La crise suicidaire : repérer et prendre en charge Dr JOVER Frédéric Centre d’Accueil Psychiatrique Hôpital Saint Roch - Nice D1 La formation nationale : HAS Détecter et favoriser la prise en charge de la souffrance psychique qui pourrait conduire à un acte suicidaire Reconnaître l’état de crise Comment désamorcer une crise suicidaire avant la phase aiguë ou le passage à l’acte? Stratégies et séquences d’intervention : aborder, écouter le sujet en état de crise suicidaire et lui apporter une aide Améliorer la prise en charge des suicidants : évaluer la nécessité d’une orientation vers une structure spécialisée, travail de réseau Ne se subsitue pas aux modèles psychopathologiques et en psychologie 1- Epidémiologie du suicide Le problème 10700 décès par an dont 7940 H, 2720 F, estimation>13000 (2003) 2° cause de mortalité chez les 15-24 ans, 1° 25-34 ans France en 10° position derrière la Hongrie, la Finlande, la Belgique, l’Autriche et le Luxembourg… Pendaison mode principal, 3000 par armes à feu, 1200 par médicaments Plus de 60 000 endeuillés, prise en charge des proches (PTSD°) 200 000 tentatives de suicide par an DES CAUSES MULTIPLES PAS DE SOLUTION UNIQUE IMPOSE UNE POLITIQUE DE PETITS PROGRES OU CHACUN AVEC LA COLLECTIVITE PEUT ETRE ACTEUR En Paca de 2000 à 2002, en moyenne par an 770 suicides pour 10000 à 14000 TS Ex :CAP ¼ des admissions Quelques chiffres … 1 suicide de femme/ 3 suicides d’hommes Au-delà de 90 ans 6 fois supérieur au taux moyen chez l’homme 1 + /1000 dans la population générale 3 +/ 1000 chez les détenus 1 suicide pour 1000 hospitalisations psychiatriques 194 suicides à l’hôpital 4 à 5% des suicides ont lieu à l’hôpital ( vie plus courte de sept ans pour les patients psys ( homicide, suicide, accident) Programme National de Prévention du Suicide Taux de mortalité par suicide Nombre annuel de décès / 100 000 individus de la tranche d’âge 160 140 120 100 H F 80 60 40 20 0 1524 2534 3544 4554 5564 6574 7584 >85 Programme National de Prévention du Suicide Part du suicide dans la mortalité % de l'ensemble des décès de la tranche d'âge France métropolitaine (FNORS) - Taux moyen annuel (1995-97) 25 20 15 H F 10 5 0 15-24 25-34 35-44 45-54 55-64 >65 Les objectifs Les décès par suicide (11300) Les endeuillés (60 000 ?) Les tentatives de suicide (160 000 ?) Les crises suicidaires (1000 000 ?) Les troubles psychiatriques (12 000 000) Les situations déstabilisantes (???) Le bien-être (60 000 000) Former un million de personnes… EVALUATION DU RISQUE SUICIDAIRE Repérer les facteurs personnels, sociofamiliaux, environnementaux actuels et passés qui sont plus souvent retrouvés chez les personnes en crise suicidaire Prédicteurs Au niveau socio-culturel - Religion - Anomie (désorganisation sociale) - Chômage - Média - Lois Environnement immédiat Famille - Violence physique/sexuelle - Abus de substances - ATC psychiatriques - Manque de cohésion familiale Au niveau personnel Age,sexe Troubles mentaux Tentatives de suicide Abus d’alcool / drogues Sexe masculin Impuissance/perte d’espoir Impulsivité/agressivité Maladie physique Evénements stressants - Perte d’un être cher - Séparation - Abandon - Difficultés financières - Difficulté avec la loi Facteurs de risque liés aux troubles mentaux Anorexie mentale x 22 Dépression x 20 Schizophrénie x8 Trouble de la personnalité x7 90% des suicidés ont une pathologie mentale Psychotrauma +++ X37 (vietnam 58000+ 102000+) Les suicidés en milieu hospitalier En psychiatrie Sexe ratio 1.5 30 ans Schizophrénie (H) Dépression (F) Début de séjour Avant une sortie non désirée Hôpital général Sexe ratio 2 60 ans Trouble respiratoire Trouble endocrinien Trouble métabolique Cancer Maladie chronique SCHIZOPHRENIE 15% de suicide vie-entière 1/3 à l’hôpital,1/3 à la sortie 50% ont fait des TS antérieures 45% des défenestrations Suivi psychiatrique schizophrènie et suicide Risque important au début lors de la sortie ou des permissions (les oiseaux se cachent pour mourir…) Effet dépressogène des thérapeutiques (Knights et Al,) 50% des schizophrènes sont déprimés à l’admission 31% le restent à la sortie 10 % développent une dépression à la fin de l’hospitalisation (Lempérière 1984) Prévalence plus élevée des risques dépressifs (Addington & Al , attempted suicide and dépression in schizopphrénia, Acta Psychiatr. Scand, 85, 288-291, 1992) La dépression: une maladie bio-psychosociale Anxiété Evènement Environnement (social) Biologie Mécanismes de défense Psychologie (histoire) dépassés Lutte +++ => Dépression- Troubles dépressifs Un des facteurs de risque principaux de la crise suicidaire Au moins 5 des 9 symptômes suivants doivent avoir été présents chaque jour pendant au moins deux semaines Les symptômes 1 ou 2 doivent absolument être présents pour que le diagnostic de dépression majeure soit considéré Troubles dépressifs 1 humeur ou irritabilité 2 diminution notable d ’intérêt ou de plaisir dans la vaste majorité des activités 3 perte ou gain de poids importants 4 Trouble du sommeil, insomnie ou hypersomnie Troubles dépressifs 5 agitation ou ralentissement psychomoteurs 6 énergie réduite ou fatigue 7 sentiment d’inutilité ou de culpabilité 8 diminution de la capacité de penser ou de se concentrer ou indécision 9 pensées fréquentes reliées à la mort ou au suicide ! Aux patient agité et déprimé, le risque est élevé Dépression et suicide Chez les personnes décédées plusieurs étaient en contact avec des services professionnels 75% avaient eu des traitements en psychiatrie dont 45% au moment du décès (très peu avec traitement adéquat) 18% ont vu un professionnel le jour du décès Trouble bipolaire Certaines études démontrent que le taux de décès par suicide est plus élevé chez les personnes souffrant de trouble bipolaire II que chez les personnes souffrant de trouble bipolaire I Entre 25 et 50% de patients bipolaires font au moins une tentative de suicide (Jamison, 1990) Trouble de la personnalité 10% des patients avec troubles d’état limite se suicident !impulsivité! 95% des décès par suicide chez les patients ayant des troubles de la personnalité avaient aussi présence de comorbidité : dépression majeure, abus de substance ou les deux. Abus et dépendance- Alcool, psychotropes Plus d’hommes que de femmes Beaucoup de comorbidité associée (dépression++, trouble personnalité) Recherche de réduction de la souffrance psychologique liée aux conflits, aux problèmes socio-familiaux, à la perte d’estime de soi ou d’espoir (« automédication ») Comportement d’imitation, d’entraînement Effet désinhibiteur ==> passage à l’acte 2- Modélisation de la crise suicidaire Reconnaître l’état de crise La personne est submergée par les émotions La tension émotive provoque un épuisement des ressources cognitives Elle n’arrive plus à trouver des solutions à ses difficultés La perception de la réalité est embrouillée Elle se centre sur des solutions inadaptées Comment désamorcer une crise suicidaire avant la phase aiguë ou le passage à l’acte? La progression de la crise : État de crise Phase aiguë - Passage à l ’acte État de vulnérabilité Désorganisation Récupération État d’équilibre Temps (6 à 8 semaines) Travail hospitalier.. 8 semaines raccourcies chez les EL par exemple… Dynamique de la crise suicidaire Solutions inefficaces ou inadéquates Solution ? ? ? Solution Solution Suicide Solution Solution Solution Solution Suicide Suicide Suicide Crise suicidaire A )Les processus de glissance : B)Les processus de calmance : trois registres : monde des sensations : alcool…lexomil… monde cognitif : penser, insomnie… monde des émotions : pleurer, tristesse Travail de la crise Pour barrer le mondes des émotions-- fuite dans le monde des sensations Sens Sensations Le risque = arrêt du lexomil,le sujet essaie de trouver une autre solution pendant la crise Les mauvaises nouvelles s’amoncellent La poisse, l’hypervigilance, le risque de passage à l’acte augmente Paroles Emotions Juste l’emballage entourant Le cadeau de Noël Séquence de la crise Idée-intentionprogrammationActe le suicide =ampoule de morphine dans la bouche, le sujet ne veut pas mourir, il veut arrêter de souffrir Submersion par les émotions les H. parlent peu, on les repère mal…le patient classique « évitant » de 17H53 ou 12H27, rentre in extrémis dans le parcours de soin. Les F. consultent Epuisement des ressources cognitives Disparition des solutions L’intervenant est un jardinier qui trouve les solutions de Calmance contre les solutions de Glissance. Perception de la réalité embrouillée Emergence de solutions inadaptées L’intervention de crise Détecter : écouter et en parler Établir une relation de confiance Explorer les émotions et les valider Évaluer le risque, l’urgence, la dangerosité Distinguer crise psychosociale et crise en lien avec un problème de santé mentale Intervenir et orienter si nécessaire L ’intervention de crise Objectif : L’intervention vise un retour à l’équilibre par : l’expression des émotions, la compréhension cognitive des événements qui ont mené à la crise (recadrage cognitif) et l’apprentissage de nouvelles habilités de résolution de problème Comment désamorcer ? Évaluation du potentiel suicidaire Formulation de la crise Arrêt du processus auto-destructeur Stratégies et séquences d’intervention 1. L’établissement d’un lien de confiance entre un ou des intervenants et la personne suicidaire 2. L’évaluation rapide et efficace du risque et de l’urgence et de la dangerosité du scénario suicidaire 3. L’évaluation du facteur précipitant 4. Encourager l’exploration et l’expression des émotions afin de diminuer le sentiment de détresse Stratégies et séquences d’intervention 5. La formulation de la crise 6. Briser l’isolement, soutenir la famille et les proches, et mettre en place des structures de protection auprès de la personne suicidaire 7. Arrêt du processus autodestructeur et établissement d’ententes avec la personne suicidaire afin d’assurer un suivi, du moins à court ou à moyen terme 8. L’après-crise Les principes directeurs L’intervention doit être immédiate L’intervention doit responsabiliser la personne suicidaire L’intervention doit être active L’intervention doit viser l’établissement d’une bonne relation avec la personne suicidaire L’intervention doit viser à transmettre l’espoir L’intervention ne doit pas se faire en solitaire Pistes d ’intervention Aborder directement les intentions suicidaires « Est-ce que vous souffrez au point de vouloir vous suicider ? » « Est-ce que vous avez pensé à la manière dont vous voulez vous suicider? » « Avez-vous décider quand ? » Écouter et permettre l’expression des émotions Suivre le rythme de la personne : accompagner Aborder les émotions et les valider « Dites-moi ce qui vous fait mal au point où vous voudriez vous suicider. » Explorer la crise ? Le jardinier qui va creuser les réseaux racinaires Empathie = un lubrifiant mais ne suffit pas Lever les herses de la résistance Utiliser les stratégies virtuelles, « si elle était là… », faire parler les absents Revenir au passé Soutenir la parole sinon elle tombe Pas de phrase négatives, » je m’inquiète.. » Ne pas répeter comme un perroquet Eviter les pourquoi Reformuler Eviter les questions cognitives pour passer à la case émotions Problème de la rigidité cognitive majeure, des caractériels Offrir des alternatives transformer les choses abjectes en pépites… Pistes d’intervention (2) Intervenir sur le dernier évènement et ne pas être obnubilé par l’idée de trouver une solution Evaluer et réévaluer le degré de tension de la personne Déminer l’agenda personnel : se revoir, boite aux lettres entre les RDV Faire une « biopsy instantanée », « une feuille de température » « La Biopsy instantanée… » Fr de Glissance Fr de Calmance Pensées VELCRO Alcool Mauvaise estime de soi Souffrance Le Jardin La voiture à vendre Pauvre type condamné à vivre… Qu’est ce que je laisse ? Comment vont-ils s’organiser ? Suicide Le pb = impulsivité/ !impulsivité adolescents, /ados/psychopathes psychopathes Valeur de l’Ecoute/Accueil L’image de la petite fille qui traverse le pont, je veux que tu sois là…Ce qui est important dans le suicide, c’est la SOLITUDE… ! À l’agenda personnel, aux mines antipersonnelles!!! !Mettre des boîtes aux lettres!!! Le réseau, le maillage, le filet… Pistes d’intervention auprès de la famille Programme visant à renforcer des facteurs de protection (entraînement à la résolution de problème, relations interpersonnelles) Mieux informer la famille et les parents des signes associés à la santé mentale Programmes de postvention destinés aux familles Triple évaluation du potentiel suicidaire Évaluation: Le RUD Le Risque L’Urgence La Dangerosité Triple évaluation du potentiel suicidaire L’évaluation du potentiel suicidaire permet de déterminer le degré de perturbation de l’individu afin d’instaurer une intervention appropriée Évaluation comprend celle du risque, de l’urgence et de la dangerosité Pour des fins cliniques, le potentiel suicidaire peut s’évaluer selon qu’il est faible, moyen ou élevé Évaluation du risque suicidaire L’évaluation du risque doit permettre de reconnaître les intentions suicidaires, de considérer les éléments du passé pouvant influencer le processus suicidaire : facteurs individuels, familiaux, psychosociaux L’évaluation permet de cerner des pistes concrètes et directes d’intervention Évaluation de l’urgence suicidaire Évaluer l’urgence ou l’imminence du passage du passage à l’acte : le scénario suicidaire, l’absence d’alternative autre que le suicide Faible : pense au suicide, pas de scénario précis Moyen: scénario envisagé, mais reporté Élevé: planification claire, passage à l’acte prévu pour les jours à venir Évaluation de la dangerosité du scénario suicidaire Évaluer la dangerosité du scénario suicidaire : létalité du moyen et l’accès direct aux moyens Si l’accès au moyen est facile et immédiat, il faut considérer la dangerosité comme extrême et agir en conséquence Létalité… Un foyer sur cinq équipé en France d’armes En Australie, baisse du taux du suicide après rachat par l’état de toutes les vieilles armes Une arme = un prion, plus de morts dans le monde avec les armes légères qu’avec les conflits Plus de prévention pour la vache folle… Une autre arme derrière l’arme Importance de la publicité… Conséquences sur les modalités de prise en charge Evaluation Non banalisante a priori globale répétée, diachronique Intégrée, approche d’équipe ou de réseau Prévention secondaire Reconnaissance des pathologies à risque Traitement prolongé et de maintenance de la dépression Prudence dans les allègements de suivis des patients aux ATCD suicidaires … du temps et des moyens…. Prise en charge des suicidants Ne jamais banaliser Nécessité sans délai d’une triple évaluation Somatique Psychologique Socio-familiale Par intervenants formés à cette approche Adressage ± systématique aux urgences hospitalières Objectifs de la prise en charge écarter tout risque vital ou fonctionnel comorbidités somatiques ? sécurité du patient, prévenir le risque de récidive à court terme créer un climat de confiance mutuelle, d’adhésion au traitement et de résolution de la crise d’évaluer les ressources psychologiques du sujet rechercher une éventuelle décompensation Objectifs de la prise en charge (2) joindre les différents professionnels aides à la compréhension et à la résolution de la crise rencontrer les parents et l’entourage tenter d’appréhender progressivement les difficultés qu’ils rencontrent, leur apporter l’aide dont ils peuvent avoir besoin préparer le projet de suivi post-critique Moins de 20% des suicidants ont besoin d’une hospitalisation en psychiatrie. Les autres relèvent d’une prise en charge ambulatoire, relais par le médecin traitant, parfois initiation d’une prise en charge pasychothérapique sur le long terme, relais par les réseaux d’écoute et d’accueil ayant une action d’information et de prévention auprès de la famille, des jeunes et de leurs pairs. Textes utiles Recommandations professionnelles : « Prise en charge des adolescents après une tentative de suicide » (HAS 1998) Conférence de consensus : « La crise suicidaire: reconnaître et prendre en charge » (HAS Novembre 2000) GEPS