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Module 4
1. Une nouvelle vague d'invasions
Dès le IXème siècle, l'occident va à nouveau subir une vague d'invasions. Elles seront cette fois le
fait de trois peuples : les Hongrois, les Scandinaves et les Sarrasins. Elles auront comme
conséquence principale l'installation du système féodal.
1.1. Les Hongrois
Il s'agit d'un peuple venu des plaines asiatiques. Les Hongrois franchissent les Carpates et
s'installent dans la vallée du Danube. De là ils organisent des expéditions saisonnières en Europe
occidentale. Ils s'attaquent d'abord aux régions voisines, l'Allemagne du sud, l'Italie du nord, puis ils
vont toujours plus loin pour chercher du butin. Ils atteindront la vallée du Rhône et l'Italie du sud.
Leu but n'est pas de s'installer dans les régions qu'ils attaquent mais uniquement de s'enrichir. C'est
pourquoi ils s'attaquent souvent aux riches monastères. Ils pillent, par exemple, le monastère de
Saint-Galle en 926.
Finalement, ils vont être battus par une armée allemande au Lechfeld en 955. Ils se replient ensuite
dans les territoires de la Hongrie actuelle et se sédentarisent. Des missionaires, en les christianisant,
parviennent peu à peu à les intégrer à l'Europe Occidentale.
1.2. Les scandinaves
Les populations du nord de l'Europe avaient peu de contact avec le reste du continent.
Contrairement à une grande partie de l'occident, elles étaient païennes. La période s'étendant entre
le IXè et le XIè siècle est une période d'expansion pour elles. Elles organisent alors des expéditions
militaires vers l'Europe centrale.
On appelle ces peuples les Normands ou, plus communément, les Vikings (hommes de la mer). En
effet, ils étaient très habiles dans la construction navale et avaient déjà des connaissances étendues
en astronomie ce qui leur assurait une nette supériorité sur les mers. Leurs navires, les drakkars,
sont maniables, rapides et seront très vite redoutés des peuples européens.
Les trois peuples scandinaves, les Norvégiens, les Danois et les Suédois vont lancer des raids sur
l'occident mais emprunteront des directions différentes.
●
Les Norvégiens ravagent les côtes de l'Ecosse et l'Irlande, s'avancent jusqu'au détroit de
Gibraltar puis pénètrent en Méditerranée. Au Xè siècle, pénètrent en Islande et Groenland.
●
Les Danois se dirigent vers Angleterre et la France. Ils remontent les fleuves avecc leurs
navires. Parfois, ils s'installent durablemt. C'est le cas notamment dans un territoire situé au
nord de Paris qui leur est cédé en 911 par le roi de France et qui prend le nom de
Normandie.
●
Les Suédois empruntent les fleuves russes en direction de la mer noire et de la mer
caspienne.
1.3. Les sarrasins
Pendant un siècle, les pirates arabes, qu’on nommait Sarrasins, répandirent la terreur dans les pays
méditerranéens. Dès qu’ils furent fermement installés en Crète (825) et en Sicile (827), ils firent à
plusieurs reprises irruption sur les côtes et dans les villes du bassin occidental de la Méditerranée,
organisant la chasse aux esclaves chrétiens. En 838, ils réduisirent en esclavage tous les habitants
de Marseille et établirent près de Toulon une forteresse, la Garde Freinet, à partir de laquelle ils
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pouvaient entreprendre, dans un vaste rayon, de continuelles expéditions de pillage.
Rome trembla devant eux lorsqu’ils apparurent sous ses murs en 846; ils ne parvinrent pas, il est
vrai, à s’emparer de la ville, mais bien à piller l’église des apôtres Pierre et Paul qui se trouvait hors
des murs. Le pape Léon IV se vit alors dans l’obligation de ceindre d’une muraille la partie de la
ville qui se trouvait sur la rive droite du Tibre, et qui fut appelée dès lors la Città di Leo. Au début
du Xe siècle, ils pénétrèrent dans l’Italie septentrionale et se répandirent même par-dessus les Alpes
jusque dans les contrées de la Suisse actuelle; ils pillèrent alors l’Evêché de Coire et l’Abbaye de
Saint-Maurice.
Contrairement aux invasions musulmanes des siècles précédents dont le but était l'expansion de
l'Islam, le but de celles-ci est uniquement le pillage. Heureusement pour l'Europe qui, en raison des
rivalités entre les différents royaumes issus de l'empire carolingien, n'aurait certainement pas pu
résister.
2. L'aube de l'Europe
Au Xe siècle, l'Empire carolingien n'est donc plus qu'un rêve. Pourtant le duc des Saxons, Otton-leGrand, va le reconstituer. Disposant d'une armée solide, il met fin aux révoltes des seigneurs qui
l'élisent roi. A l'est, il vainc les Hongrois et les Slaves; à l'ouest, il annexe l'ancienne Lotharingie.
En 962, le pape lui remet à Rome la couronne impériale; c'est le nouveau protecteur de la chrétienté.
Mais la France n'appartient pas à l'empire restauré. Cent ans de rivalités entre les descendants de
Charlemagne y ont réduit à néant l'autorité du souverain. En 987, les seigneurs élisent Hugues
Capet au trône royal. D'une famille qui s'est illustrée dans la lutte contre les Vikings, le souverain
ne possède qu'un faible domaine autour de Paris et doit faire preuve d'habileté pour déjouer les
tentatives belliqueuses des seigneurs. Les Capétiens ont aussi la sagesse de désigner de leur vivant
leur successeur, évitant ainsi les querelles de succession.
L’Espagne presque entière est sous la domination des musulmans. L’Emirat de Cordoue accule aux
Pyrénées le petit royaume chrétien des Asturies qui multiplie ses offensives vers le sud. l’ heure de
la reconquête va bientôt sonner.
L’Angleterre a été envahie par les Scandinaves et le roi danois Knut-le-Grand l'a rassemblée avec le
Danemark, la Norvège et le sud de la Suède dans un vaste empire des mers du Nord. Mais celui-ci
dure peu et la couronne revient bientôt, sur l'île, à un roi anglo-saxon: Edouard-le-Confesseur. A sa
mort, plusieurs prétendent à sa succession; c'est finalement Guillaume, duc de Normandie, qui
s'impose par sa victoire de Hastings, en 1066.
Au nord, les Scandinaves se sont assagis et, imitant les communautés dispersées sur le continent, ils
se font chrétiens. Les Hongrois s'installent définitivement en Pannonie. En l'an mil, leur roi
Etienne, converti, reçoit sa couronne des mains du pape. Et les tribus slaves, évangélisées par des
missions religieuses venues de l'Occident ou de Byzance, se groupent en divers royaumes: Pologne,
Bohême, Russie. Elles influencent fortement les Bulgares, parents des Huns.
Ainsi la famille des peuples européens s'est agrandie: elle est à peu près celle que nous connaissons
aujourd'hui.
3. La féodalité
Le morcellement de l'empire carolingien ainsi que la deuxième vague d'invasions, ont contribué à
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créer un climat d'insécurité en Europe. Se produit alors une dislocation du pouvoir royal au profit
des grands propriétaires qui, peu à peu, constituent une aristocratie héréditaire qui va amener au
système féodal.
En effet, l'apparition du système féodal est facile à comprendre. Les gens ont peur. Il n'y a plus de
pouvoir royal assez fort pour assurer leur sécurité. Ils se tournent alors vers les seules personnes
pouvant leur venir en aide : les grands propriétaires, entraînés au maniement des armes et possédant
les ressources nécessaires pour défendre leurs propres biens.
En échange le grand propriétaire exerce un certain pouvoir sur les biens et les personnes du
domaine où rayonne sa protection. Il devient un seigneur. Les gens qu'ils protègent sont ses
vassaux.
La terre que contrôle s'appelle une seigneurie. Elle est divisée en plusieurs parcelles. La réserve est
la partie dévolue au seigneur. On y trouves les champs qu'il cultive pour son propre compte, ses
forêts, sa demeure, souvent fortifiée, ainsi que tous les bâtiments d'usage commun comme le moulin
ou le four à pain. C'est également sur la réserve qu'est construite l'église. Les tenures sont de petites
parcelles correspondant à l’étendue de terre nécessaire à la subsistance d’une famille paysanne.
Les paysans sont appelés les vilains. Leurs conditions varient. Les tenanciers libres jouissent d'une
certaine liberté. Ils ont un droit de possession réelle sur les terres. En contrepartie, ils sont soumis à
des obligations à l'égard de leur seigneur que ce soit en argent (impôts), en nature (poule, oeufrs,
porc...) ou en service (corvées). Les serfs, par contre, sont héréditairement attachés au seigneur et
sont soumis à des obligations plus lourdes. S'ils se marient en dehors de la seigneurie, ils doivent
s'acquitter d'un droit de formariage. Souvent, ils sont vendus en même temps qu'une propriété. On
ne peut pourtant pas les assimiler à des esclaves. En effet, ils ont le droit de fonder une famille.
Il est à noter que le seigneur détient le droit de justice sur ses vassaux. Il possède également l'église.
C'est lui qui désigne le desservant, lui attribue une terre, prélève la dîme pour subvenir à l'entretien
du culte.
Pour l'aider dans son rôle de défenseur, le seigneur s'entoure également d'hommes en armes, les
chevaliers.
3.1. Le système féodal
Il faut bien comprendre que ce qui fait l'originalité du système féodal, c'est qu'il est basé sur des
relations d'homme à homme. Il s'agit effectivement d'un véritable contrat entre le seigneur et le
vassal. Ce contrat est passé sous forme de rites dont les plus fréquents sont l'hommage et le serment
de fidélité.
Le vassal s'agenouille devant le seigneur en signe de soumission et lui demande sa protection. Le
seigneur entoure alors les mains de son vassal, signe qu'il accepte sa demande puis il lui remet un
fief, le plus souvent un lopin de terre pour que son vassal puisse s'installer avec sa famille et
subvenir ainsi à ses propres besoins.
Dès le moment où il y a contrat, il y a, pour chacune des deux parties, des droits et des devoirs.
Le vassal doit à son seigneur : aide, conseil et révérence. L'aide signifie qu'il aidera son seigneur
dans son rôle de protecteur. Pour le faire, il sera soumis au service d'ost, une sorte de service
militaire. Le vassal doit aussi, même si cela est étonnant, une aide financière à son seigneur dans
trois cas : l'adoubement de son fils aîné, le mariage de sa fille aîné, son départ pour la croisade. Le
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conseil, signifie que le vassal peut être appelé à jouer un rôle de juré au tribunal du seigneur. Quand
à la révérence, il s'agit de gestes de soumission à l'égard du seigneur comme, par exemple, lui tenir
son étrier quand il monte à cheval.
Quant au seigneur, il doit protection et entretien à son vassal.
En cas de non respect du contrat, chacune des deux parties peut le dénoncer.
4. L'Eglise vers l'an Mil
Une question se pose alors : que devient l'Eglise dans ce nouveau système social ?
Vers l'an Mil, pratiquement toute l'Europe est chrétienne. On vit au rythme de l'Eglise. Les grandes
fêtes religieuses rythment la vie, le dimanche est un jour de repos respecté de tous, la communion et
la confession sont obligatoires.
L'Eglise apparaît comme très organisée. Elle est en effet constituée d'un clergé séculier très
hiérarchisé avec à sa tête le pape puis les cardinaux, les évêques, les prêtres. Au côté de ce clergé
séculier l'Eglise peut compter sur un fort clergé régulier. En effet les moines sont très nombreux et
leur importance dans la société médiévale est considérable.
Et pourtant, malgré les apparences, l'Eglise a de gros problèmes. Les prêtres et même les évêques ne
sont pas souvent à la hauteur de leur tâches. Pourquoi ? Par manque d'instruction certainement mais
surtout parce-que l'Eglise est elle-même incluse dans le système féodal. En effet, comme les laïcs,
les ecclésiastiques cherchent protection chez les puissants. Peu à peu ce sont ainsi les seigneurs qui
choisissent les prêtres, les souverains qui nomment les évêques. Même le pape est sous l'influence
de l'empereur.
Etroitement soumis aux seigneurs, le clergé n'est donc pas toujours digne de son rôle. Certaines
règles (célibat) ne sont pas respectées, la pratique de la simonie (trafic des sacrements) est de plus
en plus courante.
De plus, l'indiscipline est générale. On voit par exemple au Xè siècle, le pape Serge III devenir
l’amant de Marzozie une aristocrate romaine. Ensemble ils ont un fils qui deviendra pape sous le
nom de Jean XI et dont le fils occupera à son tour le saint siège sous le nom de Jean XII.
Dans les monastères également la discipline se relâche. Les règles ne sont plus respectées et les
abbayes, souvent très riches, deviennent des objets de convoitise et de trafics divers.
Tout ceci ruine naturellement l’autorité morale de l’Eglise et détourne les fidèles. Ceci d’autant plus
que la peur de l’an Mil provoque une recrudescence des superstitions et des rites plus ou moins
magiques.
Cependant, peu à peu, l’Eglise va réagir contre tous ces abus. Des hommes de bonne volonté vont
essayer de la soustraire à l’organisation féodale, de lui redonner son rôle de guide spirituel, de lutter
contre l’indiscipline et l’incompé tence du clergé.
L'Eglise va tout d’abord participer à une entreprise d’adoucissement des mœurs en instaurant par
l’intermédiaire des conciles :
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- La Paix de Dieu : interdiction attaquer clercs, paysans, pèlerins et marchands, d'incendier maison
ou de saccager des vignes. Ceux qui enfreignent la loi sont menacés d'excommunication
–
La Trêve de Dieu : interdit tout combat du lundi soir au mercredi matin ainsi que pendant l'avent
et le carême.
Il faut également noter un autre volet du renouveau de l'Eglise : la réforme des ordres monastiques.
Notons tout d'abord le mouvement clunisien. Fondée en 910 par le duc Guillaume d’aquitaine, le
monastère de Cluny obtient d’être affranchi des pouvoirs laïcs et de l’évêque de Macon pour
dépendre directement du Saint-Siège. On y réintroduit la règle de Saint-Benoît (moins de travaux
manuels mais plus d’activité spirituelle). Les tâches matérielles sont assurées par des serfs qui font
de l’abbaye de Cluny une véritable seigneurie. Au début du XIè siècle on compte une quarantaine
d’abbayes dépendant de Cluny en France et en Italie du nord. Un siècle plus tard, on en compte
1500 dans toute l’Europe.
Mais à la même époque, des reproches s’élèvent. On reproche en effet aux moines clunisiens un
certain relâchement, surtout au niveau alimentaire, incompatible avec la règle et on souligne surtout
la richesse de l’ordre qui ne correspond pas à l’idéal de pauvreté de l’église. En réaction contre ce
qui précède vont apparaître des ordres nouveaux dont le plus célèbre est l’ordre de Citeaux dont
Saint Bernard est le représentant le plus connu. Comme Cluny, l’ordre va se diffuser dans toute
l’Europe. Contrairement aux moines de Cluny, ceux de Citeaux sont de grands travailleurs et ils
participent activement aux défrichements.
C'est à cette époque également que naît le mouvement érémitique. Il se trouve en effet des gens qui
estiment que les moines sont trop isolés, trop éloignés du commun des mortels. Ils leur reprochent
également leurs richesse. Ils décident alors de vivre dans la pauvreté absolue à la recherche d'un
idéal de pureté. Ce sont les ermites. Vivant souvent dans la forêt, dans des grottes, ils provoquent
l'admiration de foules entières qui viennent écouter leur commentaires de la Bible. Avec eux les
gens apprennent que le salut est possible par la pénitence, que le Christ est un sauveur et non un
instrument de châtiment.
Cette nouvelle conception de la religion change peu à peu la mentalité de l'époque.
C'est parmi ces ermites que vont naître de nouveaux ordres religieux : les ordres mendiants comme,
par exemple, les franciscains (St François d'Assise) qui ne se cloîtrent pas mais voyagent et
haranguent les foules.
C'est également pour réformer l'Eglise que deux papes, Nicolas II puis Grégoire VII, vont mettre en
place ce qu'on a appelé la réforme grégorienne.
En 1059, au concile de Latran, Nicolas II décide que, désormais, l’élection des pontifes serait
confiée à un collège de cardinaux sans en référer à l’empereur.
Gégoire VII continue la réforme. Il envoie un peu partout des légats chargés de découvrir et de
dénoncer les ecclésiastiques coupables de simonie ou d’autres manquement à la discipline. Ceux-ci
sont dépossédés de leurs fonctions par le pape. Il interdit également de façon formelle l’investiture
des évêques par des laïcs et affirme avec force la primauté du pape sur l'empereur.
Cette tendance du pape a se comporter comme un véritable souverain ne va pas tarder à lui mettre a
dos les princes et parmi eux surtout l’empereur du saint-empire romain germanique
Toutes ces réformes ne plaisent pas à tout le monde De violentes réactions vont voir le jour. Citons,
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par exemple, les hérésies cathare et vaudoise. (L'hérésie cathare fera l'objet d'une contribution en
classe)
Pour lutter contre ces hérésies l'Eglise va utiliser la force et mettre sur pied un tribunal
ecclésiastique qui va faire des ravages : l'Inquisition qui fera également l'objet d'une contribution.
Autre conséquence de la réforme grégorienne : la querelle des investitures qui met aux prises le
pape et l'empereur.
La première phase fut défavorable à l'Empereur. Menacé d'excommunication par Grégoire, pour
avoir continué à disposer à sa guise des évêchés vacants, il riposta en faisant déposer le pape par un
concile d'évêques allemands. Excommunié, déposé à son tour par le pontife qui décréta l'annulation
du serment de fidélité prononcé par ses sujets, il dut faire face à une révolte générale des féodaux
allemands et fut contraint à s'humilier en sollicitant l'absolution de Grégoire VII. Réfugié en janvier
1077 au château de Canossa, en Emilie, propriété de la comtesse Mathilde de Toscane, le pape fit
attendre trois jours et trois nuits le souverain germanique, en costume de pénitent et les pieds nus
dans la neige, avant de lui accorder son pardon et de le recevoir, « délivré des chaînes de
l'anathème, dans la grâce de la communion ».
Henri IV ne tarda pas cependant à prendre sa revanche. D'abord en Allemagne, où les féodaux en
révolte avaient élu un anti-roi, Rodolphe de Souabe, dont les armées furent défaites par l'Empereur.
Puis en Italie, où la lutte eut de nombreux rebondissements. De nouveau excommunié par Grégoire,
Henri le fit déposer en 1080 par un concile à ses ordres qui élut à sa place, sous le nom de Clément
Ill, Guibert de Ravenne. En 1084, il descendit dans la péninsule, réussit à s'emparer de Rome, y
installa l'anti-pape - nom donné à ceux ayant revendiqué le titre de pape mais que la tradition
ecclésiastique n'a pas reconnus - et reçut de ses mains la couronne impériale. Grégoire VII, qui
s'était enfermé au château Saint-Ange, fut délivré par le chef normand Robert Guiscard et s'exila à
Salerne où il mourut, vaincu et amer en 1085. Dès 1094 cependant, l'un des successeurs de
Grégoire, Urbain Il (1088-1089) réussissait à reprendre pied à Rome, tandis qu'Henri IV regagnait
l'Allemagne où il allait bientôt avoir à affronter une nouvelle révolte des nobles, soutenue par les
évêques Grégoriens et conduite cette fois par son propre fils, le prince Henri.
Lorsque le pénitent de Canossa meurt en 1106, après avoir abdiqué en faveur de son fils, la défaite
de l'Empereur paraît consommée. Les grands féodaux font la loi en Germanie. Les barons
allemands ont été exclus de la Croisade prêchée par Urbain Il. En Italie, ce dernier a réussi à
dresser contre les partisans de l'Empereur (gibelins) une coalition des villes du nord, la Ligue
lombarde, alliée aux ducs de Bavière, les Welf (d'où le nom de guelfes donné aux partisans du
pape). La mort de Clément III (1100) a mis fin au schisme et le nouveau pontife, Pascal II a fait
accomplir de nouveaux progrès à la législation canonique au sujet des investitures. Pourtant, la
querelle ne tarde pas à se ranimer. Henri V (1106-l125), une fois la situation rétablie en Allemagne,
manifeste en effet la même intransigeance que son père, nommant les évêques à sa guise et les
investissant par la crosse et par l'anneau. La guerre reprend donc, émaillée une fois encore par des
victoires et des insuccès de l'un et l'autre camp. Pascal II, un moment enfermé par Henri dans un
château de la campagne romaine, doit accepter de couronner l'empereur à Rome (1111) et de
légitimer les investitures laïques. L'année suivante, il se rétracte, soutenu par la protestation de la
plupart des évêques et abbés d'Occident, puis il excommunie Henri V en 1115. En 1118, l'empereur
déclenche un nouveau schisme en opposant un nouvel anti-pape (Grégoire VIII) au successeur de
Pascal : Gélase Il. Finalement, encore une fois abandonné par une partie de sa noblesse et de son
épiscopat, en proie à la révolte des barons de Basse-Lorraine et de Saxe et vaincu par leurs armées,
l'empereur doit accepter de négocier avec le pape Calixte II le concordat de Worms (1122). Les
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évêques seront élus librement, mais en présence du souverain et avec possibilité d'arbitrage du
métropolitain. Quant à l'investiture, objet principal du litige, elle est donnée par le pape au titre du
spirituel (par la remise de la crosse et de l'anneau) tandis que le souverain conserve l'investiture des
biens temporels de l'évêché (par le sceptre).
Le compromis de Worms n'a mis fin que provisoirement à la « lutte du sacerdoce et de l'Empire ».
Pendant une trentaine d'années, l'Allemagne traverse des troubles graves, dus à l'affrontement de
deux clans rivaux qui se disputent un pouvoir royal au demeurant très affaibli : aux guelfes,
partisans on l'a vu des Welf de Bavière, s'opposent les gibelins (de Weiblingen, du nom d'un
château appartenant à la famille adverse des Hohenstaufen). En 1152, les princes allemands qui
souhaitent l'apaisement élisent Frédéric Barberousse, un Hohenstaufen mais apparenté par sa mère à
la famille des Welf. Le nouveau souverain germanique est un personnage exceptionnel : d'une
intelligence très vive, c'est également un chevalier brave, généreux, d'une grande piété, qui n'hésite
pas à payer de sa personne et trouvera dans la Croisade (il participe à la seconde et meurt à la
troisième) un moyen d'égaler les grands empereurs romains.
Dès le début de son règne, Frédéric réprime avec énergie toute velléité de révolte des grands.
Conseillé et assisté par le chancelier Rainald de Dassel, il manifeste sa volonté de restaurer le SaintEmpire, d'en faire un État organisé et unifié auquel reviendrait le dominium mundi, bref de renouer
avec la tradition inaugurée par les augustes romains et reprise par Charlemagne, que le monarque
Hohenstaufen fera canoniser en 1165 par l'anti-pape Pascal III. Cette ambition l'amène
inévitablement à entrer en conflit avec Rome car, ne souffrant aucune autorité au-dessus de la
sienne dans ses États, il intervient dans les élections épiscopales et refuse d'agréer certains
candidats. Elle le conduit également à vouloir briser la volonté d'indépendance des villes italiennes
et les pouvoirs communaux qui s'y sont installés en l'absence de structures féodales fortes, ainsi que
la puissance du royaume normand que Roger II, comte de Sicile, conquérant des Pouilles et de la
Calabre, a fait reconnaître par le pape.
En 1154, Frédéric Barberousse passe en Italie, engage la lutte contre les milices urbaines et
s'empare de Rome où l'agitateur et réformateur Arnaud de Brescia a mis en place une sorte de
résurgence de la République romaine, avec un sénat, un tribunat et un ordre équestre, qui tente de
rétablir la liberté civile et de réformer le clergé. Il y reçoit en 1155 la couronne impériale des mains
du pape Hadrien IV, tandis qu'Arnaud de Brescia est mis à mort et brûlé. Mais, à peine a-t-il pris le
chemin du retour que les populations citadines se révoltent sur son passage et que Milan, âme de la
résistance, fait alliance avec le pape et avec le roi de Sicile, Guillaume le Mauvais.
L'année suivante, Barberousse franchit à nouveau les Alpes. En 1158, à la diète de Roncaglia il
réaffirme les droits impériaux avec l'aide de juristes bolonais qui tirent des principes et des textes du
droit romain le matériau dont l'Empereur a besoin pour se faire reconnaître un pouvoir absolu.
Méthode immédiatement reprise par ses adversaires pour tenter de légitimer à leur tour la cause du
pape et celle des villes italiennes. Le pouvoir royal italien est réorganisé par une équipe de clercs
allemands que dirige Rainald de Dassel. Après quoi, Frédéric entreprend une série de campagnes
militaires pour soumettre les cités récalcitrantes. Elle s'achève en 1162 avec la prise de Milan qui
est rasée et dont les habitants sont déportés. Enfin, contre le Pape Alexandre III (le juriste Roland
Bandinelli), élu en 1159, il fait élire des anti-papes, Victor IV (11591164), puis Pascal III (11641168), tandis que le pontife officiellement reconnu par l'ensemble du monde chrétien se réfugie en
France.
En prenant la responsabilité d'un nouveau schisme, Barberousse a dressé contre lui la majorité des
villes italiennes. Dès 1165, Alexandre III est de retour à Rome. Deux ans plus tard, les cités
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guelfes s'unissent pour constituer une ligue lombarde qui, alliée au pontife romain, à Venise et aux
Normands de Sicile engagent la lutte contre le Hohenstaufen, dont l'armée est battue et décimée par
l'épidémie. Lorsque, en 1174, Frédéric Barberousse revient dans la péninsule, c'est pour y essuyer
une série d'échecs, couronnés par l'écrasante défaite de Legnano. La paix signée à Venise en 1177
met un terme au schisme, l'empereur devant se prosterner devant le pape Alexandre III et recevant
en échange le baiser de paix.
Tout n'est pas joué cependant. Après avoir à plusieurs reprises usé de la force, l'empereur change
de tactique et recourt à la diplomatie. Il se réconcilie avec les villes lombardes en reconnaissant
leur autonomie par la paix de Constance (1 183), puis il rétablit une fois encore son autorité sur tous
les grands duchés allemands. Enfin, il marie son fils, le futur Henri VI à une princesse sicilienne,
héritière potentielle du trône des rois normands. Ainsi, si la tentative de mise au pas de l'Italie du
nord a échoué dans ses grandes lignes, l'autorité impériale est loin d'y être complètement absente :
elle trouve même une certaine consistance en Toscane, dans le duché de Spolète et la Marche
d'Ancône. Le pape est complètement isolé. Ceci sans doute au prix d'un recul de la puissance de
l'empereur en Allemagne même où Frédéric a dû acheter la paix de ses vassaux et l'envoi de
contingents armés au prix de lourdes concessions. Au moment où il part pour la Croisade, son
autorité paraît à terme menacée, aussi bien en Allemagne où le pouvoir des princes n'a cessé de
s'affermir, qu'en Italie (et aussi en Allemagne) où s'affirme de plus en plus l'autonomie des villes
marchandes. Frédéric Barberousse n'aura pas le temps d'éprouver si l'immense prestige qu'il entend
retirer de l'expédition en Terre Sainte lui permettra de réduire ces forces centrifuges. Conduisant
l'armée des croisés, il trouve la mort en effet le 10 juin 1190 sur le chemin de Jérusalem, en
traversant un fleuve d'Anatolie.
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