Du diagnostic à la prise en charge de la gonarthrose

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DOSSIER ARTHROSE
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Du diagnostic à la prise en charge de la gonarthrose
From diagnosis to management of knee osteoarthritis
Fadia Rahal1, Sabrina Haid1, Samy Slimani2, Nadjia Brahimi1, Aicha
Ladjouze-Rezig1
1 Faculté de Médecine, Université d’Alger 1 - Alger, Algérie
2 Faculté de Médecine, Université Hadj Lakhdar - Batna, Algérie
Rev Mar Rhum 2012; 22: 22-8
Résumé
Abstract
La gonarthrose est une affection fréquente
et constitue un véritable problème de santé
publique. L’origine de la gonarthrose est
plurifactorielle mais la maladie est fortement
liée à l’age, elle associe une douleur et une
incapacité fonctionnelle qui constituent
les principaux motifs de consultation. Les
signes radiologiques cardinaux de l’arthrose
permettent de confirmer le diagnostic.
Knee osteoarthritis is a very frequent condition
and constitutes a major health problem.
Les douleurs sont d’abord intermittentes
puis deviennent gênantes. Son évolution est
capricieuse et le diagnostic différentiel se pose
essentiellement en cas de douleur du genou
avec radiographie normale.
Evolution is unpredictable and pain, which is
moderate at the beginning, becomes bothering
later on.
Son traitement associe des mesures non
pharmacologiques et pharmacologiques. Il doit
être adapté en fonction de la symptomatologie mais
aussi en fonction de l’âge et du terrain. Le recours
à la chirurgie est tributaire de la gêne fonctionnelle.
Mots clés :
gonarthrose,
diagnostic,
traitement
Etiology is multifactorial but age seems to play
a major role in the genesis of the disease; knee
osteoarthritis associates pain and functional
impairment.
The presence of the main radiographic features
is sufficient for diagnosis.
Diagnosis is made difficult when radiographs
are normal.
Management is based first on medications
and is symptomatic; it depends on age and
comorbidities. Surgery is required when
disability is important.
Key words : Knee osteoarthritis, Diagnosis,
therapeutic
L’arthrose du genou est une affection fréquente souvent
invalidante du fait du caractère portant de l’articulation.
Sa prévalence est élevée et elle est parfaitement corrélée
à l’âge [1] chez la femme elle atteindrait 25% à 49%
après 65 ans. Cependant seulement 40 % des arthroses
modérées et 60 % des formes évoluées deviendraient
symptomatiques [2].
peut être difficile au début lorsque l’affection est révélée
par un épanchement articulaire, faisant alors discuter
toutes les autres étiologies d’un genou douloureux.
Le genou est une articulation complexe. Anatomiquement
instable, elle est constituée de trois compartiments qui sont :
le fémoro tibial interne, externe et le fémoro patellaire.
Le tableau clinique diffère selon les formes anatomiques [3] :
Diagnostic de la gonarthrose
Le diagnostic d’une arthrose du genou est le plus souvent
évident quand cette dernière est évoluée. En revanche, il
Correspondance à adresser à : F. Rahal
Email : [email protected]
Le principal motif de consultation est la douleur qui le plus
souvent est installée depuis plusieurs mois, occasionnant
à la longue une gêne à la marche et survenant pour des
distances variables selon les périodes et le profil du terrain.
a- Arthrose fémoropatellaire [3]
C’est la plus fréquente des localisations dans la
gonarthrose. Elle toucherait la totalité des femmes et
40% des hommes après 70 ans. Elle est habituellement
bilatérale et symétrique.
Revue Marocaine de Rhumatologie
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Du diagnostic à la prise en charge de la gonarthrose
• Etiologies
:
Elle est rarement primitive, plus fréquemment secondaire
aux traumatismes : fracture de la rotule, d’un condyle
fémoral, luxation récidivante, plaie articulaire, et
microtraumatismes répétés (corps étrangers, surmenage
professionnel ou sportif) ;
- Dysplasie rotulienne survenant sur une rotule centrée,
troubles statiques axiaux (désaxation fémoro patellaire),
frontaux (genu valgum, genu varum), ou sagittaux (flexum)
- Syndrome d’hyperpression externe de Ficat
• Clinique
:
La douleur est antérieure, parfois antéro-externe ou antérointerne. Elle survient à la marche en terrain accidenté, à
la montée et à la descente des escaliers. La station assise
prolongée est douloureuse incitant le sujet à étendre ses
jambes. Elle s’accompagne de pseudo blocages, de
dérobements, parfois d’épanchements.
A l’examen on recherche des signes de souffrance dans le
compartiment fémororotulien :
La douleur est réveillée :
- A l’extension contrariée de la jambe
- A la pression de la rotule sur le genou fléchi
- Au toucher rotulien
- A la manœuvre du rabot (douleur déclenchée au
frottement de la rotule contre la trochlée)
- A la manœuvre de Zohlen : douleur lorsque l’examinateur
s’oppose à l’ascension de la rotule lors de la contraction
du quadriceps
Cependant ces signes cliniques sont d’interprétation
souvent difficile et fréquemment la douleur du genou est
plus diffuse et traduit l’atteinte associée d’un compartiment
fémoro-tibial.
L’examen s’attache à rechercher un trouble de la statique
(varus ou valgus), un épanchement articulaire même
minime par la présence d’un choc rotulien.
La douleur spontanée est fréquemment retrouvée à la
pression de l’interligne médial ou latéral ou au niveau des
facettes rotuliennes.
Il faut aussi apprécier les amplitudes (flessum, limitation
de la flexion), la stabilité de l’articulation (tiroirs, laxité
latérale) et une éventuelle amyotrophie quadricipitale.
La recherche de signes de lésion méniscale (signe
de Mac Murray, grinding test), d’un trouble statique
des pieds et d’une pathologie de la hanche complète
l’examen clinique.
Revue Marocaine de Rhumatologie
Parfois, l’affection est révélée par une hydarthrose de
volume variable. En cas d’épanchement volumineux,
l’examen est le plus souvent peu informatif et doit être
réalisé de nouveau après évacuation la plus complète
possible de l’hydarthrose.
Enfin, la maladie peut être révélée par la découverte d’un
kyste poplité, suspecté devant une tuméfaction douloureuse
du creux poplité et affirmé par l’échographie.
b- Arthrose fémorotibiale :
Bien qu’elle ne soit pas la plus fréquente l’atteinte
fémorotibiale a fait l’objet de nombreuses études du
fait de son évolution invalidante. Elle est le plus souvent
bilatérale, rarement primitive. L’âge de survenue des
douleurs imputables à l’atteinte du compartiment interne
se situe en moyenne à 62 ans chez la femme, et 64 ans
chez I’homme. Les douleurs en rapport avec l’atteinte du
compartiment femorotibial externe sont plus tardives.
•
Facteurs étiologiques [3] :
Plusieurs circonstances sont reconnues comme favorisant
le développement d’une arthrose fémorotibiale :
- I’âge et le sexe : la fréquence de la gonarthrose
augmente avec l’âge, avec une prévalence plus élevée
chez l’homme que chez la femme avant 45 ans, puis une
atteinte préférentielle de la femme
- I’obésité : dans la majorité des travaux publiés, une
association entre obésité et gonarthrose a été clairement
démontrée avec une corrélation entre les deux chez la
femme
- La génétique: l’existence d’un facteur héréditaire semble
avoir été mise en évidence par l’étude de jumelles monoet dizygotes et montre que I’héritabilité de l’association
gonarthrose-arthrose des mains est de 70%
- La race : une prévalence plus élevée de la gonarthrose
dans certaines populations (chinoise, jamaïquaine) et
chez les femmes de race noire semble avoir été trouvée
par certains auteurs mais les travaux sont controversés
- Les troubles axiaux : le genu varum favorise la survenue
d’une gonarthrose fémorotibiale par augmentation des
contraintes articulaires sur le compartiment interne. Par
contre, l’association gonarthrose-genu valgum semble moins
forte et la survenue d’un flessum est un facteur aggravant
- Les traumatismes : les lésions méniscales (traumatique,
méniscectomie), les lésions ligamentaires, l’activité
professionnelle (port de poids lourds…), les flexions
répétées ou une position accroupie prolongée favorisent
la survenue d’une gonarthrose fémorotibiale.
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F. Rahal et al.
DOSSIER ARTHROSE
• Clinique
:
tibial dans certaines arthroses avancées.
La douleur est souvent diffuse, parfois antéro-interne voir
antéro-externe.
La vue axiale des rotules à 45° de flexion suffit pour
rechercher une arthrose fémoropatellaire.
- L’examen du genou : se fait debout puis à la marche puis
couché
Des clichés à 30° et 60° ne sont utiles que pour rechercher
une instabilité rotulienne chez le sujet jeune.
- L’examen debout : s’intéresse aux déviations axiales
des membres inférieurs pour mettre en évidence une
déformation à type de genu varum ou de genu valgum
voire genu recurvatum
La présence d’un ostéophyte même minime est
indispensable pour porter le diagnostic de gonarthrose
si l’on se réfère aux critères du Collège Américain de
Rhumatologie.
- L’examen à la marche : permet surtout de rechercher une
majoration d’un trouble statique
Bien que peu spécifique le pincement de l’interligne
articulaire est le moyen le plus sensible pour suivre
l’évolution, d’où l’importance de réaliser les clichés
dans les conditions les plus standardisées possible car
des variations minimes des conditions de réalisation de
la radiographie (inclinaison du tube, rotation des pieds,
légère flexion du genou) peuvent faire varier de façon
considérable la hauteur de l’interligne fémorotibiale.
- En décubitus dorsal : on étudie différentes mobilités du
genou, la flexion du genou est longtemps conservée dans
la gonarthrose, l’existence de craquement est audible et
palpable traduisant une atteinte du cartilage articulaire.
On recherche systématiquement un épanchement intra
articulaire par la recherche d’un choc rotulien.
En cas de gonarthrose il n’y a pas de signes inflammatoires
locaux importants.
Dans les arthroses évoluées, on peut mettre en évidence
des déformations plus importantes du genou avec un
aspect globuleux et surtout un flessum.
On teste aussi les stabilités antéropostérieures (conservées)
et latérales, ces dernières sont un élément fondamental
dans les indications ultérieures de la chirurgie.
Imagerie
Devant un tableau clinique d’arthropathie chronique chez
un sujet de plus de 50 ans, la radiographie standard est
le seul examen, indispensable et le plus souvent suffisant,
pour porter le diagnostic de gonarthrose.
Radiographie standard :
Le bilan radiographique d’un genou arthrosique comporte
un cliché comparatif des deux genoux de face en appui
bipodal et en extension complète (quadriceps contractés) et
un cliché postéro antérieur à 30° de flexion (incidence dite
« en schuss »), un cliché de profil couché en légère flexion
et une vue axiale des rotules, genoux fléchis à 45° (4).
Le cliché en « schuss », qui explore la partie postérieure
des compartiments fémorotibiaux, permet de détecter des
pincements invisibles sur les incidences en extension, en
particulier en cas d’arthrose fémorotibiale latérale. Il doit
donc être systématiquement demandé.
Le cliché de profil garde son intérêt en permettant
d’apprécier une éventuelle dysplasie de trochlée (signe du
croisement) ou en montrant une cupule d’usure du plateau
On retrouve fréquemment une condensation osseuse souschondrale et des géodes localisées au niveau des zones
d’hyperpression.
On peut coter l’importance de l’atteinte radiologique par
la classification de Kellgren et Lawrence (basée sur le
pincement et les ostéophytes) ou par la seule mesure du
pincement de l’interligne [5,6].
Il existe une dissociation anatomiquement, et l’importance
des lésions décelables à la radiographie n’est pas
corrélée au retentissement fonctionnel ni à l’importance
des douleurs : les lésions radiologiques peuvent être
asymptomatiques et l’arthrose découverte fortuitement.
Autres examens :
Ils sont habituellement inutiles et ne servent qu’à éliminer
d’autres étiologies.
L’arthroscanner permet d’objectiver avec précision des
lésions localisées invisibles sur les clichés standards, en
particulier au niveau du compartiment fémoropatellaire.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet
d’analyser le cartilage avec précision cependant l’IRM ne
doit pas être considérée comme un examen de choix pour
le diagnostic et encore moins le suivi d’une gonarthrose.
L’arthroscopie à visée diagnostique a été abandonnée et
ne doit être réalisée que s’il existe un doute diagnostique
après l’IRM ou si un geste thérapeutique ou une biopsie
synoviale sont envisagés dans le même temps.
L’échographie a pour indication la recherche d’un kyste
poplité avec éventuelle ponction évacuatrice dirigée
par l’examen.
Revue Marocaine de Rhumatologie
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Du diagnostic à la prise en charge de la gonarthrose
septique, tuberculeuse ou microcristalline, rhumatisme
inflammatoire ou hémarthrose).
L’analyse systématique du liquide doit comporter une
cytochimie avec recherche de cristaux et une analyse
bactériologique si le liquide est de formule inflammatoire.
Les marqueurs sanguins de l’inflammation (vitesse de
sédimentation, protéine C réactive) sont utiles pour
corroborer les résultats de l’analyse du liquide synovial au
moindre doute.
Diagnostic différentiel [7]
a- Devant une douleur mécanique du genou avec
radiographie normale , on évoque :
Figure 1 : Radiographie du genou de face. Pincement fémoro-tibial médial
associé à une ostéophytose marginale tibiale médiale (flèche).
- Pathologie dégénérative du ménisque : Chez un sujet
de la cinquantaine souffrant d’une douleur mécanique du
compartiment interne du genou sans signe radiographique
d’arthrose, on évoque une pathologie dégénérative du
ménisque (méniscose) d’autant plus probable s’il existe
une hydarthrose de formule mécanique et des manoeuvres
méniscales positives.
Les examens d’imagerie (IRM, arthroscanner) ne
seront utiles qu’en cas d’échec d’un traitement médical
correctement conduit (repos relatif, anti-inflammatoires à
doses efficaces, deux à trois infiltrations de corticoïdes), la
méniscectomie après 50 ans est à déconseiller du fait du
risque majeur d’arthrose sévère qu’elle induit.
- Ostéonécrose : Chez un patient plus âgé, on évoque
une ostéonécrose du condyle interne, plus rarement du
plateau tibial, ou une fracture de contrainte du plateau
tibial justifiant la réalisation d’une IRM.
Figure 2 : Radiographie du genou de profil. Pincement évolué de l’interligne
fémoro-patellaire avec ostéophytose patellaire et fémorale volumineuse et
ostéochondromatose.
Biologie
Les examens biologiques ne sont indispensables qu’en cas
de doute diagnostique (radiographies non concluantes ou
épanchement articulaire avec signes inflammatoires).
Dans ce cas, une ponction articulaire voire une biopsie
synoviale est indispensable afin de pouvoir formellement
exclure un épanchement d’une autre origine (arthrite
Revue Marocaine de Rhumatologie
- Algoneurodystrophie : Le diagnostic d’algoneurodystrophie
est habituellement facile dans 70% des cas où
l’interrogatoire retrouve une cause précise (traumatisme,
immobilisation). Les signes radiologiques sont retardés de
plusieurs semaines par rapport à la présentation clinique
(douleur diffuse, gonflement global avec parfois petite
hydarthrose de formule mécanique). La scintigraphie
osseuse ou mieux encore l’IRM permet le diagnostic
précoce.
- Tendinopathies : Les tendinopathies (quadricipitale,
rotulienne, de la patte-d’oie, de la bandelette de Maissiat)
touchent habituellement des sujets plus jeunes, volontiers
sportifs. Le diagnostic est clinique (interrogatoire, examen
articulaire normal, douleur d’insertion tendineuse) et
le recours à l’échographie, voire à l’IRM, est rarement
nécessaire. La présence d’un épanchement articulaire
élimine le diagnostic de tendinite.
26
F. Rahal et al.
DOSSIER ARTHROSE
b- Devant un épanchement articulaire inaugural
avec radiographie normale, on évoque :
- Devant un liquide de formule mécanique, on évoque une
pathologie méniscale, une chondromatose synoviale, une
ostéonécrose ou une ostéochondrite du condyle interne.
L’IRM est alors l’examen de choix qui permet d’affirmer le
diagnostic dans la grande majorité des cas.
- Devant un liquide inflammatoire, on évoque une
arthrite infectieuse, une arthrite microcristalline (goutte
ou chondrocalcinose) ou une monoarthrite inflammatoire
(polyarthrite rhumatoïde, spondyloarthropathie, en
particulier arthrite réactionnelle).
- Devant une hémarthrose : On s’oriente vers une synovite
villonodulaire, dont le diagnostic est affirmé par l’IRM et
la biopsie synoviale, une chondrocalcinose articulaire ou
une tuberculose articulaire.
Traitement
Dans les dernières recommandations de l’OARSI
(Osteoarthritis Research Society International), consacrées à
la prise en charge de l’arthrose du genou et de la hanche
(8), il est précisé que tout patient doit bénéficier d’un accès
à l’information et d’une éducation concernant les objectifs du
traitement et l’importance des modifications du mode de vie,
de l’adaptation des activités, de la perte de poids et d’autres
mesures pour décharger la ou les articulations endommagées.
L’accent initial doit être mis sur les moyens et les
traitements pouvant être mis en œuvre par le patient luimême plutôt que par les traitements passifs délivrés par les
professionnels de santé.
Ensuite, les efforts devront surtout encourager le patient à
adhérer aux traitements non pharmacologiques.
- L’objectif du traitement est double :
Diagnostic étiologique (7)
1. Soulager les symptômes
L’arthrose du genou est le plus souvent considérée comme
« primitive ». Elle est alors bilatérale dans deux tiers des
cas. L’âge de découverte est en moyenne de 65 ans pour
l’arthrose fémorotibiale, plus précoce pour l’arthrose
fémoropatellaire.
- Principes généraux :
On ne considère que l’arthrose est secondaire qu’en cas
d’arthrose unilatérale avec notion de traumatisme du
genou (rupture d’un ligament croisé, lésion méniscale
grave, contusion sévère de la rotule) ou de méniscectomie,
ou encore en cas de trouble important de la statique (genu
varum ou valgum, instabilité rotulienne).
Critères de diagnostic
Le Collège Américain de Rhumatologie (American Collège
of Rheumatology-ACR) a proposé en 1986 des critères de
classification de la gonarthrose selon 3 méthodes : clinique
seule, clinique et biologique ou clinique et radiologique
(6), mais ces critères sont surtout utilisés dans les essais
cliniques, les critères cliniques et radiologiques semblent les
plus intéressants pour faire le diagnostic d’une gonarthrose.
Evolution
L’évolution la plus habituelle est marquée par des périodes
douloureuses qui alternent avec des périodes de rémission. Il
n’y a pas d’éléments permettant de prédire la durée de cette
évolution ni d’identifier des facteurs de risque bien individualisés
de l’évolutivité en dehors du surpoids, il existe des formes de
dégradation rapide et des formes très peu évolutives. Même
à un stade avancé la gêne fonctionnelle peut rester mineure
avec conservation d’un périmètre de marche suffisant.
2. Améliorer la fonction articulaire et en théorie, ralentir
l’évolution anatomique de la maladie
1. Ce traitement doit être adapté au patient, il existe une
grande variabilité dans l’intensité et le rythme des douleurs
d’un patient à un autre
2. Ne pas laisser passer l’heure de la chirurgie, soit
préventive visant à corriger un défaut d’axe, ou de
remplacement prothétique lorsque le traitement médical
ne fait plus effet.
a- Traitement non pharmaceutique
Le traitement non pharmaceutique est toujours indiqué (9).Il
est basé sur une activité de marche : il faut recommander une
activité de marche modérée (maintient la force musculaire)
• Mesures de ménagement de l’articulation : éviter les
marches intensives et les stations debout prolongées,
éviter le port de charges lourdes, prendre éventuellement
une canne du coté opposé à la douleur, observer un
repos quotidien.
• Mesures hygiéno-diététiques : la perte de poids est
impérative et conseiller le port de chaussures avec des
semelles épaisses
• La rééducation est fondamentale : elle a pour objectif de
maintenir la trophicité musculaire, par la rééducation
isotonique et isométrique, qui améliore la tolérance
fonctionnelle et diminue la douleur, maintenir le jeu
articulaire et lutter contre les attitudes antalgiques
vicieuses : flessum du genou.
Revue Marocaine de Rhumatologie
27
Du diagnostic à la prise en charge de la gonarthrose
b- Traitement médical
Dans la mesure où il n’y a pas de preuve formelle
d’une efficacité supérieure des anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS) sur les antalgiques, ces derniers
doivent être utilisés en première intention compte tenue
de leur faible toxicité, mais ils doivent être prescrits à
dose suffisante avant de conclure à leur efficacité ou
inefficacité (10) :
• Les antalgiques de palier 1 : paracétamol (jusqu’à
4g/j). Ce seul traitement peut soulager les patients
• Les AINS : en cas de résistance au traitement antalgique
ou lors de périodes plus douloureuses (poussées
congestives) ou s’il existe un épanchement inflammatoire
on recommande la prescription d’un AINS sur des
périodes courtes (8-15 jours) et par voie orale (la
voie intramusculaire n’est pas supérieure). Le rapport
bénéfice/risque doit être soigneusement pesé chez les
patients âgés exposés aux complications digestives : il
faut porter une attention particulière à la prise conjointe
(et contre-indiquée) de deux AINS et éviter les formes à
libération prolongée. Le celecoxib (celebrex) entraine
moins d’accidents digestifs mais il ne protège pas des
incidents rénaux.
• Antalgiques du palier 2 : en cas de résistance aux AINS,
et aux antalgiques usuels, on a recours au tramadol
(dose efficace de 200 à 400 mg) ou aux associations
paracétamol-codéine ou paracétamol-tramadol
• Antalgiques du palier 3 : leur usage n’est pas
recommandé dans l’arthrose
• Chondroprotecteurs ou anti-arthrosiques à action lente :
ils ne doivent être utilisés que dans le but d’améliorer
les manifestations algofonctionnelles de l’arthrose et
de diminuer la prise d’antalgiques ou d’AINS (11) :
Diacérhéine, insaponifiable de soja, chondroïtine sulfate
et glucosamine.
Ces produits ont en commun : in vitro un certain degré
d’action sur l’activité du chondrocyte, un effet antalgique
retardé (variable), n’agissant qu’au terme de 3 semaines
à un mois, un effet rémanent de 1 à 3 mois après l’arrêt du
produit (12), on peut les prescrire par cures de 3 à 6 mois,
renouvelables dans les formes résistantes aux antalgiques
usuels ou à visée chondroprotectrice bien que cet effet soit
encore incertain.
Tableau 2 : Critères ACR 1986 de la gonarthrose
Douleur du
genou et au
moins
Critères
cliniques
Critères
cliniques et
biologiques
Critères
cliniques et
radiologiques
3 des 6 critères
suivants
Age > 50 ans
Raideur matinale
< 30 minutes
Crépitements
articulaires
5 des 9 critères
suivants
Age > 50 ans
Raideur matinale
< 30 minutes
Crépitements
1 des 3 critères
suivants
Age > 50 ans
Raideur matinale
< 30 minutes
Crépitements
Douleur osseuse
périarticulaire à
l’examen
Douleur osseuse
périarticulaire à
l’examen
Et présence
d’ostéophytes à
la radiographie
Hypertrophie
osseuse
périarticulaire
Absence de
chaleur locale à
la palpation
Hypertrophie
osseuse
périarticulaire
Absence de
chaleur locale à
la palpation
VS < 40 mm
Facteur
rhymatoïde <
1/40
Liquide synovial
mécanique
Sensibilité
95%
Spécialité
69%
Rapport de
3,1
vraisemblance
92%
75%
3,7
91%
86%
6,5
ils sont indiqués dans les gonarthroses avec épanchement
inflammatoire, l’évacuation du liquide articulaire précède
l’infiltration , l’effet antalgique n’excède pas 2 à 3
semaines, la dose et l’intervalle qu’il faut respecter entre
deux infiltrations restent très empiriques, il est de règle
de ne pas dépasser une série de trois infiltrations de
corticoïdes.
• Injections d’acide hyaluronique
On dispose d’acide hyaluronique de poids moléculaire
varié. Ils ont démontré un effet antalgique au bout de 2
à 3 semaines avec un effet rémanent parfois pendant
plusieurs mois (13).
• Les traitements locaux sont importants dans la prise en
charge de la gonarthrose
Le schéma thérapeutique en cas de gonarthrose
dépend du poids moléculaire et de la formulation du
viscosupplément et consiste habituellement en trois
injections intra-articulaires d’acide hyaluronique à une
semaine d’intervalle, les viscosuppléments à haut PM
permettent une injection annuelle.
- Infiltration de corticoïdes : on peut utiliser : Hexatrione® à
la dose de 40 mg, Cortivoszol (Altim®) ou de Diprostène®,
L’indication de ces acides hyaluroniques est la gonarthrose
résistante au traitement médical et n’ayant peu ou pas
Revue Marocaine de Rhumatologie
28
F. Rahal et al.
DOSSIER ARTHROSE
d’épanchement pour éviter l’effet de dilution du produit.
Déclaration d’intérêt
• Le lavage articulaire :
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt.
Réservé aux formes résistantes au traitement médical,
hydarthodiales, notamment celle associée à une
CCA
- Traitement chirurgical
Il comprend deux volets
• Traitement chirurgical dit « conservateur » :
La chirurgie de réaxation s’adresse à des arthroses
unicompartimentales douloureuses, ayant un défaut d’axe sans
hyperlaxité ligamentaire avant 70 ans, elle permet de retarder
en moyenne de 12 ans la mise en place d’une prothèse
• Chirurgie prothétique : la chirurgie prothétique doit
répondre à certaines règles :
1. Ne pas porter abusivement et trop facilement l’indication
d’une chirurgie totale de genou car si la durée de vie
des prothèses s’est considérablement améliorée, la durée
de vie des patients en moyenne a aussi augmentée et la
remise en place d’une seconde prothèse est toujours plus
difficile et délicate que la première.
2. Ne poser l’indication que devant l’importance de
l’atteinte clinique, douleur et/ou gêne fonctionnelle, cette
atteinte doit être associée à une atteinte radiologique
avancée.
3. L’atteinte radiologique seule ne permet de porter
l’indication de la mise en place d’une prothèse totale
articulaire.
- Il peut s’agir d’une prothèse totale (PTG) à glissement
(avec ou sans conservation du système ligamentaire et
remplacement de l’ensemble des pièces articulaires), soit
prothèse dite « unicompartimentale » (PUC). La prothèse
du genou entraine toujours une gêne modérée et une
limitation fonctionnelle.
Conclusion
Affection fréquente et souvent invalidante lorsqu’elle est
évoluée, la gonarthrose doit pouvoir bénéficier d’une prise
en charge globale, associant des mesures orthopédiques
à des thérapeutiques médicamenteuses avant de recourir
à la chirurgie prothétique qui peut être retardée, voire
évitée, dans de nombreux cas.
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Revue Marocaine de Rhumatologie
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