Comment aborder le sujet de la sexualité avec les patientes ?

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Cancers gynécologiques :
retentissement sur la sexualité
A-L Sedda, psychologue clinicienne
Centre Oscar Lambret, Lille
Introduction
• Cancer du sein : 42 000 femmes/an
• Cancer de l ’ovaire : 4500 femmes/an
• Cancer du col de l ’utérus : 3400 femmes/an
L ’annonce du diagnostic de
cancer
• Choc, état de sidération émotionnelle
• émergence de l ’angoisse de mort, de
mutilation, de dégradation
• Nécessité de mettre en place des stratégies
d ’adaptation pour faire face à la maladie et
aux traitements / mécanismes de défense
contre l ’angoisse
La féminité gravement menacée
• Sein : symbole de féminité, de maternité
(allaitement), de sexualité. Rôle d’organe sexuel et
érotique.
• Utérus (+appareil génital) : symbolise le nid du
bébé, la maternité, sexualité, plaisir.
• Ovaire : Féminité (cycles menstruels), fertilité.
– Avec le cancer, ces organes, habituellement
symboles de vie et de plaisir deviennent soudain
menaçants et porteurs de mort.
Des réactions différentes
• Selon les patientes :
– Sexualité préservée, voire exacerbée
– Climat peu propice à la vie sexuelle
Les traitements (I)
• La chirurgie : premier traitement contre le
cancer. Est partielle (tumorectomie) ou
totale (hystérectomie, ovariectomie,
mastectomie).
• Possibilité de reconstruire le sein
(reconstruction immédiate ou différée) / 2 à
3 femmes sur 10.
Les traitements (II)
• Les traitements adjuvants du cancer du sein:
– But : Stopper la production des hormones
ovariennes dans les cas de cancers hormonodépendants.
– Concernent les femmes non ménopausées
• Hormonothérapie pendant 5 ans
• Chimiothérapie
Les traitements (III)
• La curiethérapie pour le cancer du col de
l’utérus : Consiste à implanter du matériel
radioactif au niveau vaginal, au contact de
la tumeur. Irradiation sur plusieurs jours,
nécessitant l’immobilisation de la patiente
en chambre isolée.
Les effets secondaires
• Chimiothérapie : alopécie, nausées,
vomissements.
• Chimiothérapie et hormonothérapie :
modification du profil hormonal s’apparentant à
une ménopause précoce : bouffées de chaleur,
sécheresse vaginale, prise de poids, vieillissement
cutané, troubles génito-urinaires, trouble de
l’humeur.
• Curiethérapie : leucorrhées, inflammation,
irritation nécessitant des lavements vaginaux.
Une atteinte corporelle majeure
• Modification du schéma corporel pouvant
induire un trouble grave de l’image du
corps.
• Ménopause induite = vieillesse, infertilité.
• Mastectomie = mutilation
– La non-acceptation des transformations
physiques (esthétiques et/ou fonctionnelles)
modifie la relation à autrui.
On ne réussit ni sa vie sexuelle ni
sa vie sociale si on n’accepte pas
son enveloppe charnelle.
Des difficultés connues mais sous
évaluées
• L ’influence du cancer et de ses traitements
sur la sexualité est un domaine encore peu
exploré :
– Absence d ’études longitudinales
– Manque d ’outils spécifiques pour l ’évaluation
–  Peu de données
Les plaintes
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Perte de la libido
Anorgasmie
Douleurs pendant les rapports
Impossibilité de se rapprocher du partenaire
en raison de la mutilation
• Réactions négatives du partenaire
Constats
• Les patientes n ’abordent pas spontanément leurs
difficultés sexuelles lors des consultations (pudeur,
gêne, honte, peur du ridicule…)
• Difficultés de communication chez les soignants,
par manque de formation, de connaissance, tabou
personnel...
–  » Le matériel sexologique, si on ne va pas le
chercher, ne se dévoile pas spontanément » (E. Hirch).
Comment aborder le sujet de la
sexualité avec les patientes ?
Quelques propositions
Créer un climat de confiance
• Choisir le bon moment
• Emprunter un ton adéquat
• Empathie, chaleur, humour
– A chaque médecin ou psychologue
d’inventer la manière de dialoguer, variable
selon chaque patiente et son contexte.
– Il existe de nombreux mots pour désigner
l’acte sexuel. Reprendre les termes employés
par la patiente elle-même.
Exemples
• Comment va votre mari ? Comment vit-il la
situation ? Est-il proche de vous ?
• La maladie a-t-elle modifié votre sexualité ?
• Vos relations intimes sont-elles comme
avant ?
– Il faut oser les questions
– Proposer une rencontre avec le partenaire
L’importance du temps
• Les couples doivent savoir que :
– Les difficultés sexuelles s’amplifient avec le
temps si elles ne sont pas prises en charge
rapidement.
– Moins on a de rapports sexuels et moins on a
envie d’en avoir : cercle vicieux.
Les étapes
1- Identifier l’origine de la
dysharmonie sexuelle
• Provient-elle du conjoint et/ou de la patiente?
• Est-elle liée aux traitements reçus (séquelles
opératoires, effets secondaires de la chimio…?), à
la maladie elle-même ?
• Est-elle liée à des problèmes fonctionnels (par
exemple, sécheresse vaginale, douleurs…) et/ou
psychologiques ? (trouble anxieux, dépression,
perturbation grave de l’image corporelle, peur,
blocage…)
Le cancer comme prétexte à
l’arrêt de toute vie sexuelle ?
• Les difficultés sexuelles sont-elles apparues
avec le cancer ou sont-elles antérieures à la
maladie ?
• Qu’en est-il de l’entente conjugale avant la
maladie ? Après ?
Anamnèse
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Histoire personnelle de la patiente
Prise en compte de son âge
Antécédents psychopathologiques
Traits de personnalité
Perception de sa féminité
Environnement familial et culturel
Existence d’un mythe du cancer lié au sexe
Cancer et sexualité : une
problématique complexe
• Les difficultés sexuelles ont souvent une
étiologie multiple relevant de l’intrication
de divers problèmes qui interagissent et
enferment les couples dans un cercle
vicieux.
2- Instaurer une prise en charge
adaptée
• Œuvrer pour redonner au couple confiance et
sérénité.
• Prodiguer des encouragements, des conseils
pratiques.
• Permettre au couple de retrouver une intimité à
travers la tendresse, les moments érotiques et
sensuels (« resensualisation progressive »,
« stimuler l’imaginaire érotique », E. Hirch)
• Le simple fait de mettre une parole sur la
sexualité stimule souvent la sexualité des
couples.
Pluridisciplinarité
• En oncologie, la collaboration entre thérapeutes
non médecins et médecins spécialisés est
essentielle :
– Prescription médicamenteuse par exemple
– Il est important de savoir rapidement si on n’essaie pas
de restaurer une situation qui, physiquement, n’est plus
possible. Dans ce cas, la prise en charge prend une autre
direction (envisager une sexualité totalement différente,
adaptation, deuil)
Restaurer l’image du corps
• La femme doit se réapproprier son corps et sa
féminité :
– Retrouver un sentiment de maîtrise du corps, restaurer
des points de repères corporels
– Induire, explorer des sensations agréables pour
retrouver un corps-plaisir
– Les techniques psycho-corporelles sont indiquées :
relaxation, sophrologie, massages… pratiquées par
des professionnels qualifiés.
Conclusion
• Oser le dialogue sur la sexualité avec les patientes,
les couples.
• Porter une attention particulière aux femmes
jeunes (désir de maternité), célibataires (désir de
trouver un partenaire après la maladie).
• Étudier l’impact des cancers gynécologiques et
des traitements sur la sexualité (études
longitudinales par type de cancer).
• Instaurer des prises en charge spécifiques en
équipe pluridisciplinaire.
Pour aller plus loin…
• Revue Francophone de Psycho-oncologie :
dossier « Sexualité et cancer » coordonné
par E. Marx, Vol. 4, N°3, Sept. 2005.
• La psycho-oncologie, coordonné par S.
Dolbeault et coll., John Libbey.
Annonce congrès
• XXIVè congrès de la Société Française de
Psycho-Oncologie : Sexualité et cancer, 20
et 21 décembre 2007, Strasbourg.
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