Triangle isocèle ou non

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no 444
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Triangle isocèle ou non
Jean de Biasi(*)
Un triangle isocèle ABC de sommet A (AB = AC) admet un axe de symétrie : la
bissectrice intérieure de l’angle A , qui est également hauteur et médiatrice du côté
opposé [BC]. L’existence de cette symétrie montre que, respectivement, les hauteurs,
les médianes, les bissectrices intérieures relatives aux sommets B et C sont égales (de
même longueur). Il en est de même pour les bissectrices extérieures sauf si le triangle
est équilatéral car dans ce cas ces bissectrices sont parallèles aux côtés opposés et
donc de « longueur infinie ».
Qu’en est-il des réciproques ?
1. Si un triangle a deux hauteurs égales il est isocèle.
Soient B1 et C1 respectivement les pieds des hauteurs
issues de B et de C. Si BB1 = CC1 les deux triangles
rectangles BCB1 et BCC1 ont l’hypoténuse égale et un
côté de l’angle droit égal et sont donc égaux. Il en résulte
A
ABC = ACB et le triangle ABC est isocèle de
sommet A.
Remarque. Cette propriété se démontre également en
considérant l’égalité AB . CC1 = AC . BB1 obtenue en
exprimant de deux façons le double de l’aire du triangle
ABC.
C1
B
B1
C
2. Si un triangle a deux médianes égales il est isocèle.
Démontrons ce résultat de plusieurs façons.
A′, B′, C′ sont les milieux des trois côtés.
– Avec le centre de gravité :
Les médianes BB′ et CC′ se coupent en G centre de gravité du triangle ABC. Comme
G est situé aux deux tiers de chaque médiane à partir du sommet correspondant,
l’égalité BB′ = CC′ implique l’égalité GB = GC. La droite (GA′), qui est également
la droite (AA′), est donc la médiatrice de [BC] et le triangle ABC est ainsi isocèle de
sommet A.
– Avec le théorème des milieux :
Soit β et γ respectivement les symétriques de C par rapport à B et de B par rapport
à C.
(*) IREM de Toulouse
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[BC] et [βγ ] ont le même milieu, A′.
(BB′) [resp. (CC′)] est droite des milieux
dans le triangle AβC (resp. Aγ C). Par
suite Aβ = 2BB′ et Aγ = 2CC′ et
BB′ = CC′ implique donc Aβ = Aγ .
Le triangle Aβγ est ainsi isocèle de
sommet A ; (AA’) est donc médiatrice de
β
[βγ ] et par suite de [BC] et le triangle
ABC est isocèle de sommet A.
A
C′
B′
G
B
A′
γ
C
– Avec le théorème de la médiane :
On pose traditionnellement : BC = a, CA = b, AB = c.
b2
c2
+ 2BB′ 2 et a 2 + b 2 =
+ 2CC ′ 2 .
2
2
De BB′ = CC′ découle alors immédiatement b = c.
Ce théorème donne les égalités : c 2 + a 2 =
3. Si un triangle a deux bissectrices intérieures égales il est isocèle.
La démonstration de cette propriété n’est pas aussi simple que pourrait le laisser
penser l’analogie avec les deux résultats qui précèdent.
– Par la contraposée :
Montrons que l’inégalité des angles B et C implique l’inégalité des bissectrices
intérieures BD et CE.
Supposons B et C aigus et B > C (si l’un de ces
angles était obtus le triangle n’aurait pas beaucoup
de chances d’être isocèle de sommet A).
Soit Γ le cercle circonscrit au triangle BCD et K le
point en lequel (CE) recoupe ce cercle.
A
E
B
On a DBK = KCD = C , puis BCD < KBC car
2
C<
B C
+ .
2 2
Il en résulte BD < CK , d’où : BD < CK.
C B
< = DBE et K est entre C et E.
2 2
Il en résulte CK < CE et, en définitive, BD < CE.
Or DBK =
Γ
D
K
C
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– Par le calcul :
D, pied de la bissectrice intérieure issue de B, étant barycentre de (C, c), (A, a), on a
l’égalité cDC − aDA = 0 et, comme DC + DA = b, il en résulte DC =
ab
et
c+a
bc
.
c+a
Grâce à la formule de Leibniz, cCB2 + aAB2 = (c + a)BD2 + cDC2 + aDA2, on
obtient :
DA =
BD2 = ca
(c + a )2 − b 2
(c + a )2
et, de manière analogue, pour la bissectrice intérieure issue de C :
CE 2 = ab
(a + b )2 − c 2
(a + b )2
.
Si les bissectrices intérieures BD et CE ont la même longueur on a :
ab [(a + b)2 − c2](c + a)2 − ca [(c + a)2 − b2](a + b)2 = 0
d’où :
(b − c)(a + b + c)[a3 + a2(b + c) + 3abc + bc2 + cb2] = 0.
Il en résulte b = c et le triangle ABC est isocèle de sommet A.
4. Et si un triangle a deux bissectrices extérieures égales ?
4.1. Étude générale
Supposons le triangle ABC non isocèle de sommet B (c ≠ a). Dans ce cas la
bissectrice extérieure de l’angle de sommet B coupe (AC) en un point D′, barycentre
de (C, c), (A, −a).
Un calcul analogue au précédent conduit alors à la
A
valeur :
B
C
b 2 − (c − a )2
2
BD′ = ca
(c − a )2
D′
et, pour la bissectrice extérieure issue de C (si a ≠ b) :
CE′ 2 = ab
c 2 − (a − b )2
(a − b )2
.
BD′ = CE′ équivaut à :
ca [b2 − (c − a)2](a − b)2 = ab [c2 − (a − b)2](c − a)2.
a est non nul et, évidemment, cette égalité est satisfaite pour b = c. Après quelques
calculs elle prend alors la forme équivalente :
(b − c)(b + c − a)[bc(b + c − 3a) + a2(b + c) − a3] = 0.
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Remarque : cette relation se déduit de celle du paragraphe précédent en remplaçant
a par −a.
Pour un triangle non isocèle de sommet A (b ≠ c) et non aplati (b + c − a ≠ 0), elle
se réduit à
bc(b + c − 3a) + a2(b + c) − a3 = 0
(R)
Si l’on se fixe b + c = s > 0, alors bc = p =
a3 − a 2 s
et b et c sont solutions de
s − 3a
l’équation
X 2 − sX +
a3 − a 2 s
=0
s − 3a
(E)
2
a3 − a 2 s
s − 2a 
a
7a 2 
.

=K=
s −  +
s − 3a
s − 3a 
2
4 


∆ est positif pour s < 2a ou s > 3a. Mais p > 0 exige a < s < 3a.
On voit donc que b et c existent et sont positifs pour a < b + c < 2a.
Comme, de plus,
Le discriminant de (E) est : ∆ = s 2 − 4
( s − a)3
< 0,
s − 3a
on a, |b − c| < a < b + c et il existe bien un triangle, non isocèle, ayant pour longueurs
des côtés a, b, c.
(b − c )2 − a 2 = (b + c )2 − 4bc − a 2 = ∆ − a 2 = K =
Dans ce triangle les bissectrices extérieures des angles B et C sont égales.
Ainsi, pour s ∈ ]a, 2a[, il existe b et c, avec b + c = s, tels que a, b, c soient côtés d’un
triangle ABC, non isocèle, dont les bissectrices extérieures des angles B et C sont
égales.
Par exemple, avec a = 12, b + c =
3
a = 18 , (E) s’écrit X2 − 18X + 48 = 0 d’où :
2
b = 9 + 33 , c = 9 − 33 , puis : BD′ = CE ′ = 6 2 .
4.2. Cas du triangle rectangle
Un triangle ABC ayant la propriété précédente peut-il être rectangle ?
En A ?
On devrait avoir
a2 = b2 + c2 = (b + c)2 − 2bc = s2 − 2p,
d’où
p=
s2 − a2
2
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et b et c devraient être racines de l’équation X 2 − sX +
s2 − a2
=0.
2
b et c étant déjà racines de (E), ceci exigerait
s 2 − a 2 a3 − a 2 s
,
=
2
s − 3a
d’où …
(s − a)(s2 − 2as − a2) = 0
(
)
dont l’unique racine positive, différente de a, est a 1 + 2 , incompatible avec la
condition a < s = b + c < 2a. La réponse, ici, est donc négative.
En C (ou B) ?
On devrait avoir c2 = a2 + b2 d’où, en reportant dans (R),
(b + c )(bc + c 2 − b 2 ) − (c 2 − b 2 + 3bc ) c 2 − b 2 = 0.
Divisant par c3, X =
b
est alors racine de l’équation
c
(1 + X )(1 + X − X 2 ) − (1 + 3X − X 2 ) 1 − X 2 = 0.
Après simplification par
(e1)
1+ X , élévation au carré et réduction, on aboutit à :
(e2)
X4 − 4X3 + 5X2 − 1 = 0
(e2) admet 0,574 21… pour seule racine appartenant à ]0, 1[. Ce nombre est
également racine de (e1). (Attention : (e1) et (e2) ne sont équivalentes que si
(1 + X − X2) et (1 + 3X − X2) sont de même signe).
b
Or X = = cos A . Il en résulte A ≅ 54,956° et dans ce triangle rectangle les
c
bissectrices extérieures des angles B et C sont égales.
Il existe un triangle ABC, rectangle en C, unique à une similitude près, tel que les
bissectrices extérieures des angles B et C sont égales. L’angle A vaut
approximativement 54,956° (et l’angle B , le complément).
Remarque : l’étude précédente pourrait
être conduite à l’aide de relations
trigonométriques.
Notant α l’angle en A on a :
a
.
BD′ =
 π a
sin  − 
 4 2
B
A
C
E′
D′
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Puis, dans le triangle ACE′ :
CE′ =
bsin α
.

π
sin  α − 

4
BD′ = CE′ donne alors, en tenant compte de a = b tan α (et après avoir revu ses
formules trigonométriques !) : cos α + tan α = 2.
Cette équation est d’aspect sympathique… mais il faut la résoudre !
En exprimant cos α et tan α en fonction de t = tan
α
, on aboutit à une équation du
2
quatrième degré.
On peut également poser cos α = X et on obtient encore une équation du quatrième
degré, qui est en fait l’équation (e2). C’est rassurant mais il n’y a pas de miracle !
4.3. Lieu géométrique du sommet A, les sommets B et C étant fixés
Fixons B et C et prenons a = 1. b et c sont alors racines de l’équation
X 2 − sX +
1− s
=0.
s−3
Ces deux racines sont :
b=
s− ∆
s+ ∆
, c=
2
2
∆=
s 3 − 3s 2 + 4 s − 4
>0
s−3
avec
pour 1 < s < 2.
Prenons un système d’axes orthonormés, d’origine O milieu de [BC], l’axe x′x étant
porté par (BC) et orienté positivement de B vers C.
A′ étant le projeté orthogonal de A sur x′x on a :
AB2 − AC 2 = c 2 − b 2 = 2BC ⋅ OA ′ = 2 x = s ∆.
Il en résulte :
x=
s
2
s 3 − 3s 2 + 4s − 4 s ( s − 2)( s 2 − s + 2)
=
.
s−3
2
s−3
De plus,
AB2 + AC2 = c 2 + b 2
= 2OA 2 +
1
s 3 − 3s 2 + 2 s − 2
BC 2
= 2OA 2 + = (b + c )2 − 2bc =
.
2
2
s−3
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D’où,
OA 2 = K =
2 s 3 − 6 s 2 + 3s − 1
s−3
et,
y 2 = OA 2 − x 2 = K =
( s − 1) 4 ( s + 1)
.
4(3 − s )
Ainsi, si A est situé dans le premier quadrant, ses coordonnées sont :
( s − 1)2
s ( s − 2)( s 2 − s + 2) ;
y=
2
2
s−3
En faisant varier le paramètre s de 1 à 2 et
en complétant par les symétries par
rapport aux axes on obtient la courbe lieu
géométrique du point A.
B et C sont des points de rebroussement
B
(de première espèce).
x=
Remarque :
La représentation paramétrique précédente prendrait une forme un peu plus
simple en remplaçant s par s + 1.
1 < s < 2 deviendrait 0 < s < 2 1 et le point
de rebroussement en C correspondrait à
s = 0…
s +1 .
3− s
A
E′
C
O
D′
5. Conclusion sous forme de questions :
5.1. Quelqu’un a-t-il rencontré cette étude dans la littérature ?
5.2. Le triangle rectangle du 4.2 a-t-il d’autres propriétés que celle indiquée ici ?
5.3. Existe-t-il une parenté entre la courbe précédente et la néphroïde ?
Pour 5.1, J.-P. Friedelmeyer nous signale que H.S.M. Coxeter évoque ce problème
dans son ouvrage « Redécouvrons la géométrie » (Dunod, 1971), p. 15 - 18 et signale
en particulier le cas remarquable du triangle de O. Bottema dans lequel les angles de
sommets B et C mesurent respectivement 12° et 132°. De façon très élémentaire
(niveau collège) on démontre, par des calculs d’angles, que les triangles BCD′ et
BCE′ sont isocèles de sommets respectifs B et C. Il en résulte BD′ = BC = CE′, d’où
BD′ = CE′ (réciproquement on peut établir que ce triangle est le seul ayant les
bissectrices extérieures en B et C égales à BC et donc égales).
Pour 5.3, peut-être les deux courbes sont elles homologues dans une affinité
orthogonale d’axe BC, mais c’est peu probable car la néphroïde est du troisième
degré.
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