L’attention et ses troubles Vania Herbillon Psychologue-neuropsychologue Institut Des Epilepsies de l’Enfant et de l’adolescent (IDEE) Hôpital Femme-Mère-Enfant Bron 12 octobre 2011 Les conditions d’un « bon » apprentissage Les conditions d’un « bon » apprentissage • Environnement Familial & éducatif Scolaire • Dispositions propres à l’enfant Compétences Innées / acquises Motivation et de son désir d’apprendre L’enfant en difficultés scolaires • Deux grands types d’explication causale Défaut de compétence (manque de moyens) Causes d’origine instrumentale Manque de motivation (défaut d’utilisation des moyens) Causes d’origine psychoaffective Causes sociales • Une réalité souvent plus « complexe » Intrications de différents facteurs Importance d’une évaluation rigoureuse La spirale « psychopathogénique » de l’échec scolaire Difficultés d’apprentissages Causes instrumentales Démotivation & baisse de l’estime de soi Echec scolaire Sentiment de marginalisation Troubles psycho-comportementaux Instabilité Anxiété & troubles de l’humeur Causes instrumentales • Les troubles « dys » La dyslexie La dysphasie La dyspraxie La dyscalculie • Le Trouble Déficit d’attention avec ou sans • • Hyperactivité (TDA-H) Un cas à part : l’enfant intellectuellement précoce Le retard mental L’attention : préambule Principales caractéristiques de l’attention : – Distinction entre attention et motivation – Fonction cognitive de base indispensable à toutes activités mentales, pré-requis essentiels aux apprentissages et indispensable également à nos conduites • Énergie mental : essence (intensité) • Chef d’orchestre cérébral : GPS (gestion) – Lien étroit entre les processus attentionnels et les autres traitements cognitifs et la motivation • Lecture, langage oral, praxie, MDT, MLT, calcul… • Il est donc difficile d’isoler spécifiquement l’attention des autres fonctions cognitives • l’attention doit donc être évaluée par des tests spécifiques Principales caractéristiques de l’attention : – Réservoir à capacité limitée. Toute tâche cognitive consomme une certaine quantité de ressources attentionnelles. – Consommation d’attention variable selon le contexte d’exécution de la tâche ou selon le niveau d’expertise (attention soutenue) • Novice, l’apprenant • Dyslexique : coût attentionnel important pour la reconnaissance des mots ou l’orthographe d’usage et/ou phonétique • Dyspraxique : coût attentionnel important pour le geste graphique – Situation de double tâche : répartition des ressources attentionnelles sur chaque activité engagée (attention divisée) • Ex dictée : écouter (MCT), Compréhension (sens), orthographe lexical, geste graphique, orthographe grammaticale – Notion de priorité de traitement garantissant à une tâche jugée prioritaire une alimentation régulière et un niveau satisfaisant en ressources attentionnelles (cf. conduite automobile). Principales caractéristiques de l’attention : • Les capacités attentionnelles de l’enfant sont soumises à un processus de maturation cérébrale lent et tardif – Maturation du cortex cérébral frontal – Période de développement de la naissance à l’âge adulte – Plus l’enfant grandit plus il est calme, attentif et autonome Principales caractéristiques de l’attention : • L’enfant va devoir apprendre : – à gérer dans le temps et répartir son stock limité d’attention sur plusieurs activités en même temps, – à focaliser son attention sur des informations pertinentes tout en inhibant un nombre considérable de distracteurs, – à maintenir dans la durée un bon niveau de concentration sur une tache donnée, – à freiner son impulsivité naturelle au profit d’un raisonnement structuré et cohérant. • Faut-il encore que l’enfant n’ait pas de difficultés d’attention! Principales caractéristiques de l’inattention : • un trouble d’attention chez l’enfant peut revêtir des conséquences extrêmement diverses. • Il justifie de nombreuses consultations spécialisées pour des motifs très divers : – chez le pédopsychiatre pour des problèmes de comportement (agressivité, conflit…), – chez le psychologue pour des problèmes émotionnels (baisse de l’estime de soi, dépression…) – chez le neuropsychologue pour des difficultés scolaires, – chez l’orthophoniste des difficultés de langage, de lecture ou logicomathématique, – chez le psychomotricien pour une agitation motrice excessive, – chez l’ergothérapeute pour des problèmes d’écriture – sans compter toutes les alternatives parallèles vers lesquelles les parents désespérés se retournent en dernier recours. Principales caractéristiques de l’inattention : • La diversité des conséquences du trouble de l’attention • • chez l’enfant peut donc aboutir à des soins différents sans que pour autant l’origine elle-même, à savoir le trouble de l’attention, ait été diagnostiqué et pris en charge spécifiquement. On traite donc plus souvent les conséquences du trouble d’attention et ce parfois pendant de longues années plutôt que le trouble lui-même. Le dépistage et le traitement précoce du trouble attentionnel constitue un enjeu majeur de santé mental compte tenu de la spirale infernal que le trouble attentionnel engendre par effet boule de neige sur – – – – l’échec scolaire, la baisse de l’estime de soi, le manque de motivation et les difficultés relationnelles. Définition de l’attention Définition du Petit Robert • 2 dimensions de la notion d’attention : – Ensemble de processus cognitifs qui assure la mobilisation régulière et continue d’une énergie mentale sur une activité • Déficit attentionnel : distraction, étourderie, oublie, absence, lenteur. – Sociale en tant qu’acte relationnel de bienveillance à l’égard d’autrui • Déficit attentionnel : impolitesse, indifférence, désagréable grossièreté – 2 niveaux d’analyse – 2 interprétations possibles des troubles attentionnels Définition de l’attention • Définition de W. James (1890) : – L’attention se définit comme la sélection et le maintien dans la conscience d’un événement extérieur ou d’une pensée. • 3 propriétés essentielles : – Sélection : choix d’une information précise à traiter parmi un grand nombre d’informations potentiellement intéressantes. – Maintien : développer en continu une activité réfléchie et adaptée à la situation – Conscience : L’attention engendre des changements qualitatifs sur l’information ou les opérations sélectionnées La maladie de l’attention : le Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDA-H) Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans hyperactivité (TDA-H) • Définition : – 3 symptômes : • impulsivité, • agitation motrice, • et attention labile – Troubles s’exprimant quelque soit l’environnement : école, maison, loisirs, rééducation… – Troubles d’apparition précoces (avant 7 ans) – Troubles durables à l’adolescence et à l’âge adulte pour 60 % des cas – Intelligence normale – Altération clinique significative du fonctionnement social, scolaire ou professionnel – Exclusion : trouble envahissant du développement, schizophrénie / d’un trouble psychotique, ou des troubles thymiques, anxieux Trouble Déficitaire d’Attention avec ou sans hyperactivité (TDA-H) • Prévalence entre 3 et 5 % des enfants de plus de 7 • • • • • ans 3 formes : – Mixte : hyperactivité-impulsivité et inattention – Hyperactivité-impulsivité prédominante – Inattention prédominante Sexe ratio garçon/fille de 3:1 à 9:1 selon les études Prédominance de la forme inattention pure chez la fille Évolution des symptômes lié à la maturation cérébrale et plus particulièrement du lobe frontal Déterminisme organique très certainement génétique TDA-H : Description clinique • L’instabilité motrice : – Ne tient pas en place : court ou saut de partout essentiellement dans les lieux très bruyants et agités (magasin, cour de récréation…), remue souvent les mains ou les pieds, ou se tortille sur son siége – Se lève souvent en classe ou à table – A du mal à rester tranquille dans les jeux ou les activités de loisirs – Parle trop et vite, pose beaucoup de question : PEC orthophonique fréquente pour retard de parole en GSM – Souvent sur la brèche : nombreuses punitions, peu de copains – Ne respecte pas les règles : besoin constant d’être recadrer Forte incidence sociale TDA-H : Description clinique • L’impulsivité : – Ne lève pas le doigt avant de répondre – A du mal à attendre son tour – Laisse échapper une réponse alors que: • la question n’est pas encore entièrement posée, • Il n’a rien à dire – Interrompt souvent les autres ou impose sa présence : fait irruption dans les conversations – Difficultés de motricité fine : découpage-coloriage (GSM), écriture (CP) • Pas sur la ligne, pas entre 2 lignes, tendance à monter, dégradation rapide avec le temps, gros effort pour tenter de contrôler le geste – Défaut d’organisation (perception, mouvement, idéique, mnésique), brouillon – Ne réfléchit pas avant d’agir, n’anticipe pas les conséquences des ses actes : actions non contrôler- non volontaire • Gestes souvent qualifier d’agressif par autrui • Actes pouvant être dangereux pour l’enfant ou son entourage Gêne médicale TDA-H : Description clinique • Inattention : – Ne prête pas attention aux détails, fautes d’étourderies – Performances intellectuelles variables : une connaissance acquise ne sera pas forcément restituer en classe lors du contrôle – Grande sensibilité aux distracteurs externes et internes – Nombreux oublis – Besoin de répéter plusieurs fois les consignes – Donne l’impression de ne pas écouter – A du mal à soutenir son attention dans son travail ou des jeux de société – Commence mais fini rarement son activité – A besoin de l’adulte pour travail : doit être recentré souvent sur la tache – Évite, à une aversion ou fait à contre cœur les taches qui nécessitent un effort mental soutenue (je ne sais pas faire, c’est trop dure…) – Lenteur dans les activités chronométrées Organisation et Planification Sélectivité et Flexibilité mentale Mémoire de travail Les six capacités attentionnelles perturbées Surveillance et régulation de l’action Régulation émotionnelle Réactivité Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans hyperactivité (TDA-H) • Fréquemment associé aux : – Troubles des apprentissages • Dyslexie – 25% des enfants dyslexiques remplissent les critères du TDA-H • Dysphasie notamment expressive • Dyspraxie: • Retard mental • Précocité intellectuelle Un trouble attentionnel peut être associé à tout trouble spécifique d’apprentissage Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans hyperactivité (TDA-H) Fréquemment associé également – contexte médicale : • Pathologies anté ou périnatales : ex prématurité, • • • • alcoolisme ou toxicomanie maternelle Troubles endocriniens : ex hyperthyroïdie, retard de croissance Affections chromosomiques : X-fragile, Klinefelder, sd Turner, sd Smith-Magenis, sd de Sotos Trouble du sommeil Troubles neurologiques : – – – – – Epilepsies : frontale, absence Tumeurs cérébrales Traumatisme crânien Neurofibromatose de type 1 Encéphalites Les difficultés attentionnelles secondaires • 2 types – Troubles psychopathologiques : • Troubles thymiques : dépression, hypomanie ou manie • Troubles anxieux : phobies, anxiété de performance ou anxiété situationnelle • Troubles des conduites ou trouble envahissant du développement : autisme, psychose infantile – Troubles environnementaux : • Attitudes parentales inadéquates ou incohérentes, • carence relationnelle, • troubles psycho-affectifs chez l’un des deux parents ( troubles de la personnalité, troubles thymiques…) • Télé, Jeux vidéo, SMS ? • Alimentation ? Les adaptations pédagogiques et familiales Les adaptations pédagogiques et familiales • Environnement de travail : – Réduire les sources de distraction en classe : • placer l’enfant devant le tableau, • à côté d’un enfant calme, • éviter de le placer près d’une fenêtre. – Procurer un endroit calme à la maison : • Faire les devoirs dans la chambre • Éviter les affiches, les posters devant le bureau • Aucun accessoire sur le bureau autre que le matériel de travail • Éviter de travailler dans la cuisine, éteindre la télé • Enfermer les petits frères et sœurs dans un placard Les adaptations pédagogiques et familiales • Étayage constant de l’adulte – Vérifier que les consignes données au groupe soient bien intégrées par l’élève. • répéter et éventuellement reformuler les consignes • Insister sur les mots clés en évitant les consignes trop longues, en évitant les périphrases. • Maintenir un contact visuel avec l’enfant lorsqu’on lui donne une consigne (capter son attention). – Vérifier que le travail demandé soit mené à son terme • Recentrer sur la tâche lorsque l’enfant se « disperse ». – Donner des stratégies d’organisation et de planification pour l’exploration visuelle, l’activité gestuelle et le raisonnement logico-mathématique. • pour décomposer les étapes de résolution de problème (organisation/raisonnement) – Utilisation de « Chek-list » pour certaines activités de la vie quotidienne, du matériel scolaire Les adaptations pédagogiques et familiales • Attention soutenue et divisée – Segmenter les activités – éviter les situations de doubles tâches. – Éviter de diviser son attention en lui demandant d’écrire en même temps qu’on parle. – Limiter la longueur des travaux afin que l’enfant ne se fatigue pas inutilement. – Contrôler les périodes d’effort en alternant les périodes de travail intensif avec des moments de détente : • éviter les séances de devoirs scolaires trop longues – Fournir des polycopiés, des textes à trous, des QCM Les adaptations pédagogiques et familiales • Impulsivité et instabilité motrice : – Forcer l’enfant à prendre le temps d’analyser la consigne, de réfléchir avant de répondre – Permettre à l’enfant de se défouler seul quelques instants s’il est trop instable (l’envoyer chercher quelque chose, …). – Face à un comportement inadapté, faire preuve de « fermeté bienveillante » : rappeler le cadre et les limites mais éviter les punitions systématiques, l’enfant ne le faisant pas intentionnellement. – Récompenser l’enfant pour ses progrès mêmes minimes. – Encourager l’enfant à s’exprimer s’il ne comprend pas en demandant de ralentir ou d’avoir des explications supplémentaires. – Encourager l’enfant à poursuivre son effort intellectuelle et éviter qu’il se décourage MERCI DE VOTRE ATTENTION L’attention sélective • Capacité à sélectionner une information pertinente en présence d’éléments distracteurs • Met en jeu 3 opérations mentales : – Focalisation : Tests de barrage (oublis) – Inhibition : Stroop, Go-Nogo, distractibilité (distractibilité/impulsivité) – Flexibilité/déplacement du foyer : Flexibilité mentale (persévération): • Impliquée dans le contrôle de la perception auditive et visuelle, la mémorisation (MDT, encodage, récupération) et le contrôle des actions BLEU JAUNE VERT ROUGE BLEU VERT JAUNE ROUGE BLEU JAUNE VERT ROUGE VERT JAUNE BLEU BLEU ROUGE JAUNE VERT BLEU Test de Stroop BLEU JAUNE VERT ROUGE BLEU VERT JAUNE ROUGE BLEU JAUNE VERT ROUGE VERT JAUNE BLEU BLEU ROUGE JAUNE VERT BLEU Test de Stroop Le contrôle du foyer attentionnel : • Notion de changement de focalisation. Le déplacement du foyer attentionnel est sous-tendu à la fois par mécanismes volontaire et involontaire – déplacement volontaire du foyer vers des aspects qui nous paraissent pertinents selon un but à atteindre. • Lecture et champ visuel droit : anticipation – déplacement involontaire du foyer qui est attiré, capté par des évènements ou des stimulations saillantes. • Dessins du test de l’alouette • Pour aller au terme d’une action, il doit exister un équilibre entre les facteurs internes et externes. • Un trouble au niveau du contrôle du foyer attentionnel conduit : – Absence de déplacement volontaire Distraction – Absence de déplacement involontaire Comportement persévératif Le contrôle du foyer attentionnel : • Ex : Tâche de détection de cible dans un des deux Champ Visuel (Posner) . Condition neutre sans attention (180 ms) X . Engagement volontaire de l’attention 150 ms X X Désengagement de l’attention ( 220 ms) . Engagement automatique de l’attention X X Désengagement de l’attention Le contrôle du foyer attentionnel : • Notion de flexibilité mentale : – La flexibilité cognitive renvoie à la capacité de modifier la direction du déroulement de la pensée et de l’action afin de percevoir, traiter, et réagir de différentes manières à certaines situations – Aspect essentiel du comportement humain, nécessaire à son adaptation – La flexibilité mentale intervient sur : • la dimension perceptive • la dimension cognitive : procédures, stratégies … • la dimension motrice (émission de la réponse) L’attention soutenue Maintien de la part d’un individu d’un bon niveau d’éveil sur une longue période État d’éveil permettant à l’individu de réagir de manière adéquate (correctement et rapidement) aux exigences auxquelles il est confronté Fluctuation diurne Non volontaire reposant sur une base essentiellement physiologique contrôlée par la formation réticulée du tronc cérébral. La mémoire de travail L’attention divisée : • C’est la capacité à exécuter simultanément différentes tâches ou activités. • Répartition de l’attention sur plusieurs tâches ou sources distinctes • Situation de double tâche – Ex dictée : compréhension, graphisme, orthographe lexicale ou grammaticale – « le dyslexique est inattentif ! » – Liens avec les aménagements scolaires : • Aide mémoire • Exercices à trous • Sur quelle tâche l’enfant va t-il répartir son attention ? – Ex : relecture texte lors d’un tiers temps Sélectivité Intensité - sélection/inhibition - Contrôle du foyer - Attention divisée - Alerte - Attention soutenue Supervisory attentionnal control : Stratégie, flexibilité organisation