Journée d’études
« L’ÉCRIVAIN COMME MARQUE »
Le 14 juin 2013
Le sacre de l’écrivain n’est pas seulement symbolique, et l’auteur ne se paie pas que de mots.
On peut le déplorer, comme Sainte-Beuve qui dès 1839 dénonçait la « littérature industrielle », ou
en prendre acte, comme Émile Zola, interpellant dans Le Figaro, en 1881, ses confrères écrivains,
par cette question : « Mais pourquoi tremblerions-nous devant une clientèle faite de toute la
nation ? »
Plusieurs travaux récents ont analysé les liens entre littérature et publicité
; cette journée
d’études souhaiterait poser une question plus précise : comment, depuis quand, par quels processus
sémiotiques, symboliques, poétiques, l’écrivain peut-il devenir une marque ?
La marque est un signe distinctif qui permet au consommateur de distinguer le produit ou le
service d'une entreprise de ceux proposés par la concurrence. La notion sous-entend une activité
commerciale. Dans le cas de l'écrivain, on peut d’abord l'entendre au sens le plus propre. Ainsi en
témoigne une Colette ouvrant en 1933 un institut de beauté ou peut-être un Cocteau paraphant
généreusement la moindre brève de sa signature étoilée. Mais on pourra aussi réfléchir au « personal
branding » de certains écrivains. Les écrivains romantiques sont peut-être les premiers à faire de
leurs noms une marque littéraire. C’est en tout cas ce que reprochera Eugène de Mirecourt à
Alexandre Dumas dans Fabrique de romans, maison Alexandre Dumas et Cie (1845). La notion de
marque invite à réfléchir aussi au statut posthume du nom de l'écrivain parfois exploité comme une
marque par les héritiers ou des sociétés d'amis désireuses de perpétuer à tout prix la mémoire du
défunt. D’une manière générale, la marque permet de penser à nouveaux frais l’usage de la
nomination par l'écrivain, que ce soit le nom d'auteur, le titre de l'œuvre ou le courant littéraire
auquel il se rattache et de lier ce phénomène à d'autres comme la collection, la sérialisation, la
publicité… Faut-il forcément condamner les phénomènes de « mise en marque » ? En regardant du
côté des avant-gardes généralement peu soupçonnées de mercantilisation mais qui agitent pourtant
toutes sortes d’étiquettes, on pourra se demander si le branding en littérature n’est pas inévitable.
L’affichage des mouvements littéraires, les manifestes littéraires, les campagnes de presse ne
On pense notamment au numéro de Romantisme (2012, 1) dirigé par Philippe Hamon sur la publicité et à
l’ouvrage dirigé par Laurence Guellec, Littérature et publicité, Gaussen éditeurs, 2012.