Triangle isocèle ou non
Jean de Biasi(*)
Un triangle isocèle ABC de sommet A (AB =AC) admet un axe de symétrie : la
bissectrice intérieure de l’angle , qui est également hauteur et médiatrice du côté
opposé [BC]. L’existence de cette symétrie montre que, respectivement, les hauteurs,
les médianes, les bissectrices intérieures relatives aux sommets B et C sont égales (de
même longueur). Il en est de même pour les bissectrices extérieures sauf si le triangle
est équilatéral car dans ce cas ces bissectrices sont parallèles aux côtés opposés et
donc de « longueur infinie ».
Qu’en est-il des réciproques ?
1. Si un triangle a deux hauteurs égales il est isocèle.
Soient B1et C1respectivement les pieds des hauteurs
issues de B et de C. Si BB1=CC1les deux triangles
rectangles BCB1et BCC1ont l’hypoténuse égale et un
côté de l’angle droit égal et sont donc égaux. Il en résulte
=et le triangle ABC est isocèle de
sommet A.
Remarque. Cette propriété se démontre également en
considérant l’égalité AB .CC1=AC .BB1obtenue en
exprimant de deux façons le double de l’aire du triangle
ABC.
2. Si un triangle a deux médianes égales il est isocèle.
Démontrons ce résultat de plusieurs façons.
A, B, Csont les milieux des trois côtés.
Avec le centre de gravité :
Les médianes BBet CCse coupent en G centre de gravité du triangle ABC. Comme
G est situé aux deux tiers de chaque médiane à partir du sommet correspondant,
l’égalité BB′=CCimplique l’égalité GB =GC. La droite (GA), qui est également
la droite (AA), est donc la médiatrice de [BC] et le triangle ABC est ainsi isocèle de
sommet A.
Avec le théorème des milieux :
Soit
β
et
γ
respectivement les symétriques de C par rapport à B et de B par rapport
à C.
ACBABC
A
97
Pour chercher et approfondir
APMEP
no444
(*) IREM de Toulouse
BC
A
C1B1
[BC] et [
βγ
] ont le même milieu, A.
(BB) [resp. (CC)] est droite des milieux
dans le triangle A
β
C (resp. A
γ
C). Par
suite A
β
=2BBet A
γ
=2CCet
BB′=CCimplique donc A
β
=A
γ
.
Le triangle A
βγ
est ainsi isocèle de
sommet A ; (AA) est donc médiatrice de
[
βγ
] et par suite de [BC] et le triangle
ABC est isocèle de sommet A.
Avec le théorème de la médiane :
On pose traditionnellement : BC =a, CA =b, AB =c.
Ce théorème donne les égalités : et .
De BB′=CCdécoule alors immédiatement b=c.
3. Si un triangle a deux bissectrices intérieures égales il est isocèle.
La démonstration de cette propriété nest pas aussi simple que pourrait le laisser
penser lanalogie avec les deux résultats qui précèdent.
Par la contraposée :
Montrons que linégalité des angles et implique linégalité des bissectrices
intérieures BD et CE.
Supposons et aigus et >(si lun de ces
angles était obtus le triangle naurait pas beaucoup
de chances d’être isocèle de sommet A).
Soit Γle cercle circonscrit au triangle BCD et K le
point en lequel (CE) recoupe ce cercle.
On a , puis car
.
Il en résulte , doù : BD <CK.
Or et K est entre C et E.
Il en résulte CK <CE et, en définitive, BD <CE.
DBK =C
2
<B
2
=DBE
BD CK<
C<B
2+C
2
BCD <KBC
DBK =KCD =C
2
CBCB
CB
ab c
22 22
22+= +
CCca b
22 22
22+= +
BB
98 APMEP
no444
Pour chercher et approfondir
BCA
A
G
βγ
CB
Γ
BC
A
ED
K
Par le calcul :
D, pied de la bissectrice intérieure issue de B, étant barycentre de (C, c), (A, a), on a
l’égalité cDC aDA =0 et, comme DC +DA =b, il en résulte et
.
Grâce à la formule de Leibniz, cCB2+aAB2=(c+a)BD2+cDC2+aDA2, on
obtient :
et, de manière analogue, pour la bissectrice intérieure issue de C :
Si les bissectrices intérieures BD et CE ont la même longueur on a :
ab [(a+b)2c2](c+a)2ca [(c+a)2b2](a+b)2=0
doù :
(bc)(a+b+c)[a3+a2(b+c) +3abc +bc2+cb2] =0.
Il en résulte b=cet le triangle ABC est isocèle de sommet A.
4. Et si un triangle a deux bissectrices extérieures égales ?
4.1. Étude générale
Supposons le triangle ABC non isocèle de sommet B (ca). Dans ce cas la
bissectrice extérieure de langle de sommet B coupe (AC) en un point D, barycentre
de (C, c), (A, a).
Un calcul analogue au précédent conduit alors à la
valeur :
et, pour la bissectrice extérieure issue de C (si ab) :
BD′=CEéquivaut à :
ca [b2(ca)2](ab)2=ab [c2(ab)2](ca)2.
aest non nul et, évidemment, cette égalité est satisfaite pour b=c. Après quelques
calculs elle prend alors la forme équivalente :
(bc)(b+ca)[bc(b+c3a) + a2(b+c) a3] =0.
CE=−−
222
2
ab cab
ab
()
()
.
BD=−−
222
2
ca bca
ca
()
()
CE222
2
=+−
+
ab ab c
ab
()
()
.
BD222
2
=+−
+
ca ca b
ca
()
()
DA =+
bc
ca
DC =+
ab
ca
99
Triangle isocèle ou non
APMEP
no444
BC
A
D
Remarque : cette relation se déduit de celle du paragraphe précédent en remplaçant
apar a.
Pour un triangle non isocèle de sommet A (bc) et non aplati (b+ca0), elle
se réduit à
bc(b+c3a) + a2(b+c) a3=0 (R)
Si lon se fixe b+c=s>0, alors et bet csont solutions de
l’équation
(E)
Le discriminant de (E) est : .
est positif pour s<2aou s>3a. Mais p>0 exige a<s<3a.
On voit donc que bet cexistent et sont positifs pour a<b+c<2a.
Comme, de plus,
on a, |bc| <a< b+cet il existe bien un triangle, non isocèle, ayant pour longueurs
des côtés a, b, c.
Dans ce triangle les bissectrices extérieures des angles et sont égales.
Ainsi, pour s ]a, 2a[, il existe b et c, avec b +c =s, tels que a, b, c soient côtés d’un
triangle ABC, non isocèle, dont les bissectrices extérieures des angles et sont
égales.
Par exemple, avec a=12, , (E) s’écrit X218X +48 =0 doù:
, , puis : .
4.2. Cas du triangle rectangle
Un triangle ABC ayant la propriété précédente peut-il être rectangle ?
En A ?
On devrait avoir
a2=b2+c2=(b+c)22bc =s22p,
doù
psa
=
22
2
BD CE
==62c=−933b=+933
bc a+= =
3
218
CB
CB
() () (),bc a bc bca a sa
sa
−−=+−===
<
22 2 2 2 3
4
3
0K
∆= −
==
+
saas
sa
sa
sa
saa
232 22
43
2
32
7
4
K
XX
232
30−+
=saas
sa
bc p aas
sa
==
32
3
100 APMEP
no444
Pour chercher et approfondir
et bet cdevraient être racines de l’équation .
bet cétant déjà racines de (E), ceci exigerait
,
doù
(sa)(s22as a2) =0
dont lunique racine positive, différente de a, est , incompatible avec la
condition a<s=b+c<2a. La réponse, ici, est donc négative.
En C (ou B) ?
On devrait avoir c2=a2+b2doù, en reportant dans (R),
Divisant par c3, est alors racine de l’équation
(e1)
Après simplification par , élévation au carré et réduction, on aboutit à :
X44X3+5X21 = 0 (e2)
(e2) admet 0,574 21 pour seule racine appartenant à ]0, 1[. Ce nombre est
également racine de (e1). (Attention : (e1) et (e2) ne sont équivalentes que si
(1 +X X2) et (1 +3X X2) sont de même signe).
Or . Il en résulte 54,956°et dans ce triangle rectangle les
bissectrices extérieures des angles et sont égales.
Il existe un triangle ABC, rectangle en C, unique à une similitude près, tel que les
bissectrices extérieures des angles et sont égales. L’angle vaut
approximativement 54,956°(et l’angle , le complément).
Remarque : l’étude précédente pourrait
être conduite à laide de relations
trigonométriques.
Notant
α
langle en A on a :
.
BD=
a
a
sin π
42
B
ACB
CB
A
X=b
c=cos A
1+X
()( )( ) .11 13 1 0
222
+++− −=XXX XX X
X=b
c
()( )( ) .bcbccb cb bccb+++ −=
22 22 22
30
a12+
()
sa aas
sa
22 32
2
3
=
XX
222
20−+=ssa
101
Triangle isocèle ou non
APMEP
no444
B
C
A
E
D
1 / 7 100%