Des vacances sur les bancs d`école

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6 ACTUEL
LA PRESSE MONTRÉAL LUNDI 20 AOÛT 2007
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ACTUEL FAMILLE
PHOTO AGENCE FRANCE PRESSE
Un cours n’attend pas l’autre pour les petits Chinois voués à la performance ! Ci-dessus, les enfants échauffent leurs muscles avant un entraînement en piscine, à Hefei, dans la province d’Anhui.
L’éducation chinoise, des plus compétitives
Des vacances sur les bancs d’école
AG EN C E F R A N C E- P R E S S E
SHANGHAI — Si la plupart des
élèves du monde entier goûtent au x joies des vaca nces ,
un nombre croissant de petits
Sha ng ha ien s pa ssent l ’été à
potasser pour être au top à la
rentrée, dans un système scolaire
chinois des plus compétitifs.
En congé depuis la fin du mois
de juin, Jinyi n’a pas chômé ces
dernières semaines. À 8 ans, elle
a suivi des cours de mathématiques et d’anglais tous les matins
de juillet, et août est consacré à la
natation et à l’étude du pipa, instrument traditionnel chinois.
« En mathématiques, ils font
surtout des problèmes qui reviennent souvent dans les compétitions internationales juniors.
De plus en plus de collèges font
passer ce type de test à l’entrée.
Du coup, il est important qu’elle
travaille dessus et le programme
de l’année ne laisse pas le temps
de le faire. Il ne reste que l’été »,
explique sa mère, M me Huang.
Pour les activités musicales, les
compétences passent avant le
plaisir et Jinyi se prépare activement à passer un certificat de
musique avant la rentrée des classes. « Et encore, on ne parvient
pas à occuper tout son temps »,
regrette presque la maman.
Dans un système scolaire élitiste, les parents veulent garan-
çaise, un calme estival règne, sauf
tout au fond d’une allée où, sous
une chaleur moite et écrasante,
quelques enfants se pressent de
rentrer en classe.
« Les cours d’été marchent très
bien. Les plus prisés sont l’anglais et le chinois », détaille Wang
Shi, responsable administrative
de OnlyEducation, qui refuse de
fournir les tarifs. L’établissement
Par cette matinée d’août, l’activité ne semble pas faiblir et
les cartes de crédit défilent pour
payer les camps d’été ou les inscriptions en cours du soir de la
rentrée, une manne pour les établissements et les professeurs.
des vacances », stipule le texte.
Dans la réalité, de nombreuses
écoles sont restées ouvertes l’été.
Certains spécialistes encouragent les parents à relâcher cette
pre s sion per ma nente . « C ela
conduit juste à assécher l’intérêt des enfants pour les études.
Ras le bol de riz !
Ça ne sert à rien. Si les enfants
La course à l’excellence a pris ne peuvent pas bien jouer, ils
suffisamment d’ampleur pour ne peuvent pas bien étudier »,
estime ainsi le professeur
Wu Ji n lia ng, d i rec teu r
Dans un système scolaire élitiste, les parents veulent garantir à leurs enfants du Zhejia ng Chengzha ng
E d u c a t i o n a l P s yc h i a t r y
la réussite, y compris en faisant des sacrifices financiers.
Research Institute.
Des parents aussi tentent
de résister à cette spirale
tir à leurs enfants la réussite, y compte plusieu rs a nten nes à fa i re réagi r les autorités . L a qui laisse peu de temps libre aux
compris en faisant des sacrifices Shanghai. Pour la seule école de Commission de l’éducation de enfants. « Mon fils est trop petit,
financiers. « Ils accordent davan- la rue Wuyuan, plus de 400 élè- Shanghai, organe municipal, a il a 5 ans. Son école est restée
tage d’attention aux diplômes ves sont inscrits.
publié en juin une réglementation ouverte cet été mais je veux qu’il
qu’au x loisi rs », a f fi r me L iu
« Cela leur permet d’étudier pour limiter tout débordement profite de ses vacances », estime
Yeping, psychiatre spécialiste des en avance ce qu’ils verront en studieux. « Les écoles primaires Zhong Liang, avant d’ajouter :
questions d’éducation à l’Univer- septembre à l’école », assure M me et les collèges ne devront pas « C’est sûr que, dans deux ans, si
sité Jiatong de Shanghai.
Wang, tout en parlant à plusieurs dispenser de cours extrascolaires tout le monde me met la pression,
Dans une petite rue du quartier mères d’élèves dans la petite pendant les vacances nationales, je n’exclus pas de lui faire suivre
de l’ancienne concession fran- entrée de l’école.
les week-ends, l’hiver et les gran- des cours. »
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Maroc : la fin des écrivains publics
d’un local dans la médina de
Casabla nca. Selon cet a ncien
fonctionnaire, 99 % des écrivains
publics du pays n’ont pas les
compétences – ni parfois l’honnêteté – pour accomplir correctement leur métier.
Fervent croyant, Mohammed
Ben Jelloun se dit honnête et
« réglo », d’abord parce qu’il a
« peur de Dieu ». Et s’il se targue
d’être compétent, c’est que les 35
années qu’il a passées dans la
fonction publique lui ont permis
de comprendre ce qu’attend la
bureaucratie des citoyens. Ce qui
est loin d’être le cas de tous ses
collègues, selon lui.
F R É D É R I C K L AVO I E
CO L L A B O R ATI O N S PÉCI A L E
CASABLANCA — Au Maroc, où
38 % de la population est analphabète, l’écrivain public fait
office de plume pour les illettrés.
L’avènement de l’informatique
et l’arrivée des notaires dans le
pays au cours des deux dernières
décennies fait toutefois de ces
scribes une espèce en voie de
disparition.
À Bab El Had, dans la médina
de Rabat, ils sont une douzaine
sous leur parasol à attendre les
rares clients devant leurs deux
machines à écrire rouillées, une
en arabe, l’autre en français. « La
wilaya (préfecture) a promis il y
a longtemps de nous construire
des bureaux, mais ça n’a toujours
pas été fait », déplore l’écrivain
public Mohammed Mejdou, dans
un français hésitant.
L’homme de 30 ans tient boutique sous son parasol depuis
l’âge de 19 ans, lorsqu’il a quitté
l’école sans diplôme. Il a hérité
des machines, de la petite table
vieillie et des trois chaises de son
bureau en plein air de son maître
écrivain, mort après 40 ans de
métier. C’est de lui qu’il a appris
la profession, « au fil des jours, à
force de le regarder faire ».
L’écrivain public au Maroc,
Les notaires prennent la place
PHOTO FRÉDÉRICK LAVOIE, COLLABORATION SPÉCIALE
Une femme attend un écrivain public, lequel s’est absenté pour la prière, à Bab
El Had, dans la médina de Rabat, capitale du Maroc.
comme dans plusieurs pays au
fort taux d’analphabétisme, c’est
celui qui rédige les demandes,
les réclamations, les contrats et
même les formulaires de visa
et les CV de ses compatriotes
qui ne savent pas écrire. Plus
question toutefois de rédiger de
lettres aux familles à l’étranger.
Une tâche qui « ne donne pas
assez de valeur » à un métier déjà
en manque de reconnaissance,
ex pliquent u na n i mement les
scribes rencontrés.
Il n’existe aucune formation
au Maroc pour devenir écrivain
public. Pas même d’association,
ni de charte ou de code déontologique. Chaque écrivain doit
concevoir lui-même ses techniques de travail et... son éthique.
C’est un grave problème, croit
Mohammed Ben Jelloun, écrivain public qui, lui, dispose
Dans la médina de Salé, en
ba nlieue de Rabat, Oth ma ne
Bouchetouf est plutôt pessimiste
quant à l’avenir du métier que lui
a transmis son père. « J’ai vu une
cinquantaine d’écrivains publics
fermer boutique à leur retraite,
faute de relève. Aujou rd’hui,
nous ne sommes plus qu’une
trentaine dans la médina ! » Et
pour cause. Les clients se font
de plus en plus rares. « Quand
j’ai commencé avec mon père il
y a 18 ans, nous recevions 15 ou
20 clients par jour. Aujourd’hui,
nous n’en n’avons plus que deux
ou trois ! D’ici un an ou deux, le
métier n’existera plus », prédit le
jeune scribe.
Selon lui, c’est la montée du
notariat depuis les deux dernières
décennies qui est en train de donner le coup de grâce au métier.
« Tout ce qui a un titre foncier,
on ne peut plus y toucher. Ça doit
passer par un notaire, puisqu’il
est beaucoup plus qualifié. »
La confiance du public
D’autres, comme Mohammed
Ben Jelloun, croient qu’il y aura
toujours une place pour cette
profession dans le royaume chérifien. « L’écrivain public peut vous
donner mieux que quiconque
une idée de la société marocaine,
parce que tout le monde nous fait
confiance, assure-t-il. Beaucoup
de gens viennent nous confier des
choses ou nous demander conseil,
dans des cas d’adultère par exemple, lorsqu’ils veulent porter
plainte contre leur femme ou leur
mari. Ils nous font plus confiance
qu’à leur avocat ! »
Les analphabètes ne sont pas
les seuls à retenir les services de
l’écrivain public, dit Mohammed
Ben Jelloun. « Lorsqu’un médecin
s’achète une voiture à l’étranger,
par exemple, il vient me voir pour
remplir les formulaires. Parce
qu’il y a des choses qu’il ne veut
pas que sa secrétaire sache. »
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