DRAMATICA
1/2009
ANUL LIV 2009
S T U D I A
UNIVERSITATIS BABEŞ – BOLYAI
DRAMATICA
THEATRE, FILM, MEDIA
1
Desktop Editing Office: 51
ST
B.P. Haşdeu, Cluj-Napoca, Romania, phone + 40 264-40.53.52
CUPRINS CONTENT SOMMAIRE INHALT
Articole & Studii
I. À la mémoire de Grotowski et de Ionesco
MONIQUE BANU-BORIE, Le théâtre des années soixante : «l’ère Artaud».........3
DANIELA PESLIN, Jerzy Grotowski in memoriam..............................................23
LAURA PAVEL, Mélodrame et parodie dans le théâtre de Eugène Ionesco.........51
II. Repenser le théâtre elisabethain
GEORGE BANU, Une esthétique en creux. Shakespeare, le monde est une
scène .................................................................................................................65
ADRIAN PAPAHAGI, Christopher Marlowes Doctor Faustus: the renaissance
anti-hero............................................................................................................73
OLIVIA GRECEA, The multilayered Peter Greenaway........................................89
III. Le théâtre et les arts visuels : interférences
NURIA ARAGONEZ Le théâtre vu à travers les arts picturaux. Introduction
à l’analyse de l’image comme source pour l’histoire du théâtre.......................95
STEFANA POP-CURŞEU, Le « théâtre muet » de la peinture. Introduction
à la théâtralité picturale (appliquée à la peinture religieuse) ..........................103
ION POP CURŞEU, Lire le théâtre au miroir de la peinture : la critique d’art
de Baudelaire..................................................................................................129
ANNE LAETITIA GARCIA, Théâtre et opéra : un dialogue incessant..............151
Chronicles and Book Reviews Cronici şi recenzii
DAN łILEA: Silviu Purcărete FAUST. Muzica lui Vasile Şirli sau ispita
unui nou pact...................................................................................................163
MIHAI ANDREI LEAHA: Blestemul ariciului 2004. Un film antropologic
de Dumitru Budrală........................................................................................166
CAMELIA TOMA: Premiul degustătorului de producŃii româneşti -
impactul filmelor lui Nae Caranfil asupra spectatorului (abia) ieşit din
anonimat .........................................................................................................171
STUDIA UNIVERSITATIS BABEŞ-BOLYAI, DRAMATICA, LIV, 1, 2009
Á la mémoire de Grotowski et de Ionesco
LE THÈÂTRE DES ANNÉES SOIXANTE : « L’ÈRE ARTAUD »
MONIQUE BANU-BORIE
ABSTRACT. It is to Artaud as a “theatre poet”, as he was named by
Grotowski, that have led all the great theatrical experiences of the sixties,
either as a meeting point of very different ways of creation, or as a starting
point for new accesses to creation. This article deals with a question put on
the basis of four exemplary adventures – that of Peter Brook, of Grotowski,
of the Living Theatre and of Barba: how can we talk about an “Artaud’s
era” at that period of the XXth century? Not everybody started from
Artaud’s writings, not everybody took Artaud’s metaphors as a horizon of
their creations, but even those who did not know Artaud at the beginning,
did find themselves, as this article is going to show it, on the same
territories as he did. Encounters impossible to avoid…
Keywords: Artaud, Grotowski, Brook, Barba, Living theatre, theatre of
cruelty, ritual, theatrical language.
« Nous entrons maintenant dans l’ère Artaud »
1
, constate Jerzy Grotowski
lorsqu’il publie dans les années soixante un long texte sur Artaud. Mais en même
temps il distingue avec force deux courants. D’un côté celui, qu’il n’hésite pas à
dénoncer avec virulence, des « lamentables » spectacles de l’avant-garde théâtrale
de nombreux pays, celui de toutes ces œuvres « chaotiques et avortées », « pleines
d’une soi-disant cruauté »
2
. Avec ce type de spectacle, le théâtre de la cruauté a
basculé, selon lui, dans la trivialité, a été en quelque sorte « changé contre de la
pacotille »
3
. De l’autre côté, à l’opposé de ce courant, il y a quelqu’un comme Peter
Brook qui ne se tourne pas vers Artaud pour masquer ses propres faiblesses, ni
pour le « singer », mais parce que « il arrive simplement qu’à un certain point de
son développement il se trouve lui-même en accord avec Artaud, il sent le besoin
d’une confrontation, il teste Artaud et retient ce qui reste de cette épreuve »
4
.
Au-delà de la violence des termes, l’opposition que propose Grotowski est
essentielle pour notre propos. Face à une certaine avant-garde qui s’est réclamée
d’Artaud au nom d’une illusion spontanéiste, d’autres ont retenu l’importance de
1
Jerzy Grotowski, « Il n’était pas entièrement lui-même » in Vers un théâtre pauvre, Lausanne, éd.
L’Age d’homme, 1971, p. 85.
2
Ibidem, p. 85-86.
3
Ibidem, p. 85.
4
Ibidem.
MONIQUE BANU-BORIE
4
son discours sur la rigueur. Face à ceux qui ont voulu et cru « faire du théâtre de la
cruauté », d’autres, comme Brook justement, loin de vouloir « réaliser le théâtre de
la cruauté », ont trouvé dans les textes d’Artaud non un modèle à imiter ou des théories
à appliquer mais de véritables principes d’orientation pour créer, pour s’engager
sur la route de réponses concrètes à l’exigence du renouvellement du langage
théâtral. Des réponses concrètes qui ne peuvent être que leurs propres réponses.
Pour ce courant tout se cristallise en fait autour de la rencontre avec une
pensée sur le théâtre, qui est celle d’un poète proposant des métaphores, des visions
et ouvrant ainsi le champ des possibles. « Artaud était un grand poète de théâtre, ce
qui signifie un poète des possibilités »
5
, conclut Grotowski à la fin de son texte.
C’est cet Artaud poète de théâtre que, par des chemins divers et pour ouvrir des
routes différentes, les grandes expériences théâtrales des années soixante ont
rencontré. Il s’agira ici, à partir de quatre aventures exemplaires celles de Brook,
de Grotowski, du Living Theatre et de Barba de se demander en quel sens on
peut parler d’une « ère Artaud » à propos de cette période. Tous ne sont pas partis
des textes d’Artaud, ne se sont pas donné ses métaphores comme horizon, mais
ceux qui ne connaissaient pas Artaud au début de leur chemin se sont, on le verra,
retrouvés sur les mêmes territoires que lui.
Peter Brook et le langage des sources
Peter Brook, qui a longtemps rappelé « nous sommes les enfants d’Artaud »,
est celui qui s’est, à l’origine, le plus explicitement revendiqué de la vision
théâtrale d’Artaud, allant même jusqu’à choisir la dénomination de « Théâtre de la
cruauté » pour le groupe expérimental du Lamda theatre qu’il crée à Londres avec
Charles Marowitz en 1964 en marge de la Royal Shakespeare Company. Lorsque
quelques années plus tard, en 1968, il évoque dans L’espace vide cette expérience,
c’est pour la placer à la fois sous le signe de la quête d’un « théâtre sacré », au sens
de la soif d’une expérience qui dépasse le quotidien, et sous le signe de la quête
d’un langage autre que le langage de mots. En aucun cas il ne s’agissait de
« singer » le théâtre de la cruauté : « le nom du groupe était un hommage à Artaud
mais cela ne voulait pas dire que nous essayions de refaire le théâtre d’Artaud (…)
nous avons utilisé ce terme pour réaliser nos propres expériences, dont beaucoup
étaient stimulées directement par la pensée d’Artaud »
6
.
Cette « pensée » d’Artaud sur le théâtre, c’est en effet pour Brook sa
véritable fécondité, une fécondité qui est à chercher dans ses écrits : « quiconque
veut savoir ce qu’est le théâtre de la cruauté doit se reporter aux écrits d’Artaud »
7
.
Artaud, Brook le rappelle, n’a jamais « réalisé » son propre théâtre et « peut-être
que le force de sa vision tient de ce qu’elle est comme une carotte promenée devant
5
Ibidem, p. 94.
6
Peter Brook, L’Espace vide, Paris, éd. du Seuil, l977, p. 74 (la première édition, anglaise, sous le
titre Empty Space date de 1968).
7
Ibidem.
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