Insuffisance rénale aiguë Module urgence 2016 DR BOUKAABACHE F Fonctions physiologiques du rein • Élimination des déchets azotés: – urée, créatinine, acide urique • Régulation du bilan hydroélectrolytique et acidobasique: – sodium, potassium, phosphore, ions H+ • Régulation de la tension artérielle: – cf. système rénine angiotensine aldostérone • Sécrétions endocrines: – vitamine D, érythropoïétine Le néphron: unité de filtration Le glomérule élabore l’urine IRA FONCTIONNELLE PRE-RENALE Toute pathologie qui la perfusion rénale: -choc, diarrhée, vomissements, diurétique -Insuffisance cardiaque IRA ORGANIQUE OU PARENCHYMATEUS E IRA OBSTRUCTIVE POST-RENALE -Obstacle urétéral: Lithiase, tumeur.. -Obstacle vésical: caillot,Tm vessie, Tm prostate Schéma du glomérule Définitions de l’insuffisance rénale • Diminution du nombre de néphrons fonctionnels, estimés par la réduction du débit de filtration glomérulaire (DFG) • Créatinine plasmatique: principal paramètre biologique utilisé en pratique pour évaluer le DFG La créatinine • Déchet endogène issu du catabolisme musculaire • Valeur normale: 60 à 115 µmol/l chez l’homme – d’autant plus basse que la masse musculaire est faible – d’autant plus élevée que la masse musculaire est forte • La clairance de la créatinine (Cl creat) est un bon reflet du DFG : Définition de la clairance • La clairance rénale d’un corps est représentée par le nombre de ml de plasma que le rein peut débarrasser totalement en une minute de ce corps • Se calcule par le rapport entre le débit urinaire, par minute, d’un corps et sa concentration dans le plasma Clairance de la créatinine • Une réduction du DFG se traduit donc par • Une élévation de la créatinine • Une baisse de la clairance de la créatinine • Valeurs normales: 130 ± 20 ml/min (homme) 110 ± 20 ml/min (femme) • Elle peut être calculée par la formule de Gault et Cockcroft La formule de Gault et Cockcroft • Nécessite de connaître l’age, le poids et la créatinine plasmatique Insuffisance rénale aigue (IRA) • Baisse brutale de la filtration glomérulaire • Habituellement réversible après traitement • Peut être oligoanurique (diurèse<400ml/24h) ou à diurèse conservée • En pratique: élévation rapide de la créatinine (mais pas de valeur seuil problème de définition) Classification de RIFLE • Proposée après une réunion d’experts (2004) • Basée sur la créatinine plasmatique et la diurèse Risk Injury Failure Loss End Stage Kidney Disease Coefficient Filtration Diurèse Glomérulaire (GFR) Créatininémie × 1,5 ou < 0,5 ml/kg/h pdt 6h Clcréat > 25% Créatininémie × 2 ou < 0,5 ml/kg/h pdt 12h Clcréat > 50% Créatininémie × 3 ou < 0,3 ml/kg/h ou anurie pdt 12h Clcréat > 75% Perte complète fonction rénale > 4 semaines Besoin d’épuration extra rénale > 3 mois L’ IRA s’oppose à l’ insuffisance rénale chronique (IRC) • Diminution progressive et irréversible du débit de filtration glomérulaire • En pratique: baisse de la clairance de la créatinine, élévation de la créatininémie • Peut aboutir à l’insuffisance rénale terminale nécessitant le recours à l’épuration extrarénale Épidémiologie de l’IRA • Incidence: • • • • 1% des admissions hospitalières 4 à 15% après chirurgie « à risque »: (cardiaque, aorte) augmente avec l’ âge et la poly-médication 50 % seraient iatrogènes • Gravissime: • 50% de mortalité • Épuration extrarénale nécessaire dans 30% des cas Principaux types d’IRA • IRA pré-rénale ou fonctionnelle • IRA post-rénale ou obstructive • IRA parenchymateuse ou organique (intrarénale) Physiopathologie de l’IRA IRA PRE-RENALE IRA POST-RENALE IRA INTRA-RENALE L’insuffisance rénale aigue fonctionnelle • Diminution du flux sanguin rénal • Le parenchyme rénal est intact • Habituellement réversible • Peut aboutir à l’IRA organique si se prolonge Causes d’IRA fonctionnelle (1) • Diminution des volumes intra-vasculaires – Hémorragie aigue – Pertes hydro-sodées: cutanées, digestives, rénales – Séquestration dans un troisième secteur • • • • Pancréatite aigue Cirrhose décompensée Syndrome néphrotique iléus Causes d’IRA fonctionnelle (2) • Diminution des performances cardiaques: – Insuffisance cardiaque – Embolie pulmonaire – Tamponnade • IRA « hémodynamiques » – AINS – IEC, Tableau clinique des IRA fonctionnelles • Signes cliniques de la déshydratation: – soif – hypotension artérielle – tachycardie – perte de poids DEFAILLANCES RENALES AIGUIES FONCTIONNELLE ORGANIQUE Na urinaire < 20 mmoles/l > 20 mmoles/l Fe Na <1% >1% Na/ K urinaire <1 >1 Urée S /Créat S > 100 < 50 IRA U/P créatinine > 20 < 20 Interprétable en l’absence de TRT diurétique et d’IRC EFNa = (U/P Na) / (U/P créat) x 100 L’insuffisance rénale aigue obstructive • Obstacle sur la voie excrétrice • En cas d’obstacle « haut », l’IRA n’apparaît que si l’obstacle est bilatéral ou sur rein unique • En cas d’obstacle « bas », il existe le plus souvent un globe vésical Obstacle haut Obstacle bas Principales causes d’IRA obstructive • Lithiases urinaires sur rein unique (sujet jeune) • Pathologie tumorale: (sujet âgé) • Adénome, cancer de la prostate • Tumeur de vessie • Cancer du rectum, utérus, ovaire envahissant les voies excrétrices • Pathologie inflammatoire: fibrose rétropéritonéale Tableau clinique des IRA obstructives • Hématurie, douleur lombaire en cas de lithiase • Dysurie, pollakiurie, en cas de pathologie prostatique • Il faut rechercher: – Un globe vésical – Un blindage pelvien au toucher vaginal ou rectal Diagnostic de certitude de l’IRA obstructive • L’échographie rénale – Met en évidence une dilatation des cavités rénales – Recherche la cause le l’IRA (lithiase, tumeur) • Alternative à l’échographie: uroscanner sans injection Images obstructives Fibrose rétro péritonéale Calcul urétéral L’insuffisance rénale aigue parenchymateuse • Forme la plus grave • Lésion anatomique des différentes structures du rein (vaisseaux, tubules, interstitium, glomérule) • La nécrose tubulaire est la forme la plus fréquente Vaisseaux Glomérule Interstitium Tubule Physiopathologie de l’IRA parenchymateuse • La nécrose tubulaire: 80% des cas • Ischémie rénale liée à la baisse prolongée du flux sanguin rénal • Aboutit à la nécrose des cellules tubulaires • L’anurie accompagne souvent les formes sévères • Après 3 semaines, la fonction rénale récupère Causes de nécroses tubulaires aigues (1) • Toutes causes d’IRA fonctionnelles négligées • Ischémiques par choc • Septique, hémorragique, anaphylactique, cardiogénique Causes de nécroses tubulaires aigues (2) • Toxicité tubulaire • aminosides, produits de contraste iodés, cisplatine … • Précipitation intratubulaire • Chaines légères (myélome) • Myoglobine (rhabdomyolyse) • Hémoglobine (hémolyse) Les autres causes d’IRA parenchymateuses sont rares • Néphrites interstitielles aigues – Infectieuses: pyélonéphrite, Hantavirus – Allergiques: rifampicine, B lactamine Les autres causes d’IRA parenchymateuses sont rares • Néphropathies glomérulaires aigues: – Glomérulonéphrite aigue post infectieuse – Glomérulonéphrite rapidement progressive Les autres causes d’IRA parenchymateuses sont rares • Néphropathies vasculaires aigues: – HTA maligne – Emboles de choléstérol – Syndrome hémolytique et urémique Tableau clinique des IRA parenchymateuses • L’interrogatoire: prise de médicaments… • HTA maligne • Tableau de choc • Bandelette urinaire: protéinurie, hématurie, leucocyturie DEFAILLANCES RENALES AIGUIES FONCTIONNELLE ORGANIQUE Na urinaire < 20 mmoles/l > 20 mmoles/l Fe Na <1% >1% Na/ K urinaire <1 >1 Urée S /Créat S > 100 < 50 IRA U/P créatinine > 20 < 20 Interprétable en l’absence de TRT diurétique et d’IRC EFNa = (U/P Na) / (U/P créat) x 100 Si l’IRA n’est pas expliquée • La ponction biopsie rénale est indispensable Nécrose tubulaire secondaire à une rhabdomyolyse Nécrose tubulaire aigue d’origine ischémique Néphropathie interstitielle aigue d’origine immunoallergique (rifampicine) En cas d’allergie on peut observer un rash Néphropathie glomérulaire aigue (maladie de Wegener) Retentissement de l’IRA • Rappel: les 4 fonctions du rein • Élimination de toxines • Homéostasie: régulation du bilan hydroélectrolytique et de l’équilibre acido-basique • Fonction endocrine (EPO, vitamine D) • Régulation de la tension artérielle • Ces fonctions sont assurées tant que le DFG est supérieur à 30 ml/min Rétention azotée • Élévation de la créatinine • Elévation de l’urée • Élévation de l’acide urique et autres toxines urémiques Troubles de l’équilibre acido-basique • Acidose métabolique • Par défaut d’élimination de la charge acide • Expose au risque d’hyperkaliémie Troubles hydro-électrolytiques • Rétention hydrosodée • Risque d’œdème pulmonaire et HTA maligne • Hyperkaliémie • Risque de mort subite Conséquences hématologiques • Anémie • Trouble de l’hémostase • Déficit immunitaire Troubles du métabolisme phosphocalcique et osseux • Hypocalcémie (par déficit en vitamine D) • Hyperphosphorémie (diminution de l’excrétion de phosphore) • Hyperparathyroïdie (stimulation de la PTH) Manifestations liées à l’accumulation des toxines urémiques • Digestives: • nausées, vomissements, gastrite • Neurologiques: • polynévrites, crampes, encéphalopathies • Altération profonde de l’état général Évolution et pronostic • Complications métaboliques propre à l’IRA: • Hyperkaliémie • Œdème pulmonaire • Encéphalopathie urémique • La mortalité est le plus souvent liée: • Maladie causale: choc, traumatisme, pancréatite • Complications de la réanimation: infections nosocomiales, embolie pulmonaire, dénutrition, hémorragies digestives Évolution et pronostic • Les facteurs de pronostic rénal sont: • la fonction rénale antérieure • le type d’IRA (les NTA régressent en 3 semaines) • Les facteurs de pronostic vital sont: • le terrain du patient • le nombre de défaillances viscérales associées • les complications secondaires Prévention de l’IRA • Connaitre les sujets à risque: – Diabétiques – Agés – Athéromateux – Insuffisants rénaux chroniques – Polymédication Prévention de l’IRA • Connaître les médicaments à risque: – Antibiotiques (aminoside, glycopeptide) – Diurétiques – Antihypertenseur (IEC) – AINS – Anticancéreux (cisplatine) – Immunosuppresseur (ciclosporine) – Lithium Prévention de l’IRA • Connaître les situations à risque: – Déshydratation – Hémorragie aigue – Sepsis – État de choc – Produits de contraste iodé Prévention de l’IRA • Maintien d’une perfusion rénale efficace par contrôle de la volémie (s’aider de la courbe de poids, courbe tensionnelle, du bilan entrée-sortie) • Si médicaments indispensables: adapter la posologie, contrôler les taux sanguins • Si examen iodé indispensable: hydrater 12h avant Traitement étiologique • IRA fonctionnelle: – restauration de la perfusion rénale – réhydratation, remplissage – recours aux amines vasopressives = prévention de la nécrose tubulaire Traitement étiologique • IRA obstructive: – Drainer les urines retenues en amont de l’obstacle – Si globe vésical: sondage urinaire ou cathétérisme sus pubien – Si obstruction du haut appareil: montée d’une sonde JJ ou néphrostomie per cutanée Sonde JJ Traitement étiologique • IRA parenchymateuse: • Lieu du traiement: – Défaillance rénale isolée: service de néphrologie – Défaillance multi-organe (état de choc): réanimation • Traitement symptomatique et préventif des complications : – alimentation calorique suffisante – prévention des ulcères de stress – prévention des complications thromboemboliques • Traitement étiologique • Recours à l’épuration extrarénale souvent nécessaire Épuration extrarénale (EER) • Techniques utilisées: – Hémofiltration (HF) – Hémodialyse (HD) – Hémodiafiltration (HDF) – (Dialyse péritonéale: indication exceptionnelle) Principes de base • L’EER permet: – l’élimination des produits de déchet – le maintien de l’équilibre hydro-électrolytique de l’organisme – au moyen d’un échange de solutés et d’eau au travers d’une membrane semi-perméable. Circuit extracorporel d’hémodialyse Principes de base • Le transfert des solutés fait intervenir deux mécanismes fondamentaux: – Diffusion: transport passif de solutés sans passage de solvant, dépend du gradient de concentration de part et d’autre de la membrane, concerne l’épuration des petites molécules (urée) – Convection: transfert actif simultané du solvant et d’une fraction des solutés qu’il contient, concerne l’épuration des molécules de poids moléculaire élevé (β2 microglobuline, cytokines) L’hémodialyse utilise le principe de diffusion L’hémofiltration utilise le principe de convection Indications générales • Chaque fois que le traitement médical ne permet pas de maintenir ou de rétablir l’équilibre hydro électrolytique et acido-basique • S’impose en urgence si – – – – Hyperhydratation mal tolérée: OAP Hyperkaliémie Acidose métabolique sévère Urée > 2 g/l En dehors de l’IRA les indications sont rares • Toxicologie: lithium, éthylène glycol • Hyperthermie maligne: refroidissement • Insuffisance cardiaque refractaire: (slow continue ultrafiltration) Quelle technique choisir ? • L’HD doit être réservée aux patients hémodynamiquement stables et présentant une défaillance rénale isolée. • L’HF est réservée aux tableaux de défaillances muliviscérales (choc septique notamment) Avantages/inconvénients • • • • • • • Discontinue Coût Absence d’anticoagulant Mobilité Charge de travail Moins bon contrôle volémique Instabilité hémodynamique Autorisation • • • • • • • • Continues Stabilité hémodynamique Meilleur contrôle entrées-sorties Epuration cytokines Coût Charge de travail Anticoagulation Hypothermie Immobilité