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&Sport
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Mise au point
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Quantifier la contraction myo-
cardique est la quête du Graal
de tout clinicien cardiologue.
Cette nécessité est particulièrement
impérieuse pour l’exploration du cœur
du sportif, bien connu pour présenter
certaines spécificités morphologiques
et fonctionnelles parfois difficilement
différentiables de l’atteinte patholo-
gique.
Après quelques rappels physiolo-
giques de contraction myocardique,
il sera décrit les techniques échogra-
phiques mises à disposition, leurs
principales applications et valida-
tions.
> Physiologie
de la contraction
La description initiale de l’orientation
des fibres myocardiques au sein des
couches cardiaques a très tôt motivé
l’appréhension de la contraction, non
pas exclusivement dans sa compo-
sante radiale, mais également dans sa
composante longitudinale. En effet,
si les couches à mi-paroi présentent
dimension circonférentielle, depuis
peu accessible par échogaphie et IRM,
qui correspond au raccourcissement
des fibres dans la circonférence d’une
coupe transversale (3). L’association
de ces 3 entités contractiles génère un
mouvement de rotation du plan de
une majorité de myocytes à direction
transversale à l’origine de l’épaissis-
sement pariétal, il n’en est pas de
même au niveau des couches sous-
endocardiques et sous-épicardiques.
A ce niveau, en effet, les fibres myo-
cytaires prennent un axe plus oblique
en s’enroulant autour du grand axe
cardiaque (1) (Fig. 1). De surcroît, cet
enroulement hélicoïdal s’effectue de
façon opposée en sens horaire et anti-
horaire, respectivement au niveau des
couches sous-endocardiques et sous-
épicardiques.
Ainsi, au-delà de la contraction
radiale quantifiée historiquement en
TM, il s’avérait indispensable d’inté-
grer la composante longitudinale (2).
Ce raccourcissement du ventricule
gauche de la base vers l’apex était
observé en angiographie, quantifié
en TM par des logiciels dédiés et com-
plexes, mais il n’est réellement
devenu accessible en pratique que
depuis l’avènement du Doppler tis-
sulaire. A ces deux composantes
radiale et longitudinale s’ajoute une
Apport
des nouvelles techniques
échocardiographiques
chez le sportif
L’avènement, ces dernières années, d’outils de quantification de la fonction cardiaque en
échocardiographie autorise, aujourd’hui, leur transposition dans le domaine de l’explo-
ration du sujet sportif. Ces techniques sont maintenant embarquées sur les appareils de
moyenne et haute gammes pour la diffusion de leur utilisation.
Dr Stéphane Lafitte (Hôpital Cardiologique du Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux)
Pr Hervé Douard (Hôpital cardiologique, Pessac)
Figure 1- Représentation de la morphologie
ventriculaire gauche au niveau cavitaire
(à gauche), au niveau pariétal avec
visualisation de l’enroulement hélicoïdal
des faisceaux de fibres mycoardiques
(à droite). D’après Buckberg et al.
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coupe axial, d’amplitude différente et
de direction opposée entre la base et
l’apex. Cet aspect global correspond
à la torsion cardiaque assimilée à un
mouvement d’essorage de serpillière.
La finalité de cette complexité cible
une efficience maximale dans l’éjec-
tion du volume sanguin à chaque sys-
tole, associée au meilleur rendement
de relaxation en phase diastolique.
Or, en cas d’altération de la contrac-
tilité myocardique, quelle que soit son
origine, il n’existe pas d’homogénéité
en terme de retentissement sur les
différentes composantes (4). Ici
encore, le maintien du volume san-
guin éjecté impose, malgré une défi-
cience débutante, une compensation
au niveau de la contraction radiale,
alors même que la composante lon-
gitudinale est d’ores et déjà significa-
tivement réduite. Ce concept vient
révolutionner le dogme de l’insuffi-
sance cardiaque à fonction systolique
préservée qui, en réalité, n’a de
conservée que la fraction d’éjection.
Et il en est probablement de même
pour tout type d’altération de la
contraction myocardique sub-clinique.
A ce jour, la transposition de ces don-
nées à l’analyse de l’adaptation car-
diaque au cœur de sportif est
quasiment vierge de toute descrip-
tion intégrant ces notions de compo-
santes de contraction.
> Outils échographiques
et informations ciblées
Le mode TM
Historiquement, c’est le mode TM qui
permettait l’obtention des premières
informations de contraction myo-
cardique. Cependant, en incidence
parasternale, il n’informe que sur la
composante radiale, en s’appuyant
sur la mesure de l’épaississement
pariétal. Par ailleurs, il est limité par
une appréhension simultanée de
deux parois opposées aux dépends
d’une investigation complète de la
couronne myocardique.
Le mode bidimensionnel
Plus globale, l’analyse en mode bidi-
mensionnel par la méthode de Simp-
son biplan exploite les vues apicales 4
et 2 cavités pour une analyse du dépla-
cement de l’endocarde et l’estimation
de la fonction ventriculaire gauche via
les volumes systolodiastoliques. Au-
delà de la dissociation possible
entre le déplacement de l’endocarde,
qui peut être passif, et la réelle
contraction myocardique, cette
approche intègre préférentiellement
la composante radiale, en minimisant
la part longitudinale. Ainsi, cette frac-
tion d’éjection peut longtemps se
trouver maintenue proche de la nor-
male par phénomène de compensa-
tion radiale.
Le mode Doppler tissulaire
pulsé
Le mode Doppler tissulaire pulsé
(Fig. 2a) est la technique la plus
répandue pour investiguer la com-
posante longitudinale. En raison de
sa dépendance vis-à-vis de l’angle de
tir ultrasonore et d’un manque certain
d’homogénéité entre les segments
myocardiques, seule l’approche glo-
bale est retenue. Le déplacement de
l’anneau mitral est alors analysé en
mesurant les pics de vélocités systo-
lique Sa et protodiastolique Ea. Ces
vélocités reflètent la sommation des
forces développées segment par seg-
ment et transmises jusqu’à la base du
cœur. Au niveau septal, en raison de
la structure fibroconjonctive prédo-
minante, le retentissement est
moindre qu’au niveau latéral, avec
des vitesses 30 % moins élevées, d’où
Figure 2 - Techniques conventionnelles Doppler tissulaire : en mode pulsé qui permet les mesures des ondes systolique Sa et diastolique Ea,
dont les valeurs attendues normales sont supérieures à 9 cm/s (a) ; en mode TM DTI couleur, dont l’interprétation est qualitative
par identification de gradients de couleur (donc de vélocités) mésosystolique et protodiastolique transmyocardiques (b).
ab
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sa faible résolution spatiale et d’un
effet amplificateur d’artefacts.
Le 2D strain
Le 2D strain (Fig. 3b) est une nouvelle
modalité d’évaluation des déforma-
tions basée sur une imagerie bidi-
mensionnelle en échelle de gris
utilisant la technique de speckle trac-
king. Les speckles sont les marqueurs
acoustiques naturels réflecteurs
Figure 3 - *Courbes de déformations obtenues par la technique Doppler tissulaire
strain (a) et par la technique d’analyse en image noir et blanc (2D speckle
ou 2D strain) (b). Les courbes caractérisent ici la déformation longitudinale, donc
le raccourcissement du segment mesuré, d’où une composante systolique négative.
la nécessité de bien préciser la loca-
lisation du point de mesure.
Le mode TM couleur
En associant le mode TM au Dop-
pler vélocité, on obtient le mode TM
couleur (Fig. 2b) qui permet d’ana-
lyser la répartition des vélocités
entre les couches sous-endo et sous-
épicardiques. Physiologiquement,
un gradient de vitesse existe aussi
bien en mésosytole qu’en proto-
diastole. Son identification est
actuellement principalement visuelle,
sauf par le biais de logiciels dédiés
non distribués.
Approche des déformations
Le concept de déformation, ou strain,
se définit par la variation de longueur
d’un segment au cours du temps. Le
segment se raccourcit, sa valeur de
déformation est négative ; il s’allonge,
sa valeur est alors positive. Extrapolé
à la contraction myocardique, l’épais-
sissement pariétal sur un tracé TM
peut être assimilé à une déformation
d’un segment. Il s’agit alors de la com-
posante radiale de la contraction
myocardique qui se positive tout au
long de la systole. Dans le sens longi-
tudinal, cette notion est plus abstraite.
Pour l’intégrer, il faut rappeler que le
ventricule se raccourcit en systole
dans le sens de la longueur, l’anneau
se déplaçant ainsi vers l’apex. Deux
points placés sur le myocarde longi-
tudinalement se rapprochent l’un de
l’autre au cours de la systole, géné-
rant une courbe de déformation
négative. Au sommet de ces courbes
correspond la télésystole de la
contraction pariétale.
La technique du Doppler tissulaire
La première approche des déforma-
tions s’est appuyée sur la technique
du Doppler tissulaire (strain Doppler)
(Fig. 3a). L’enregistrement des vitesses
de déplacement entre deux cibles
permet d’extrapoler les variations de
distance, donc la déformation du seg-
ment. Pour ce résultat, une double
intégration mathématique dans l’es-
pace puis le temps est appliquée sur
les vélocités. Si de nombreux travaux
ont démontré la validité de cette
modalité sur modèles expérimentaux
ou cliniques, son application en pra-
tique quotidienne a toujours pêché
d’un manque certain de reproducti-
bilité en raison, principalement, de
a
b
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d’ultrasons, considérés comme rela-
tivement stables pendant les diffé-
rentes séquences d’images, alors que
leur changement de position suit le
mouvement du tissu myocardique.
Leur suivi dans l’espace, ou tracking,
est fondé sur le repérage de la posi-
tion de ces marqueurs acoustiques
durant les différentes phases du cycle
cardiaque. Les déformations bidi-
mensionnelles sont alors calculées à
partir du déplacement de ces mar-
queurs. Comparativement au strain
Doppler tissulaire, cette approche pré-
sente l’avantage d’être angle-indé-
pendante, et permet la mesure des
déformations dans les 3 dimensions
de l’espace.
> Applications
au cœur de sportif
Trois applications cliniques peuvent
trouver potentiellement un intérêt dans
l’utilisation des techniques de quantifi-
cation de la contraction myocardique :
le diagnostic différentiel entre le
cœur du sportif et la cardiomyopathie
hypertrophique (CMH) ;
le diagnostic de cardiomyopathie
hypokinétique débutante iatrogène ;
ou encore le syndrome de fatigue
myocardique aigüe.
Hypertrophie adaptative
physiologique
et cardiomyopathie
hypertrophique
C’est dans ce domaine que se retrouve
le plus grand nombre d’arguments
scientifiques témoignant de l’apport
des nouvelles techniques échogra-
phiques.
Le Doppler tissulaire pulsé
En première ligne, le Doppler tissu-
laire pulsé à l’anneau mitral semble
présenter un pouvoir de discrimina-
tion intéressant entre les deux états
myocardiques. Dans sa phase systo-
lique tout d’abord, Vinerreanu et al.
(5) proposent, après une comparai-
son de 30 athlètes et 15 patients por-
teurs de CMH, une valeur de vélocité
de l’onde Sa de 9 cm/s comme dis-
criminante, avec des seuils de sensi-
bilité et de spécificité de 87 et 97 %
respectivement (Fig. 4). Dans cette
étude, la vélocité à l’anneau est obte-
nue par moyennage des mesures de
pic sur 4 points annulaires (septal,
inférieur, antérieur, latéral). L’étude
de l’onde protodiastolique Ea peut
être également exploitée avec un seuil
identique à la valeur Sa. Dans notre
expérience sur des footballeurs pro-
fessionnels, la CMH est associée à des
valeurs systoliques plus basses que
chez le sportif (11,9 ± 2,2 cm/s vs 8,2 ±
3,7 cm/s ; p < 0,05), mais avec une
large dispersion des valeurs chez le
sujet pathologique.
Le TM DTI couleur
Moins accessible de prime abord,
l’évaluation du gradient de vélocité
en TM DTI couleur possède égale-
ment un intérêt en pratique. Basé
sur les travaux de Palka (6), puis de
Derumeaux (7), la présence d’un
gradient de vélocité conservé au-
dessus de 7 cm/s est en faveur d’un
cœur de sportif sain, alors que dans
la CMH, ce gradient sera diminué,
voire aboli. En pratique, en raison de
l’absence de logiciel embarqué sur
les appareils, ce gradient ne peut être
évalué que de façon qualitative, en
recherchant un dégradé de couleurs
en TM DTI en mésosystole ou proto-
diastole (Fig. 5).
L’analyse des déformations
Plus en vogue dans ce cadre diagnos-
tique, il y a l’analyse des déforma-
tions. Les études en strain DTI sont
en faveur d’une diminution des
vitesses de déformation en présence
d’une hypertrophie pathologique,
avec des valeurs normales chez les
sportifs (8). Cependant, l’exploitation
de ces résultats reste délicate en pra-
tique, en raison de la faible repro-
ductibilité de la technique de strain
DTI.
Le 2D strain
Cette limite a été comblée récemment
par l’application de la technique de
2D strain, plus fiable et donc com-
patible avec une analyse en routine.
Une seule étude publiée à ce jour
décrit la contractilité myocardique
Figure 4 - Application du Doppler tissulaire pulsé à l’analyse des vélocités
chez des patients porteurs de cardiomyopathie hypertrophique (HC), hypertensive
(HT) et chez les sportifs de haut niveau (d’après 5). Noter, malgré le seuil à 9 cm/s,
un certain degré de chevauchement des points entre les 3 groupes.
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