introduction

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Approche psychosomatique des
affections dermatologiques
Que faut-il répondre ?
- « c’est nerveux ? »
- « c’est psy ? »
- « c’est dans ma tête ? »
- « c’est le stress docteur ? »
La peau est un organe
• Ce n’est pas juste « par-dessus ,ni superflu »
-complexité des noms /confusions
-croyances-peurs
-maladies graves
• Il existe des liens peau et psychisme car la peau
est un organe :
-dérivé comme le cerveau de l’ectoderme
-de la vie de relation (toucher, regard, beauté,
séduction)
PLAN
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•
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1) Le Moi-Peau
2) Le Stress
3) Psychosomatique en Dermatologie
4) Quelques cas cliniques
5) Principes thérapeutiques
Le Moi-Peau et l’Attachement
1) BOWLBY (après-guerre)
-question de la perte et de la séparation
chez le jeune enfant, et la carence de
soins maternels
-attachement du NN à la mère est instinctif:
c’est un lien affectif de proximité qui donne
un sentiment de sécurité (importance des
soins, des caresses)
2) WINNICOTT
• C’est dans ces 1ères étapes de l’attachement qu’il faut
être une mère « suffisamment bonne »
- soigner l’enfant en se montrant sensible à ce qu’il
ressent
- donner satisfaction à ses besoins au bon moment, de
façon fiable
• Ces soins favorisent la tendance innée de l’enfant à
habiter son corps :
- prendre plaisir aux fonctions corporelles
- accepter la limitation fournie par la peau :
« membrane-frontière qui sépare le moi du non-moi »
(l’enfant se forme une idée de son propre corps)
3) D. ANZIEU instaure cette idée
du Moi-Peau
• Le bébé est tenu dans les bras, serré contre le
corps de la mère, porté, manipulé, frotté, lavé,
caressé.
• Il parvient ainsi à la perception de la peau
- comme surface (zone de contact) échange,
communication
- comme limite protectrice (intérieur-extérieur)
- comme enveloppe contenante (expériences
agréables : allaitement)
• Il montre l’importance des échanges tactiles
comme expériences émotionnelles stimulant la
confiance, la tendresse, le plaisir, la sexualité, la
pensée.
• Le Moi-Peau est une « enveloppe psychique »
• Symboliquement ces « fonctions » de la peau ont un
fantasme correspondant :
- attachement………….angoisse de séparation
- contenance…………..fuite, hémorragie
- limite protectrice……..effraction
- maintenance du tout…désétayage, morcellement
A RETENIR
• Limite du corps (psychoses)
• Surface d’échange (toucher)
• Enveloppe contenante (perte)
STRESS
• Hippocrate : « toute rupture de l’équilibre normal
est la cause de maladie »
• Cl. Bernard (1865) : « Tous les mécanismes
vitaux quelques variés qu’ils soient, n’ont
toujours qu’un seul but, celui de maintenir l’unité
des conditions de la vie dans le milieu intérieur.
Un dérangement de l’équilibre normal conduit à
une fragilisation, à une vulnérabilité à la
maladie. »
STRESS
Définition : Selye 1963
C’est l’ensemble des contraintes qui
déséquilibrent un organisme
+
les réactions de cet organisme pour rétablir
l’équilibre (=syndrome général d’adaptation)
Il n’existe pas de définition très précise mais tout le monde en parle,
car tout le monde le ressent ou l’a déjà ressenti (corporellement
surtout)
Contrainte
• Domaines : affectif, familial, social ,
professionnel
• Soit Minime : quotidienne, répétitive,
banalisée, non vue
• Soit Majeure : évènementielle, aigüe,
visible
Réactions ou réponses
1) physiques (sueurs, augmentation de fréquence
cardiaque…)
2) comportementales
3) psychologiques (inquiétude, troubles du sommeil…)
MAIS : elles sont variables pour chaque individu selon :
- ses caractéristiques biologiques
- surtout son histoire propre et ses traits de personnalité
: c’est l’appareil de pensée, mental qui module la
réponse = il existe une perception individuelle du stress
(subjective)
• Le concept de stress est non spécifique :
un type d’agent stressant n’est pas relié à
un type particulier de maladie
• Mais, c’est un concept qui a permis
médicalement de faire le pont entre
psychisme et maladies somatiques par le
biais des réactions neuro-hormonales
Syndrome Général d’Adaptation
SGA
• L’adaptation de l’organisme fait intervenir
plusieurs systèmes :
- nerveux : neuromédiateurs
- endocrinien : hormones
- immunitaire : cellules qui produisent les
cytokines et les anticoprs
• Le SGA comporte 3 phases : choc /
résistance / épuisement
1) Réaction d’alarme ou phase de
choc
• Dure quelques mn à 24h
• Réponse d’urgence au stress face auquel
l’organisme n’est pas encore adapté
• Réaction de fuite ou de lutte
• Axe hypothalamus -> médullosurrénale :
sécrétion adrénaline et noradrénaline
• Augmentation : TA, FC, FR, glucose sanguin,
apports énergétique aux muscles (attention au risque
de sécrétion aigüe de catécholamines :arrêt cardiaque par troubles
du rythme ou accident coronarien)
2) Phase de résistance
• Si stress persiste : l’organisme s’adapte et
cherche un nouvel équilibre
• Axe hypothalamus -> hypophyse (ACTH)
-> corticosurrénale
• Sécrétion de glucocorticoïdes (cortisol –
réserves d’énergie) et minéralocorticoïdes
(aldostérone – sodium sanguin)
3) Phase d’épuisement
• Si stress continue trop longtemps :
• Au-delà des limites physiologiques, audelà des capacités d‘adaptation : fatigue,
épuisement de l’organisme :
décompensation
Cette notion de stress peut permettre
d’ouvrir sur la vie psychique du patient :
« Vous êtes tendu, débordé, anxieux,
irritable, déprimé…? »
« Vous n’arrivez pas à faire face ? »
Cette notion de stress permet le pont entre
psychisme et maladies somatiques, mais
qu’appelle-t-on Psychosomatique ?
PSYCHOSOMATIQUE
A) L’entendre sous la forme d’un lien = c’est
somatique et psychique à la fois
(l’homme a un corps et est un corps)
B) Ne pas l’entendre sous la forme psychogénèse
- cet évènement de vie engendre…
- la personnalité de ce patient fait que…
C’est réducteur (beaucoup plus complexe) et donc faux
Il suffirait de « travailler sur la causalité psychique » pour « guérir le
somatique » :
*c’est culpabilisant pour le patient
*c’est inopérant
ATTENTION
S. Sontag dans « La maladie comme
métaphore » dit :
« expliquer au patient qu’il est, sans le
savoir, la cause de sa maladie, c’est aussi
ancrer en lui l’idée qu’il l’a mérité »
C’est quoi les maladies
psychosomatiques ?
Une affection somatique objectivable
+
Des facteurs psychologiques à côté des facteurs
biologiques (l’un et l’autre jouent un rôle dans la
survenue et/ou l’entretien de l’affection
somatique)
On exclue les maladies psychiatriques qui s’expriment
sur la peau (délires d’infestation parasitaire,
automutilations…)
• Il existe une dermatose cliniquement
objectivable (lésions par exemple de
psoriasis, eczéma atopique, pelade…)
• Il existe « autre chose que le somatique »
qui influe sur la façon d’accepter, de
comprendre et de vivre cette dermatose
au quotidien : c’est cet «autre chose» qui
va moduler l’approche thérapeutique
Quels sont les facteurs
psychologiques qui influent ?
• Ils sont inhérents au patient lui-même
- histoire passée
- vie présente (stress /vie quotidienne,
évènement particulier)
- personnalité de l’individu
• Ils sont :
- majeurs : occupent le devant de la scène
(prise en charge conjointe dermato et psy)
- mineurs : le dermatologue doit en tenir
compte
Les facteurs psychologiques
influent sur le biologique
• 1) stress quotidien
Variations de la symptomatologie lupique plus importante avec les
stress quotidiens que les évènements de vie antérieurs
Adams & coll Journal of Behavioral medecine 1994, 17 : 459-477
• 2) évènements de vie affectifs
Si hostilité dans le couple : temps de cicatrisation plus long car
moins de production in situ des cytokines proinflammatoires
Kiecolt-Glaser & coll Arch gen Psychiatry 2005, 62 : 1377-84
• 3) catastrophes naturelles
Tremblement de terre au Japon : aggravation de l’eczéma atopique 1
mois plus tard, parallèlement à l’augmentation du stress, et surtout
dans les zones de destruction sévère
Kodama, 1999
L’aptitude de l’individu à reconnaître et à
exprimer ses émotions face aux stress de
la vie quotidienne et aux conflits
psychiques en général a un effet
modulateur sur les phénomènes
biologiques
• Patients souffrant de dermatoses : prévalence
des troubles de l’humeur (dépression, anxiété..)
et types de personnalité
Picardi & coll psychosomatics 2003, 44;5 : 374-381
Plus fréquemment une association pelade et troubles de
l’attachement, et alexithymie (difficulté à penser et
exprimer ses émotions)
• Il semble exister des associations particulières
mais attention ce n’est pas schématique
• 1) certains traits de personnalité peuvent
moduler la susceptibilité biologique dans le
début d’une dermatose
• 2) certains évènements de vie peuvent avoir un
pouvoir pathogène plus fort sur un individu «
incapable de penser cet évènement » :
- « j’ai du mal à trouver des mots qui
correspondent bien à mes sentiments »
- « ce qui m’arrive, arrive à tout le monde »
Type de personnalité et maladie
psychosomatique
• Le sujet n’arrive pas à reconnaître et à
exprimer verbalement ses émotions, ses
sentiments (Alexithymie)
• Le corps traduit quelque chose qui n’arrive
pas à être dit, ni même pensé
• Description détaillée des faits,
évènements, ou des symptômes
physiques, mais « sans affect »
1) peu d’imaginaire, de fantasmes,
d’images verbales = pensée rationnelle
2) peu de sentiments exprimés =pauvreté
de la relation avec l’interlocuteur
3) peu de différenciation par rapport aux
autres
4) tendance à recourir à l’action pour éviter
ou résoudre les conflits
« Le mal-vécu » ou le
retentissement des dermatoses
1) Elles sont affichantes : touchent le regard
- son propre regard / image corporelle
(importance accordée à son apparence
physique)
- le regard de l’autre / relations
interpersonnelles (importance du dégoût, de la
peur) : retentissement sur le fonctionnement
social (évitement de certaines activités)
2) elles affectent aussi le toucher :
- retentissement sur la vie affective
(couple) ou sociale (D. des mains)
- importance du toucher du médecin et
de l’ensemble des soignants
3) Elles touchent certaines sphères :
Intime / Secret où la dermatose est
révélatrice
- origine liée à une transmission sexuelle
(maladies vénériennes)
- possible transmission héréditaire
(images familiales ancrées depuis
l’enfance)
4) Elles impliquent certaines croyances
- contagion (image du lépreux)
- disparition (trou = ulcère, escarre /
lambeau de peau = squame)
- tache (trace +/- infâmante, avouable)
5) Elles sont volontiers chroniques et
placent le temps au centre de la maladie
- admettre rémissions / rechutes
- admettre la « non-guérison »
- lassitude des traitements (contraintes
qui aggravent la non-observance)
6) Elles « accusent » certains âges de la vie :
- adolescence : période de transformations
corporelles majeures , rapides, subies avec
gêne = risque du défaut cutané ou dermatose
même minime vécue comme monstrueuse,
défigurante
- ménopause : vieillissement visible (rides),
perte de séduction et de féminité (chute de
cheveux…)
Estime de soi
Toutes ces caractéristiques altérant
l’image de soi : affichantes, révélatrices,
chroniques…diminuent
- l’estime qu’on a de soi-même
- le sentiment de sa propre valeur
- l’amour qu’on se porte (narcissisme = avoir une
image bonne et sécurisante de soi. Cela se construit
depuis l’enfance par de bonnes relations affectives. La
perte de l’estime de soi est appelée blessure
narcissique.)
Dépression
rechercher des signes somatiques
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•
•
Perte d’appétit, amaigrissement
Insomnie +++ matinale
Ralentissement, fatigue matinale
Difficultés de concentration
Irritabilité inhabituelle
Anhédonie (perte de la capacité à
éprouver du plaisir)
• Tristesse excessive et durable
Signes dépressifs / maladie
• Sentiment de ne pas être à la hauteur, face à
l’épreuve que constitue la pathologie
• Culpabilité : je suis un poids pour l’entourage du
fait des mes problèmes de santé
• Perte d’espoir vis-à-vis de l’amélioration
• Pensée qu’il vaudrait mieux être mort (idées
suicidaires)
• Négligence des soins
ACNE
• Aurore 16 ans
• front
• Caché (frange et fond
de teint)
• TT classique: bonne
réponse
• Maryvonne 49ans
• Menton
• Très creusant, difficile
à maquiller
• Echec du TT: remise
en cause du Dg,
escalade
thérapeutique
5à6 lésions inflammatoires
excoriées
• Qu’est-ce qui surprend ?
objectivité clinique
• Qu’est-ce que le patient recherche?
vécu de la dermatose
• Quel traitement pour un « effacement
miraculeux »?
progression / retour en arrière
PRURIGO
• Louis a 75ans, Ginette a 65ans
• Prurigo typique excorié: lésions multiples
des membres supérieurs et inférieurs
• Bon état général
• Evolution par poussées depuis plusieurs
années
• TT classique efficace sur la poussée
antérieure (DC+occlusion, puvathérapie)
• Ne comprend pas la rechute
expliquer la maladie
• A peur d’une maladie grave
différence grave – sérieux
• Pense aussi « qu’il y a autre chose »
s’enquérir des croyances du patient
• Quel soutien pour une pathologie
chronique ?
Hyperhidrose
invalidante, d’apparition brutale
• Lolita 16 ans
• HH axillaire
• Adressée par
Dermato pour «
entretien avant
injections de toxine
botulique »
• Pascale 40 ans
• HH axillaire et PP
• Adressé par Dermato
pour « retentissement
social de cette HH
dite malodorante »
• L’examen clinique est normal : il n’y a pas
d’hypersudation
• Les examens para-cliniques sont normaux
• Plutôt que de mesurer la trace humide
sous l’aisselle, il s’agit alors de mesurer
la gêne, le retrait social, les dispenses*
*la dispense permet de se soustraire à l’obligation. C’est
en même temps une autorisation spéciale. Ce peut être
un privilège comme un effacement.
• Lolita
• Garde son manteau en
cours
• Est dispensée de sport
• Se change 3 fois /jour
• Pascale
• Change ses horaires
habituels de train, et
change de compartiment
• Travaille temporairement
à domicile
• Interroge ses collègues
sur son odeur
• Comprendre : qu’est-ce qui est en excès ?
Non pas le phénomène physiologique normal, mais la
perception de celui-ci
• Nommer le trouble de la perception (la façon de se
voir): «je n’ai pas le même regard que vous »
• Me croit-elle ?
Conviction délirante ou non
• Contexte : apparition brutale – évènements de vie
Contexte par ex d’anxiété qui s’est fixé sur ce point, cela
aurait pu être un autre.
Principes thérapeutiques
1) prise en charge dermatologique seule
- écoute (respecter ce que dit le patient)
- antidépresseurs
2) prise en charge « psy » mais toujours suivi dermato (ne pas
abandonner le patient +++)
- psychotropes
- psychothérapies :
* entretiens
* analytique
* comportementales TCC (modifier les conduites inadaptées)
* médiation corporelle (relaxation, massages…)
Ne pas se hâter de comprendre et surtout d’interpréter
Soin infirmier : place fondamentale
1) médical :
- zones inaccessibles
- complexité du soin (hygiène)
2) représentations
- toucher, massage, caresses
- limite corporelle tracée (enveloppement)
- diminution de la peur, du dégoût
- réparation (cicatrices)
Nécessité de la collaboration entre les différents soignants
3) alors que la Dépression aggrave la maladie
somatique et favorise la non-observance, le soin
relayé et/ou partagé par l’infirmier permet :
-un rétablissement somatique plus rapide
- une diminution du handicap
- un encouragement devant l’épreuve de la
maladie
- un espoir de guérison
- Une amélioration dans la dépression
• 4) A l’inverse on sait aussi que certains
patients ne sont pas pressés de guérir…
car la relation soignante (médecin et +++
infirmier) est UNE relation, parfois l’unique
relation.
Résister à la fascination
• La vision focalisée sur une image
dermatologique impressionnante est une
vue livresque
• On regarde toujours le patient dans son
entier et en tant que sujet
Ne pas oublier
1) le secret médical
2) le respect du moment de la relation
soignante
3) la dissymétrie de la relation
- patient : malade –couché –dénudé
- médecin : « bien portant » -debout -habillé
Bibliographie
• Anzieu D. Le Moi-Peau, 1985, Dunod
• Balint M. Le médecin, son malade et la maladie,
1960, Paris, Grasset
• Cathébras P. Troubles fonctionnels et
somatisation, 2006, Masson
• Consoli S.M. La relation médecin-malade, in :
Penser la médecine, essais philosophiques,
2002, Paris, Ellipses
• Trombini G. La psychosomatique ,2005, Paris,
In Press (coll Psycho)
Dr N. Féton-Danou
Hôpital Bichat
• Membre de la Société Française de Dermatologie (SFD)
• Membre de la Société Francophone de Dermatologie
Psychosomatique (SFDPs)
• Membre de la Société Européenne de Dermatologie et
Psychiatrie (ESDaP)
Je remercie particulièrement le Dr Sylvie
Consoli pour les connaissances qu’elle
m’a transmises depuis 15 ans, et pour le
support de certaines diapositives.
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