pratique Consultation avant de prendre l’avion : évaluation et conseils par le médecin de premier recours Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 1753-61 A.-V. Butty* C. Pala* M. Dominicé Dao Medical consult before taking a plane : assessment and advice by the primary care physician Many of our patients travel by air. During the flight, they are exposed to specific physical conditions : decrease of the PaO2, increase of body gas volume and decrease in humidity. Depending on their illness, their tolerance to these conditions may vary. The primary care physician’s role is to adequately counsel patients in order to ensure their security during and after the flight, as well as to prescribe additional therapies, when needed. Patients with a hypoxemic medical condition or patients that were recently operated deserve particular attention. Complications of common ear, nose and throat diseases should not be underestimated. Preventive recommendations for thromboembolic disease need to be addressed, while drug prophylaxis is not systematically recommended any more for patients with major thromboembolic risk factors. Une proportion croissante de nos patients voyage en avion. Pendant le vol, ils soumettent leur organisme à des conditions physiques spécifiques : diminution de la PaO2, expansion du volume des gaz corporels et diminution de l’humidité ambiante. Selon leurs problèmes de santé, ils peuvent plus ou moins bien les tolérer. Le rôle du médecin de premier recours est de conseiller son patient afin d’assurer sa sécurité en vol et de proposer si nécessaire des prescriptions médicales. Les patients porteurs de maladies hypoxémiantes ou récemment opérés méritent une attention particulière. Les complications des pathologies ORL ne doivent pas être sous-estimées. Des con­ seils de prévention de la maladie thromboembolique doivent être entrepris, mais la prophylaxie médicamenteuse n’est plus systématiquement recommandée lors de facteurs de risque majeurs. introduction Le nombre de passagers de l’aviation civile est passé de 300 000 dans les années 1950 à près de 3 milliards en 2013. Les estimations mondiales prédisent un doublement du nombre de passagers durant ces vingt prochaines années.1 Parmi ceuxci, nous retrouvons nos patients avec leurs maladies, exposés aux conditions spécifiques d’un vol en avion, dont certaines peuvent influencer leur état de santé. Le présent article vise à donner un aperçu non exhaustif des recommandations relatives aux pathologies médicales les plus courantes, afin d’aider le médecin de premier recours (MPR) à conseiller au mieux son patient avant un vol en avion. conditions spécifiques à bord d’un avion Pression atmosphérique et PaO2 Les cabines des avions modernes sont pressurisées en moyenne à une pression atmosphérique équivalente à une altitude d’environ 2400 m. Une PaO2 de 98 mmHg au niveau de la mer passe à environ 62-67 mmHg (8,2 à 9 kPa) avec une saturation en O2 de 90-93% en altitude de croisière, suivant la loi de Dalton définissant que la pression totale de l’air respiré est égale à la somme des pressions partielles des gaz qui le composent.1,2 L’hypoxémie relative à cette pressurisation est dans la majorité des cas insignifiante pour le passager en bonne santé, mais peut poser problème aux patients porteurs de pathologies sensibles à l’hypoxémie telles qu’une maladie pulmonaire, cardiaque, cérébrale ou hématologique. Nous discuterons ci-dessous des indications à la prescription d’une substitution en oxygène. Expansion des gaz * Ces auteurs ont contribué de manière égale à la rédaction de cet article. Selon la loi de Boyle-Mariotte, le volume occupé par un gaz donné varie de manière inverse à la pression qu’il subit, entraînant l’expansion de tout gaz corporel lors d’ascension de l’avion, en parallèle de la diminution de la pression Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 24 septembre 2014 17_25_38072.indd 1 1753 18.09.14 08:55 ­ tmosphérique.2 Dans ces conditions, toute pathologie pré­ a sentant une obstruction à l’équilibre des gaz (par exemple, otites, sinusite, iléus, pneumothorax, pneumocéphale) devient une contre-indication au vol ou nécessite un délai avant son accomplissement (par exemple, status postchirurgie abdominale, traitement décollement rétine, postchirurgie thoracique, etc.). Phénomène de décompression Cette problématique – bien connue des plongeurs – s’applique également dans les airs suivant la loi de Henry qui définit qu’à température et saturation constantes, la quantité d’un gaz dissous dans un liquide est proportionnelle à la pression partielle qu’exerce ce gaz sur le liquide.2 En d’autres termes, si la pression extérieure diminue, le gaz en solution va diminuer et se libérer sous forme de bulles. L’ex­position précoce à de basses pressions atmo­ sphériques après avoir été soumis moins de 24 heures avant à de hautes pressions (plongée sous-marine) facilite le dévelop­pement d’une maladie de décompression avec ­libération de microbulles d’azote.3-5 Humidité Durant le vol, l’humidité présente en avion est diminuée de 20% pouvant entraîner des phénomènes inconfortables de sécheresses des muqueuses, des conjonctives, ou de la peau, toutefois sans risque vital pour la santé.3-5 rôle du médecin de premier recours Le rôle du MPR est d’identifier les patients à risque, d’évaluer leur tolérance aux conditions du vol en fonction de leurs pathologies et d’anticiper les besoins nécessaires à la réalisation du vol, en particulier pour les vols long-courriers. Il devra parfois prescrire un traitement, des mesures spécifiques, voire un accompagnement médicalisé, afin de garantir un voyage sans risque. En effet, l’assistance sanitaire offerte par le personnel des vols de ligne et les traite- ments d’urgence disponibles sont très limités. Enfin, il doit évaluer si les pathologies du patient pourraient altérer le confort des autres utilisateurs ou la sécurité du vol. Les compagnies d’aviation ont la possibilité légale de refuser de transporter un passager, y compris au moment de l’embarquement.1,5 Chaque compagnie possède un formulaire de renseignements médicaux MEDIF (http://medicalservices.swiss.com/en/Documents/SAF_MEDIF_FORM_ 2011_EN.pdf), que le MPR doit remplir et remettre au patient, pour qu’il informe la compagnie d’aviation, qui pourra prévoir d’éventuelles mesures de soutien. En cas de doute, le MPR pourra contacter le service médical de la com­ pagnie aérienne responsable du vol. Les patients à mobilité réduite doivent contacter directement la compagnie aérienne pour obtenir les différentes mesures d’accom­pa­ gne­ment. Le MPR devra également recommander à ses patients de garder dans leur bagage à main leur traitement médical essentiel. Dans certaines situations (traitement par opiacés, matériel d’injection, etc.), un certificat médical destiné aux autorités aéroportuaires attestant leur prescription médicale est recommandé. Il en est de même lors de présence d’implants métalliques ou de stimulateur cardiaque. L’utilisation d’appareil électrique (CPAP, BiPAP, aspiration, concentrateur d’oxygène) nécessite l’accord préalable du service médical de la compagnie aérienne. Le tableau 1 résume les contre-indications absolues et relatives à voler, les éventuels délais à respecter, et les mesures et traitements spécifiques à proposer. maladies pulmonaires et cardiovasculaires La problématique principale est de décider de la tolérance du patient à l’hypoxie et s’il doit bénéficier d’un apport en oxygène. Les recommandations largement reconnues de la British Thoracic Society sont résumées dans la ­figure 1.6-9 Edvardsen et coll.10 proposent, pour les patients Tableau 1. Contre-indications relatives et absolues à voler et mesures d’adaptation proposées 3-5,7-9,11-14 Problématique Contre-indication absolue Contre-indication relative Remarques/mesures d’adaptation Pneumologie Asthme •Asthme labile •Garder à disposition lors du voyage : •Asthme sévère bronchodilatateurs de courte durée d’action •Hospitalisation récente pour et corticostéroïdes oraux décompensation • Dépendra de la PaO2 ou SaO2 Maladie pulmonaire •Dépendra de la PaO2 ou SaO2 hypoxémique(voir figure 1)(voir figure 1) •Besoin de O2 L 4 l/min au sol Autre pathologie intrathoracique •Pneumothorax •Incapacité de vol jusqu’à guérison •Pneumomédiastin (délai 1-3 semaines postinflation) •Emphysème sous-cutané •Suivi radiologique nécessaire •Epanchement pleural •Suivant la sévérité nécessite un drainage et l’évaluation de la composante hypoxémique (voir figure 1) Postopératoire •Toute chirurgie pulmonaire récente •Report 1 à 3 semaines postintervention •Pneumectomie/lobectomie •Report 6-9 mois, évaluation des comorbidités hypoxémiantes de base, si PaO2 L 70 mmHg : apte au vol 1754 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 24 septembre 2014 17_25_38072.indd 2 18.09.14 08:55 Tableau 1. (Suite) Problématique Contre-indication absolue Contre-indication relative Remarques/mesures d’adaptation Cardiologie Cardiopathie • Angor instable • Angor stade IV •Vol à déconseiller, si absolument nécessaire ischémiqueprescrire O2 2 l/min et chaise roulante • Angor stade III •Vol sous O2 si PaO2 l 70 mmHg • NSTEMI avant coronarographie • STEMI •Dès 3 jours si l 60 ans, flux restauré et fonction normale, sinon dès 10 jours • Pontage coronarien •Dès 14 jours (après radiographie pour exclure pneumothorax) • Angioplastie simple • Angioplastie compliquée •Possible dès 2 jours •Possible dès 3 à 14 jours Insuffisance • Insuffisance cardiaque décompensée • NYHA classe IV •O2 si PaO2 l 70 mmHg et accompagnement cardiaquemédical • NYHA classe III Troubles du rythme • Toute arythmie mal contrôlée • Tachycardie supraventriculaire contrôlée •O2 si PaO2 l 70 mmHg •Antiarythmique à portée de main • Bradycardie avec syncope • Extrasystoles ventriculaires •Vol à déconseiller, si absolument nécessaire LLown IVb prescrire O2 2 l/min Hypertension • Syndrome d’Eisenmenger • HTP avec NYHA classes III et IV •Prescrire apport en O2 pulmonaire •Vol possible sans O2 pour NYHA classes I et II Maladie cardiaque • NYHA classe IV •Vol à déconseiller, si absolument nécessaire cyanogèneprescrire O2 2 l/min • NYHA classes I, II, III Insuffisance artérielle • Stades selon Fontaine III et IV des membres inférieurs • Stades selon Fontaine I et II Postopératoire • Chirurgie cardiaque récente Hypertension artérielle •TA L 200/120 mmHg •Evaluation spécialisée pour discuter apport en O2 •Report 2-3 semaines Neurologie Epilepsie • Crise de grand-mal •Report vol L 24 heures • Epilepsie mal contrôlée •Avoir traitement à portée de main •Risque d’abaissement du seuil épileptogène (fatigue, hypoxie, horaires modifiés) Pathologie vasculaire • Accident vasculaire cérébral •Report de 1 à 6 semaines •Evaluer la stabilité de l’état clinique •Vol possible 48 heures après l’événement • Accident ischémique transitoire • Hémorragie sous-arachnoïdienne •Vol possible 10 jours après l’événement ORL Pathologies • Otite moyenne aiguë •Report du vol car risque de rupture du tympan infectieuses et de saignement •Si report du vol impossible : évaluer ATB r décongestionnant, W myringectomie laser temporaire • Sinusite aiguë •Report du vol •Risque d’obstruction des sinus et d’altération de la régulation de la pression, de céphalées sévères, d’algie faciale, de saignement •Si report du vol impossible : évaluer ATB r décongestionnant Postopératoire • Tympanoplastie •Report du vol L 10 jours avec certificat • Mastoïdectomie spécialiste ORL •Stapédectomie • Labyrinthectomie NB : Une myringectomie ou la pose de drains • Résection d’un neurinome permettent le vol sans report acoustique 1756 • Tonsillectomie • Report de 4 jours à 2-3 semaines • Adénectomie • Nécessite l’absence de saignement et le certificat • Palatoplastie d’un spécialiste ORL Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 24 septembre 2014 17_25_38072.indd 3 18.09.14 08:55 Tableau 1. (Suite) Problématique Contre-indication absolue Contre-indication relative Remarques/mesures d’adaptation Pathologies • Status post-trachéostomie ou •Hydratation de la muqueuse externe chroniques laryngectomie, paralysie des •Evaluer la nécessité d’une aspiration (avertir la cordes vocales, dysfonctions compagnie si nécessaire) laryngées Maladies thrombo-emboliques Maladie thrombo- •Embolie pulmonaire aiguë •Report du vol, vol possible dès le 1er mois si embolique aiguë anticoagulation efficace (modulation possible si embolie peu importante) •Thrombose veineuse profonde aiguë •Report du vol, vol possible dès 14 jours si anticoagulation efficace Pathologies digestives Colostomie •Adapter la poche de stomie, risque de dilatation des gaz et de transit augmenté Pathologie aiguë •Iléus •Pas de vol •Perforation intestinale •Pas de vol et réévaluation à 6 semaines Postopératoire ou •Chirurgie abdominale •Report de 1-2 semaines, voire 1 semaine examen diagnostique si pas d’ouverture de la lumière intestinale •Chirurgie abdominale laparoscopique •Report de 5-10 jours, nécessite l’absence de ballonnements • Laparoscopie diagnostique •Report du vol de 24 heures •Colonoscopie avec polypectomie •Report de 1 semaine, procédure avec insufflation de gaz importante, risque de saignement NB : expansion de gaz suivant la loi de Boyle-Mariott : risque de mise sous tension des sutures, de saignement, de perforation Divers Hématologie •Anémie l 95 mg/dl •Evaluer apport en O2 •Evaluer les comorbidités sous-jacentes •Report L 10 jours •Crise d’anémie falciforme • Anémie falciforme •Risque de crise falciforme, nécessite un apport de O2 Traumatologie Fracture récente •Report de 24 heures si vol l 2 heures •Report de 48 heures si vol L 2 heures •Si plâtre cruro-pédieux, en référer au service médical (vol couché) •Plâtre : toujours ouvert Ophtalmologie •Décollement de rétine opéré •Report de 2-6 semaines en raison de l’injection de gaz intraoculaire, apte au vol si bulles l 30% de la taille du vitré • Cataracte récemment opérée • Opération laser sur la cornée •Report de 24 heures •Report de 24 heures •Hémorragie rétinienne •Report de 1-3 mois •Trauma pénétrant de l’œil •Report L 7 jours (élimination totale du gaz) Troubles psychiatriques • Glaucome Patient auto ou hétéro-agressif ou au comportement non prédictible •Apte au vol sous médication •Pas de vol Phobie de l’avion •Discuter la prescription d’une BZD de courte demi-vie (lorazépam, oxazépam) ou une thérapie cognitivo-comportementale NB : Ne jamais prescrire un médicament n’ayant jamais été essayé au sol (réaction paradoxale, allergie, etc.) Plongée sous-marine Accident de plongée •Pas de vol •Attendre 24 heures avant le vol Plongée simple STEMI : infarctus myocardique avec élévation du segment ST ; NSTEMI : infarctus myocardique sans élévation du segment ST ; TV : tachycardie ventriculaire ; TSV : tachycardie supraventriculaire ; ESV : extrasystoles ventriculaires ; BZD : benzodiazépines ; ATB : antibiothérapie. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 24 septembre 2014 17_25_38072.indd 4 1757 18.09.14 08:55 Maladie pulmonaire hypoxémiante PaO2 l 70 mmHg sous O2 4 l/min PaO2 l 55 mmHg ou SaO2 l 92% PaCO2 L 45 mmHg O2 0-4 l/min Inapte au vol PaO2 55-70 mmHg ou SaO2 92-95% Inapte au vol HAST PaO2 L 50 mmHg ou SaO2 L 85% PaO2 l 50 mmHg ou SaO2 l 85% Apte au vol sans O2 O2 2-4 l/min PaCO2 l 45 mmHg PaCO2 L 45 mmHg Apte au vol Inapte au vol Figure 1. Evaluation avant un vol en avion pour patients porteurs d’une maladie pulmonaire hypoxémiante : recommandations de la British Thoracic Society 6-9 HAST : High Altitude Simulation Testing. porteurs d’une BPCO modérée à sévère, un algorithme simplifié qui comprend une saturométrie, puis un test de marche de 6 minutes (figure 2). Le High Altitude Simulation Testing (HAST), qui fait partie des deux algorithmes, consiste à recréer les conditions d’altitude en faisant respirer au patient un gaz hypoxique pendant 20 minutes. De manière plus pragmatique, on considère que la capacité d’effectuer sans difficulté 50 m à plat ou de monter un étage sans s’arrêter est une approximation qui permet de se passer d’examen complémentaire. Toutefois, cette méthode ne se base sur aucune preuve scientifique et n’est issue que de recommandations d’experts.4,8 L’apport d’O2 à bord sera fournie par la compagnie d’aviation à un débit maximum de 4 l/min d’O2.1,5 Un besoin en débit supérieur sera une contre-indication au vol, tout comme une augmentation de L de 5 mmHg de la PaCO2 sous O2. Des interférences électromagnétiques n’ont été mises en évidence qu’avec les anciens pacemakers unipolaires.11 Dans tous les cas, il est nécessaire que le patient possède un certificat attestant de leur présence, car ceux-ci sont détectés par les installations de sécurité des aéroports. D’une manière générale, il est recommandé que chaque patient porteur d’une cardiopathie voyage avec une copie de son ECG et ses médicaments à portée de main. orl Les atteintes des voies aériennes supérieures (rhinites, sinusites, otites) sont fréquentes chez nos patients. D’allure bénigne et souvent banalisées, elles débouchent rarement sur une demande d’avis au MPR avant un voyage. Pourtant leurs complications lors d’un vol en altitude incluent : otalgies, algies faciales ou perforation tympanique, voire tinnitus SaO2 SaO2 92-95% SaO2 l 92% SaO2 l 84% au test marche 6 min SaO2 L 95% SaO2 l 84% test marche 6 min SaO2 L 84% au test marche 6 min Effectuer HAST Effectuer HAST PaO2 l 50 mmHg ou SaO2 l 85% Vol avec supplémentation O2 Vol avec supplémentation O2 Vol avec supplémentation O2 SaO2 L 84% test marche 6 min PaO2 L 50 mmHg ou SaO2 L 85% Vol sans O2 PaO2 l 50 mmHg ou SaO2 l 85% Vol avec supplémentation O2 PaO2 L 50 mmHg ou SaO2 L 85% Vol sans O2 Vol sans O2 Figure 2. Algorithme simplifié proposé par Edvardsen et coll.10 HAST : High Altitude Simulation Testing. 1758 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 24 septembre 2014 17_25_38072.indd 5 18.09.14 08:55 ou surdité en raison du barotraumatisme subi. Le traitement des maladies de base ou le report du vol sont indiqués, tout comme la réalisation de manœuvre de type Valsalva durant le vol et l’utilisation de décongestionnant nasal dans les 30 minutes précédant l’ascension et la descente de l’avion.3,4 chirurgie L’évaluation au cas par cas est nécessaire et une liste non exhaustive de situations est indiquée dans le tableau 1. L’anes­thésie générale en soi n’est pas une contre-indication à voler, car ses effets dépresseurs cardio-respiratoires sont rapidement résorbés. On recommande d’attendre une ou deux se­maines après une opération en raison de l’hypoxémie passagère liée à la déplétion volumique et l’anémie, hypoxémie qui sera majorée en vol. Le principe général à retenir est que l’introduction iatrogène de gaz dans le corps lors de laparoscopie ou laparotomie peut entraîner des complications graves si le patient effectue son vol avant la résorption de ce dernier, en lien avec la loi de Boyle-­ Mariotte décrite plus haut.3-5,8,12,13 A signaler la situation particulière de la chirurgie intraoculaire, qui nécessite un report de deux à six semaines suivant le gaz utilisé (respectivement SF6 et C3F8).14 Décalage horaire de plus de 5 heures Vers l’Est (journée plus courte) Vers l’Ouest (journée plus longue) Garder sa montre sur l’heure de départ jusqu’au moment de l’injection Garder sa montre sur l’heure de départ jusqu’au moment de l’injection Pendant le vol au moment de l’injection d’insuline basale, adaptation de la dose par la formule suivante : dose à bord = dose normale x (0,9 – nombre d’heures de décalage départ-arrivée/nombre d’heures entre les doses d’insuline basale) Pendant le vol au moment de l’injection d’insuline basale : prendre la moitié de la dose habituelle Une fois l’injection faite, changer l’heure de sa montre sur l’heure d’arrivée Une fois l’injection faite, changer l’heure de sa montre sur l’heure d’arrivée Au moment de l’heure d’injection à la zone d’arrivée, reprendre la dose habituelle d’insuline basale Au moment de l’heure d’injection à l’heure d’arrivée : prendre une nouvelle fois la moitié de la dose habituelle diabète Il n’existe aucune contre-indication à voler avec un diabète équilibré. Néanmoins, les risques d’hypoglycémie et de déshydratation étant majorés, il faut recommander au patient d’effectuer des glycémies toutes les 4 heures, de bien s’hydrater et de renoncer à la consommation d’alcool pendant le voyage. De plus, le patient doit conserver avec lui, en plus du double de matériel et de réserve d’insuline, une réserve de sucre et des collations, et ne doit faire ses injections d’insuline rapide qu’au moment de la distribution des repas, ceci en raison des horaires et de la composition aléatoires des repas.4,15 Lors d’insulinothérapie, il faut aussi tenir compte du dé- Dès la 2e dose après l’arrivée, reprendre la dose habituelle selon horaire d’arrivée Figure 3. Schéma d’adaptation de la dose d’insuline basale pendant et après un vol long-courrier16 calage horaire lorsque celui-ci dépasse 5 heures. Le plus simple est de maintenir pendant la durée du vol l’horaire d’injection de la zone horaire de départ. Lors des voyages vers l’est, la journée est plus courte, il est nécessaire de diminuer les doses d’insuline longue durée d’action ou inter- Tableau 2. Recommandations prophylactiques pour la maladie thromboembolique lors de vol long-courrier 9,17,18 FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; MTE : maladie thromboembolique. Catégories de risque Risque faible Risque modéré Risque élevé Caractéristiques Tout patient non mentionné dans les •Antécédent d’événement thrombo- • Antécédent d’événement thrombo deux autres catégories embolique non idiopathique embolique idiopathique •Prise d’œstrogènes • Thrombophilie •Grossesse ou postpartum l 2 semaines • Néoplasie active •Status variqueux • Chirurgie majeure l 6 semaines •Insuffisance cardiaque (FEVG 20-40%) •Anamnèse familiale de MTE •Taille L 190 cm ou l 160 cm •Mobilité réduite •Obésité (IMC L 30 kg/m2) •Maladie aiguë ou trauma l 6 semaines Recommandations •Boire suffisamment •Conseils idem tout voyageur • Conseils idem tout voyageur •Effectuer des mouvements réguliers •Bas de contention (pression • Bas de contention de flexion-extension des membres 15-30 mmHg) • Evaluation au cas par cas : HBPM à dose inférieurs préventive à injecter 2 à 4 heures •Eviter les boissons alcoolisées, avant le vol ou anticoagulants oraux les somnifères et le port d’habits avec INR entre 2 et 3 trop serrés Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 24 septembre 2014 17_25_38072.indd 6 1759 18.09.14 08:55 médiaire. Lors des voyages vers l’ouest, la journée est plus longue et une dose d’insuline supplémentaire peut être nécessaire. La figure 3 propose un schéma d’adaptation de l’insuline basale en fonction des paramètres du vol, particu­ lièrement utile lors de diabète de type 1.16 Un document récapitulatif doit être alors remis au patient précisant les modifications d’horaire et de doses. conclusions Une bonne compréhension des lois physiques régissant les conditions spécifiques lors d’un vol en avion permet au MPR de se déterminer dans la majorité des cas sur l’aptitu­ de au vol de son patient, sur la nécessité d’un délai avant le vol ou sur la prescription de mesures additionnelles. Lors de situations médicales complexes ou lors d’incertitude, le recours à un avis spécialisé est conseillé. prophylaxie thromboembolique Le risque d’événement thromboembolique lors d’un vol en avion est très faible et survient surtout lors de vols supérieurs à 8 heures ou 5000 km. Le tableau 2 propose des recommandations ciblées en fonction du niveau de risque thromboembolique.17 Les dernières recommandations remettent en question le rôle des HBPM (héparines de bas poids moléculaire) dans la prophylaxie des patients à haut risque.18 Il n’y a pas d’évidence quand à un bénéfice du traitement d’aspirine.9 Remerciements Nous tenons à remercier le Dr Ulrich Stoessel, médecin chef, Service médical de la compagnie SWISS, FMH en médecine interne et spécialiste en médecine aéronautique, le Dr Marc Righini, médecin adjoint agrégé, responsable de l’Unité d’angiologie aux HUG, ainsi que le Dr Giacomo Gastaldi, chef de clinique dans le Service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition aux HUG pour leurs commentaires pertinents et utiles sur une première version de cet article. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article. grossesse L’avion en soi n’est pas considéré comme dangereux pour la grossesse : toutefois, l’avion n’étant pas un lieu adéquat pour enfanter, les compagnies d’aviation appliquent des restrictions.3,4 La majorité des compagnies demanderont un certificat médical après 28 semaines d’aménorrhée, men­ tionnant l’absence de complications et la date du terme. Elles autoriseront en général le vol jusqu’à la 36e semaine pour une grossesse simple et jusqu’à la 32e semaine pour une grossesse multiple. Des mesures génériques de prophylaxie antithrombotique (tableau 2) devront être discutées avant le vol, ainsi que l’adaptation de la position de la ceinture de sécurité (en haut des cuisses).19 nourrissons Il n’y a pas de contre-indications à voler pour un nourris­ son, mais on conseille d’éviter les sept premiers jours de vie. Afin de prévenir l’otalgie, une tétine ou un biberon est à garder à disposition lors du décollage ou de l’atterrissage, afin de stimuler la succion et libérer la trompe d’Eustache. Il est également recommandé de veiller à hydrater suffisamment le nourrisson.3,4 infectiologie De manière générale, toute pathologie infectieuse pouvant engendrer une maladie grave chez les autres passagers doit être considérée comme un motif de report du voyage. Ces pathologies incluent par exemple la tuberculose active, la pneumonie bactérienne, la varicelle, la rougeole, etc., mais aussi la conjonctivite bactérienne non traitée. Implications pratiques > Les patients doivent garder leur traitement habituel et de réserve à portée de main pendant le vol > D’une manière générale, un patient avec une pathologie instable ou décompensée et/ou à risque de nécessiter une intervention médicale urgente est inapte au vol > Tout patient atteint d’une pathologie infectieuse sévère contagieuse pour les autres passagers doit reporter son vol > Les patients ayant une PaO2 l 70 mmHg ou une PaCO2 L 45 mmHg, présentant une augmentation de L 5 mmHg de PaCO2 sous O2 ou ayant des besoins en O2 de plus de 4 l/min sont considérés comme inaptes au vol > Les conseils de prévention de la thrombose veineuse sont à adapter au niveau de risque du patient Adresse Drs Anne-Virginie Butty et Melissa Dominicé Dao Service de médecine de premier recours Département de médecine communautaire, de premier recours et des urgences Dr Christophe Pala Service de médecine interne générale Département de médecine interne, de réhabilitation et de gériatrie HUG, 1211 Genève 14 [email protected] [email protected] [email protected] Bibliographie 1 Association internationale du transport aérien. En ligne www.iata.org/. 2 Hecht E. Physique. Louvain la Neuve : De Boeck Supérieur, 1999. 1760 3** Aerospace Medical Association. Medical Guidelines for Airline travel, 2nd ed. 5, Section II, 2003, vol 74. 4 British Medical Association Board of Science and Education. The impact of flying on passenger health : A guide for healthcare professionals. www.bma.org.uk 5 IATA. IATA medical manual. www.iata.org/what ­wedo/safety/health/Documents/medical-manual-2013. pdf Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 24 septembre 2014 17_25_38072.indd 7 18.09.14 08:55 6 Dine CJ, Kreider ME. Hypoxia altitude simulation test. Chest 2008;133:1002-5. 7 Chetta A, Castagnetti C, Aiello M. Walking capacity and fitness to fly in patients with chronic respiratory disease. Aviat Space Environ Med 2007;78:789-92. 8 British Thoracic Society Standards of Care Committee. Managing passengers with respiratory disease planning air travel : British Thoracic Society recommen­ dations. 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