques: confusion (#20%), ataxie, akathisie Tremblements : 40-58% Toxicité cardiaque: bloc sinusal ou sinoauriculaire, BAV >> ECG périodique + Dysfonction thyroïdienne jusqu’à 1/3 des patients Polyurie, polydipsie, prise de poids, œdème chez #50% 4% d’hospitalisations pour EI grave Juurlink DN, et al. JAGS. 2004;52:794-798 Head L, et al. Int J Geriatr Psychiatry. 1998; 13:164-171. Lithium chez sujet âgé Oui si efficacité antérieure et pas de CI Dosage? Posologies inférieures de 25 à 50% ? Lithiémies entre 0,4 et 0,7 mEq/l (plus basses que jeune) Critères de posologies Age, comorbidités, tolérance, fragilité Posologie: 300-450 mg/j Juurlink DN, et al. JAGS. 2004;52:794-798 Head L, et al. Int J Geriatr Psychiatry. 1998; 13:164-171. Divalproate - valproate 4 études rétrospectives positives DVP > Lithium : existence de symptômes dépressifs et multiples épisodes antérieurs Alternative au lithium Lien avec albumine, influence taux plasmatique Interactions médicamenteuses Taux augmenté par ac acétylsalicylique Taux diminué par phénytoïne, carbamazépine Augmentation des taux de phénobarbital, phénytoïne, lamotrigine, ATC Risinger RC, et al. J Clin Psychiatry 1994; 55(5):215. Chen ST, et al. J Clin Psychiatry. 1999;60:181-186. Mordecai DJ, et al. Int J Geriatr Psychiatry. 1999;14:494-496. Carbamazépine Pas d’essais cliniques contrôlés dans cette population Effets indésirables communs: vertiges, sédation, rash, troubles cognitifs EI graves: néphropathie, arythmie, porphyrie, insuffisance médullaire, SIADH, dermatose, lupus érythémateux disséminé Interactions médicamenteuses: antagonistes calciques, cimétidine, érythromycine Inducteur enzymatique Taux préconisé: 4-12 ug/l Lamotrigine 2 essais incluant sujets âgés EI communs: vertiges, sédation, céphalées, ataxie, rash (0,3%) EI graves: troubles hématologiques, dermatoses nécrosantes, insuffisance hépatique Interactions: augmente concentration de carbamazépine, diminue taux d’acide valproïque Taux préconisé: 25-400 ug/l • Modalités: 12,5 - 25 mg/sem,augmentation toutes les 1-2 semaines • 200-400 mg/j (adulte jeune) Sajatovic M, et al Drugs Aging 2005;22(1):39–54. Bowden CL, et al. Arch Gen Psychiatry. 2003;60:392:400. Calabrese et al. J Clin Psychiatry. 2003;64:1013-1024. Les antipsychotiques Les indications chez le sujet âgé La schizophrénie Les troubles délirants chroniques Manie délirante Dépression délirante Symptomatologie anxieuse résistante ? Confusion Symptômes psycho-comportementaux de la démence (SCPD) Alexopoulous et al., 2004 (Expert Consensus Guideline) Modes d’action des AP Réceptogramme des AP d’après Markowitz Affinité pour les récepteurs Halopérido l Amisulprid e Clozapine Olanzapine Rispéridone D1 +++ - ++ +++ + D2 ++++ ++++ +++ ++++ ++++ 5HT2 + - +++ ++++ ++++ α1 ++ - +++ +++ +++ α2 - - - - +++ H1 - - +++ ++++ + M1 - - ++++ +++ - - : sans affinité + à ++++ : de faible à forte intensité Effets adverses potentiels Effets anticholinergiques SEP Sd métabolique Augmentation de l’intervalle QTc Dyskinésie tardive Prescription d’un NL Sédation Seulement 20% de bénéfice par rapport au placebo Sd hyperkinétique Hypotension orthostatique Efficacité: 35 % - 61% (48 études de 1960 - 2000 Kindermann & al, Drugs Aging, 2000 Les antipsychotiques dans les démences: Quels risques ? Définition de la démence Altération acquise des fonctions cognitives suffisantes pour entraîner une perte d’autonomie d’évolution progressive vers une dépendance totale et la mort 3 ans pendant lesquels la perte d’autonomie n’est pas majeure o 2 ans de démence sévère avec recours quasi obligatoire à l’institutionnalisation (72% des sujets vivant en institution sont déments) o Qu’est ce que la maladie d’Alzheimer? La plus fréquente des démences 60 % des démences Les autres démences Les démences vasculaires Les démences à corps de Lewy Les démences mixtes Les démences fronto temporales Troubles psychologiques et comportementaux dans la MA : Classification (2) Symptômes comportementaux Symptômes psychologiques Agressivité Cris Opposition Agitation Déambulation Deshinibition sexuelle Comportements aberrants Anxiété Humeur dépressive Hallucinations Idées délirantes Trouble affectif dépressif associé à la démence Lyketsos, 2007 avec ou sans trouble psychotique Symptômes affectifs prédominants oui Trouble affectif anxieux associé à la démence avec ou sans trouble psychotique non Symptômes psychotiques prédominants oui Trouble psychotique associé à la démence non Trouble du sommeil Syndrome apathique Trouble dysexécutif La chronologie des alertes Octobre 2002 : DDL de Janssen (Canada) « évènements cardiovasculaires » Mars 2003 : alerte FDA sur RISPÉRIDONE (AVC, AIT). Avril 2003 : DDL de Janssen (USA) Mars 2004 : alerte FDA sur OLANZAPINE (hyperglycémie, diabète). DDL de Lilly (USA) 9 mars 2004 : Communiqué de l’AFSSAPS. DDL de Lilly (France), modification du RCP Avril 2005 : FDA Public Health Advisory. Deaths with Antipsychotics in Elderly Patients with Behavioral Disturbances Les risques des NL La FDA recense 17 essais ayant inclus 5106 patients déments. La durée moyenne des essais était de 10 semaines. Le taux de mortalité atteint 4,5% dans le groupe traité vs 2,6% dans le groupe placebo. DC x 2 , AVC x 3 par rapport aux groupes contrôles Les risques sont les mêmes pour les NL classiques Facteurs associés Age > 65 ans, Sédation Dysphagie, Malnutrition, Déshydratation Pathologie pulmonaire Utilisation concomitante de benzodiazépines Facteurs de risque cardiovasculaires, démence mixte +++ Traitements médicamenteux Le traitement ne sera pas instauré si le symptôme : - a une origine somatique (par exemple douleur) - a une origine iatrogène (hallucinations avec les agonistes dopaminergiques, les anticholinergiques, les Inhibiteurs de l’acétylcholine estérase (IAChE), le zolpidem, les corticoïdes) - a répondu à des interventions non médicamenteuses environnementales, thérapies comportementales. Le traitement sera instauré : Pour réduire les symptômes altérant la qualité de vie du patient ou mettant en péril sa sécurité ou celle de son entourage. On s’assurera que le patient bénéficie d’un traitement spécifique de la maladie (IAChE et/ou mémantine). S’agissant de prescriptions hors AMM ou ayant fait l’objet d’avis de précaution des autorités de santé (AFSSAPS) : o o l’évaluation du rapport bénéfice/risque devra être documentée la prescription devra être limitée dans le temps et soumise à une réévaluation fréquente. Principes d’utilisation des neuroleptiques et antipsychotiques Peser le bénéfice / risque++ Doses faibles ++ (1/4 dose adulte jeune) recherche dose minimale efficace diminution dès régression durée brève+++ Réévaluation périodique du traitement Comment améliorer le rapport bénéfice/risque? Plus d’études contrôlées sujet âgé, de durée suffisante Développement de prescription assistée par ordinateur Développer collaboration clinicien-pharmaciens Meilleur ciblage des sous-groupes à risque Préciser le nombre « pour traiter » et « pour léser » Information patients et familles (type AFSSAPS 2005) Chez les sujets de plus de 65 ans, 20 à 30% des hospitalisations seraient dues aux médicaments. Médicament = arme à double tranchant