Radio France - 2009 Cross-Radio Conference

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EBU / UER – RAI – UNIVERSITA ROMA TRE
Première conférence Cross Radio : Radio de service public – Quo Vadis?
First Cross-Radio Conference: Quo Vadis, Public Radio?
29 mai 2009, Frascati (Italie)
Jean-Jacques CHEVAL
Professeur à l’Université de Bordeaux
Sciences de l’Information et de la Communication
Président du GRER (Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Radio)
[email protected]
- http://www.grer.fr
Le service public de la radio en France est diversifié en France. Depuis sa
création en 1921 avec le Poste de la Tour Eiffel, il a connu plusieurs histoires,
plusieurs statuts : Depuis la tutelle de l'administration publique du Ministère des
Postes, télégraphes et téléphones durant l’Entre-deux-guerres, puis la RDF, la RTF et
l’ORTF dont sera issue la société actuelle Radio France en 1974.
La radio publique française est aujourd’hui partagée entre différentes structures :
RFO, RFI ou encore Arte Radio, mais l’élément le plus important de cette
radiodiffusion est la société Radio France avec ses différentes stations et
services.
RFO, est une société de radio et de télévision à la fois. Elle dispose de
deux réseaux radio (RFO 1, RFO 2) et diffuse à travers ses neuf stations
dans les Dom-Com (Départements et Collectivités d’Outre-mer) : Martinique,
Guyane, Guadeloupe, Saint-Pierre-et-Miquelon, Réunion, Mayotte,
Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Wallis-&-Futuna). Le devenir ou l’évolution
de ces programmes est étroitement lié à l’avenir, aux statuts même des
territoires auxquels ils s’adressent. Par exemple, lors des troubles récents
qui ont agité les Antilles et principalement la Guadeloupe, le rôle, la mission
de RFO ont été interpelés, et de diverses manières d’ailleurs.
RFI, Radio France Internationale, est la vitrine
radiophonique de la France à l’étranger. RFI a pour mission
de promouvoir la langue et la culture françaises dans le
monde, et de diffuser des émissions à l'intention des
Français de l'étranger. Ses programmes se doivent d’être
le reflet de la vie politique, économique, scientifique et
culturelle de la France.
En 2008, RFI a été incorporée à l’Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) une société holding
qui supervise et coordonne les activités des radios et télévisions publiques détenues par L'Etat
Français, ayant une diffusion à l'international.
Soit : RFI avec Monte Carlo Doualiya, filiale arabophone de RFI, France 24 chaîne télévisée
d’information en continu et TV5 Monde, chaîne de télévision généraliste, multilatérale
francophone (contrôlée à la fois par la France, le Canada, la suisse et la Belgique).
La nomination de Christine Ockrent comme « directrice générale déléguée » de RFI, par ailleurs
épouse de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères du gouvernement actuel a
suscité d’autres contestations. Certains voulant voir là un contrôle du gouvernement, où même
du Président Sarkozy lui-même, sur la radio.
Dernièrement RFI a été touchée par un long mouvement social contestant la restructuration de la
station et un plan social annoncé en janvier 2009, qui prévoit 206 suppressions d'emplois (sur
un millier d’employés environ) et la fermeture de plusieurs bureaux de langues : allemand,
albanais, polonais, serbo-croate, turc et laotien (alors que RFI diffusait jusque-là dans 17
langues étrangères ).
Au-delà des événements franco-français, les dernières
évolutions autour de RFI pose la question de l’avenir des
radios publiques internationales. Leur viabilité ou leur
pertinence face aux nouvelles technologies.
Le Professeur Bernard Wuillème de Lyon interroge : « Existe-t-il une réelle demande,
un vrai public et une véritable audience pour ce type de radiodiffusion ? Ou n’observonsnous pas, tout simplement, une vision narcissique des États dans ce mode d’information
? » [Bernard Wuillème, Les radios internationales, Paris : Éditions Ellipses (Collection Infocom), 2007]. Une question
qu’il pose bien sûr différemment, selon les pays, les continents...
ARTE RADIO, issue de la chaîne de télévision culturelle francoallemande, est quant elle une radio nouvelle et innovante.
Elle est diffusée « à la demande » et presque seulement sur
Internet, en podcast ou en streaming.
Ce nouveau genre de programme radiophonique participe pleinement de la convergence
et de l'hybridation des formes médiatiques et de leur réinvention. Utilisant les nouvelles
technologies, ARTE Radio casse la logique de flux pour réintroduire une logique de stock
dans l'offre radiophonique. Ce faisant, cette station d'un genre inédit retrouve et redonne
le plaisir de la création radiophonique, des jeux sur le son et des documentaires qui
prennent leur temps. Son succès est croissant (400 000 visites par mois en 2008 en
moyenne).
Radio France reste le pôle majeur de la radiodiffusion publique en France
Née de l’éclatement de l’ORTF, en 1974/75, c’est une société nationale de
radiodiffusion, constituée sous la forme d’une société anonyme à capitaux publics,
l’Etat français étant l’unique l’actionnaire.
Face aux groupes privés (RTL, Europe, NRJ ou NextRadioTV) Radio France s’affiche
comme le premier groupe radiophonique français. Il a développé une politique de gamme et
s’appuie sur 6 chaînes distinctes : France Inter (dit le « Navire Amiral » ; une radio généraliste
de qualité, qui joue ou revendique sa différence par rapport aux chaînes généralistes privées,
une distinction qui se veut qualifiante), France Info (la chaîne d’information en continue),
France Culture et France Musique (deux chaînes culturelles, quand souvent il n’y en plus
qu’une dans les pays qui conservent ce genre de programmes), Fip (musicale et de service)
et Le Mouv’ (la dernière née, destinée au public jeune, mais plutôt étudiant), ainsi que sur 41
stations locales regroupées au sein du réseau France Bleu.
Des chaînes satellitaires, des web radios thématiques et les sites Internet des
chaînes accroissent cette offre de programmes, notamment grâce à de
nombreux contenus multimédias et à une diffusion en podcasting, qui a
régulièrement augmentée lors des dernières années.
Son budget est de 611 millions d’Euros en 2009, un chiffre que l’on
peut rapprocher des 742 millions d’Euros du marché global
publicitaire radio en France en 2008 tel qu’il a été mesuré par
l’Institut de Recherche sur la Publicité (IREP, le Marché Publicitaire
Français).
On peut aussi comparer ce budget au
gigantesque chantier qui a été entrepris
pour réhabiliter la Maison de la Radio.
D’une superficie de 100 000 m2, c’est un
bâtiment parisien emblématique, construit
dans les années 50 et 60 et qu’il faut
aujourd’hui mettre aux normes modernes
de sécurité et d’hygiène du travail : un
programme de réhabilitation est en cours.
D’un montant initial de 328 millions
d’euros, il est déjà passé à 420 millions
d’Euros et devrait s’achever en 20152016
Radio France compte plus de 4000 collaborateurs
permanents et plus encore de collaborateurs intermittents
L’économie de la radio publique française repose essentiellement sur la redevance que
payent les Français pour la possession d’un poste de télévision (116 Euros par
foyer en 2008). Bon an, mal an, c’est un cinquième de cette redevance (20%)
qui revient à la radio. Les ressources publicitaires sont donc marginales par leur
existence et leur volume.
La publicité diffusée sur les ondes de Radio France est limitée aux messages de
publicité collective et d’intérêt général, c’est-à-dire fermée au produit et
services de marques. Ce qui provoque parfois des problèmes de définitions. De
plus, le cahier des charges de Radio France limitent à 30 minutes par jour en
moyenne sur l’année la durée autorisée de publicité sur ses chaînes nationales.
En 2007, Radio France souhaitait pouvoir ouvrir ses écrans à un éventail plus large et
plus diversifié d’annonceurs ; tout en suggérant, en contrepartie, une réduction de
la durée moyenne quotidienne de publicité autorisée sur ses antennes nationales,
de 30 à 20 minutes.
Mais en fait en 2007, la diffusion des messages publicitaires a représenté seulement
10 minutes en moyenne par jour sur France Inter, 8 minutes sur France Info et
uniquement 3 minutes sur France Bleu (des chiffres en diminution sur les trois stations
par rapport aux 3 années précédentes).
Dans un climat global de récession des ressources publicitaires, l’opposition des
radios privées étaient très vives face à ces propositions
C’est dans ce contexte, qu’en janvier 2008, le Président Nicolas Sarkozy a
annoncé sa décision de supprimer le financement publicitaire sur les
chaines audiovisuelles de service public.
La surprise a été vive puis l’incertitude, car la radiodiffusion englobée dans
cette appellation générique d’audiovisuel public n’était pratiquement
jamais spécifiquement mentionnée dans les débats qui ont suivis.
Finalement la loi Loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la
communication audiovisuelle et au nouveau service public de la
télévision, longuement discutée et difficilement adoptée, laisse la radio
en dehors du champs des dispositions qui suppriment la publicité sur les
chaînes de télévision publique en prime time, en soirée et durant la nuit
(entre 20 heures et 6 heures du matin dans un premier temps). La suppression sera
étendue, après évaluation, à l’ensemble de la journée en 2011.
Radio France reste donc à la case départ en la matière, sans perspective
d’augmentation de ses ressources publicitaires, mais sans obligation de
leur suppression non plus.
Il reste à savoir si la dotation provenant de la redevance restera à son même
niveau, augmentera ou diminuera dans les prochaines années.
Ce sera l’un des enjeux du prochain contrat d’objectifs et de moyens que
doit renégocier et signer Radio France avec l’État avant la fin 2009.
Une autre décision du Président Nicolas Sarkozy a déjà eu plus d’influence sur le service
public radiophonique français à travers Radio France et pourrait en avoir d’autres à
moyen et cours et moyens termes il s’agit de la nomination des dirigeants des
sociétés audiovisuelles de service public par le gouvernement et, en France tout
le monde l’a compris ainsi, par le Président de la République lui-même.
Annoncé en juin 2008, ce projet à lui aussi déclenché de multiples débats et polémiques.
Ce qui était la règle avant 1982, avait été interrompue par François Mitterrand et la mise
en place d’un système de nomination qui reposait sur la décision de l’instance
réputée indépendante de régulation de l’audiovisuel (dernièrement le CSA).
Nicolas Sarkozy et sa majorité ont eu beau jeu de décrire un système biaisé dans lequel
aucune nomination ne se faisait sans l’assentiment de l’exécutif et dénonçant cette
« hypocrisie », ils ont souhaité un retour à la nomination PDG de l’audiovisuel par son
actionnaire principal c’est-à-dire l’Etat (après audition des personnes choisies par le
CSA et le Parlement). Le même exécutif ayant également pouvoir de révocation.
La loi organique n° 2009-257 relative à la nomination des présidents des sociétés
France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel
extérieur de la France a été adoptée le 5 mars 2009.
Du fait du calendrier, c’est à la société Radio France qu’elle s’est appliquée en premier
lieu, en mai 2009.
Depuis 2006, le PDG était Jean-Paul Cluzel(qui venait de
RFI et se revendique : Conservateur, Catholique et
Homosexuel). Contesté lors de sa nomination, son
bilan a finalement été assez positif (particulièrement en
termes d’audience). Il pouvait donc envisager une
reconduction à son poste, à laquelle il se préparait
(Opération « Radio France Demain »). Ceci n’a pas été
souhaité par le Président Sarkozy.
Plusieurs motifs ont été avancés : une proximité avec le clan de Jacques
Chirac l’ancien Président. Une photo controversée où le PDG de Radio
France posait masqué, tatoué et torse nu dans un calendrier vendu au profit
de la lutte contre le SIDA. Des critiques contre le ton général de France
Inter et de certains programmes clairement marqués à gauche (« Là-bas si
j’y suis » de Daniel Mermet),
ou bien les chroniques matinales d’un humoriste incisif,
Stéphane Guillon, qui s’en était pris, notamment, de manière
très acide à Dominique Strauss-Kahn, Directeur Général du
FMI, et le reproche à Jean-Paul Cluzel de ne pas avoir su
« discipliner » Radio France... Pour d’autres analystes, ce fut
le souci du Président de marquer un coup en agissant à
contre courant des pronostics qui prévoyaient la nomination
d’un proche et une reprise en main politique de la radio
publique.
Le choix de Nicolas Sarkozy s’est finalement porté sur
Jean-Luc Hees, un professionnel, ancien de Radio
France, journaliste reconnu, ancien directeur de France
Inter (remercié à l’époque par Jean-Paul Cluzel), passionné
des Etats-Unis, où il a été correspondant, admirateur de
Barack Obama et, enfin, classé plutôt à Gauche. JeanLuc Hees collaborait à Radio Classique une station
privée,
concurrente
de
France
Musique
et,
occasionnellement, à Charlie Hebdo, un hebdomadaire
satirique qui n’a jamais très tendre avec la majorité
actuelle, dirigé par Philippe Val.
Philippe Val qui a depuis rejoint JeanLuc Hess à Radio France sans que l’on
connaissent encore ses attributions.
Alors ? Une autre manifestation de
l’ouverture présidentielle de Nicolas
Sarkozy ? Un renoncement à
reprendre en main Radio France qu’il
sait lui être hostile ? Un jeu subtil pour
désarçonner
ses
adversaires
politiques...
les hypothèses courent encore, mais au-delà de l’anecdote, quelles sont, ou
seront, les conséquences pour Radio France et pour son avenir à moyen terme ?
Selon l’hebdomadaire Télérama, les chantiers à venir sont de taille : « travaux de rénovation,
arrivée de la radio numérique, adaptation aux nouveaux modes d'écoute de la radio,
renégociation de la convention collective, qui promet de longs mois de turbulences »,
auxquels s’ajoute la signature d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens.
Sur le plan politique, certains prédisent des jours difficiles à Jean-Luc Hees en raison des
circonstances de sa nomination. Peut-il apparaître indépendant ou servira-t-il forcément
de caution à la politique présidentielle ? Pourra-t-il se démarquer ou restera-t-il marqué
par un soupçon originel... ? Avec, par exemple, un risque de paralysie...
D’autre insistent plutôt sur certaines lacunes ou faiblesses montrées, pensent-ils, par le
nouveau PDG lors des auditions qui ont précédé sa nomination définitive, en particulier
dans le registre de la prospective pour la société, son avenir et les projets à développer.
Devant le CSA, dans le registre technique, Jean-Luc Hees n’a pas prétendu être féru des
nouvelles technologies, balayant cette limite par un « Je ne suis pas sûr que le PDG de
la SNCF sache piloter un TGV ».
Il a néanmoins avancé quelques idées : «Le Web est le média le plus complémentaire de la
radio, alors l'avenir est à nous! Je sens que c'est ça l'urgence, car cela fait bien longtemps
que je n'ai pas vu un jeune branché sur un transistor pendant deux heures dans sa
chambre». Sur la radio numérique, il s'est montré plus prudent et peut-être même
attentiste : «Cette radio [numérique] va demander du temps, c'est encore lointain comme
affaire». Rappelant que la BBC y travaillait depuis 15 ans et n’en tirait toujours pas plus
de 15% de son audience.
Mais il a aussi réaffirmer sa foi dans les notions fondamentales de service public : «Il ne
suffit pas de dire service public comme un lieu commun, c'est un principe auquel je suis
très attaché en tant que journaliste et en tant que citoyen. Radio France n'appartient ni
au Président de la République ni au PDG de cette entreprise».
Avant la fin de son mandat et prévoyant sa reconduction, Jean-Paul Cluzel a
lancé une opération importante et intéressante : Il s’agissait d’interroger les
auditeurs de Radio France sur l’avenir de la radiodiffusion publique, sur
leurs appréciations et leurs attentes à partir d’une large consultation externe
(mais aussi interne au sein de la société).
« La radio passe de média de flux à média à la demande » déclarait Jean-Paul
Cluzel au journal La Croix lors du lancement de cette opération et c’est
pourquoi il souhaitait interroger l’auditoire de Radio France sur son opinion
et ses attentes.
Cette consultation a été menée essentiellement sur Internet du 9 février au 5
mars 2009. La démarche était qualitative et non quantitative. Les réponses
sollicitées étaient guidées par quelques questions ouvertes: Quelles sont
les valeurs, les missions et les spécificités des radios publiques ? Pourquoi
les préférez-vous aux stations privées ? Etes-vous satisfaits de la façon
dont les antennes de Radio France reflètent les réalités culturelles que vous
vivez ? Souhaitez-vous en tant qu'auditeur/trice avoir davantage l'occasion
d'intervenir en direct ?...
Il y a eu beaucoup de réponses; En externe, le site a comptabilisé 60 000 visites de
50 000 internautes (ce qu’il faut tout de même comparer aux 13,5 millions
d’auditeurs de Radio France et le nombre de participants effectif aux forum a été
plus restreint, seulement quelques milliers).
Et en interne : 1 100 visites de 339 internautes employés de Radio France (à
rapprocher des 4 000 employés permanents de la société)
La première question était bien sûr d’évaluer la représentativité de ces contributeurs
tous totalement volontaires.
En externe 36% avaient moins de 40 ans, 64% avaient 40 ans et plus (ce qui se
rapproche effectivement de la sociologie générationnelle de l’auditoire global de
Radio France).
Par contre les interventions d’auditeurs de certaines chaînes de Radio France, ont été
complètement sur représentées par rapport à la réalité de l’audience en général.
Ce fut, très clairement, le cas des auditeurs de France Culture (21 % des
réponses et en réalité moins de 5% de l’audience totale de Radio France).
Les résultats de cette consultation ont été présentés publiquement le 27 mars 2009.
Parmi les résultats, on relève, par exemple,
que les thématiques et propositions les
plus débattues, par ordre décroissant ont
été : la musique, la culture, la place des
régions, l’interactivité, l’information, la
publicité, le sport.
Les propositions les plus appréciées (public) ont été les suivantes :
1. Créer une bibliothèque sonore où retrouver les archives des émissions
2. Etendre le rayonnement de FIP
3. Créer un "jukebox participatif"
4. Plus d'informations sur l'Europe
5. Davantage de diversité musicale sur toutes les antennes
6. Créer un programme, une radio "histoire"
7. Devenir un laboratoire du son
8. Limiter ou supprimer les informations boursières
9. Pour une plate-forme internet permanente de débat entre les auditeurs et Radio France
10. Mettre en place des réseaux "d’informateurs-citoyens"
11. Créer des programmes spécialement destinés aux enfants
12. Créer, sur internet, un espace dédié aux enseignants
13. Développer des radios thématiques
14. Développer entre les chaînes de Radio France une promotion croisée des programmes
15. Intégrer la météo marine dans les flashs météo
16. Aménager la place de la publicité
17. Plus de place pour les régions, les langues régionales…
Véronique Brocard (avec Paul Grisot)
de l’hebdomadaire culturel
Télérama(n° 3089, 26 mars 2009) concluaient ainsi une présentation des
résultats de cette enquête :
« […] pour l'avenir (rêvé) de Radio France. Pas de révolution, mais des
améliorations […]. Quand on lit ces lettres sourd une inquiétude : celle
que dans un avenir très proche le pouvoir fasse main basse sur le service
public, que l'indépendance de ces radios soit mise en cause, que, « petit
à petit, les journalistes perdent leur liberté, soit par pression politique
directe ou par autocensure ». Soudain ce courrier de lecteurs-auditeurs
se fait militant. En déclarant votre amour aux radios publiques, vous
vouliez à l'évidence en être, d'abord et surtout, les défenseurs ».
Et c’est bien une des impressions majeures qui se dessinent de la lecture
d’une bonne partie des contributions.
On doit sans doute, en premier lieu, relativiser les résultats de cette enquête
qui ne peut prétendre à une représentativité scientifique des auditeurs de
Radio France. Elle apporte néanmoins une connaissance intéressante sur
la frange la plus impliquée de l’auditoire de la radiodiffusion publique en
France, celle qui développe une écoute active, attentive et critique.
Mais ce n’est pas le cas de la totalité de cet auditoire, et les résultats de
cette opération ne peuvent nullement être extrapolés à tous.
Au-delà ce type d’enquête démontre aussi la difficulté bien connue de satisfaire un
public de masse et de donner à chacun ce qu’il attend...
Cette problématique ne date pas d’aujourd’hui.
Au XVIIème Siècle, en 1631 (date de l’apparition du
premier périodique français), Théophraste Renaudot,
le père tutélaire de la presse française, évoque déjà la
difficulté de contenter un public qui est déjà collectif,
même s’il n’est pas encore de masse, et qui est
partagé d’exigences diverses ou même contraires :
« Les capitaines y voudraient tous les jours
rencontrer des batailles et des sièges levés ou des
villes prises ; les plaideurs des arrêts en pareil cas ;
les personnes dévotieuses y cherchent les noms des
prédicateurs et à peu qu’il ne disent, des confesseur
de remarque. Ceux qui n’entendent rien aux mystères
de la cour les y voudraient trouver en grosses lettres
[...] Il s’en trouve qui ne prisent qu’un langage fleuri ;
d’autres qui veulent que mes relations semblent à un
squelette décharné, de sorte que la relation en soit
toute nue. Ce qui m’a fait essayer de contenter les uns
et les autres […]».
Théophraste Renaudot (Préface du recueil de ses Gazettes en 1631)
Son contemporain René Descartes, un an auparavant, en
1630, en évoquant l’acoustique de la voix humaine, avait
pour sa part annoncé ce qui demeure, aujourd’hui encore,
parmi les problématiques fondamentales de l’audience et
de la réception : l’audience sélective et l’effectivité de la
réception.
Il écrivait : « De dire que la même partie d'air in
individuo qui sort de la bouche de celui qui parle, va
frapper toutes les oreilles, cela est ridicule ».
Lettre de René Descartes à Mersenne, janvier 1630,
Œuvres complètes, La Pléiade, 1964
Bien plus tard, dans son Traité des objets musicaux, Pierre
Schaeffer présentait ainsi les variantes envisageables de la
position du récepteur / auditeur :
« 1. J'écoute ce qui m'intéresse.
2. J'ouïs, à condition de n'être point sourd, ce qui se passe de
sonore autour de moi, quels que soient par ailleurs mes activités
et mes intérêts.
3. J'entends, en fonction de ce qui m'intéresse, de ce que je sais
déjà et de ce que je cherche à comprendre.
4. Je comprends, à l'issue de l'entendre, ce que je cherchais à
comprendre, ce pour quoi j'écoutais. »
Pierre Schaeffer, Traité des objets musicaux,
Livre II, « Entendre », Paris : Editions du Seuil, 1966
En tout état de cause, quelques semaines seulement après son achèvement, et sa
présentation, l’opération « Demain Radio France » semble déjà enterrée par la
nouvelle direction de la société. Plus aucune trace de celle-ci ne figure dans sur le
site Internet général de Radio France et l’on peut s’interroger : S’agit-il d’un souci
stratégique? Preuve d’une difficulté à exploiter les résultats ? La marque d’un
désaveu ? ou bien le refus de se laisser enfermer par avance dans les pistes et
suggestions qui semblaient être avancées par les auditeurs ayant participé à ce
sondage qualitatif?
Finalement l’avenir de Radio France à long terme, ni même à moyen terme, n’est
certainement pas écrit à ce jour, mais l’on peut sans doute avancer qu’il ne sera
pas spécifique aux radios de service public. Il s’inscrira forcément dans les
bouleversements technologiques en cours et les modifications d’usages, de
pratiques qui les accompagnent.
Après de longues années de prévisions, expérimentations, tergiversations,
décisions contestées (la norme T-DBM unique), le mardi 26 mai 2009, le CSA
français a enfin délivré ses premières autorisations d'émettre en numérique à
160 radios sur les zones de Paris, Lyon et Marseille. Elles seront les premières à
être diffusées en mode numérique sur le territoire français, normalement à la fin de
l'année 2009. Mais l’achèvement du processus sera encore long, comme le dit
Jean-Luc Hess.
Ce que l’on appellera la « Post radio » est
certainement riche de potentialités et de
dynamiques spatio-temporelles nouvelles. Mais à
partir de là divers scénarios sont possibles.
On conviendra que l’entrée dans l’ère numérique ne devrait
pas être le constat d’une simple « radio numérisée » à
partir de la radio analogique, mais une véritable évolution
du média radio qui concernera le contenu éditorial, la
technologie, la réception et donc aussi l’économie ou
fondamentalement le statut de la radio au sein des
systèmes médiatiques
Pour autant, on peut avancer que les mutations ne se feront en
effet pas immédiatement ; ni de manière homogène dans
les espaces sociaux ou géographiques et culturels
nationaux et a fortiori mondiaux.
Des résistances existent et nous pouvons penser que le futur
de la radio sera ainsi fait de permanences ou de
continuités et de cohabitations entre des formes
radiophoniques anciennes et nouvelles.
Une vision optimiste prédit que la Post Radio offrira :

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• la multiplication des plateformes de diffusion (RNT, Internet fixe et mobile,
satellite, téléphonie...) ;
• des contenus plus denses (au son s’ajoutent les données associées)
seront disponibles et de nouveaux formats de programmes, de nouvelles
productions innovantes sont prévisibles;
• une augmentation de l’offre de programmes pour des niches plus
spécifiques, et, en corollaire, la personnalisation des programmes avec la
possibilité de partager ses goûts au sein de communautés d’auditeurs à
géométrie variable ;
• d’autres écoutes et usages de la radio émergeront grâce aux nouvelles
« machines » radiophoniques aux fonctions nombreuses, différentes et
novatrices (par exemple : pause, retour en arrière et enregistrement...). De
fait une délinéarisation de l’écoute est possible grâce à Internet et aux
podcasts ;
Une vision plus mesurée de la Post radio peut être proposée et, avec elle,
on peut penser que ces évolutions ne seront sans doute pas uniforme,
ni univoque ? La période de transition s’annonce délicate et peut-être
longue. En se gardant de discours purement technicistes ou
déterministes, il faut mesurer la possibilité d’écueils, résistances et
retards possibles :
• Des contestations des choix technologiques existent et l’on évoque des retards dans
la livraison des nouveaux équipements de réception, et dans leurs prix qui
restent élevés entrainant des incertitudes sur le renouvellement du parc existant.
• On parle des surcoûts liés à la double ou multiple diffusion nécessaire qui seront à
envisager sur une période prolongée ; quels nouveaux modèles économiques pour
la Post Radio (risque de multiplication de radio « low cost »)
• Les inégalités des secteurs radiophoniques face au numérique (particulièrement pour
le tiers secteur ou bien à un niveau mondial) sont à considérer et, de fait, le risque
de « fractures radiophoniques », tant du point de vue des opérateurs que des
auditeurs, socialement ou géographiquement.
• Les conditions de régulation de la radiodiffusion s’inscriront dans de nouvelles
problématiques qui sont loin d’être fixées;
• Les incertitudes demeurent quant à l’appropriation des nouvelles technologies
radiophoniques par les publics et inversement l’attachement aux formes
traditionnelles de la radiodiffusion qui pourra être durable ;
• Au final : certains évoquent le délitement, la dissolution de la radio dans des
convergences et hybridations médiatiques, soit la fin de la radio elle-même.
Si l’on regarde ailleurs on peut trouver des analogies, des
comparaisons intéressantes, en 2006, Jean-Louis
Missika, publiait en France un livre polémique intitulé
« La fin de la télévision ». Trois faits selon lui
annoncent et déterminent cette fin : la
démédiation(la fragmentation, segmentation de la
télévision ; sa perte de rôle médiateur et d’intermédiaire
entre le monde et lles publics, les téléspectateurs), la
dépendance(avec les plateformes de diffusion multiples,
la télévision dépend d’autres médias de diffusion et perd
ainsi son autonomie et sa spécificité). Enfin la télévision
se dilue dans une déprofessionnalisation(les prises
de participation croissante des téléspectateurs dans les
émissions, les non professionnels, les amateurs, qui
s’érigent journalistes profitant des capacités de diffusion qui
s’offrent à eux).
Il serait à l’évidence aisé de transposer ces constatations au média
radiophonique, mais cette chronique d’une mort annoncée de la radio n’a
telle pas été tant de fois déjà énoncée ? Elle l’est encore aujourd’hui !
« Un vent dur, amer et froid
souffle entre les pierres
tombales », [....]
Une d’elles dit juste ceci :
« Ci-git la Radio :
2 novembre, 1920 –
2 novembre 2009 »
http://www.radioink.com/listingsEntry.asp?ID=553494&PT=publishersnote
Pourtant comme le disait, celui
qui fut mon professeur à
Bordeaux,
Robert Escarpit :
« De deux choses l’une, l’homme
apporte la troisième », et entre les
incantations qui nous annoncent
des horizons radieux et d’autres
un deuil attendu, il y a
certainement une ou plusieurs
troisièmes voies.
Face à ceux qui prédisait la fin de la radio par l’avènement de la télévision, dès
1950, Pierre Schaeffer écrivait : « … La télévision […] connaîtra sa période
d’engouement. Elle semblera détrôner son infirme aînée, la radio aveugle. Mais la radio,
elle-même, sous peu se ramifiera en branches spécialisées, selon des moyens de
transmission nouveaux. La radio n’en restera pas aux programmes étroitement limités
des ondes moyennes. La modulation de fréquence va faire se multiplier les chaînes. La
Radio se diversifiera comme le livre, du bulletin ronéotypé aux impressions de luxe. À la
radio restera la transmission du verbe […] »

Pierre Schaeffer : préface à La radio, reflet des temps de Stéphane Cordier, Paris : Éditions internationales, 1950
Comme j’ai pu déjà l’écrire par ailleurs, « Le risque de la
prophétie est autant dangereux que celui de la simple intuition et,
on le sait d'expérience, les prédictions, à l'endroit de l'avenir des
médias comme d'autres domaines, sont régulièrement invalidées
par la réalité. À l'occasion, il est cependant réjouissant de s'étonner
quand les prémonitions résonnent à distance avec une pertinence
féconde ». Et c’est le cas ici, je crois, avec Pierre Schaeffer.
Les sons des radios a contribué à former la bande sonore
de nos vies selon l’expression d’un de mes collègues
anglais, le professeur Guy Starkey de Sunderland, et elle
continuera probablement à le faire longtemps encore, de
manière positive mais aussi, et forcément, contrastée.
« La radio : paroles données, paroles à prendre », sous la responsabilité de Jean-Jacques Cheval,
MédiaMorphoses, Paris : Armand Colin / INA, n° 23, juin 2008
Néanmoins, en conclusion, il serait sans doute possible également de développer
des projections idéales sur la radio de demain et de les confronter ou de les
appuyer sur les théories de l’Innovation de l’Autrichien Joseph A. Schumpeter.
Mais toujours sans se départir d’un refus d’un angélisme ou d’un optimisme béat.
Justement, Pierre Schaeffer disait encore ceci : « L’humanité contemporaine se trouve
donc en présence de moyens de retransmission de plus en plus variés et considérables.
Maintenant il s’agit de savoir si elle a de quoi les alimenter, si ce qu’elle retransmet ainsi, et
multiplie, en vaut la peine. Un de ces jours, on risque de voir l’humanité comme branchée sur
elle-même, en proie à ce que les techniciens appellent « Effet Larsen », cette fois de
proportions gigantesques. L’énorme sifflement du vide menace une humanité qui ne fait que
s’écouter et se dévisager dans ses micros et ses caméras… »
Pierre Schaeffer : préface à La radio, reflet des temps de Stéphane Cordier, Paris : Éditions internationales, 1950
Dire que le service public, comme concept et comme valeur, se sent concerner par ces
augures me semble du domaine de l’évidence. Cette conscience des enjeux et pourquoi pas
des risques, doit être au cœur des préoccupations des professionnels et décideurs qui sont
présents ici. Nous autres universitaires et chercheurs, nous sommes là aussi pour observer,
rappeler, évaluer, relater et avertir. Il est sûr que ni les uns, ni les autres, nous n’avons, à nous
seuls, le pouvoir de conjurer ou de décider du futur…
Et certainement ces mêmes questions se poseront encore demain et c’est pour cela que
pour finir j’aimerais vous inviter, tous ici, à en débattre à nouveau dans quelques mois à Paris.
VERS LA POST RADIO
Enjeux des mutations des objets et formes radiophoniques
Colloque international organisé par le Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Radio
PARIS, les 26, 27 et 28 novembre 2009
Université Paris I – Panthéon - Sorbonne
(Institut National d’Histoire de l’Art, à PARIS)
Le GRER
organise son quatrième colloque international.
Après Bordeaux (2001 et 2004) et Lyon (2006),
il aura
à Paris
en novembre
2009. provoqués par la
Dans
le lieu
contexte
de changements
généralisés
numérisation des médias, ce colloque proposera d’interroger et
de dégager les principales pistes et étapes de développement
d’une radiophonie en mutation. À partir des expériences passées
et des informations disponibles aujourd’hui, il s’agira d’envisager
la reconfiguration des objets et formes d’expression
radiophoniques vers une possible « post radio » ; de mesurer de
manière dynamique les évolutions et les ruptures, les résistances
et les permanences ; de considérer les enjeux et potentialités de
ces transformations.
Vous êtes tous très cordialement invités à vous joindre à cette rencontre
Je vous remercie ,
Jean-Jacques CHEVAL - Frascati, 29 mai 2009
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