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Les nouveaux modes
d’observation du consommateur
Dominique Desjeux, anthropologue,
Professeur à la Sorbonne (Paris 5), consultant international,
Professeur invité aux USA (Tampa, FL.) et Chine
(Guangzhou)
www.argonautes.fr
D. Desjeux, 2006, La consommation, PUF, Que sais-je?
Les Échos, Les 3ème assises du Marketing
Paris le 8 novembre 2006
Pourquoi observer différemment le
consommateur ?
• Premier constat : dominance du « quanti »
• Le consommateur est surtout analysé avec des
méthodes quantitatives (80% des budgets
d’études en France d’après le Syntec).
– Avec ces méthodes utilisées à l’échelle macrosociale, les émotions sont peu visibles
– d’où la question posée pour le débat : comment
intégrer les émotions?
• Observer l’émotion est d’abord une question
d’échelle d’observation et de méthode.
Deuxième constat : le « quali » est
au cœur des émotions
• Sur les 20% restant, 15% du budget des études semble
consacrée aux test divers (packaging, marque, publicité)
• Les 5% restant, sont consacré à l’études qualitatives des
motivations des acheteurs puis à celle des émotions
pour la communication publicitaire
– L’émotion est bien prise en compte, mais on constate un écart
entre ce que les personnes déclarent vouloir acheter et leurs
pratiques réelles.
– D’où la question comment capter le consommateur différemment
• La prise en compte de l’émotion parait en partie une
question de rééquilibrage des budgets entre le
« quali »et le « quanti » !
Troisième constat : il y un écart entre ce qu’on dit
et ce qu’on fait, d’où l’ethnomarketing des
pratiques
• Les études qualitatives inspirées de l’ethnologie
– Elles sont centrées sur:
•
•
•
•
les événements déclencheurs de l’achat
les interactions entre les membres de la famille
les moyens de la mobilité
l’observation directe ou par déclaratif des pratiques dans la
cuisine, la salle de bain ou le salon.
– Elles font ressortir les contraintes matérielles, sociales
ou symbolique qui favorise ou empêche l’achat.
• L’achat est analysé comme un système d’action,
comme un processus dans le temps qui mobilise
du rationnel et de l’émotionnel en fonction des
étapes de l’achat.
• C’est ce que j’ai appelé en 1990 l’ethnomarketing
Qu’est-ce qu’une échelle
d’observation ?
• C’est un découpage de la réalité
• Mais comme le rappelle avec humour un des
intervenants des assises « quand j’ai un
marteau, tout ressemble à un clou » et donc
aucune approche ne marche pour tout.
• L’ethnomarketing est surtout pertinent pour
comprendre le consommateur en situation
d’action concrète à une échelle micro-sociale
• En appliquant une méthode d’observation, la
méthode des itinéraires.
Les échelles d’observation
Echelle des appartenances sociales
Macro-social
Meso-social
Micro-social
Micro-individuel
biologie
Echelle des organisations
et des systèmes d’action
Echelle des espaces domestiques
et des petits groupes
Echelle des Individus
Échelle neurobiologique
Echelle macro sociale
Ce que l’on voit à une
échelle disparaît à une
autre échelle
Echelle meso sociale
Échelle micro sociale
Échelle micro individuelle
Échelle neurobiologique
L’acteur apparaît ou disparaît
en fonction des échelles
Liberté, décision (d’acheter) et
échelle d’observation
Echelle
Observation
Macro-social
Déterminisme
Meso/Micro-social
Marge de manœuvre
Micro-individuel
Maximum de liberté
Place de l’émotion
l’inconscient re-limite
la liberté
Biologique
Déterminisme
A l’échelle meso-sociale, comprendre l’innovation
comme un processus social et comme une suite
de tensions au sein de l’entreprise
• Dans l’entreprise il existe une tension entre deux formes
de prise en compte du consommateur :
– Celle des usages, des pratiques et des rationalités sous
contraintes qui est plutôt la focale d’observation de la R&D
– Celle de l’émotion, de la marque et de l’imaginaire/symbolique
qui est plutôt la focale du marketing dans son versant
communication publicitaire
• La méthode d’observation du client final ne relève pas
que de la science, elle renvoie aux conflits de pouvoir au
sein des entreprises.
• Qui contrôle l’accès à la compréhension du client final
contrôle une forte zone d’incertitude vitale pour la survie
des entreprises aujourd’hui.
• Cette zone d’incertitude varie en fonction des étapes de
développement de l’innovation
Les étapes d’un bien ou service :
production, transformation, circulation,
consommation, déchet
Ordinaire
R et D
Marketing distribution Achat
Publicité
Packaging
Pratique
Transsubstantiation Mise en
rationalité Émotion
scène
Enchantée
rangement usage Déchet
Remise en
circulation
Contestation
L’échelle micro-sociale : la méthode des
itinéraire
Micro-social
Pratiques
Représentations
Itinéraire
Décision
Espace
domestique
Mobilité vers
lieu
acquisition
Acquisition
Achat
vol
usage
Rangement
stockage
Donner
Jeter
(Cooling)
Un exemple d’itinéraire
La Vente à Distance dans le Nord
de la France
Extraits de l’enquête de 2001
pour l’Université du Marketing des 3 Suisses
D. Desjeux, professeur à la Sorbonne (Paris 5)
F. Clochard, chercheur à la Sorbonne (Paris 5)
L’itinéraire
de la Vente à Distance (1)
 Réception du catalogue : un objet impliquant proche du
livre
Rangement du catalogue : les pièces de l’habitation
prescrites, permises ou interdites
 Lecture du catalogue : un moment intime, l’après-midi ou le
soir
« Marquage » individuel ou familial du catalogue : un lien et
une tension entre générations et couple
Mailings-relances : le risque de la poubelle ou comment
maintenir en vie le bon de commande
L’itinéraire
de la Vente à Distance (2)
 Commande/paiement/suivi des comptes : une place
possible pour l’homme, un moment de rêve et de tranquillité
pour la femme, un analyseur de la position de la femme dans
le cycle de vie, un enjeu de distinction sociale par les
vêtements pour les enfants
 Réception des articles et des cadeaux : recevoir dans sa
boîte aux lettres, déléguer à un proche, s’arranger avec le
facteur, aller chercher au Relais ou à la Poste
 Rangement/usage des articles et des cadeaux : exposer,
accumuler, utiliser, donner
 Stockage/don/poubelle du catalogue ou des articles : mort
ou vie sociale des objets
ETAPE 1 : La boîte aux lettres, un enjeu
pour le choix du lieu de livraison : chez
soi, chez un proche, à la Poste, au Relais
• Trois mises en scène
de la boîte aux lettres :
– Neutralisée
– Décorée
– Dégradée
• Deux stratégies
esthétiques :
– Montrer
– Cacher
ETAPE 2 :
Le rangement du catalogue :
• Les pièces du
catalogue (rangement
et lecture):
–
–
–
–
–
–
Living / salle à manger
Cuisine
Chambre
« Pièce bureau »
Les toilettes
L’entrée couloir
• Deux pratiques de
rangement :
– Espace ouvert, pratique
plus familiale
– Espace caché, pratique
plus personnelle
ETAPE 3 : La lecture du catalogue, un
moment de tranquillité « hors travail »
• Les lieux
– Living/salon/salle à manger
– Cuisine
– Chambre à coucher
• Les objets
–
–
–
–
Canapé / fauteuil / chaise / lit
Tables : basse, à manger, de cuisine
TV et séries
Calculette et crayon
• Les pratiques
– Feuilleter
– Lecture systématique
• Les moments
– L’après-midi et le soir
ETAPE 4 : Le marquage du catalogue ou
comment se l’approprier individuellement
ou collectivement
 Mettre un post it
 Utiliser des bouts de
papiers
 Plier / corner les
pages
 Déchirer les pages
 Annoter les articles
préférés
 Ecrire une liste
 Lecture systématique
 Repérage par l’index
 Repérage par
l’expérience
L’élaboration de la liste, un
moment de conflits potentiels
entre générations et dans le
couple : être ou ne pas être
dedans
ETAPE 5 : les mailings-relances :
comment éviter le rangement vertical
(poubelle) et inciter à commander
• Espérance de vie :
– Publicité classique  vie très
courte
– Mailing VAD  vie courte / vie
longue (réduction, cadeaux, jeux)
– Courrier intime  vie longue
– Courrier administratif  vie
Vie très courte
longue
ETAPE 6 : commande, paiement, suivi
des comptes et de la commande (1)
• La commande VAD : un objet de
transmission d’expérience par les femmes
– Grands-mères / petits enfants
– Mères / filles
– Sœurs
– Belles-mères / belles-filles
ETAPE 6 : commande, paiement, suivi
des comptes et de la commande (5)
• Le stockage des
factures et des relevés
de comptes, une
stabilisation des
dossiers : une entrée
dans la vie longue
– Dans des dossiers,
tiroirs, boîtes à archives,
classeurs
– Espaces privés
– Espérance de vie longue
ETAPE 7 : Réception des articles et
des cadeaux
« Faire ou faire faire »
ETAPE 8 : Ranger les objets
 Exposer
 Accumuler
 Utiliser
 Donner
Exposer…
• Les collections de poupées
ETAPE 9 : mort ou vie sociale des
objets entre stockage, don et poubelle
Exemple de stockage de
catalogues
Mise à mort : la
poubelle
Conclusion : pour une vision dynamique et
collective du comportement du
consommateur
• Comprendre le consommateur aujourd’hui ce n’est pas se limiter à sa
dimension individuelle, émotionnelle ou rationnelle, mais c’est aussi
saisir la dimension collective de l’action de consommation dans la
famille et entre amis.
• C’est comprendre la décision d’achat comme une suite de pratiques
dans le temps soumises à de nombreuses contraintes matérielles,
sociales et symboliques.
• C’est voir que l’émotion et le rationnel sont mobilisés tour à tour en
fonction des étapes de l’itinéraire.
• C’est découvrir que la marque ne joue pas toujours un rôle central mais
qu’en même temps elle joue toujours un rôle de signe de
différenciation.
• C’est montrer que les comportements d’achat évoluent en fonction des
étapes du cycle de vie.
• Il faut donc sans cesse comprendre les marchés, les consommateurs
et les produits comme des dynamiques instables liées aux évolution de
la société plus que comme la résultante d’une infidélité du
consommateur
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