Génération de champ magnétique par effet dynamo : l'expérience VKS Introduction : Le but de cette recherche est d'essayer de comprendre comment se forment et se maintiennent les champs magnétiques dans des planètes ou des étoiles. Plus particulièrement nous nous intéresserons à la Terre pour des raisons historiques. La Terre possède un champ magnétique de l'ordre de 10-4 Tesla, ce champ magnétique s'est inversé de nombreuses fois au cours de son existence pour des raisons qui restent encore inexpliquées. Ce dernier est auto-entretenu par un effet dynamo. I Le principe de la dynamo 1/ L'effet dynamo L'effet dynamo est le fait d'amplifier puis d'entretenir un champ magnétique grâce à des mouvements de convection interne. En effet la terre possède un noyau ferreux solide qui baigne dans du fer liquide agité de mouvements. ces mouvements de liquides vont créer, grâce à un petit champ magnétique, un champ électrique qui va induire un courant électrique autour d'un axe. Ce courant va alors renforcer le petit champ magnétique préexistant. Cela forme une boucle auto-génératrice de champ magnétique : c'est l'effet dynamo. Le modèle de référence est la dynamo de bullard : On remarque que à partir d'une certaine valeur seuil W > R/M on a une instabilité, ce qui permet au champ magnétique de s'autoentretenir. Cette expérience n'a jamais pu être réalisé car W n'a jamais pu être assez grand pour observer l'instabilité. 2/ La magnétohydrodynamique Les équations de maxwell nous donnent : avec la diffusivité magnétique : L'équation de Navier-Stokes nous donne : On peut réécrire l'équation de maxwell sous la forme : On simplifie le dernier terme de droite car on se place dans la limite du conducteur parfait. Cette équation est alors la même que l'équation de transport d'une ligne matérielle transportée par l'écoulement. Cela signifie que les lignes de champ du champ magnétique vont être transportées par l'écoulement. En voici deux exemples : , Champ B homogène dans un gradient de vitesse. champ B homogène dans une rotation solide. 3/ Mécanismes d'induction - effet a : à une ligne de champ B rectiligne on applique un effet d'hélicité (vorticité + advection). - effet w : rotation différentielle de l'écoulement, torsion des lignes de champ. 4/ L'écoulement de Von karman : C'est l'écoulement qui intervient dans l'expérience VKS. Il met en jeu deux disques contra-rotatifs, ce qui implique les effets que nous avons vu plus haut; l'effet a et l'effet w. Réalisation pratique : On rappelle quelque notions : Les considérations énergétiques nous donnent la formule suivante : Rm est facteur d'instabilité dans cette équation. Il faut un Rm critique pour observer l'effet dynamo. Il doit être suffisamment grand (>10-100). On a un bon écoulement si Rm > 0 pour la dynamo. Le fluide choisi pour cette expérience est le sodium pour sa bonne conductivité électrique. La puissance s'écrit : donc on ne pourra pas trop jouer sur les paramètres rayon et vitesse angulaire car la puissance croit très vite avec eux. Pour l'expérience VKS on a choisit -Rm = 25 -P = 80 kW -Re = 2500000 (écoulement très turbulent) 5/ Expériences Expérience dynamo de Karlsruhe : C'est un écoulement périodique qui suit l'effet a et qui forme donc une dynamo stationnaire. Expérience dynamo de Riga : C'est un écoulement de Ponomarenko; hélicoïdal. Le fluide suit l'effet a et remonte linéairement la colonne. C'est la première expérience qui ait montré l'effet dynamo. Cependant l'écoulement est contraint, on a peu de fluctuations turbulentes. Or le modèle terrestre est assez différent, c'est pourquoi l'expérience VKS a été réalisée. II L'expérience VKS2 1/ Dispositif expérimental On utilise 2 cylindres concentriques contenant 160L de sodium liquide entre 110 et 150 °C, avec des moteurs faisant tourner dans des sens opposés les disques latéraux. Ceci nécessite 300kW de puissance mécanique, qui se transforme en chaleur qu’il faut ensuite évacuer, ce qui nécessite donc aussi 200kW de puissance de refroidissement. Pour les mesures, on utilise un réseau linéaire de 10 sondes à effet Hall selon les 3 axes pour mesurer le champ magnétique et un capteur piezo-électrique pour la pression. Il faut aussi contrôler la température du sodium dans les 2 compartiments. Il est en projet d'installer des sondes de potentiel pour mesurer la fem induite vxB. Pour observer la forme de l'écoulement, on prend une photo de temps de pose court, où l'on ne distingue pas grande chose, ce qui indique que l'on a un écoulement turbulent; avec un temps de pose plus long de l'ordre d'une rotation de disque, on mesure la forme de l'écoulement moyenné et l'on observe un vortex au milieu. On a donc toujours de la turbulence même à grande échelle. 2/ Optimisation de l'écoulement par le CEA de Saclay Pour optimiser l’écoulement, on cherche à diminuer le seuil d’instabilité dynamo. Pour cela, on étudie des écoulements en eau pour déterminer l'influence de l'écoulement moyen, et on réalise des simulations cinématiques de l'équation d'induction du champ magnétique à partir de l'écoulement moyen mesuré. On a aussi cherché à optimiser la consommation énergétique du dispositif. Un des premiers objets d'étude a été l'influence de la forme des pales du disque, de par le réglage du rapport g=poloïdal/toroïdal qui dépend de l'angle a et qui va faire varier le taux de croissance du champ magnétique. L'analyse des courbes expérimentales indique l'existence d'un angle a optimal permettant de maximiser le taux de croissance du champ magnétique. On peut aussi ajouter une couche de sodium au repos à l'extérieur du sodium tournant, ce qui permet pour une valeur w=0,4 de l'épaisseur relative de la couche au repos de passer à un taux de croissance positif, rendant possible l'apparition d'un effet dynamo. Finalement on obtient un disque optimal pour un angle des pales de 24°, une couche au repos d'épaisseur relative w=0.4, et un Rm critique de Rmc=43. 3/ Résultats expérimentaux Pour les premières expériences, on n'observe pas de dynamo; les champs induits croissent linéairement avec le champ appliqué mais on attendait une croissance bien plus importante au voisinage du Rmc prédit. On commence donc par ajouter un anneau équatorial pour supprimer la dynamique lente des tourbillons de la couche de cisaillement. On remplace ensuite les disques en inox par des disques en fer pur, ce qui permet un passage à des conditions aux limites ferro-magnétiques et de découpler l'écoulement derrière les disques. Après ces modifications, on étudie le cas contra-rotatif (2 moteurs en sens opposés) avec des vitesses de rotation W1=W2 et on obtient alors des oscillations des champs avec une bifurcation supercritique de la composante orthoradiale (en moyenne) à partir d'une valeur seuil Rmc=31qui devient significativement supérieure aux 2 autres composantes. Cependant, la bifurcation est imparfaite et l'on n'a pas une nette rupture de pente, ce qui est dû au fer pur de par son aimantation rémanente. On cherche à déterminer l'influence de la géométrie. En plaçant 2 capteurs dans des positions orthogonales, on obtient des résultats similaires, ce qui indique que l'on a un mode de champ induit axisymétrique. On place ensuite 10 capteurs espacés de 2,8 cm plus ou moins profonds dans le cylindre, et l'on voit que l'on a un fort champ axial au centre, et un dipôle axial à l'extérieur. On essaye ensuite de faire tourner les 2 disques à des vitesses différentes F1 et F2, ce qui est en fait équivalent à l'étude du système précedent dans un référentiel en rotation à DF=(F1-F2)/2 où les 2 disques tournent à F=(F1+F2)/2 On introduit alors le nombre sans dimension q=DF/F, qui correspond au taux de rotation. En faisant varier q, on observe alors un grande variété de réponses en champ magnétique : stationnaires, oscillantes, voire présentant des renversements analogues à ceux du champ magnétique terrestre. Dans ce dernier cas, on a ainsi des oscillations du champ autour d'une valeur moyenne, puis un renversements et des oscillations autour de la valeur opposée. La durée des phases stationnaires présente une dispersion importante, et renversements semblent déséquilibrés mais l'on n'en sait pas encore beaucoup sur ce phénomène. On cherche alors à réaliser un diagramme de phase assez simple en choisissant les bonnes variables. Avec Br et Bq, on obtient des trajectoires relativement cohérentes, ce qui indique que le système n'est pas complètement chaotique, et qu'il reste soit immobile ou soit sur une trajectoire simple dans l'espace des phases. Conclusion On a pu observer une dynamo dans un écoulement turbulent non contraint, avec un grande variété de régimes dynamiques : dynamos stationnaires, oscillantes, renversements... On cherche maintenant à comprendre le rôle des différents ingrédients de VKS2 Tout d'abord on veut comprendre le rôle de l'anneau équatorial, on remarque que l'on a réussi à observer une dynamo sans l'anneau. Pour comprendre le rôle des disques de fer pur, on les remplace par des disques isolants pour étudier l'importance des conditions aux limites. D'un point de vue théorique, on veut comprendre quel mécanisme de dynamo intervient dans l'expérience, et si c'est bien une dynamo aw. Enfin, on cherche à évaluer le rôle de la rotation ainsi que celui de la turbulence.